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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

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Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 26 septembre 2020

26ème dimanche ordinaire A - 27 septembre 2020

 La conduite du Seigneur n'est pas la bonne : vraiment ?




            La conduite du Seigneur n’est pas la bonne. Ainsi commençait l’extrait du prophète Ezéchiel proposé ce dimanche à notre méditation. Ce verset est extrait du chapitre 18 de ce beau livre biblique ; c’est le verset 25 précisément. Pour le comprendre, il faut relire ce qui précède. Cela nous permettra de dire si l’homme a raison de parler ainsi de Dieu et de porter un jugement moral sur l’œuvre de Dieu, ou pas. 

            Les premiers versets de ce chapitre sont les suivants : La parole du Seigneur me fut adressée : « Qu’avez-vous donc, dans le pays d’Israël, à répéter ce proverbe : “Les pères mangent du raisin vert, et les dents des fils en sont irritées” ? Dieu dénonce une croyance qui mettra des siècles à disparaître. Elle consiste à dire que si la génération des pères fait du mal, c’est à la génération des fils de l’expier. Nous en avons une belle trace dans le Nouveau Testament, dans la bouche même des Apôtres, lorsque Jésus et ses disciples croisent la route d’un aveugle de naissance. C’est dans l’évangile de Jean au chapitre 9 : En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Comme s’il eut été normal qu’il soit né aveugle à cause d’un péché commis par les parents. Le prophète Ezéchiel a vécu plus de 500 ans avant Jésus Christ, et son enseignement n’est toujours pas assimilé. Car c’est bien contre cette croyance que lutte Ezéchiel. Ce qu’il veut faire comprendre, c’est que chacun est responsable du mal qu’il fait, comme chacun est responsable du bien qu’il fait. Personne ne peut et ne doit vivre sa relation à Dieu par procuration ou à crédit. 


            Dans ce bel oracle du Seigneur adressé à son prophète, Dieu fait l’éloge de l’homme juste, l’homme qui respecte le droit, l’homme qui ne se tourne pas vers les idoles, l’homme qui respecte les dix commandements, l’homme qui est charitable, et il lui assure la vie. Le bien fait n’est jamais perdu ; le bien fait trouvera sa récompense : Un tel homme est juste, c’est certain, il vivra. Mais la parole adressée par Dieu à son prophète ne s’arrête pas là. Elle se poursuit ainsi : Mais si cet homme a un fils violent et sanguinaire, coupable d’une de ces fautes, – alors que lui n’en a commis aucune – un fils qui, de plus, va aux festins sur les montagnes et rend impure la femme de son prochain, qui exploite le pauvre et le malheureux, qui commet des fraudes, ne restitue pas un gage, lève les yeux vers les idoles immondes et se livre à l’abomination, qui prête à intérêt et pratique l’usure, ce fils-là vivra-t-il ? Il ne vivra pas ; il s’est livré à toutes ces abominations : il sera mis à mort, et son sang, qu’il soit sur lui ! Le père n’est pas responsable du dévoiement de son fils ; il a observé la Loi, il aura, sans doute aucun, appris à son fils à faire de même, mais ce fils ne l’a pas suivi. Tant pis pour ce fils. Et pour que l’enseignement soit clair et complet, l’oracle se fait plus précis encore. Il affirme en effet : Mais voici : un homme a un fils qui voit tous les péchés qu’a commis son père, il les voit sans les imiter, il ne va pas aux festins sur les montagnes, ne lève pas les yeux vers les idoles immondes de la maison d’Israël, ne rend pas impure la femme de son prochain, il n’exploite personne, ne prend pas de gages, ne commet pas de fraude, donne son pain à celui qui a faim et couvre d’un vêtement celui qui est nu, il détourne sa main du mal, ne prélève pas d’intérêt et ne pratique pas l’usure, il accomplit mes ordonnances et marche selon mes décrets. Ce fils ne mourra pas à cause des fautes de son père, c’est certain, il vivra. Mais son père, s’il a pratiqué la violence, commis des fraudes et n’a pas bien agi au milieu de son peuple : il mourra en raison de sa faute. Puisque chacun a sa vie, chacun ne peut être responsable que de ce qu’il fait ou pas. Personne ne peut reporter sur un autre le mal qu’il commet ; personne ne peut porter au crédit d’un autre le bien qu’il fait. Et personne n’est enfermé dans un système : le fils d’un père mauvais peut-être bon malgré tout. Et pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, Dieu précise aussitôt : Or vous dites : “Pourquoi le fils ne porte-t-il pas la faute de son père ?” Le fils a pratiqué le droit et la justice, il a observé tous mes décrets et les a pratiqués : c’est certain, il vivra. Celui qui a péché, c’est lui qui mourra ! Le fils ne portera pas la faute de son père, ni le père, la faute de son fils : la justice sera la part du juste, la méchanceté, celle du méchant. 


            C’est cela, la conduite de Dieu que l’homme juge n’être pas la bonne. Il voudrait que le fils porte la faute du père ou inversement. Quelle drôle de justice l’homme prône-t-il donc ? Cet oracle nous rappelle qu’il n’y a pas de solidarité possible dans le mal ; cela s’appellerait de la complicité. Seul le Christ, au moment de sa passion, prendra sur lui les péchés de tous les hommes, les nôtres, pour les mettre à mort sur sa croix. Mais nul autre ne peut le faire. Si, vivants dans le mal, vous comptez sur la génération suivante pour vous sauver, c’est peine perdue, dit le Seigneur à son prophète, donc à nous. Chacun est responsable de sa vie ; chacun est responsable de ses actes. La justice à hauteur de Dieu l’exige ; celle des hommes ferait bien de s’en inspirer. Ne disons pas trop vite qu’il en est bien ainsi en notre beau pays de France aujourd’hui. Rien n’est plus faux ! Il suffit de regarder le sort réservé aux enfants de parents français partis faire le jihad ! Quand bien même leurs parents sont morts ou en prison, de trop nombreux enfants, souvent très jeunes parce que nés à l’étranger, ne peuvent rejoindre leurs grands-parents en France, parce que nous leur faisons porter la faute de leurs parents. Comprenez-vous : ils pourraient devenir terroristes à leur tour ! Que fait-on de la puissance de l’amour ? Croyons-nous que l’amour d’un grand-père, d’une grand-mère, d’un oncle ou d’une tante, parfaitement étrangers aux comportements de ceux qui sont partis peut transformer une vie et changer un cœur ? Ou sommes-nous tellement englués dans le mal que nous ne pensons même plus que d’autres peuvent en sortir ? 


            La conduite du Seigneur n’est-elle vraiment pas la bonne quand il annonce que chacun désormais sera responsable de ses actes ? Est-ce vraiment terrible d’entendre Dieu dire : Je ne prends plaisir à la mort de personne, – oracle du Seigneur Dieu – : convertissez-vous, et vous vivrez. » ? Ce sont là les derniers mots du chapitre dix-huit d’Ezéchiel. C’est là surtout le dernier mot de Dieu à tout homme pécheur. Il ne pourra jamais faire plus belle proposition que celle-ci. Que le juste continue de vivre dans la justice ; que le méchant se détourne de son mal, qu’il se convertisse et qu’il vive. C’est un beau résumé de l’alliance que Dieu propose à tous. C’est l’alliance pour laquelle Jésus a donné sa vie sur la croix. En levant les yeux vers le signe de notre foi, la croix dressée, nous devrions avoir le mal en horreur. En levant les yeux vers la croix dressée du Christ, un cri de joyeuse espérance devrait monter de nos lèvres : Jésus, Fils du Dieu Sauveur, aie pitié de moi. La conversion commence par ce cri ; elle se poursuit par une vie digne de l’œuvre du Christ comme le rappelle Paul dans sa lettre aux Philippiens : ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. Ayez le même amour, les mêmes sentiments. Alors apparaît en pleine lumière la justesse de la conduite du Seigneur, qui fait vivre le juste et invite le méchant à la conversion, s’il veut vivre lui-aussi. Nous en revenons toujours au choix proposé jadis par Moïse à son peuple : Aujourd’hui, choisis la vie ou la mort, Dieu ou pas Dieu. Mais choisis. Amen.

 

 

samedi 19 septembre 2020

25ème dimanche ordinaire A - 20 septembre 2020

 Mes pensées ne sont pas vos pensées...






(Tableau de Nicolaes Cornelisz Moyaert, Les ouvriers de la dernière heure, Pays-Bas, XVIIème siècle)




          Parmi toutes les difficultés que l’homme peut rencontrer avec Dieu, il en est une qui tient une place particulière parce qu’elle est, au fond, fondamentale : celle de la représentation que nous nous faisons de Dieu. Entre le Dieu que l’Eglise nous présente, ce que l’on comprend de lui et ce que l’on rêve de lui, il y a souvent une large palette, pleine de toutes les couleurs possibles selon que l’on soit de bonne ou de mauvaise humeur, selon qu’il fasse beau ou gris, selon que l’on soit optimiste ou pessimiste… Le prophète Isaïe le résume assez bien dans ce verset entendu en première lecture : Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins. 

            Ne nous illusionnons pas : nous avons tous, à un moment ou à un autre de notre histoire, rêvé Dieu. Comme ce serait bien si Dieu était ceci ou cela, s’il faisait ainsi plutôt que comme cela. Les divers courants qui traversent une religion ne sont pas seulement l’expression de sensibilités liturgiques différentes. A y regarder de près, il faut bien convenir que souvent est en cause aussi une manière de représenter Dieu, de parler de lui. Un exemple assez prégnant aujourd’hui concerne la manière d’inviter les gens à la confession : vous aurez ceux qui ne parleront que de péchés, de leur gravité et de la nécessité de les débusquer tous et un par un, et ceux qui vous parleront d’abord de la miséricorde de Dieu. Selon que vous entendrez l’un ou l’autre, vous aurez l’impression de ne pas avoir à faire au même Dieu ; vous aurez d’un côté le Dieu que l’homme ne peut jamais satisfaire et pour qui l’homme est une déception permanente et de l’autre, vous aurez celui qui pardonne sans fin au point qu’on peut se demander s’il ne se fait pas un peu avoir avec son côté bisounours. Et je me rends compte alors de la difficulté qu’il y a à parler de Dieu à une assemblée qui est composée d’hommes, de femmes, quelquefois d’enfants, si divers dans leur parcours, dans leur évolution, au point que je me demande s’il faut tout simplement encore parler de lui. Renoncer à en parler n’est pourtant pas une option. Il nous faut parler de Dieu ; il nous faut le présenter aux hommes. 

            La première lecture et l’évangile de ce dimanche nous invitent alors à le faire en prenant Dieu comme il est, à laisser Dieu être le Dieu qu’il veut être. A l’appel d’Isaïe, allons à la recherche de Dieu tant qu’il se laisse trouver. Mais cherchons-le en laissant là nos catégories, nos schémas de pensée car autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées, dit le Seigneur. Autrement dit, accueillons Dieu tel qu’il se révèle à nous, en nous souvenant du nom qu’il avait révélé jadis à Moïse : Je suis qui je suis, c'est-à-dire je suis celui dont tu auras besoin selon les circonstances de ta vie. Ou encore laisse-moi être pour toi celui que je t’estimerai nécessaire. Laisse-moi être Dieu, quoi ! Une belle manière de nous dire que nous ne pouvons, et nous ne devons pas, mettre la main sur Dieu. Dire à Dieu ce qu’il doit être pour nous, c’est déjà ne plus le laisser être Dieu à sa manière ; c’est déjà en faire une idole. 

            La parabole que Jésus raconte nous montre un maître de domaine qui va employer des ouvriers au petit matin. Il fixe avec eux un salaire qu’ils estiment justes (une pièce d’argent pour la journée de travail) puisqu’ils vont se mettre à son service. Et voilà que le maître du domaine recommence son embauche vers neuf heures, vers midi, vers trois heures et enfin une dernière fois vers cinq heures, à une heure de la fin de journée. La promesse de ce maître à tous ces autres embauchés est de leur donner ce qui est juste, sans autre précision de montant. Quand vient le temps de payer tout ce monde, il donne à chacun la même chose, qu’importe le temps qu’ils aient passé dans la vigne. La réaction des premiers embauchés, payés curieusement en dernier, ne se fait pas attendre. En recevant leur pièce d’argent, ils s’estiment lésés alors qu’ils sont les seuls qui avaient un contrat clair qu’ils ont accepté. Ils ont eu ce qui avait été acté le matin. Leur révolte vient du fait que le maître du domaine a jugé bon de donner à tous ce qu’il n’a défini qu’avec les premiers. Aurions-nous été les premiers que nous aurions sans doute réagi de la même manière. Nous estimons tous que celui qui travaille plus doit gagner plus. Souvenons-nous juste des réactions qu’a pu susciter la proposition d’un salaire universel faite par un candidat aux élections présidentielles. 

            Dès lors que nous imaginons que Dieu est celui qui nous rétribue pour nos actions, il faut que la rétribution soit juste à vue humaine. Ainsi le croyant le plus pieux, le plus ancien, le plus fidèle devrait avoir une meilleure place que celui qui vient de se convertir. Il est encore courant, dans certaines de paroisses, de croire que les gens croyants et pratiquants ont droit, par exemple, à la présence de la chorale pour des funérailles ou pour un mariage, alors que les autres, ceux que l’on ne voit jamais ou si peu, pourraient s’en passer. On me l’a fait comprendre ainsi au début de mon ministère : notre chorale ne chante que les mariages des familles de choristes. Et je pourrais multiplier les exemples de ce genre… Il y a des gens pour croire que, parce qu’ils sont engagés dans la paroisse, parce qu’ils vont à la messe tous les dimanches… ils ont droit à plus de la part de Dieu que le commun des mortels qui ne fait qu’assister à la messe de temps en temps. Nous avons nos valeurs, nos échelles de valeurs, et Dieu, s’il est juste, doit s’y conformer. Les ouvriers de la première heure récriminaient contre le maître du domaine : « Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur ! » 

            Heureusement pour nous, Dieu n’est pas le trésorier payeur général que nous imaginons souvent. Dieu est Dieu, à la manière de Dieu, et non à la manière des hommes. Heureusement aussi que Dieu ne se soucie pas de son image, mais uniquement de sa justice, de sa miséricorde et par-dessus tout, il se soucie de nous, il se soucie de l’homme, de tous les hommes, de tout l’homme. Rien de ce qui fait notre vie ne lui est indifférent : ni nos joies, ni nos peines, ni nos réussites, ni nos échecs. A chacun, quelle que soit sa vie, il propose la même chose : une alliance d’amour appuyée sur sa miséricorde infinie. Il n’y a pas d’autre contrat ; il n’y a pas d’autre rétribution. Dieu nous paie en amour et en miséricorde. Et c’est bien ainsi ; et c’est mieux ainsi pour nous. Ce que nous avons à rechercher, ce n’est pas le strapontin 3628 au paradis parce qu’il est plus proche de Dieu que le 10625. Ce que nous avons à chercher, c’est l’amour de Dieu pour nous ; ce qu’il nous donne d’expérimenter, c’est sa miséricorde à notre égard. Les ayant trouvé et expérimenté, nous serons alors invités à les vivre à notre tour avec nos frères et sœurs en humanité. Entendons bien la parole du maître à l’un des serviteurs de la première heure : Mon ami (noter l’intimité du mot), je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? Qui est assez fou pour dire à Dieu comment il doit être Dieu ? Qui est assez fou pour dire à Dieu que la manière qu’il a d’être Dieu pour nous ne peut pas être la même que celle qu’il a pour d’autres ? 

            Laissons-là nos imaginaires sur Dieu. Laissons Dieu être Dieu à sa manière. Il ne nous en aimera que davantage. Laissons-le exercer sa miséricorde comme il l’entend et non comme nous la pratiquons entre nous. Il pourrait toujours se trouver quelqu’un qui estimerait que nous méritons moins d’amour et moins de miséricorde que lui ; s’il avait une place plus grande dans le cœur de Dieu que nous, nous serions perdus. Laissons à Dieu la possibilité d’être Dieu, pour tous et chacun à sa manière ; laissons l’amour de Dieu et sa miséricorde s’exercer envers nous selon nos besoins, sans nous préoccuper de la manière dont il les exercent pour les autres. Si nous croyons que Dieu est Unique, croyons aussi que son amour et sa miséricorde pour nous sont uniques. Et puisque ce sont les hommes qui sont différents, acceptons que cet amour et cette miséricorde uniques soit exercés de manière différente, pour répondre au mieux aux besoins de chacun. C’est ainsi que notre Dieu unique se veut Dieu pour tous. Amen.

samedi 12 septembre 2020

24ème dimanche ordinaire A - 13 septembre 2020

 Tous débiteurs ?



(Dessin de Coolus, Le Lapin bleu)



            Ben Sirac avait prévenu : Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur. Jésus enfonce le clou : C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. La messe est dite : il nous faut donc pardonner, il n’y a pas le choix, sous peine de ne pas être pardonné en retour par Dieu. Pour ne pas être pris en défaut, soyons au clair avec les signes qui montreront que nous savons pardonner. 

            Le premier signe nous est donné par Ben Sirac : c’est le renoncement nécessaire à la rancune et à la colère, faute de quoi nous serons poussés à nous venger. Rancune et colère peuvent sembler séduisantes quand du mal nous est fait ; mais elles sont vénéneuses et nous conduisent à notre perte. La colère est un mal qui ronge ; selon Ben Sirac, Dieu lui-même ne peut guérir ce mal si nous l’entretenons. Quant à la rancune, elle est un obstacle au pardon puisqu’elle nous fait ressasser sans cesse le mal commis à notre égard. Rancune et colère sont les barreaux de la prison dans laquelle nous nous enfermons, si nous leur cédons. La vengeance qu’elles appellent n’apporte rien de bon, jamais.  

            Le deuxième signe nous est encore indiqué par le Sage. C’est la fidélité aux commandements, dont il faut toujours se rappeler l’introduction : Ecoute, Israël… je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage. La fidélité aux commandements s’inscrit dans le geste libératoire de Dieu envers son peuple. Sur les bords de la Mer Rouge, nous sommes devenus les débiteurs de Dieu qui a libéré son peuple de l’esclavage. Nous qui nous reconnaissons de son peuple, nous pouvons dire que Dieu nous a rendus libres, une fois pour toute. C’est une dette perpétuelle. Et durant la longue marche au désert, il nous a montré le chemin quotidien de cette liberté. Le respect de ses commandements n’est pas une contrainte, mais une libération de nos côtés sombres, libération des esclavages auxquels nous consentons : désir de possession, désir de puissance, désir d’être notre propre Dieu. L’écoute de sa Parole et le respect de sa Loi nous remettent constamment à notre juste place face à Dieu, face aux autres. Rancune, colère, jalousie sont « soignées » par notre engagement à vivre de cette Loi fondamentale. 

            Le troisième signe que nous savons pardonner est la reconnaissance indiquée par Paul dans sa lettre aux Romains du fait que nous vivons pour le Seigneur. Ceci est propre aux chrétiens. Vivre pour le Christ, c’est reconnaître d’abord qu’il a livré sa vie pour nous. Si la libération d’Egypte était une dette perpétuelle, que dire de celle que le Christ a contracté pour nous ? Elle est inextinguible, parce que son amour pour nous est inextinguible. Comment, devant la croix, refuser de pardonner, alors même qu’elle nous montre le prix de notre pardon par Dieu. Il a fallu que Jésus s’offre sur la croix pour que nous soyons pardonnés par Dieu. Qui pense pouvoir rembourser cette dette immense ? Qui pense que la croix vaut moins pour lui que le mal qu’un frère a pu commettre à son encontre ? Si nous pensons que nous sommes les créanciers de nos frères, la croix nous rappelle que nous sommes d’abord les débiteurs de Dieu. Nous sommes ce serviteur prostré aux pieds de son roi, l’implorant de toutes ses forces : Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout. Nous sommes ce serviteur que le maître laisse repartir en lui remettant sa dette. Nous ne pourrons jamais la rembourser ; nous ne pourrons jamais égaler le geste du maître. Mais nous pouvons nous en approcher. Nous pouvons faire ce que ce serviteur n’a pas su ou voulu faire : remettre les pauvres dettes de nos frères puisque Dieu nous a remis notre immense dette. Nous pouvons nous montrer dignes de ce geste d’amour ; nous pouvons nous considérer comme débiteur de l’amour de Dieu. A ceux qui refusent d’être les débiteurs de l’amour de Dieu, Jésus annonce déjà le jugement qui sera prononcé : dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait. Vivre pour le Seigneur, c’est vivre de son amour ; vivre pour le Seigneur, c’est faire rayonner cet amour autour de nous. L’amour est le puissant levier du pardon. Sans amour, pas de pardon possible. Sans pardon, pas d’amour possible. Tout est lié ! 

            Débiteurs éternels devant Dieu, ne laissons pas nos querelles humaines devenir des obstacles à l’amour de Dieu pour nous. Ne laissons pas nos querelles humaines remettre en cause le pardon que le Christ nous a chèrement obtenu. Pardonnons pour être pardonnés ; aimons comme nous sommes aimés : passionnément, infiniment. C’est l’invitation que le Christ nous adresse aujourd’hui pour notre salut. Qu’il en soit ainsi. Amen. 


samedi 5 septembre 2020

23ème dimanche ordinaire A - 06 septembre 2020

 Ecoutons la voix du Seigneur !



           Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! L’antienne du psaume de ce dimanche résume admirablement l’ensemble des lectures de ce jour, et nous indique ainsi une voie spirituelle dont nous ne pouvons faire l’économie. L’écoute est la posture fondamentale du croyant face à Dieu. Avant même de parler à Dieu, il nous faut l’écouter. Que ce soit le prophète Ezéchiel, le psalmiste, saint Paul, ou encore saint Matthieu, c’est bien de cela qu’ils nous parlent tous. 

            Le psalmiste avertit : Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit. Ce que demande le psalmiste, c’est la fin de l’ingratitude. Le temps du désert qu’il évoque, c’est le temps de la libération d’Egypte. C’est l’œuvre maîtresse de Dieu vis-à-vis de son peuple. Et pourtant, ce même peuple, loin de se réjouir, se révolte de nombreuses fois au cours de sa marche vers la terre promise. Combien de fois Dieu a-t-il dû écouter son peuple geindre : Ah, c’était bien mieux avant, en Egypte… Pourquoi nous en a-t-il fait sortir ? Était-ce pour nous faire mourir ici ? Avec en arrière-plan, cette question lancinante : n’avons pas été fous de l’écouter et de le suivre ? Peut-être, sans doute même. Des siècles plus tard, Paul invitera les chrétiens de Corinthe à devenir fou pour devenir sage, car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Ecouter Dieu, c’est toujours prendre un risque, mais un risque mesuré puisque Dieu ne veut pour nous que le meilleur. 

            A ceux qui s’interrogent pourquoi écouter Dieu, les réponses sont multiples. Je voudrais en évoquer trois. La première raison que nous avons d’écouter Dieu, c’est parce qu’il nous parle. Il est un Dieu de relation, un Dieu qui entre en alliance avec nous ; et pour que cette alliance soit effective et fructueuse, il nous faut y consentir, donc la comprendre, et pour la comprendre l’avoir écoutée ! Si nous n’écoutons pas Dieu, nous ne saurons jamais ce qu’il attend de nous. Ne nous plaignons pas de ne rien entendre, si nous sommes incapables d’écouter ! Une deuxième raison que nous avons d’écouter Dieu, c’est qu’il peut nous choisir, il peut faire de nous un guetteur pour avertir de sa part, comme il l’a fait pour Ezéchiel. Il se joue quelque chose de plus grand que ma propre existence dans le fait d’écouter ou pas. Il ne s’agit pas que de moi et de ma vie ; l’extrait du prophète Ezéchiel nous montre que la vie des autres passe aussi par mon écoute. Il y a une responsabilité partagée dans la foi et dans l’écoute de Dieu. Nous sommes responsables les uns des autres. Ceci nous amène à la troisième raison que nous avons d’écouter Dieu, c’est que le salut est en jeu. Le bénéfice qu’il y a à écouter Dieu, va au-delà de la vie présente ; écouter Dieu nous prépare à la vie éternelle. Si je n’apprends pas à écouter Dieu dès maintenant, comment l’entendrais-je quand il m’appellera à partager sa joie et son Royaume ? 

            A ceux qui s’interrogent comment Dieu nous parle, la liturgie, par le choix des textes de ce dimanche, répond de multiples manières. Dieu parle par la Loi qu’il a donnée et que le commandement de l’amour résume parfaitement. Cette Loi est Parole de Dieu ; elle est à écouter, elle est à vivre. Il parle aussi par ses Prophètes : eux-aussi sont à écouter et à suivre. Pour nous, chrétiens, Dieu parle par son Fils Jésus ; il est la parole ultime de Dieu livrée au monde. Il ne faut pas seulement croire en Lui, mais l’écouter et le suivre. Les Evangiles en témoignent à chaque page. Il nous parle enfin par le frère et par l’Eglise. C’est tout l’enseignement de Jésus à ses disciples aujourd’hui. Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes… s’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Eglise ; s’il refuse encore d’écouter l’Eglise, considère-le comme un païen et un publicain. Ceci nous montre bien que la Parole de Dieu circule librement, largement. Si elle est peu suivie, c’est peut-être parce qu’elle est peu entendue. Nous pouvons, nous devons toujours mieux faire dans l’écoute de cette Parole que Dieu nous adresse, pour notre vie, pour notre salut. 

            Ne soyons pas comme ceux qui ont tourné dans le désert et y sont morts à force de ne pas écouter Dieu. Ne fermons pas notre cœur ; écoutons la Parole du Seigneur, aujourd’hui, et chaque jour de notre vie. Amen.