La conduite du Seigneur n'est pas la bonne : vraiment ?
La conduite du Seigneur n’est pas la bonne. Ainsi commençait l’extrait du prophète Ezéchiel proposé ce dimanche à notre méditation. Ce verset est extrait du chapitre 18 de ce beau livre biblique ; c’est le verset 25 précisément. Pour le comprendre, il faut relire ce qui précède. Cela nous permettra de dire si l’homme a raison de parler ainsi de Dieu et de porter un jugement moral sur l’œuvre de Dieu, ou pas.
Les premiers versets de ce chapitre sont les suivants : La parole du Seigneur me fut adressée : « Qu’avez-vous donc, dans le pays d’Israël, à répéter ce proverbe : “Les pères mangent du raisin vert, et les dents des fils en sont irritées” ? Dieu dénonce une croyance qui mettra des siècles à disparaître. Elle consiste à dire que si la génération des pères fait du mal, c’est à la génération des fils de l’expier. Nous en avons une belle trace dans le Nouveau Testament, dans la bouche même des Apôtres, lorsque Jésus et ses disciples croisent la route d’un aveugle de naissance. C’est dans l’évangile de Jean au chapitre 9 : En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Comme s’il eut été normal qu’il soit né aveugle à cause d’un péché commis par les parents. Le prophète Ezéchiel a vécu plus de 500 ans avant Jésus Christ, et son enseignement n’est toujours pas assimilé. Car c’est bien contre cette croyance que lutte Ezéchiel. Ce qu’il veut faire comprendre, c’est que chacun est responsable du mal qu’il fait, comme chacun est responsable du bien qu’il fait. Personne ne peut et ne doit vivre sa relation à Dieu par procuration ou à crédit.
Dans ce bel oracle du Seigneur adressé à son prophète, Dieu fait l’éloge de l’homme juste, l’homme qui respecte le droit, l’homme qui ne se tourne pas vers les idoles, l’homme qui respecte les dix commandements, l’homme qui est charitable, et il lui assure la vie. Le bien fait n’est jamais perdu ; le bien fait trouvera sa récompense : Un tel homme est juste, c’est certain, il vivra. Mais la parole adressée par Dieu à son prophète ne s’arrête pas là. Elle se poursuit ainsi : Mais si cet homme a un fils violent et sanguinaire, coupable d’une de ces fautes, – alors que lui n’en a commis aucune – un fils qui, de plus, va aux festins sur les montagnes et rend impure la femme de son prochain, qui exploite le pauvre et le malheureux, qui commet des fraudes, ne restitue pas un gage, lève les yeux vers les idoles immondes et se livre à l’abomination, qui prête à intérêt et pratique l’usure, ce fils-là vivra-t-il ? Il ne vivra pas ; il s’est livré à toutes ces abominations : il sera mis à mort, et son sang, qu’il soit sur lui ! Le père n’est pas responsable du dévoiement de son fils ; il a observé la Loi, il aura, sans doute aucun, appris à son fils à faire de même, mais ce fils ne l’a pas suivi. Tant pis pour ce fils. Et pour que l’enseignement soit clair et complet, l’oracle se fait plus précis encore. Il affirme en effet : Mais voici : un homme a un fils qui voit tous les péchés qu’a commis son père, il les voit sans les imiter, il ne va pas aux festins sur les montagnes, ne lève pas les yeux vers les idoles immondes de la maison d’Israël, ne rend pas impure la femme de son prochain, il n’exploite personne, ne prend pas de gages, ne commet pas de fraude, donne son pain à celui qui a faim et couvre d’un vêtement celui qui est nu, il détourne sa main du mal, ne prélève pas d’intérêt et ne pratique pas l’usure, il accomplit mes ordonnances et marche selon mes décrets. Ce fils ne mourra pas à cause des fautes de son père, c’est certain, il vivra. Mais son père, s’il a pratiqué la violence, commis des fraudes et n’a pas bien agi au milieu de son peuple : il mourra en raison de sa faute. Puisque chacun a sa vie, chacun ne peut être responsable que de ce qu’il fait ou pas. Personne ne peut reporter sur un autre le mal qu’il commet ; personne ne peut porter au crédit d’un autre le bien qu’il fait. Et personne n’est enfermé dans un système : le fils d’un père mauvais peut-être bon malgré tout. Et pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, Dieu précise aussitôt : Or vous dites : “Pourquoi le fils ne porte-t-il pas la faute de son père ?” Le fils a pratiqué le droit et la justice, il a observé tous mes décrets et les a pratiqués : c’est certain, il vivra. Celui qui a péché, c’est lui qui mourra ! Le fils ne portera pas la faute de son père, ni le père, la faute de son fils : la justice sera la part du juste, la méchanceté, celle du méchant.
C’est cela, la conduite de Dieu que l’homme juge n’être pas la bonne. Il voudrait que le fils porte la faute du père ou inversement. Quelle drôle de justice l’homme prône-t-il donc ? Cet oracle nous rappelle qu’il n’y a pas de solidarité possible dans le mal ; cela s’appellerait de la complicité. Seul le Christ, au moment de sa passion, prendra sur lui les péchés de tous les hommes, les nôtres, pour les mettre à mort sur sa croix. Mais nul autre ne peut le faire. Si, vivants dans le mal, vous comptez sur la génération suivante pour vous sauver, c’est peine perdue, dit le Seigneur à son prophète, donc à nous. Chacun est responsable de sa vie ; chacun est responsable de ses actes. La justice à hauteur de Dieu l’exige ; celle des hommes ferait bien de s’en inspirer. Ne disons pas trop vite qu’il en est bien ainsi en notre beau pays de France aujourd’hui. Rien n’est plus faux ! Il suffit de regarder le sort réservé aux enfants de parents français partis faire le jihad ! Quand bien même leurs parents sont morts ou en prison, de trop nombreux enfants, souvent très jeunes parce que nés à l’étranger, ne peuvent rejoindre leurs grands-parents en France, parce que nous leur faisons porter la faute de leurs parents. Comprenez-vous : ils pourraient devenir terroristes à leur tour ! Que fait-on de la puissance de l’amour ? Croyons-nous que l’amour d’un grand-père, d’une grand-mère, d’un oncle ou d’une tante, parfaitement étrangers aux comportements de ceux qui sont partis peut transformer une vie et changer un cœur ? Ou sommes-nous tellement englués dans le mal que nous ne pensons même plus que d’autres peuvent en sortir ?
La conduite du Seigneur n’est-elle vraiment pas la bonne quand il annonce que chacun désormais sera responsable de ses actes ? Est-ce vraiment terrible d’entendre Dieu dire : Je ne prends plaisir à la mort de personne, – oracle du Seigneur Dieu – : convertissez-vous, et vous vivrez. » ? Ce sont là les derniers mots du chapitre dix-huit d’Ezéchiel. C’est là surtout le dernier mot de Dieu à tout homme pécheur. Il ne pourra jamais faire plus belle proposition que celle-ci. Que le juste continue de vivre dans la justice ; que le méchant se détourne de son mal, qu’il se convertisse et qu’il vive. C’est un beau résumé de l’alliance que Dieu propose à tous. C’est l’alliance pour laquelle Jésus a donné sa vie sur la croix. En levant les yeux vers le signe de notre foi, la croix dressée, nous devrions avoir le mal en horreur. En levant les yeux vers la croix dressée du Christ, un cri de joyeuse espérance devrait monter de nos lèvres : Jésus, Fils du Dieu Sauveur, aie pitié de moi. La conversion commence par ce cri ; elle se poursuit par une vie digne de l’œuvre du Christ comme le rappelle Paul dans sa lettre aux Philippiens : ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. Ayez le même amour, les mêmes sentiments. Alors apparaît en pleine lumière la justesse de la conduite du Seigneur, qui fait vivre le juste et invite le méchant à la conversion, s’il veut vivre lui-aussi. Nous en revenons toujours au choix proposé jadis par Moïse à son peuple : Aujourd’hui, choisis la vie ou la mort, Dieu ou pas Dieu. Mais choisis. Amen.