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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 24 février 2024

2ème dimanche de Carême B - 25 février 2024

 D'Abraham à Jésus : une Alliance pour révéler la gloire de Dieu.




(Le sacrifice d'Isaac, Tableau de Domenichino, Ecole italienne, 1627-1628, Musée du Prado, Madrid, Espagne)



 

 

 

            Nous poursuivons la relecture des grandes alliances proposées par Dieu à l’humanité. Après l’alliance avec Noé, voici Abraham. Le protocole d’alliance tient en deux propositions : Quitte ton pays vers la terre que je t’indiquerai ; je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel. Nous connaissons les difficultés de Sara et d’Abraham. Quand Dieu les fait partir, ils sont déjà âgés tous les deux, et Sara est stérile. Mais comme rien n’est impossible à Dieu, naît le fils de la vieillesse, l’enfant du rire, Isaac. Tout semblait aller pour le mieux, quand soudain… 

            Quand soudain, Dieu demande le sacrifice du fils unique ! Que devient la promesse d’une descendance nombreuse ? Un, ce n’était déjà pas beaucoup ; alors un sacrifié, de pas beaucoup on tombe à plus rien ! Que se passe-t-il dans la tête d’Abraham ? Que se passe-t-il dans la tête de celui qui découvre ce passage biblique pour la première fois ? Quand le lecteur ne connaît pas la fin de l’histoire, à savoir l’intervention de Dieu juste avant le geste fatidique – Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! et le bélier retenu par les cornes dans un buisson qu’Abraham va prendre et offrir en holocauste à la place de son fils – il n’a pas vraiment de sympathie pour ce Dieu qui semble reprendre sans raison celui qu’il avait accordé et qui était le premier maillon de la descendance. Bien sûr, il ne faut pas arrêter la lecture à la demande de Dieu. Mais mettez-vous un instant à la place d’Isaac qui se voit lié par son père et mis sur l’autel, par-dessus le bois. A-t-il vraiment envie de servir un Dieu qui demande la vie d’un homme, qui demande sa vie ? Les belles images qui nous rapportent l’événement semblent oublier la très probable détresse de l’enfant et ce que cela a provoqué dans son esprit. Je ne sais pas si l’odeur de la viande de bélier grillée a chassé la détresse du cœur d’Isaac ; mais ce que je sais, ce que Abraham et Isaac savent, ce que toute l’humanité sait depuis ce jour, c’est que Dieu ne veut pas la mort de l’innocent ; Dieu ne veut pas de sacrifice humain pour lui plaire. Ce refus signe la gloire de Dieu. Ce que Dieu veut, c’est l’obéissance acceptée et assumée de l’humanité. Ce que Dieu veut, c’est que l’homme craigne Dieu, non pas au sens où il en aurait peur, mais au sens où il reconnaît la gloire de Dieu, qu’il s’engage à respecter cette gloire et à vivre selon cette gloire. Celui qui entre dans l’obéissance au projet que Dieu porte pour lui, obéissance non pas servile et craintive, mais assumée et joyeuse, celui-là est récompensé au-delà de tout. Parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer. 

            Des siècles plus tard, la gloire de Dieu sera révélée en Jésus, son Fils unique, qu’il ne refuse pas pour le salut de l’humanité. Comme le dit Paul dans sa lettre aux Romains : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a pas épargné (l’ancienne traduction disait : refusé) son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? Dieu reprend à son compte le geste d’Abraham et le mène à son achèvement, pour nous dire à quel point il nous aime et veut notre salut. Jésus devient l’Agneau véritable qui enlève le péché du monde en s’offrant sur le bois de la croix. Mais avant cela, il nous a révélé la gloire de Dieu qui habite en lui, lorsqu’il a été transfiguré devant Pierre, Jacques et Jean, en présence d’Elie et de Moïse, pour bien souligner qu’il accomplit parfaitement la Loi et les Prophètes. Nous comprenons alors l’urgence de répondre favorablement à l’invitation faite par Dieu lui-même : Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! Pierre, et sa proposition de dresser trois tentes, avait bien compris qu’une telle splendeur, une telle clarté n’existent qu’en Dieu ! Il est la lumière dans les ténèbres de nos vies ; il est la Parole qui sauve et qui fait vivre. Si cela a été révélé par avance à ces trois disciples, cela ne sera révélé pleinement à tous qu’au matin de Pâques, quand le tombeau sera découvert vide et que la lumière de ce jour naissant nous permettra un regard nouveau sur le mystère de la croix. 

            D’Abraham à Jésus, l’alliance que Dieu veut avec nous, nous dit sa gloire éternelle pour que nous puissions la contempler d’une part, et y entrer pleinement d’autre part. Comme l’affirmait saint Irénée : La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu. Avec Abraham, entrons dans le projet de vie que Dieu nous propose ; en Jésus, contemplons le Dieu qui nous veut vivant avec lui pour l’éternité. Amen.

samedi 17 février 2024

1er dimanche de Carême B - 18 février 2024

 De Noé à Jésus : une Alliance pour lutter contre le Mal.




 (Source : Études de la Bible. Genèse Chapitre IX : Alliance avec Noé – Foi Orthodoxe (foi-orthodoxe.fr)

 



            Quiconque aura ouvert, ne serait-ce qu’une fois une Bible, aura compris que ce livre nous parle fondamentalement d’une chose : d’amour et d’Alliances pour lutter contre le mal. Ce premier dimanche de Carême en est une belle illustration. Il nous fait lire l’Alliance avec Noé, l’interprétation que Pierre en fait dans sa première lettre et enfin les premiers jours de la mission de Jésus après son baptême. 

            L’Alliance avec Noé est comme une grande recréation. Souvenez-vous : la terre avait été lavée à grandes eaux de tout le mal qui se faisait à sa surface. Seul un petit nombre fut sauvé (huit personnes), et avec eux un couple de chaque espèce animale que l’acte créateur de Dieu avait produit au commencement. Il fallait marquer le coup pour que le mal soit éradiqué. Un grand nettoyage de printemps en quelque sorte. Et quand ce fut fait, Dieu prend l’initiative d’une alliance avec Noé et les siens. Il nous faut bien entendre les termes de cette alliance. Elle est formulée ainsi : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. Elle est signifiée par l’arc-en-ciel qui pour les générations à jamais, fera Dieu se souvenir de son alliance. Une alliance à sens unique, qui semble n’engager que Dieu. Noé et les siens, et l’humanité à leur suite, reçoivent tout. Il suffit de lire les quelques lignes qui précèdent le passage entendu ce matin : Tout ce qui va et vient, tout ce qui vit sera votre nourriture ; comme je vous avais donné l’herbe verte, je vous donne tout cela. Il ne leur est posé qu’un interdit : Mais, avec la chair, vous ne mangerez pas le principe de vie, c’est-à-dire le sang. Quant au sang, votre principe de vie, j’en demanderai compte à tout animal et j’en demanderai compte à tout homme ; à chacun, je demanderai compte de la vie de l’homme, son frère. En clair, la vie de l’homme n’appartient qu’à Dieu ; il ne revient pas à l’homme d’en disposer ! Enfin, une demande est faite à l’homme, la même que jadis à Adam : Et vous, soyez féconds, multipliez-vous, devenez très nombreux sur la terre ; oui, multipliez-vous ! » En fait, à lire et relire les chapitres huit et neuf de la Genèse, j’ai comme l’impression que Dieu pose cette alliance pour lui d’abord, pour qu’il se souvienne de ne plus se laisser aller à la colère. Comme si Dieu se repentait d’avoir déclenché le déluge : désormais, plus jamais cela n’arrivera ! C’est bien ce qui ressort, selon moi, de cette parole de Dieu quand Noé offre un sacrifice à Dieu : Le Seigneur respira l’agréable odeur, et il se dit en lui-même : « Jamais plus je ne maudirai le sol à cause de l’homme : le cœur de l’homme est enclin au mal dès sa jeunesse, mais jamais plus je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. Comme si Dieu nous faisait comprendre que ni Lui, ni l’homme, ne peuvent combattre le mal par le mal. Il nous faut faire mieux ; il nous faire le bien pour lutter contre le mal. 


            
N’est-ce pas ce que Dieu a décidé lorsqu’il a envoyé son Fils Jésus dans le monde pour sauver les hommes. Plutôt que de détruire à nouveau, il envoie Jésus à la rencontre des hommes. Il affrontera le mal, comme nous, au début de sa vie publique, à travers ce temps de tentation ; et à la fin de sa vie, en s’offrant sur le bois de la croix pour notre salut. Vous aurez remarqué que Marc ne détaille pas les tentations. Il nous dit juste : Jésus resta quarante jours dans le désert, tenté par Satan. Ce que compte, ce n’est pas comment, mais que Jésus en soit sorti, vainqueur, une première fois. Cela nous ouvre une espérance et nous permet de comprendre l’Evangile de Dieu que Jésus proclame : Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Quand le mal est vaincu, Dieu peut établir son règne ; quand le mal est vaincu, les temps sont accomplis. Le mal sera définitivement vaincu sur la croix, alors même qu’il semble triompher. De symbole de mort, elle devient passage vers la vie en plénitude. C’est ce que nous fait comprendre Pierre dans sa première lettre. Pour vaincre définitivement le mal, Jésus lui-même a choisi le bien en offrant sa vie pour nous introduire devant Dieu. La leçon donnée du temps de Noé trouve, dans le sacrifice de Jésus sa plus belle et sa plus forte illustration. Seul le bien défait le mal ; seul celui qui est la Vie libère et sauve de la mort.

 

            Si l’alliance avec Noé permettait à Dieu de retenir son bras vengeur, l’alliance en Jésus permet à tous de s’engager résolument dans la lutte contre le mal, sachant qu’en lui, nous avons déjà notre victoire. Le bien fait par Jésus s’étend à nous tous par le baptême et nous donne la force de vaincre le mal en nos vies d’abord, autour de nous ensuite, pour que notre terre resplendisse de la gloire de Dieu. Que notre temps de Carême nous permette d’entrer dans cette lutte ; que ce temps de carême nous donne de faire le bien pour lutter contre le mal. Amen.

 

mardi 13 février 2024

Mercredi des Cendres - 14 février 2024

 Profite de toi-même.



(https://www.paroissesbondypavillons.fr)



                Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, quand revient le temps du Carême, me revient aussi cette question : comment vais-je le vivre ? Et ressurgissent en ma mémoire les incessantes invitations à « faire » des efforts, toujours plus, jamais assez. Bref, le Carême risque de devenir ce temps décevant lors duquel je mesure que je ne suis pas à la hauteur de ce que Dieu attend de moi ; et surtout, il risque de devenir ce temps fatigant où la seule pensée d’un effort à faire me rend procrastinateur, remettant sans cesse au lendemain des choses que je ne ferai somme toute jamais. Attention, je ne dis pas que « faire » des efforts, ce n’est pas bien ; je dis juste que c’est mieux quand ce sont les autres qui les font. Envisager le Carême par ce bout d’efforts à faire, quand bien même il n’y en aurait qu’un, ce n’est pas pour moi ; et je ne pense pas être le seul à penser ainsi. Les efforts de Carême, c’est comme les résolutions du Nouvel An ; il suffit des les exprimer pour qu’aussitôt elles soient oubliées. Alors que faire ? Comment vivre ce carême ? 

            La recette est simple ; Jésus nous la rappelle dans l’Evangile : faire l’aumône, prier et jeûner. Oh, je vous vois venir : c’est bien d’efforts qu’il s’agit, non ? Ben tout dépend de comment vous envisagez ces trois choses. Si vous les envisagez du point de vue du bénéficiaire : l’autre qui est le pauvre avec qui l’on partage, le Tout-Autre que l’on prie, Dieu, et encore une fois les autres qui voient à votre air abattu que vous jeûnez, ce n’est pas réjouissant. Pour partager avec l’autre, nous devons nous débarrasser de ce que le jeûne nous aura fait économiser ; pour prier, nous devons trouver du temps dans une journée bien remplie. Souvent, rien que d’y penser, faire des choses pour les autres ou pour le Tout-Autre, nous voilà déjà bien fatigués. Aussi, je vous propose de vivre ce Carême pour vous, tout seul, personnellement. N’est-ce pas d’ailleurs ce que Jésus nous recommande lorsqu’il nous demande de faire tout cela (aumône, prière et jeûne) dans le secret ? La manière dont nous vivons notre Carême ne regarde pas les autres, mais nous, et nous seul. 

            Ainsi en est-il de l’aumône : certes notre don va profiter à quelqu’un, mais avant cela, il nous profite à nous, au regard que nous portons sur nous et non au regard que les autres portent sur nous. Nous n’avons pas à craindre que notre effort de charité ne soit pas à la hauteur des efforts d’un autre ou à la hauteur de ce que les autres attendent de nous en la matière. Agissons selon ce que notre cœur nous conseille ; si nous nous laissons guider par notre cœur et par l’amour de Dieu qui y réside, nous ne nous tromperons pas. Au contraire, nous retrouverons notre humanité et notre sens de la solidarité. Ainsi en est-il aussi de la prière. Comme le dit une Préface de l’Eglise (4ème préface commune) : Tu n’as pas besoin de notre louange… nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es. Que nous priions Dieu ou pas, Dieu est Dieu, Dieu reste Dieu. Mais poursuit cette même préface, nos chants nous font progresser vers le salut ; l’ancienne traduction du missel disait : ils nous rapprochent de toi ! Et n’est-ce pas là notre secret désir : être proche de Dieu, comme nous sommes proches de nos amis ? Prions Dieu pour découvrir en nous sa présence agissante, son amour sauveur, sa miséricorde. Ainsi en est-il du jeûne : privons-nous pour retrouver un équilibre, pour comprendre à nouveau que le bonheur d’être est plus important que le bonheur d’avoir. Vivons ce carême en communauté certes, mais pour nous d’abord, pour nous rendre compte que nous valons mieux et plus que ce que nous pouvons croire quelquefois ; pour nous d’abord, pour remettre un peu de cohérence dans notre vie entre ce que nous croyons profondément et ce que nous vivons parfois. Ne faisons pas d’efforts, mais redécouvrons-nous, tel que Dieu nous a voulus, tel que Dieu nous a faits, tel que Dieu nous invite à être. Retrouvons l’amour de nous pour grandir dans l’amour de Dieu et le service de nos frères. 

            A ceux qui pensent que cela est égoïste et tellement éloigné de ce qu’un carême doit être, je renvoie à ce conseil donné par Saint Bernard au pape Eugène III. Il lui écrit ceci : Tes occupations, je ne te demande pas de les rompre, mais simplement de les interrompre… Puisque tous les autres profitent de toi, profite donc toi aussi de toi-même. Pourquoi serais-tu le seul à être privé de cette faveur ? Rappelle-toi donc, je ne dis pas toujours, je ne dis même pas souvent, mais au moins de temps en temps, que tu te dois aussi à toi-même. Est-ce vraiment trop demander ? Avec moi, je vous invite à vivre ce carême comme un temps pour vous, pour redécouvrir ce que vous êtes aux yeux de Dieu : un homme ou une femme qu’il est venu sauver, personnellement. Cette découverte ne se fait pas sur la place publique, mais dans le secret, dans le secret de nos cœurs, là où Dieu nous parle, là où l’amour de Dieu nous transforme, là où la miséricorde de Dieu nous réconcilie avec Lui et avec nous. Entendons chacun le conseil de Saint Bernard pour nous : Vis ce carême, profite de toi-même ; est-ce vraiment trop demander ? Amen.

samedi 10 février 2024

6ème dimanche ordinaire B - 11 février 2024

 Tu peux me purifier.






  

 

            Nous pouvons aisément comprendre, je crois, la position dure de Moïse qui recommande à son frère Aaron de tenir pour exclus du camp ceux qui seraient marqués par la lèpre. Il n’existe ni remède, ni protection sérieuse, à son époque, contre ce fléau. Pour préserver le plus grand nombre, il faut sacrifier celui qui est malade. Et pour bien faire comprendre la gravité de la chose, on ne parlera pas de maladie, mais d’impureté, justifiant religieusement, l’incapacité à vivre au milieu du peuple que Dieu a choisi et qu’il a voulu libre de toute entrave. Or la lèpre, rongeant le corps, va petit à petit renfermer celui qui en est touché et entraver la liberté que Dieu a donnée à son peuple en le sortant d’Egypte. L’impureté proclamée par le malade signifiait son exclusion de la communauté humaine d’abord, et de la communauté croyante ensuite. 

            Nous pouvons alors être surpris de l’audace de ce lépreux qui s’approche de Jésus pour le supplier : Si tu le veux, tu peux me purifier. La règle énoncée par Moïse n’est pas respectée : il ne crie pas « impur », il ne se tient pas à l’écart. Mais ce qui doit nous surprendre le plus, c’est sa foi et la certitude que Jésus peut quelque chose pour lui. Ce qui doit nous surprendre davantage, c’est qu’il reconnaît, sans le dire ouvertement, que Jésus est le Messie. Relisez tous les textes de la Première Alliance qui parlent des signes qui accompagnent la venue du Messie ; la guérison de la lèpre en fait partie : les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris. Il fallait à ce lépreux, non seulement de l’audace pour approcher Jésus, mais aussi une grande foi pour croire que celui-là pouvait quelque chose pour lui. Jésus vient juste de commencer sa mission, et même si ça réputation grandit, il n’en est pas moins un inconnu pour beaucoup. Et pourtant, il vient supplier Jésus : Si tu le veux, tu peux me purifier. Il nous faut noter la grande délicatesse de cet homme rongé par ce mal. Il n’exige rien ; il ne fait pas de reproche ; il ne se plaint pas ; pas de « qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter cela ? ». Il supplie et en appelle à la compassion de Jésus : Si tu le veux… Comment Jésus, celui qui est venu faire la volonté de son Père, pourrait-il ne pas vouloir la purification de cet homme ? Comment Jésus pourrait-il renvoyer cet homme sans manifester, ici et maintenant, que la volonté de son Père est bien que tout homme ait la vie, et qu’il l’ait en abondance ? 

            Personne ne sera surpris de la réponse de Jésus : Je le veux, sois purifié. Ni du résultat de cette parole folle à vue humaine : à l’instant même la lèpre le quitta et il fut purifié. Nous pouvons alors nous interroger ; de quoi voulons-nous que Jésus nous purifie ? Quelle est ma lèpre qui me tient loin de mes frères et sœurs en humanité ? Quelle est la lèpre qui me tient loin de ma communauté ? Et, l’ayant identifiée, il nous faudra la même audace et la même confiance, pour oser crier vers Jésus : Si tu le veux, tu peux me purifier… A partir de ce mercredi, quarante jours nous seront donnés pour identifier notre lèpre et trouver l’audace de venir à Jésus. Il n’y a pas de lèpre qu’il ne puisse purifier. Il n’y a pas d’exclus qu’il ne puisse réintégrer ; il n’y a pas de péché qu’il ne puisse pardonner si nous reconnaissons avec audace en lui celui que Dieu envoie pour faire toutes choses nouvelles. Nos lèpres spirituelles ne sont rien face à l’immense amour que Dieu nous porte ; nos lèpres spirituelles ne sont rien pour Jésus qui agit dans la puissance de l’Esprit Saint. Il nous faut juste reconnaître en lui cette puissance ; il nous faut reconnaître en lui celui qui peut nous purifier et qui le veut. C’est une question de confiance ; c’est une question d’audace ! 

            Conscients de ce que nous sommes, conscients de nos forces et de nos faiblesses, osons nous approcher de Jésus. Que la Parole entendue nous éclaire sur les lèpres qui nous rongent ! Que le Pain rompu nous donne de reconnaître en Jésus celui qui s’offre en nourriture pour notre salut ; que l’Esprit Saint, reçu en partage au moment de notre baptême, nous donne l’audace de croire en Jésus et de répandre la Bonne Nouvelle de sa présence au milieu de son peuple. Libérés de la servitude de nos lèpres, nous serons ses témoins et nous dirons aux hommes ses merveilles pour eux. Ainsi le monde connaîtra Jésus ; ainsi le monde croira en Jésus ; ainsi le monde sera sauvé par Jésus. Amen.  

samedi 3 février 2024

5ème dimanche ordinaire B - 04 février 2024

 Annoncer l'Evangile.




 

 

 

            Il est un fait que la crise du COVID que nous avons connue a engendré une anxiété grandissante chez de nombreuses personnes, et particulièrement chez les plus jeunes. De se voir enfermés, privés des relations si essentielles à l’adolescence, et de constater l’impuissance et les hésitations, pour ne pas dire les contradictions et les mensonges, de ceux qui nous ont gouvernés à ce moment-là, a fait naître un sentiment d’impuissance et d’insécurité, ainsi que des questions quant à leur avenir plus incertain encore qu’il ne l’était avant la crise. Et je n’oublie pas que certains adultes connaissent aujourd’hui encore des sentiments identiques, les ayant menés à s’enfermer volontairement, à se couper des autres, parce que cela pourrait reprendre. Tous les curés de paroisses peuvent témoigner de la fonte de leurs assemblées après la crise, et pas uniquement parce qu’ils ont enterré leurs paroissiens ! Quelque chose s’est cassé en l’humain qui le pousse à se replier sur lui-même. 

            Cet état de dépression n’est pas inconnu dans les livres bibliques. Nous en avons eu un bel exemple avec ce passage du livre de Job. A l’entendre, il n’y a plus aucun espoir, sa vie est foutue, l’angoisse et la tristesse seront désormais son lot quotidien : Depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance… je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube… ma vie n'est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. Plus déprimé que cela, tu meurs ! On fait quoi alors ? Job mettra Dieu en accusation ; assurément, Dieu est injuste avec lui pour le laisser souffrir autant. Le procès durera jusqu’à ce que Job comprenne qu’il ne savait rien de Dieu et des merveilles qu’il fait pour les hommes :  “Quel est celui qui déforme tes plans sans rien y connaître ?” De fait, j’ai parlé, sans les comprendre, de merveilles hors de ma portée, dont je ne savais rien. Mais la leçon que nous devons en retenir vient de Dieu lui-même et de la parole qu’il adresse aux amis de Job qui n’ont cessé de lui dire que Dieu avait sans doute ses raisons pour « punir » ainsi Job et qu’il était fou de s’entêter à se dire juste. Or, après avoir adressé ces discours à Job, le Seigneur dit à Élifaz de Témane : « Ma colère s’est enflammée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez pas parlé de moi avec justesse comme l’a fait mon serviteur Job. 

            Le risque est réel de tordre la parole de Dieu face à la détresse, à l’injustice, à la misère que peut connaître une partie de l’humanité. Le risque est réel d’utiliser la parole de Dieu soit pour condamner (les amis de Job ne cessent de le couvrir de reproches, pensant ainsi défendre Dieu et sa justice) soit pour saupoudrer une spiritualité doloriste sur les plaies vives de notre humanité blessée. Face au Mal, face à la souffrance, nous disent les Ecritures, peut-être vaudrait-il mieux se taire que de prendre le risque de ne pas parler de Dieu avec justesse. Peut-être faut-il juste être là, à côté du frère ou de la sœur qui souffre ! Peut-être nous faut-il en revenir à l’attitude de Jésus dans l’évangile de ce dimanche. Face à ceux qui souffrent, il ne fuit pas ; il ne se lance pas dans de grands discours. Il se tient là et il guérit. Certes, nous ne sommes pas Jésus, les miracles ne sont pas notre fort. Mais nous partageons avec lui cette humanité qu’il a choisie de revêtir, lui qui est Dieu. Ne jouons pas à Jésus, mais soyons comme Jésus, présents à nos frères et sœurs en humanité qui souffrent, qui se désespèrent. Et agissons à la mesure de nos moyens. Un chrétien ne peut s’habituer à voir un seul humain souffrir sans en être affecté et chercher comment aider. Quelquefois, aider c’est juste orienter vers la bonne personne, le bon bureau, la bonne administration. Ce sera une proclamation de l’Evangile en acte. Comme le souligne Paul dans sa première lettre aux Corinthiens : Annoncer l’Evangile, c’est une nécessité qui s’impose à moi… c’est une mission qui m’est confiée. Ce que Paul dit de lui vaut pour nous tous, baptisés dans la puissance de l’Esprit Saint. Nous devons prendre notre part dans l’annonce de l’Évangile. 

            Loin d’être un prêchi-prêcha insipide, l’annonce de l’Evangile est un moyen puissant pour relever l’homme blessé, défiguré, sans espoir. C’est un art de vivre, une présence au monde qui témoigne de l’œuvre de Dieu et de sa puissance libératrice. C’est, comme l’enseigne Jésus dans les béatitudes, savoir pleurer avec ceux qui pleurent, être doux, miséricordieux, avoir faim et soif de justice, être artisan de paix et savoir se battre pour la justice. Pour reprendre une image du Pape François, nous devons faire de l’Eglise un hôpital de campagne : dans un hôpital, on soigne d’abord, on prend soin. Et c’est lorsque le patient est guéri, qu’on peut lui expliquer ce qu’il doit faire pour ne pas retomber malade. Puisse ceci devenir notre ligne de conduite au service des hommes et des femmes qui ont tant besoin de retrouver le sens de Dieu pour retrouver le sens de leur humanité. Amen.