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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 26 janvier 2020

3ème dimanche ordinaire A - 26 janvier 2020

Etranges étrangers.








Ne trouvez-vous pas qu’il y a quelque chose d’étrange dans ce passage d’Evangile ? Jésus, encore un parfait étranger à ce moment-là de l’évangile de Matthieu, apprenant l’arrestation de Jean le Baptiste, commence sa mission. Jusque-là tout va bien : des prédicateurs, des maîtres de la Loi, cela ne manque pas en Judée, Samarie ou Galilée. Rien de choquant ! D’autant plus que Jean le Baptiste avait fortement marqué les esprits et pris les devants. Non, ce qui est surprenant, c’est la suite (l’appel des premiers disciples), ou plutôt la manière dont cette suite se passe. Parce qu’un maître qui a des disciples, ça ne manque pas non plus en Judée, Samarie ou Galilée. 

En règle générale, ce sont les disciples qui se choisissent un maître ! Je décide l’enseignement que je désire suivre.  Les gens qui venaient au Baptiste, ce n’est pas lui qui les a appelés ; ce sont eux qui sont venus vers lui. Et vous trouverez cela dans toute l’Antiquité. Voyez en Grèce, les grands philosophes ; leurs disciples sont venus à eux ! Jésus, lui, appelle : Simon et André, Jacques et Jean, ne l’ont pas entendu prêcher ; ils étaient chacun occupés, qui à jeter les filets dans la mer (donc un peu loin du rivage quand même !), qui à réparer leurs filets au retour de la pêche. Dans les deux cas, il est dit : Jésus vit deux frères. Il ne les connaît pas, pas plus qu’eux ne le connaissent. Pourtant, il les appelle et plus curieux encore, ceux-ci obéissent : Aussitôt, ils le suivirent. Nous ne savons rien de ce qui a poussé Jésus choisir ces quatre-là. Nous n’en savons pas plus sur les motivations de ces quatre pour ainsi tout laisser et partir à la suite de cet étranger qui appelle. Mais il y a un fait : quand Jésus appelle, les hommes se bougent. Nous pourrons interroger les textes longtemps ; nous n’en saurons pas plus. Nous ne saurons pas pourquoi Jésus n’en a pas appelé d’autres à ce moment précis de son histoire ; nous ne saurons pas ce qui a déclenché l’envie de suivre Jésus chez ceux qu’il a ainsi appelé. Nous devons nous contenter des faits et en tirer un enseignement pour nous. 

Le premier enseignement à tirer pour nous, c’est que Jésus appelle, nous appelle. Il nous faut donc être attentifs comme Pierre et André, comme Jacques et Jean. Jésus ne semble pas avoir de critère particulier. Il voit, il appelle à suivre. Mais le fait qu’il appelle, par deux fois, deux frères, est peut-être un signe de ce qu’ont à vivre ceux qu’il appelle. Ils ont à vivre quelque chose de cette fraternité qui désormais va au-delà des liens du sang. Peut-être ces deux fratries sont-elles pour nous un appel à vivre entre nous, qui suivons le Christ aujourd’hui, cette fraternité qui unissait Simon et André, ainsi que Jacques et Jean. Il nous faudra un jour nous interroger sur les contours de cette fraternité, qui n’a rien à voir avec le pays des bisounours. Mais c’est posé comme un jalon clair : ceux qui suivront Jésus seront frères, différents, mais frères. 

Le deuxième enseignement, c’est que nous ne pouvons pas remettre à demain la réponse. Aussitôt, ils le suivirent. Il y a une réelle urgence à se décider sur le champ pour celui qui appelle. Quand l’appel est lancé, la réponse est attendue. Elle ne peut être que oui ou non ; jamais peut-être. Et elle doit être sans regret : laissant leurs filets, laissant la barque et leur père, ils le suivirent. Il y a une sorte de radicalité dans cet appel, en tous les cas une urgence qui ne souffre ni délai, ni atermoiement. C’est tout de suite qu’il nous faut répondre. Et je dirai mieux : c’est chaque jour qu’il faut répondre à nouveau. Chaque matin, il nous faut refaire le choix de Jésus ; chaque matin, il nous faut refaire le choix de la fraternité. Elle peut être blessée, la fraternité ; personne n’est parfait. Mais elle est à choisir à nouveau, sans délai. Elle est le signe de l’attachement à Jésus. 

Le troisième enseignement, c’est la mission qu’il confie d’emblée à ceux qu’il a appelés : être pêcheur d’hommes. Autrement dit, en entraîner d’autres à la suite de Jésus. Ceux qu’il a appelés seront ses témoins, ses ouvriers, ses chargés de mission. Ils sont appelés à travailler avec leur maître. Pas pour eux, pas pour lui, mais avec lui pour les autres. C’est la mission de chaque baptisé aujourd’hui. C’est notre mission à nous tous ici présents. Quand les cloches sonnent le rassemblement, c’est Jésus qui renouvelle son appel à le suivre. Quand la communauté cherche des hommes et des femmes pour une tâche particulière, c’est Jésus qui appelle à le suivre. Quand la fraternité est blessée et qu’il faut reconstruire, c’est Jésus qui appelle à le suivre. 

Vous pouvez penser que c’est un étrange étranger, ce Jésus qui appelle ; vous pouvez penser que ce sont d’étranges étrangers, ces hommes qui répondent sans réfléchir. Mais ils sont le début de ce qui est aujourd’hui notre Eglise. Serons-nous d’étranges étrangers qui choisissent, à la suite du Christ, de vivre la fraternité ? Ou resterons-nous d’étranges étrangers, prompts à juger, à condamner, à dénoncer ? Le choix est nôtre : Jésus a appelé ; il nous faut répondre. Amen.




samedi 18 janvier 2020

2ème dimanche ordinaire A - 19 janvier 2020

Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.







Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Telle est l’affirmation de Jean le Baptiste lorsqu’il voit Jésus venir vers lui.  Les gens qui étaient là, autour de lui, ont-ils bien compris le sens de cette affirmation ? Et nous, qui reprenons cette parole dans notre liturgie eucharistique, comprenons-nous bien ce que nous affirmons lorsque nous prononçons ces mots ? 

Voici l’Agneau de Dieu. Déjà rien que cette appellation singulière, pour la comprendre, il nous faut nous souvenir des rites de la Pâque juive, lors de laquelle un agneau sans défaut est sacrifié et partagé au cours d’un repas. Son sang versé est, au moment de la sortie d’Egypte, le signe de l’alliance entre Dieu et les hommes, le signe de la promesse de Dieu de ne pas exterminer son peuple en même temps que les premiers-nés des Egyptiens. Ce sang est source de salut, source de vie pour tous ceux qui sont dans une maison marquée du sang de l’agneau.  En identifiant Jésus à l’Agneau de Dieu, Jean le Baptiste identifie clairement Jésus comme celui qui vient sauver les hommes et comme celui qui est la vie des hommes. Ceux qui sont là, sur les rives du Jourdain, n’en ont sans doute pas conscience, mais ils pourront le découvrir en marchant à la suite de Jésus, en faisant confiance au témoignage de Jean le Baptiste. Ce témoignage n’est pas vain, puisqu’appuyé sur la parole de celui qui l’a envoyé baptiser : Moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’ Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. Tout est dit ; tout est certifié ; mais tout est-il entendu ? Tout est-il cru ? 

Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Ainsi est formulée l’affirmation complète de Jean le Baptiste. Il faut nous y intéresser car elle nous dit comment Jésus nous sauve. Il ‘enlève le péché du monde’ recouvre une double réalité, un double mouvement. Le premier mouvement consiste à prendre sur lui notre péché : il nous en débarrasse. Le Mal auquel nous nous habituons si bien, la violence dont nous sommes friands, l’orgueil qui nous fait nous prendre pour Dieu, il les ôte de notre vie. Il nous en libère, rendant à notre humanité son véritable visage. Il fait œuvre de salubrité publique en nettoyant ainsi nos vies. Il nous redit que nous pouvons vivre sans tout cela ; le péché n’est pas nécessaire à nos vies d’hommes ; le péché est même une entrave à notre rencontre avec Dieu. Jésus nous rend à nouveau beau devant Dieu en prenant sur lui ce qui assombrit notre vie, ce qui enlaidit notre existence. Libérés du péché par le Christ, nous sommes à nouveau aimables. 

C’est le second mouvement de cette expression : il enlève le péché du monde. En effet, enlevant le péché de notre vie, il l’enlève aussi de devant le regard de Dieu. Quand Dieu, après le sacrifice du Christ, regarde notre vie, il ne voit plus notre péché que le Christ a fait disparaître. Il nous voit à travers son Fils, ce Fils plein de grâce et de vérité, ce Fils qu’il a donné par amour du monde, ce Fils qu’il a offert pour que le monde soit sauvé. Dieu nous voit à nouveau tel qu’il nous a créés ; il voit en nous son Fils unique qui n’est qu’obéissance au Père, Amour donné, Amour livré, Amour plus fort que la mort même. Ayant été aimés du Christ au point qu’il prenne sur lui notre péché et le fasse disparaître, nous pouvons être pleinement aimé du Père qui reconnaît en nous la trace du passage de son Fils bien-aimé, celui en qui il trouve toute sa joie. Ainsi nous savons que nous sommes réellement libérés du péché puisque vivants à nouveau de la grâce de Dieu, vivants à nouveau sous le regard aimant du Père. 

L’expression « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » n’est donc pas une parole poétique sur Jésus. Elle nous dit tout de la vie et de l’œuvre de celui qui s’approche de Jean le Baptiste ; elle nous dit tout de la vie et de l’œuvre de celui qui s’approche de notre vie pour que nous l’accueillions et le suivions, jour après jour. Il nous veut sauvés et libres. Il nous veut acquis à Dieu, son Père. C’est celui-là que nous reconnaîtrons tout à l’heure dans le Pain consacré et partagé : Jésus, le Christ, qui vient à nous, se fait notre nourriture, pour nous sauver en nous donnant sa vie, en prenant sur lui notre péché. Il est celui qui rend possible notre conversion ; il est celui qui rend possible notre vie. Avec Jean, confessons et témoignons qu’il est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Avec Jean et tous les témoins de l’Evangile qui ont proclamé le Christ à travers les siècles, témoignons de lui par notre vie renouvelée et libérée, afin que le monde croie et se convertisse à une vie qui plaise à Dieu. Amen.


(Matthias Grünewald, Détail du panneau de la crucifixion, Retable d'Issenheim, 1512-1516, Musée Unterlinden, Colmar)

samedi 11 janvier 2020

Baptême du Christ A - 12 janvier 2020

Le baptême de Jésus nous renvoie à notre baptême.






Quiconque a suivi, ne serait-ce que de manière approximative le catéchisme, sait que le baptême que donne Jean n’a pas grand chose à voir avec notre baptême. Et pourtant, comment ne pas réfléchir à notre propre baptême au moment où nous célébrons celui du Christ Sauveur ? Car, si le baptême de Jean est donné aux hommes en signe de conversion, le baptême de Jésus, par la manifestation extraordinaire qui l’accompagne, donne sens à notre propre baptême. Le don de l’Esprit Saint et la parole du Père introduisent déjà à ce que sera le baptême chrétien. 

Ne sous-estimons pas ces deux éléments. Le don de l’Esprit est nécessaire, même pour Jésus, puisque celui-ci va inaugurer sa mission et aura bien besoin de cette force divine pour la remplir pleinement. L’Esprit Saint manifeste le lien tout particulier qui unit Dieu à Jésus. Ce lien est exprimé clairement par la Parole entendue : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui, j’ai mis tout mon amour ». Voilà redit, par un signe et une parole, la nature particulière de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Et si nous relisons alors le passage des Actes que nous avons entendu, nous comprenons que toute la vie de Jésus, ses paroles et ses actes, sont la manifestation aux hommes de ce qui s’est passé pour lui au bord du Jourdain. L’amour de Dieu qui lui a été manifesté, il le transmet à son tour, « faisant le bien là où il passait, guérissant ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui ». Mieux, il est présence de Dieu au cœur de la vie des hommes. Et c’est sans doute là que nous nous approchons le plus du baptême chrétien. Ne sommes-nous pas reconnus fils et filles de Dieu au jour de notre baptême pour que nous vivions de la vie-même de Dieu ? 

Cette affirmation de notre foi et de notre liturgie baptismale me pousse à réfléchir alors à ce que nous faisons lorsque quelqu’un s’adresse à nous pour recevoir le baptême. Une fois la demande enregistrée, nous préparons au baptême, c’est-à-dire que concrètement nous préparons la célébration après avoir précisé un peu la théologie du baptême. « Mais ne faudrait-il pas abandonner cette expression ? », s’interrogeait une théologienne française, préférant parler de « préparation à la vie baptismale plutôt qu’au baptême ! » Je la rejoins pleinement sur ce point. Le baptême, en effet, ne saurait être un moment unique de l’existence du chrétien. Le baptême traverse toute sa vie, lui donne sens et le met en marche, à la suite du Christ, à la rencontre de Dieu et de ses frères. C’est bien notre baptême qui nous identifie au Christ Sauveur, nous invitant à vivre comme lui, « entièrement donné à Dieu et à nos frères ». C’est bien notre baptême qui nous fait frères et sœurs en Christ, au-delà de la seule filiation humaine. Sommes-nous suffisamment préparés à cette vie qui s’impose à nous, à cause du commun baptême ? Baptisé, je ne peux plus me désintéresser de ce que vit celui que je croise, parce qu’il est de ma famille. Baptisé, je suis invité à faire le bien, à lutter contre les forces de morts qui nous habitent tous, à relever celui qui est tombé et à me reconnaître fils, moi-aussi, de ce Dieu qui se révèle Père de tous les hommes. 

Vivre en baptisés, appelés à être saints, comme Dieu est saint : c’est pour cela que nous recevons le don de l’Esprit Saint au moment de notre baptême. C’est pour cela que nous sommes reconnus fils et filles de Dieu, frères et sœurs du Christ. Ce double don qui nous est fait au moment du baptême (don de l’Esprit et don de la filiation divine) ne peut nous faire vivre que si nous le laissons vivre en nous. Le baptême marque l’inauguration de la vie chrétienne qui ne se développe vraiment qu’avec l’Eucharistie et la Confirmation. Il existe un lien indissoluble entre ces trois sacrements de l’initiation chrétienne : ils sont nécessaires et complémentaires pour pouvoir se dire en vérité ‘chrétien’. Comment grandir en sainteté si mon baptême n’est pas nourri ? Comment grandir en sainteté si l’Esprit n’est pas reçu en plénitude, si je ne suis pas confirmé dans ma foi et dans l’amour de Dieu pour moi ? La vie baptismale appelle la pratique de ces autres sacrements dont le baptême est la porte. La vie baptismale ne s’arrête alors jamais. Elle est sans cesse poussée en avant, appelée à grandir. N’est-ce pas de cela dont nous avons réellement besoin ? De chrétiens qui, jour après jour, grandissent dans leur foi, grandissent en sainteté et oeuvrent pour ce monde meilleur, pour ce Royaume promis le jour où Dieu nous a dit : « Tu es mon bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour ! » 

En ce jour où nous voyons le Christ prendre totalement le chemin des hommes en recevant lui-aussi le baptême de Jean, en ce jour où il nous est révélé comme Fils bien-aimé, renouvelons notre propre attachement à ce Dieu qu’il nous a révélé comme Père, ce Dieu qui fait de nous aussi ses enfants, parce qu’il nous aime et qu’il attend de nous le même amour pour tout homme. Que la célébration du baptême du Christ renouvelle en nous la grâce de notre baptême. Ainsi nous pourrons vivre en peuple saint, témoin de ce que Dieu réalise pour nous, encore aujourd’hui, par son Fils, dans la puissance de l’Esprit Saint. Amen.

(Dessin de Jean-François DECITTIGNIES, Mille dimanches et fêtes, Année A, Les Presses d'Ile de France)


samedi 4 janvier 2020

Epiphanie - 05 janvier 2020

Et si les mages n'étaient pas venus ?




            Et si les mages n’étaient pas venus ? Ne vous êtes-vous jamais posés la question de savoir si cela changerait quelque chose à l’histoire de Noël ? Nous manqueraient-ils, les mages venus d’Orient ? Si les mages n’étaient pas venus, cela changerait-il quelque chose à l’histoire du Salut ? Notre foi en serait-elle affectée ? Ce sont les questions qui m’ont travaillé au moment où il a fallu réfléchir l’homélie de ce jour. Je vous livre mes réponses. 

            Si les mages n’étaient pas venus, cela changerait-il quelque chose à l’histoire de Noël ? Oui et non. Non, parce que l’Enfant Dieu est né sans eux. Il est l’Enfant de la promesse faite à Marie et à Joseph que Dieu leur donnerait son Fils, Jésus – Emmanuel, pour dire son salut à son peuple, pour dire sa proximité avec son peuple. L’histoire de Noël en elle-même, si nous la limitons à la naissance de Jésus, à une époque donnée, dans un lieu donné, dans une famille donnée, n’a pas besoin des mages venus d’Orient pour être une belle histoire. Des enfants qui naissent, même pauvrement, il y en a eu avant lui ; des enfants qui naissent, même pauvrement, il y en a encore aujourd’hui. Et malgré les difficultés que peut engendrer la naissance d’une bouche de plus à nourrir, c’est toujours plutôt un heureux événement, au moins pour la femme qui accouche, et pour le père, s’il est présent. Tenir entre ses mains le fruit de ses entrailles, le fruit de son amour, ce n’est pas rien. 

            En même temps, si les mages n’étaient pas venus, cela changerait quand même tout à l’histoire de Noël. Elle aurait un côté moins dramatique, qui est réel, même si la nuit de Noël nous semblons tous l’oublier. Si les mages n’étaient pas venus, Hérode n’aurait pas été informé de cette naissance et le massacre des Saints Innocents n’aurait pas eu lieu. Ils n’en sont pas responsables, ils ne l’ont ni commandé, ni recommandé, ce massacre. Mais leur visite au palais a éveillé la peur et la méfiance d’Hérode, au point qu’il en fut bouleversé et tout Jérusalem avec lui, comprenons tout ce que Jérusalem compte de gens puissants et importants. Un temps de scrutation des Ecritures plus tard, voilà qu’Hérode, en secret, les renvoie avec une consigne qui peut sembler normale : Quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. Mais Hérode est un animal politique qui ne souffre pas de concurrence. Dieu l’a bien compris, lui qui fait rentrer les mages dans leur pays par un autre chemin. 

            Si les mages n’étaient pas venus, cela changerait-il quelque chose à l’histoire du Salut ? Cela affecterait-il notre foi ? Je crois bien que cela changerait tout, et peut-être même que nous ne serions pas ici ce matin, ni aucun autre dimanche. Parce que cette venue des mages venus d’Orient nous concerne, nous tout particulièrement. Ah, nous sommes tellement habitués à être chrétiens que nous ne nous en rendons plus compte. Mais sans les mages, comment aurions-nous su que la foi au Dieu d’Israël nous concernait ? Comment aurions-nous su que le Dieu qui a libéré son peuple d’Egypte, que le Dieu qui s’est donné un peuple particulier sur une terre particulière, assez éloignée de nous, comment aurions-nous su donc que ce Dieu s’intéressait aussi à nous qui n’étions alors que des païens ? Comment aurions-nous su que cette naissance ne concernait pas que Marie et Joseph ? Comment aurions-nous su que cette naissance ne concernait pas que les pauvres de Judée, dont les bergers sont les représentants ? Comment aurions-nous su que cette histoire allait changer l’Histoire même des hommes, de tous les hommes, parce que désormais ils ont tous accès au Salut que Dieu propose. Par leur venue, par leurs cadeaux, ils nous enseignent beaucoup. Ils nous disent d’abord, par leurs dons, qui est cet Enfant qui vient de naître pauvrement, dans une mangeoire. Avec l’or, ils nous rappellent que cet enfant est roi ; par l’encens, ils nous disent qu’il est Dieu ; par la myrrhe ils nous font comprendre que, tout en étant tout cela, il n’en est pas moins totalement homme et qu’il connaîtra donc la mort et la sépulture.  

Si les mages n’étaient pas venus, comment aurions-nous compris qu’on peut partir de très loin pour rejoindre le Christ ? (Pape François, Admirabile Signum, 01er déc. 2019) Ce qui compte peut-être encore plus que leur venue, c’est le chemin qu’ils ont parcouru pour venir à Bethléem. Peut-être n’avaient-ils jamais entendu parler du Dieu d’Abraham, mais ils se sont mis en route à la vue d’un signe dans le ciel. Ils sont des chercheurs de Dieu et viennent nous dire qu’il n’est jamais trop tard pour se mettre en route ; ils viennent nous dire que nous ne sommes jamais trop éloignés de Dieu pour décider de nous mettre en route. Avec eux, tous les peuples de la terre peuvent aider à l’accomplissement du destin d’Israël : être la lumière vers laquelle marcheront les nations (voir Isaïe). Nos ancêtres étaient de ces nations ; nous étions des étrangers pour ce Dieu. Et pourtant, en envoyant son Fils dans le monde, il se rend proche, non seulement de son peuple, mais de tous les peuples. Il se fait proche de nous pour nous dire qu’il désire être notre Dieu à nous aussi, et qu’il veut nous sauver, nous aussi, même si nous ne faisions pas originellement partie du peuple élu. Désormais nous sommes intégrés à ce peuple : toutes les nations sont associées au même héritage, écrira Paul aux Ephésiens après la mort et la résurrection de Jésus. Les mages venus d’Orient nous le disent dès la crèche, dès la naissance de Jésus. Notre foi en a été affectée parce que notre foi, à nous païens Gaulois, Celtes, Germains ou Romains, en a été rendue possible. 

Au-delà du côté traditionnel et gastronomique de la fête de l’Epiphanie, il nous faut considérer son aspect spirituel, et son importance pour nous. Les mages venus d’Orient sont chaque homme qui décide un jour d’aller à la rencontre de ce Dieu qui a libéré son peuple d’Egypte il y a très longtemps ; ils sont chaque homme qui se met en route vers ce Dieu qui s’est incarné en Jésus pour sauver tous les hommes ; ils sont chaque homme qui découvre un signe de ce Dieu dans sa vie et qui laisse tout pour aller à sa rencontre. Aujourd’hui, avec eux, nous qui n’étions pas Juifs de naissance, nous sommes venus et nous sommes les bienvenus dans cette crèche. Aujourd’hui, nous pouvons plier genou devant cette mangeoire et reconnaître en Jésus notre Roi, notre Dieu, notre Frère en humanité. Offrons-lui notre vie, à lui qui nous offre celle de Dieu. Amen.



(Enluminure de Frère Jacques)