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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 30 mars 2018

Vendredi Saint - 30 mars 2018

Quand Dieu meurt...







Des questions me taraudent lorsque je lis les événements de la Passion : toute cette mise en scène a-t-elle portée les fruits attendus par ceux qui ont déclenché ce drame ? Le grand-prêtre et son Conseil ont-ils dormi du sommeil du juste cette nuit-là ?  Et nous, dormirons-nous mieux de savoir que Dieu est mort sur la croix ? Aurons-nous un sentiment de plus grande liberté maintenant que l’empêcheur de croire en rond n’est plus là pour nous rappeler que l’Alliance de Dieu nous engage et nous oblige ? Quand l’homme se débarrasse de Dieu, sa vie est-elle meilleure ?  

            Certains l’ont cru à travers l’histoire ; certains croient même que Dieu serait l’empêcheur de vivre, l’empêcheur de s’épanouir, l’empêcheur d’être libre. Il faut que l’homme chasse Dieu de sa vie, qu’il le relègue aux oubliettes de son histoire, qu’il le range au rayon « exotisme dépassé et inutile » de ses musées. Ils pensent même que l’homme ne sera pleinement adulte qu’une fois libéré de cette figure tutélaire encombrante. Ne pouvant pas prouver Dieu rationnellement, ils rejettent l’idée même de Dieu et de tout ce qui va avec. L’homme pourrait se sauver lui-même si toutefois il avait besoin d’être sauvé.  

            Les événements de la Passion que nous venons d’écouter nous montrent un homme, Jésus, rejeté, abandonné, livré. Pour ses accusateurs, il n’est qu’un homme qui s’est pris pour Dieu. Au nom de Dieu, il faut l’éliminer ! Il faut protéger Dieu de toute atteinte extérieure. Comme si Dieu avait besoin des hommes pour cela ! Ils sont convaincus de leur bon droit ; ils sont convaincus d’agir en faveur de Dieu, pour préserver leur religion, pour préserver leur peuple. Ils mêlent Dieu à une sombre histoire de jalousie en pensant le servir ainsi. En fait, ils se servent de Dieu ; à tel point qu’ils ne comprennent pas qu’en mettant cet homme à mort, c’est Dieu lui-même qu’ils font mourir. Et pas uniquement parce que Jésus est Fils de Dieu. Non, ils font mourir Dieu parce qu’ils se servent de lui et détournent le droit et la justice. Si le procès avait été juste, cet homme, Jésus, aurait été libéré. Pilate lui-même ne reconnaît-il pas qu’il n’y a aucun motif de condamnation à mort ? Même s’ils ne reconnaissent pas en Jésus celui que Dieu a envoyé dans le monde pour le sauver, ils font mourir Dieu parce qu’ils se servent de lui au lieu de le servir. C’est la grande tentation de l’homme. Il ne veut pas d’un Dieu qui le hisserait à sa hauteur ; il accepte juste un Dieu qu’il peut rapetisser à hauteur d’homme pour que surtout Dieu ne le dérange pas.

            Quand l’homme ne laisse plus Dieu être Dieu, quand l’homme se fait un Dieu à sa taille, quand l’homme ne sert plus Dieu, alors arrive ce que nous avons contemplé lors de la Passion : les criminels sont préférés aux justes, le mensonge est préféré à la vérité, la liberté de faire ce que je veux est préférée à la vraie liberté : celle que Dieu me donne quand il m’offre d’entrer en alliance avec lui. Quand l’homme ne laisse plus Dieu être Dieu, alors Dieu meurt… et l’homme est livré à lui-même, c’est-à-dire au pire qu’il y a en lui. N’y a-t-il donc plus d’espoir ?  

            Quand Jésus meurt en croix, c’est certes Dieu qui meurt, mais Dieu qui s’est livré lui-même à la mort en acceptant cette parodie de justice, en allant jusqu’au bout du chemin des hommes, en allant jusque-là, sur le bois de la croix. Il aurait certes pu sauver l’homme autrement, mais il a voulu affronter le Mal et la Mort, obstacles ultimes au règne de l’Amour et de la Vie véritable. Si l’homme apprend à regarder, il verra dans ces événements de la Passion plus que la mise à mort d’un gêneur. Si l’homme apprend à regarder, il verra dans la croix l’arbre de vie plus fort que l’instrument du supplice. Si l’homme apprend à regarder, il verra que, s’il a voulu se servir de Dieu, c’est Dieu en fait qui servait l’homme et son salut tout au long de ce procès, de cette agonie et dans cette mort. Les gestes du Jeudi Saint prennent leur force dans cette croix dressée, dans ce corps souffrant : voici le corps, voici le sang réellement versé pour le salut du monde. Si l’homme sait regarder et patienter, il verra la puissance de vie qui est en Dieu. Pour l’heure, il y a ceux qui se réjouissent : l’histoire Jésus est terminée ; et il y a ceux qui pleurent un fils, un maître, un ami.  

            Dieu est donc mort sur la croix ! Mais pour ceux qui ont provoqué cette mort, qu’est-ce qui a changé ? L’occupant romain est toujours là ; ils ne sont pas plus libres qu’avant. Ils ne seront pas davantage plus tranquilles : ils ont fait libérer un séditieux. Et pour nous, qu’est-ce que cela va changer ? En quittant cette église, que ferons-nous de ce Jésus qui a donné sa vie pour nous ? Cette célébration aura-t-elle été une parenthèse dans notre journée ou marquera-t-elle le début de quelque chose de neuf dans notre vie ? Laisserons-nous Dieu là, bien fixé sur la croix, ou le prendrons-nous avec nous dans notre quotidien ? Allons-nous nous servir de lui ou commencer à le servir pour qu’enfin le monde change ? Plus que jamais résonnent ces paroles laissées par Dieu à son peuple au désert : Je mets devant toi la vie et la mort, le bonheur et le malheur : choisis ! Amen.

(Enluminure de Frère Jacques)

jeudi 29 mars 2018

Jeudi Saint - 29 mars 2018

La force d'une vie livrée.






            La célébration qui nous réunit en ce soir est indéniablement marquée par les événements qui se sont déroulés ces derniers jours à Trèbes. Comment ne pas voir dans l’acte du lieutenant-colonel Beltrame, qui a donné sa vie pour sauver celle d’une femme qui lui était inconnue, comme une image du geste du Christ que nous commémorons en chacune de nos eucharisties ? Comment, à l’évocation de ce courage, ne pas entendre  au creux de notre mémoire cet extrait de chants religieux qui convient si bien au Jeudi Saint qui nous rassemble : ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne ?

Si nous avions oublié la force de l’acte posé par Jésus en ces heures qui précèdent sa mort, si le temps écoulé depuis nous avait fait oublier que nous étions concernés par ce don, et qu’à notre tour, nous pouvions nous trouver en situation de faire de même, voilà que cette vie échangée dans un magasin de Trèbes nous le rappelle cruellement. Ce que nous célébrons en chacune de nos eucharisties n’est pas romantique ; ce que nous célébrons en chacune de nos eucharisties, ce n’est pas ordinaire, ni banal. Ce que nous célébrons en chacune de nos eucharisties, c’est ce don absolu de la vie d’un homme innocent livré aux mains des coupables que nous sommes. Ce que nous célébrons en chacune de nos eucharisties, c’est l’amour plus fort que la peur, l’amour plus fort que la mort. Ce que nous célébrons en chacune de nos eucharisties, c’est le don de Dieu qui se livre totalement, parce qu’il nous aime, alors même que nous n’avions rien fait pour le mériter.

Qui n’a pas été saisi par un sentiment de reconnaissance envers lui et envers ces hommes et ces femmes qui ont fait de notre sécurité leur métier en apprenant le geste courageux de cet officier vendredi ? Qui n’a pas été saisi d’émotion en apprenant sa mort ? Ce sont ces mêmes sentiments qui devraient nous animer ce soir alors que nous faisons mémoire de ce dernier repas de Jésus avec ses disciples ! Reconnaissance pour sa vie livrée une fois pour toutes afin que les hommes, ceux de son époque, et tous ceux qui suivraient jusqu’à la fin des temps, ne connaissent plus la peur d’être livré au Mal et à la Mort ! Emotion profonde devant cette mort qui nous vaut la vie ! La messe qui nous rassemble n’est pas le repas des amis de Jésus ; elle est le repas où Dieu convoque tous ceux et celles pour qui Jésus a donné sa vie afin qu’à leur tour, ils apprennent, dans les petites choses du quotidien le plus souvent, mais aussi dans le don réel de leur vie quelquefois, à ne pas se satisfaire du Mal, à oser s’élever contre les injustices, à oser prendre la défense du petit maltraité, persécuté, exploité. Le don de Jésus, dans son Corps et dans son Sang, nous oblige !

Ce n’est pas un hasard si les deux gestes rapportés par les évangélistes sont le lavement des pieds et le signe de l’eucharistie : Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, livrés pour vous. Tout est contenu là : le don absolu de Dieu qui livre sa vie pour notre vie et le renvoi vers le frère toujours à servir, toujours à protéger. Comment pourrions-nous avoir part avec le Christ en ignorant sa présence dans chacun être humain qu’il place sur notre route ? Comment pourrions-nous avoir part avec le Christ en sacrifiant encore aux forces de mort qui détruisent notre humanité et donc notre sainteté ? Comment quelqu’un pourrait-il avoir part au Royaume en détruisant la vie par haine de celui qui est différent, par haine de celui qui croit autrement, par haine tout simplement ? Pour tuer le Mal, il ne faut pas tuer l’autre, il faut commencer par tuer le Mal qui nous ronge de l’intérieur. Pour tuer le Mal, il ne faut pas tuer l’autre, il faut commencer par oser s’élever contre tout homme qui a perdu le sens du bien. Pour tuer le Mal, il ne faut pas tuer l’autre, il faut oser s’élever contre quiconque ne sait plus respecter autrui. Pour tuer le Mal, il ne faut pas tuer l’autre, il faut oser s’élever contre celui qui propage des discours de haine. Pour tuer le Mal, il faut ne plus s’habituer à sa présence ; il faut ne plus dire qu’on n’y peut rien ! Jésus, le premier, en offrant sa vie, nous a dit qu’il était possible d’affronter et de vaincre le Mal ; Jésus, en nous invitant au service des hommes, nous a montré la route à suivre. Un homme courageux nous a montré la semaine passée que cette route était la seule à suivre. Nous ne construirons pas un monde meilleur en détournant les yeux. Nous ne construirons pas un monde meilleur en nous taisant. Nous ne construirons pas un monde meilleur en refusant le combat contre toute forme de Mal. Il n’y a pas de petit Mal et de grand Mal : il n’y a que le Mal, toujours à combattre.

Chrétiens, nous recevons le Corps et le Sang livrés du Christ comme une nourriture qui nous rend forts et capable d’affronter toute forme de Mal. En accueillant Jésus dans le Pain et le Vin eucharistique, c’est la vie du Christ que nous accueillons ; c’est la vie du Christ que nous laissons agir en nous pour qu’elle rende actuelle pour nous la libération du Mal. A la suite du Christ, entrons dans ce combat avec courage et détermination. Que plus jamais le Mal ne passe par nous. Amen.  

(Armia El Katcha, Le lavement des pieds, icône copte, publié par France catholique n° 3578)
 

 

 

 

samedi 24 mars 2018

Dimanche des Rameaux B - 25 mars 2018

Mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu.






Nous voici donc (déjà !) rendu au dimanche des Rameaux, ce jour qui inaugure la semaine sainte durant laquelle nous accompagnerons Jésus dans les derniers grands gestes de sa vie terrestre, le tout dernier (l’offrande de sa vie) n’étant pas le moindre puisqu’il est celui par lequel il nous obtient le salut. A l’occasion de cette semaine, nous croisons chaque année quantité de personnages. Jérusalem grouille de monde à l’approche de la Pâque juive. Je voudrais m’intéresser cette année à un personnage en particulier, celui dont l’évangéliste nous dit qu’il suivait Jésus et n’avait pour vêtement qu’un drap.  

            Je reconnais que mon choix peut paraître curieux, d’autant plus qu’on n’en parle que là, au moment précis de l’arrestation de Jésus. Certains commentateurs l’identifient à l’évangéliste Marc lui-même. Mais qu’importe ! Pour l’instant retenons qu’il suivait Jésus. Il est donc comme nous, il est comme tant de ses personnes qui, durant le ministère de Jésus, ont été saisi par sa personne, ses paroles, ses actes. Nous ne savons ni à partir de quand, ni pourquoi, il le suit, mais un jour, il s’est mis en route. Peut-être son intérêt pour Jésus ne remonte-t-il qu’à quelques jours, et plus particulièrement ce jour précis où Jésus est entré triomphalement à Jérusalem. A-t-il été saisi par Jésus en étalant des rameaux ou son manteau (ce qui expliquerait qu’il ne soit là qu’avec un drap) ? Nous ne le saurons pas, l’histoire ne disant rien à ce sujet. Il suit Jésus, sans pour autant être un des Douze. Il suit Jésus ; c’est tout ce qui compte. Il est comme nous ; il est l’un de nous. Nous suivons Jésus, quelquefois sans trop savoir pourquoi. Curiosité ? Intérêt réel ? Qu’importe ! Ce qui compte, pour ce jeune homme, comme pour nous, ce n’est pas de savoir pourquoi, ni depuis combien de temps, mais de savoir simplement que nous suivons Jésus. Et il le suit à ce moment précis où les choses se gâtent pour Jésus. Il le suit encore quand il est dit des disciples qu’ils l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Il ne reste personne de ceux que Jésus a appelé. Il ne reste personne, chez Marc, du groupe des Douze. L’arrestation de Jésus a fait son effet : plus de Maître, plus de disciples ; logique. 

            Ce jeune homme n’est guère différent ; il suit Jésus, mais quand on essaya de l’arrêter, lui, lâchant son drap, s’enfuit tout nu. Ne rions pas trop vite, nous ne savons pas ce que nous aurions fait. Et pourquoi devrait-il rester alors que ses proches l’ont abandonné ? Pourquoi devrait-il témoigner en sa faveur alors que Pierre ne tardera pas à le renier ? Pourquoi devrait-il suivre encore Jésus alors que c’est l’un des siens, Judas, qui l’a trahi et livré ? Il s’enfuit donc tout nu. Il ne reste rien, à ceux qui ont arrêté Jésus, pour retenir ce jeune homme. Ils n’ont plus de prise sur lui. Et lui non plus n’a plus rien ; nu comme un ver, nu comme le jour où il est sorti du ventre de sa mère. Nu, comme Adam et Eve jadis, après avoir désobéi à Dieu. Quand, ayant suivi Jésus, on l’abandonne en cours de route, on est comme ce jeune homme, nu comme un ver, n’ayant plus rien pour cacher sa honte, n’ayant plus personne pour le protéger. Ayant fait le choix de ne pas rester plus longtemps avec Jésus parce que cela pouvait se révéler plus difficile, il se retrouve sans rien, ni personne. En abandonnant celui qu’il avait décidé de suivre un moment de sa vie, il est comme nos premiers parents, tournant le dos à celui qui devait être leur tout. Nous partageons cette nudité d’Adam et Eve lorsque nous tournons le dos à la Loi d’amour du Christ. Nous partageons cette nudité du jeune homme lorsque nous arrêtons de suivre Jésus, lorsque nous nous éloignons de lui. Nous partageons la nudité de ce jeune homme lorsque, par crainte, nous cachons notre appartenance à Jésus Christ. Sans Jésus, nous ne sommes rien. Sans Jésus, nous ne pouvons rien. Sans Jésus, il ne reste que la fuite et la honte d’être nu !  

            Au début de cette semaine sainte, que ce jeune homme nous inspire. Nous suivrons Jésus, pas à pas, tout au long de cette semaine sainte. Suivons-le avec ardeur ; suivons-le avec courage. Son chemin de croix est notre chemin de vie. Mais cela, nous ne le découvrirons qu’en restant avec lui, jusqu’au bout du chemin, jusqu’au pied de la croix. Nous l’avons acclamé au début de notre célébration comme roi ; suivons-le désormais en serviteurs fidèles et il nous revêtira du vêtement du salut. Amen.

 

 

 

 

dimanche 18 mars 2018

05ème dimanche de Carême B - 18 mars 2018

Connaître Dieu pour être sauvé.






Tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands. Telle est la promesse faite par Dieu lui-même à son prophète Jérémie. Telle est la promesse que nous pouvons voir s’accomplir pour nous alors que notre carême entre dans sa dernière ligne droite, avant la grande semaine qui nous fera revivre les derniers jours du Christ. Car si l’Eglise nous offre chaque année cinq semaines pour nous préparer aux fêtes pascales, c’est bien pour que nous puissions approfondir notre foi et ainsi mieux connaître celui en qui nous mettons notre confiance.  

Quand cette promesse est faite à Jérémie, le peuple que Dieu s’est choisi ne traverse pas la période la plus glorieuse de son histoire. Au contraire, après des années de décisions politiques désastreuses, combinées à des années d’éloignement progressif de Dieu, le prophète du Seigneur a annoncé la ruine de Jérusalem. Le peuple connaîtra la déportation en terre étrangère ; il ne restera rien de la grandeur passée ; Dieu lui-même semblera avoir oublié son peuple. Et pourtant, avant même que tout cela n’arrive, voici que Dieu fait une promesse : une nouvelle alliance, qui permettra à chacun de connaître Dieu personnellement et qui se traduira par le pardon des péchés. Le peuple de Dieu pourra vivre l’exil soit comme un désastre soit comme un temps de purification en vue du retour en grâce devant Dieu. Quand la colère de Dieu semble se déchainer, sa miséricorde n’est jamais loin, déjà à l’œuvre pour que l’homme puisse vivre encore, malgré tout !  

Voyez-vous, le salut de l’homme, c’est la grande affaire de Dieu, la seule qui doit l’empêcher de dormir, si tant est que Dieu dorme ! Il ne peut se satisfaire d’un homme qui s’en va à sa perte. N’oubliez pas que c’est lui qui a créé l’homme, à son image et à sa ressemblance. En lui donnant la vie, il s’est engagé envers lui. Toute l’histoire biblique en témoigne. Il a même offert son Fils unique, Jésus, pour que l’homme retrouve le chemin vers le cœur de Dieu. Jésus est celui qui réalise la nouvelle alliance en son propre sang : la prière d’ouverture de la messe de ce dimanche nous rappelait fort justement que le Christ a donné sa vie par amour pour le monde, et la lettre aux Hébreux qu’il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. Il est celui que nous devons suivre. Il est celui que nous devons écouter. Il est le grain de blé tombé en terre, qui meurt et qui porte beaucoup de fruits. Pour reprendre encore la prière d’ouverture, il est celui dont nous devons imiter avec joie la charité 

N’est-ce pas là le meilleur moyen de connaître Dieu par le cœur : en imitant sa charité, en imitant l’amour débordant de son cœur ? Tout le carême tend vers cela ; nos attentions renouvelées aux autres, notre prière réveillée, une participation plus consciente aux sacrements, voilà les moyens pour connaître mieux notre Dieu, les moyens de remplir notre part de cette alliance nouvelle que Jésus a signé de sa vie. Nous sommes les fruits nombreux qu’il porte lorsque nous vivons de son amour, lorsque nous portons attention à celui qui croise notre route, lorsque nous sortons de nous-mêmes pour construire avec tous un monde plus juste et fraternel. Nous sommes les fruits nombreux qu’il porte lorsque nous nous engageons pour le respect de la vie à tous les stades de son évolution. Nous sommes les fruits nombreux qu’il porte lorsque nous nous engageons pour la sauvegarde de notre planète. Nous sommes les fruits nombreux qu’il porte lorsque nous faisons grandir en nous et autour de nous sa vie offerte.  

Ce n’est pas en vain que nous avons été invités à un renouvellement de la vie spirituelle : pour accueillir les grâces des fêtes pascales, il nous faut ce temps de préparation, ce temps de redécouverte de Dieu, de son amour pour nous, de la puissance de son pardon. Il en va de notre retour en grâce, du pardon de nos péchés, de notre vie avec Dieu, pour aujourd’hui et jusque dans l’éternité. Amen.


samedi 10 mars 2018

04ème dimanche de Carême B - 11 mars 2018

La croix, signe de la miséricorde de Dieu pour nous.






Nous voici déjà bien avancé dans le temps du Carême. Plus de la moitié du chemin est parcouru. Et plus nous progressons, plus nous sommes confrontés au noyau dur de notre foi : la croix du Christ. Elle est, et sera toujours, la pierre d’achoppement, scandale pour les uns, folie pour d’autres, signe de l’amour de Dieu pour nous. Notre salut vient de la croix du Christ, offert par amour, que cela plaise ou non. C’est ce que nous enseigne la deuxième lecture de ce dimanche. 

Lorsque nous entendons Paul dans sa lettre aux Ephésiens, nous constatons qu’il situe d’abord notre salut dans l’axe de la miséricorde de Dieu. Dieu est riche en miséricorde, affirme-t-il d’entrée de jeu. Sa richesse dans la miséricorde se doit de surpasser notre richesse dans le péché. Je sais bien qu’il n’est plus de bon ton aujourd’hui de souligner nos manques, nos péchés : mais comment être touché par la grâce de Dieu, comment accueillir Dieu et sa miséricorde, si nous ne regardons pas honnêtement notre vie ? Ouvrir notre cœur et notre vie à Dieu, c’est faire la vérité sur notre vie en exposant à son regard d’amour et de miséricorde notre condition pécheresse. Non pour nous humilier devant Dieu, mais pour mieux accueillir les dons qu’il nous fait, pour mieux accueillir son salut. Parce que Dieu nous aime tellement qu’il nous veut sauvés, c’est-à-dire libérés des entraves du Mal et de la Mort, pleinement vivants.  

En relisant l’histoire sainte du peuple d’Israël dans le Premier Testament, nous observons que la miséricorde de Dieu va jusqu’à se servir d’un païen – le roi Cyrus – pour venir en aide à son peuple et lui manifester sa grâce. Rien n’empêchera Dieu de faire grâce à ceux et celles qui se tournent vers lui avec un cœur humble et sincère ; rien n’empêchera Dieu de faire grâce à ceux et celles qui se tournent vers lui en reconnaissant leur péché. Nous connaissons l’immense amour de Dieu pour nous ; nous connaissons la route à suivre pour accueillir cette miséricorde ; nous connaissons le remède à notre Mal. Pourquoi dès lors avoir tant de mal à prendre la route et à nous convertir ? Pourquoi avoir tant de mal à employer le bon remède qu’est le sacrement de la réconciliation, dans cette forme précise qu’est la rencontre en cœur à cœur avec Dieu à travers l’un de ses prêtres ?  Dieu attend chacun de nous personnellement pour lui manifester les trésors de grâce qu’il tient en réserve.  

Paul insiste : c’est par la grâce que vous êtes sauvés. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes ; personne ne peut en tirer orgueil. Paul, dès le début de son ministère, lutte contre une religion de l’effort et de la sueur, une religion extérieure au cœur de l’homme. Rien de ce que nous pourrons faire, en dehors d’une vraie conversion et d’une vraie reconnaissance de notre besoin de Dieu, rien donc ne nous sauvera. Il y a à accueillir Dieu et sa grâce dans notre vie. Et nous manifestons cet accueil par notre art de vivre, car il y a bien un art de vivre chrétien, c’est-à-dire une manière chrétienne d’aborder la vie avec ses joies et ses peines. Il y a bien une manière chrétienne d’aborder la morale. Il y a bien une manière chrétienne d’aborder les relations humaines. Tout ce qu’il nous est donné de vivre, nous avons à le vivre avec le Christ, comme le Christ. En nous donnant son Esprit, Dieu lui-même nous donne de vivre comme le Christ, entièrement donné à Dieu et à nos frères. Il nous donne même son Esprit pour que nous puissions comprendre l’œuvre de salut réalisée en Jésus. Il nous donne son Esprit pour que là, au pied de la croix, nous découvrions l’amour de Dieu à l’œuvre. Tout est donné pour que le croyant puisse reconnaître ce que Dieu fait pour lui par Jésus Christ ; tout est donné pour qu’il puisse suivre le Christ sur ce même chemin. Nous n’avons donc pas à craindre la route ; le Christ l’a ouverte pour nous. Nous n’avons pas à craindre les épreuves ; le Christ les a vaincues pour nous. Nous n’avons même plus à craindre la mort ; sur la croix, le Christ la met à mort ; par delà la croix, le Christ nous ressuscite et nous partage désormais sa vie. Voilà ce que fait l’immense amour de Dieu pour nous. Voilà le mystère que nous avons à méditer et à accueillir.  

Dieu nous aime : c’est la vérité que la croix proclame ! Dieu nous veut vivant avec lui : c’est la vérité que le passage par la croix nous révèle ! Rien ne peut détourner Dieu de son amour pour nous et de sa volonté de nous sauver, si ce n’est nous-mêmes, et notre refus de le laisser entrer dans notre vie. Le Christ crucifié est notre route ; le Christ ressuscité est notre lumière. Venons à la lumière pour qu’il soit manifeste que [nos]œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. Venons à la lumière et vivons dans la vérité. Amen.
(Dessin de M. Leiterer)

samedi 3 mars 2018

03ème dimanche de Carême B - 04 mars 2018

Oser dire Dieu.





Puis-je parler de Dieu sans risque ? Puis-je poser une parole sur celui qui aime l’homme et entre en relation avec lui en lui donnant tout ? Puis-je parler de Dieu sans en faire « Mon Dieu » ? C’est-à-dire sans risquer de mettre trop vite la main sur lui et l’enfermer dans mes idées ? Tout prédicateur doit, un jour ou l’autre, affronter ces questions qui ne lui sont pas réservées. En effet, tout croyant qui veut témoigner de sa foi honnêtement se heurte nécessairement à ces mêmes questions. Car il s’agit bien, pour tout croyant quel que soit son statut, de parler de Dieu aux hommes de la manière dont Dieu lui-même se présente à eux. Que dit Dieu de lui-même ? Que laisse-t-il découvrir de lui ? Les lectures de ce troisième dimanche de Carême nous donne des éléments de réponses. 

            Le passage du Livre de l’Exode nous permet de reconnaître en Dieu celui qui vient libérer l’homme : Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage. Voilà bien posé le cadre des relations entre l’homme et Dieu ; voilà bien posé le cadre de tout discours sur Dieu. Ce cadre, c’est celui de l’Alliance conclue jadis avec le peuple lors de la libération de l’esclavage. Le Dieu en lequel nous croyons est ce Dieu qui a manifesté à l’homme son amour en lui redonnant confiance, en le faisant sortir d’une vie impossible et indigne de l’homme. Quand notre Dieu parle de lui, il vient nous redire qu’il veut notre bonheur et notre vie. Le Dieu vivant veut que l’homme vive à son tour, de la même vie !  

            Mais ce passage vient aussi nous apprendre que notre Dieu est le Dieu fidèle. Ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération. Autant dire toujours ! Quand Dieu parle de lui, il fait donc référence à cette alliance conclue avec l’humanité, alliance qu’il s’engage à respecter et dans laquelle il nous engage ! Cette fidélité fait que jamais Dieu ne pourra revenir sur sa volonté de faire vivre l’homme, et de le faire vivre libre et heureux. Il semble important à Dieu lui-même, lorsqu’il se communique et lorsqu’il communique sa loi, de rappeler ces deux points en préalable. Une manière de dire : je te propose une loi à respecter, certes ; mais cette loi n’est pas injuste, cette loi n’est pas autoritaire. Elle est simplement la suite et la conséquence logique de l’amour que j’ai pour toi, amour que je t’ai manifesté dans le passé, amour que je te manifesterai encore dans le futur.  

Ce Dieu libérateur et fidèle, Jésus continue de le révéler par toute sa vie. J’avoue que dans l’Evangile de ce matin, il le fait de manière curieuse, pour ne pas dire violente. Ce nettoyage en règle du Temple dit son attachement jaloux à Dieu. Il lui est insupportable que l’homme réduise l’alliance avec Dieu à un marchandage commercial : je t’offre un bœuf ou une brebis, en échange tu me donnes… Il chasse les marchands du Temple pour que l’homme retrouve avec Dieu une relation « humaine » vraie. Entre Dieu et les hommes, il ne saurait être question d’argent ou de cadeaux. Entre Dieu et les hommes se joue la vérité d’une vie. Jésus se situe bien dans la ligne de quelques prophètes qui avaient déjà annoncé que la fumée des sacrifices, Dieu les avait en dégout. Relisez le psaume 50 : Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé. Ce que Dieu attend de nous, c’est que notre cœur soit à lui. Il est le Dieu des cœurs à cœurs, le Dieu des relations profondes. Il exige tout de nous parce qu’il nous donne tout, en Jésus. Paul nous le rappelait dimanche dernier déjà dans sa lettre aux Romains.  

Ce même Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens lue en ce dimanche, achève de nous dérouter dans nos discours sur Dieu. Il nous invite à le découvrir là où nous ne l’attendions pas. Il rappelle que Dieu ne se trouve ni dans des signes miraculeux, ni dans une sagesse. Dieu n’est ni un miracle, ni un système de pensée. Dieu s’est révélé en Jésus. Paul en a fait l’expérience sur le chemin de Damas. Et désormais et pour toujours, la figure de Jésus sera la pierre d’achoppement : scandale pour ceux qui voient dans la croix un abaissement inadmissible de la part de Dieu ; folie pour ceux qui ne s’appuient que sur la raison, refusant toute transcendance, niant l’existence de Dieu parce que non vérifiable scientifiquement. A croire Paul, notre Dieu serait un Dieu fou si nous l’évaluions à mesure humaine. Ce qu’il a fait pour l’homme, personne ne l’a jamais fait auparavant. Pour ceux qui ne connaissent pas Dieu, cela peut sembler pure folie que d’avoir donné son fils et d’avoir permis qu’il soit crucifié, mis à mort pour le salut des hommes. C’est pourtant ce qu’il a fait, une fois pour toutes, pour tous et pour chacun. Parler de Dieu aux hommes, c’est parler de ce don inouï. Parler de Dieu, quand on est chrétien, c’est parler de l’alliance qu’il a conclu avec les hommes en Jésus, mort et ressuscité. En lui réside désormais la vie de l’homme ; en lui, réside désormais le salut de l’homme. 

Oser parler de Dieu, c’est finalement oser parler de notre expérience avec lui. En quoi Dieu est-il mon libérateur ? De quoi me suis-je senti délivré par lui ? Comment est-il mon Sauveur ? Ce n’est sans doute pas un hasard si la Congrégation pour la Doctrine de la Foi vient d’envoyer un courrier aux évêques rappelant ce qu’est le salut apporté par Jésus Christ : non pas un bien-être intérieur, ni plus de richesses, mais la communion réelle et plénière avec Dieu. Le document nous rappelle fort justement que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine. Lorsque nous parlons de Dieu, que ce soit toujours dans cet unique but : permettre à notre auditeur de se découvrir sauvé, appelé à la vie avec Dieu. AMEN.

(Dessin de M. LEITERER)