Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







lundi 26 décembre 2016

Nuit de Noël - 24 décembre 2016

Quand Dieu se fait migrant...




En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre… Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Ainsi est planté le contexte de la fête qui nous réunit en cette nuit : la vanité d’un homme voulant connaître le nombre de ses sujets. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem… Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. Quand on sait l’état des routes, les dangers des voyages, et l’absence de transport confortable, c’est une folie que de jeter sur la route une femme enceinte. Marie et Joseph se plient à la volonté d’un homme comme ils se sont pliés, quelques mois plus tôt à la volonté de Dieu. Ils font ce que l’on attend d’eux. Et Dieu se fait ainsi migrant ! 
 
Or pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. On aurait pu s’attendre à quelque chose de plus glorieux pour la naissance du Fils de Dieu. Nous n’aurons rien de plus que la vanité d’un homme, la difficulté à trouver un peu de place, et une mangeoire. Quel palais pour le Fils du Très-Haut ! Celui qui doit sauver le monde, Jésus, naît pauvre parmi les pauvres. Et les premiers visiteurs ne sont que des bergers, le bas du bas de l’humanité, rameutés par un ange du Seigneur. Et pourtant, quelle fête ! 
 
A relire l’évangile de Luc, il ne semble pas que le contexte soit un obstacle à la joie de la naissance. Même le ciel est en fête : Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable qui louait Dieu en disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime. Dieu lui-même se réjouit de cette naissance et c’est bien assez. Les hommes auront tout le temps de se réjouir quand cet enfant, devenu grand, accomplira le salut promis. En Jésus, Dieu se fait migrant, quittant le trône de sa gloire pour partager notre humanité la plus simple. Il ne quitte pas la gloire du ciel pour la gloire d’un palais, mais pour la vie la plus ordinaire qui soit, avec son lot de joies et de peines. Une humanité pleinement assumée. C’est peut-être cela qui fera dire à saint Irénée que la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. Voilà fixé l’horizon de la mission de cet enfant : prendre sur lui tout ce qui fait une vie d’homme, pas seulement les bons côtés, pas seulement la vie d’une minorité (celle qui vit dans les palais), mais la vie de tous les hommes (y compris ceux qui sont jetés sur les routes, ceux qui sont déconsidérés, ceux qui sont pauvres) pour les mener au salut. 
 
Quand Dieu se fait migrant, marchant sur nos routes humaines, c’est donc pour que Dieu et les hommes puissent se rencontrer. Il n’est pas comme les dieux de l’Olympe qui se contentent de regarder les hommes pour s’en amuser ; non, il est Dieu de l’Alliance, Dieu qui veut faire de l’homme un partenaire, un égal. Dieu ne va pas sans l’homme, pas plus que l’homme ne peut aller sans Dieu. Pour reprendre la citation intégrale de saint Irénée : la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. L’homme ne vit pleinement que lorsqu’il voit Dieu, lorsqu’il prend en compte ce partenaire d’Alliance. En Jésus, Dieu et l’homme sont à jamais liés. La joie que connaît le ciel en cette nuit, la joie de Marie et de Joseph d’accueillir leur enfant, la joie des bergers devant la vision de cet enfant, doit devenir la joie de tous les hommes. Cette joie doit être notre joie aujourd’hui, parce que nous ne vivons pas dans le souvenir d’un événement passé, mais parce que aujourd’hui, en cette fête de Noël, Dieu vient à notre rencontre, Dieu vient assumer notre humanité, totalement, pour nous permettre de vivre parfaitement quand nous le contemplons, quand nous le servons. Et nous pouvons le contempler, et nous pouvons le servir à travers chaque homme, chaque femme, chaque enfant qui croisent notre route. Quand Dieu se fait migrant, les hommes deviennent responsables les uns des autres. En effet, en chaque humain que je rencontre, je suis invité à voir et à servir Dieu lui-même. Jésus nous le rappelle lorsqu’il nous dit : ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! 
 
En cette nuit, Dieu se fait migrant pour nous offrir la vie, pour nous offrir la paix. C’est bien ce que proclame le chant des anges. Cette paix devient possible parce que Dieu et l’homme se rencontrent et se reconnaissent. La paix n’est jamais le fruit d’un chacun chez soi ; elle est le fruit d’une rencontre et d’une reconnaissance mutuelle. En cette nuit où le Tout-Autre vient nous rencontrer, apprenons de lui à construire cette paix proclamée par les anges. Puisque Dieu se fait migrant pour nous offrir sa vie et sa paix, acceptons de sortir de nous-mêmes, allons à la rencontre des autres et le miracle de Noël (vie et paix pour tous) deviendra réalité. Amen.
 
(Tableau de Domenico Ghirlandaio, La Nativité, 1483-1485, Chapelle SASSETTI, Basilique Santa Trinita, Florence)

samedi 17 décembre 2016

04ème dimanche de l'Avent A - 18 décembre 2016

Jésus, Emmanuel !




Lorsqu’un enfant est annoncé, la première question qui jaillit, mise à part celle de son sexe, est bien celle du nom. Comment l’appellerez-vous ? Et à voir toute la littérature qui existe aujourd’hui sur le sujet, le top vingt des prénoms les plus à la mode publié chaque année, on peut se demander si les nouveaux parents sont vraiment libres de leur choix. Selon que vous habitiez à Paris, Strasbourg ou Marseille, en ville ou à la campagne, il semblerait que toute une série de critères vous influence, bien malgré vous.
 
La question n’est pas neuve. Dans l’Evangile, lorsqu’il s’agit de nommer le futur Jean le Baptiste, il est rétorqué à sa mère qui avait dit : il s’appellera Jean !, que personne dans la famille ne porte ce nom-là ! Et nous venons d’entendre, dans l’Evangile de ce jour, que l’enfant qui grandit dans le sein de Marie reçoit pareillement son nom d’un autre, le Tout-Autre. L’ange qui apparaît à Joseph lui déclare, en effet : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui grandit en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, c’est-à-dire le Seigneur-sauve. Et plus loin, rappelant la prophétie d’Isaïe : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : Dieu-avec-nous. Vous pouvez, certes, discuter de la beauté des prénoms annoncés, mais reconnaissez-le, leur sens est riche de promesses. 
 
Jésus, Emmanuel ! En deux prénoms, tout est dit de cet enfant. Ce ne sont pas des prénoms qu’il portera, mais tout un programme de vie. Grâce à eux, les hommes sauront que Dieu lui-même est entré dans l’Histoire et qu’il vient proposer ce que les hommes n’osent plus espérer : le salut ! Dans un monde en crise, le nom de Jésus résonne comme une promesse d’avenir. Au milieu d’un peuple perdu, le nom d’Emmanuel rappelle que les hommes ne sont pas livrés à eux-mêmes, qu’au milieu d’eux Dieu est présent. Deux prénoms à tenir ensemble pour se souvenir que la présence de Dieu n’est pas source d’embêtement pour les hommes, mais source de salut, c’est-à-dire source d’avenir, source de vie, source de joie, source de paix. En ces temps troublés qui sont nôtres, en ces temps où des hommes utilisent le nom de Dieu à des fins politiques et destructrices, il me semble bon de nous rappeler que Dieu veut le meilleur pour l’homme, que Dieu veut la vie pour l’homme, que Dieu veut le bonheur pour l’homme. Et pour que ces promesses soient garanties et tenues pour vraies, il envoie son propre Fils dans le monde. 
 
A l’Annonciation, c’est bien ce qui a été annoncé à Marie ; elle a pu dire oui en toute quiétude, sachant que Dieu gouvernait sa vie. Dans ce songe à Joseph que l’Evangile nous rapporte en ce dimanche, c’est la même promesse qui est faite à l’époux de Marie, troublé par cette grossesse inattendue. A son tour, il peut dire oui au projet de Dieu et prendre chez lui son épouse. Un jour, Jésus lui-même devra dire oui au projet de Dieu pour les hommes. Il prendra alors les chemins de Palestine qui le conduiront à Jérusalem et à la croix. En attendant ces jours, c’est à nous d’accueillir les promesses de Dieu, c’est à nous d’entrer dans le projet d’amour, projet de salut de Dieu pour tous les hommes. Notre temps de l’Avent qui entre dans sa dernière semaine voulait nous y préparer. Il nous reste quelques jours pour y consentir et accueillir, en connaissance de cause, celui que Dieu a promis : Jésus, Emmanuel ! Dieu avec nous, Dieu pour nous, Dieu pour notre vie et notre avenir, aujourd’hui et toujours. Amen.

dimanche 11 décembre 2016

03ème dimanche de l'Avent A - 11 décembre 2016

Il y a comme un parfum de joie...





Il y a comme un parfum de joie qui flotte sur la liturgie de ce troisième dimanche de l’Avent. Il suffit de relire la prophétie d’Isaïe donnée en première lecture pour s’en convaincre. Il y a comme un parfum de joie qui nous rassemble ce matin en cette chapelle autour de Victor qui recevra dans un instant le sacrement du baptême. Ce parfum de joie est la trace du passage de Dieu au cœur de notre vie. 
 
Relisons le prophète Isaïe. La joie est présente dès le premier verset entendu : le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! Ce n’est pas à une petite joie qu’invite le prophète ; ce n’est pas à une joie passagère qu’il nous convie. C’est une vraie joie qu’il nous propose, une de ces joies qui ne vous quitte plus jamais. La cause de cette joie ? Le Seigneur qui vient pour faire œuvre de salut. Voici votre Dieu : il vient lui-même et va vous sauver. C’est tout l’avenir d’un peuple qui s’ouvre à nouveau. C’est toute l’espérance d’un peuple qui va être comblée. C’est tout ce qu’attendaient les hommes qui s’étaient imaginés que Dieu les avait abandonnés. Ils étaient réduits à néant, à n’être qu’un désert aride ; les voici promis à une nouvelle vie, à la beauté d’une rose qui refleurit. La promesse de salut faite par Dieu va se réaliser et elle se traduit non seulement par du mieux, mais d’abord par du neuf. Quand Dieu intervient en faveur des hommes, c’est pour leur rendre ce qu’ils avaient perdu et le magnifier encore. 
 
            C’est exactement ce qui va se passer pour Victor dans un moment. Par le sacrement du baptême, Dieu va l’adopter, en faire son fils et lui ouvrir une vie de sauvé ! L’encouragement donné par le prophète Isaïe (Soyez forts, ne craignez pas) s’adresse particulièrement à Victor ce matin. Sois fort, Victor et ne crains pas ; aujourd’hui Dieu notre Père entre dans ta vie ; rien ne pourra jamais te séparer de lui. Il vient te sauver, te libérer de cette capacité qu’ont les hommes à faire le mal. Avec lui, tu pourras vaincre ; avec lui, tu pourras vivre libre. L’eau du baptême va couler en toi comme une source vivifiante et l’huile du salut te donnera la force de l’Esprit Saint, seule capable de vaincre le Mal et la Mort même. Ta jeune vie prend un nouveau départ, une nouvelle dimension. Te voilà mis à la hauteur de Dieu lui-même. Ta joie est en lui ; ta vie vient de lui ; ton avenir est avec lui. Aujourd’hui accueille-le ; durant toute ta vie, découvre-le ! Sois un témoin de son amour pour tous les hommes et porte-leur la bonne odeur du Christ, seul Sauveur, seul avenir pour une humanité qui se divise et se déchire. Ce parfum de joie qui inonde notre liturgie, respire-le à pleins poumons ; qu’il devienne le signe par lequel les autres sauront que tu es à Dieu et que tu vis selon l’Evangile de son Fils. 
 
            Quant à nous qui sommes croyants de plus longue date, que ce baptême fasse resurgir en nous la source dans laquelle nous avons été plongés ; qu’elle nous redonne joie, confiance et espérance. Celui qui nous a appelés à la vie va venir ; Dieu l’a promis, il est fidèle à sa parole. Ne sentez-vous pas déjà la bonne odeur du Christ qui vient faire toute chose nouvelle ?

samedi 3 décembre 2016

02ème dimanche de l'Avent A - 04 décembre 2016

Vivre ensemble : l'urgence de la conversion



Nous connaissons tous la figure du Baptiste que nous croisons une première fois en ce deuxième dimanche de l’Avent. Nous connaissons sa figure et son message : Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. Il consacre ainsi l’urgence de la conversion à effectuer. Il semble que soit venu le moment où il n’est plus possible de la repousser. Il semble que le ciel se décide à agir enfin. On comprend dès lors pourquoi Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. L’urgence de la conversion, Jean le Baptiste l’avait rendue contagieuse ; les gens le prenaient au sérieux et ils le manifestaient en venant à lui en nombre. Quand le ciel intervient, il vaut mieux se tenir prêt !

Remarquez : ce n’est pas nouveau, cette attente d’une intervention du ciel pour qu’enfin renaissent la paix, la justice, l’équité ! Isaïe, en son temps, dénonçait déjà les comportements contraires à la Loi qui menaient à la ruine du peuple. Il annonçait aussi qu’un jour viendrait où Dieu enverrait son messager, un roi issu de David, pour remettre de l’ordre dans le Royaume en perdition. Il faisait ainsi comprendre à sa manière qu’il était nécessaire et urgent que l’humanité se convertisse, qu’elle change de vie, qu’elle retrouve Dieu. Car Dieu seul produit la justice ; lui seul donne la paix véritable ; lui seul peut réconcilier les contraires ; lui seul jugera avec justice. Les images de la prophétie d’Isaïe sont éloquentes à ce sujet : Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra, sur le trou de la vipère l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte.  C’est bien un monde de paix et de fraternité qu’annonce Isaïe ; un monde où l’humanité sera réconciliée avec toute la création ; un monde où Dieu lui-même règnera. N’est-ce pas là une bonne nouvelle ? Soyons en assurés, cela se réalisera : Dieu l’a promis.

Mais alors se pose la question du « Quand » ? L’humanité n’attend-t-elle pas depuis assez longtemps pour que cela se produise enfin ? Quand Dieu interviendra-t-il pour que cette fraternité et cette ère de paix s’ouvre ? Je n’ai pas de date à fournir, mais les Ecritures entendues aujourd’hui font preuve d’une grande clarté. La réponse tient en deux temps.

Premier temps : il faut que l’humanité se convertisse ! Qu’elle change sa manière de concevoir le monde, les rapports entre les hommes. Il faut que la loi du plus fort cède le pas à la loi de l’amour. Il faut que les hommes découvrent comment Dieu agit dans le monde, dès aujourd’hui. Nous pouvons découvrir ce Règne qui se réalise, si nous savons jeter sur le monde le regard même de Dieu. Et si nous portons ce regard sur le monde, nous nous ouvrirons à la patience et à la persévérance. Patience, parce qu’il faudra encore du temps pour que tous les hommes soient capables de reconnaître Dieu à l’œuvre. Persévérance, car devant l’attitude quelquefois hostile du monde dans lequel nous vivons, il nous faut croire que Dieu fait son œuvre. Et c’est là que nous nous rendons compte que Dieu a besoin de nous pour faire progresser son Royaume. Il a besoin que nous témoignions de ce que nous avons vu et entendu ; il a besoin de témoins véridiques pour que les indifférents, les hostiles puissent laisser leur cœur s’ouvrir à sa Parole. Nous sommes les Jean le Baptiste de notre génération ; nous avons à dire la Parole pour qu’elle puisse être entendue.

C’est le second temps : la Parole de Dieu entendue, reconnue et tenue pour véridique. Ce second temps commence par la patience nécessaire pour examiner nous-mêmes cette Parole et son efficacité ; il nous faut le temps d’accueillir cette Parole, de la lire, de la comprendre. C’est la Parole entendue, comprise et vécue par quelques-uns qui touchera le cœur des hommes et leur ouvrira un chemin de conversion. Le « vivre ensemble » annoncé par les prophètes, re-fondé par la Loi d’amour du Christ Sauveur, dépend de notre capacité à accueillir cette Parole dans nos propres vies et à nous laisser convertir par elle. Il revient donc bien aux croyants que nous sommes de commencer à vivre cette Parole ; il n’y a pas d’autre voie pour être un témoin authentique. Dieu est patient avec nous : il annonce la venue du jour du jugement, mais il laisse à chacun le temps de se convertir. Nous pouvons donc commencer dès maintenant à bâtir entre nous une vraie fraternité permettant un « vivre ensemble » de qualité. Si chacun s’y met, le monde peut changer. Les courriers des nombreuses associations caritatives qui s’adressent à nous en chaque fin d’année montrent que des hommes et des femmes savent se mobiliser pour procurer à d’autres un surcroît de vie. Tous ne sont pas chrétiens : mais tous ont compris que la solidarité n’avait pas de frontière et que si l’on attendait que l’autre commence, jamais rien ne se ferait. Certains agissent au nom d’une humanité à développer ; nous pouvons et devons, quant à nous, agir au nom du Christ, lui qui a donné à l’humanité sa vraie dimension : elle est à l’image et à la ressemblance de Dieu, un Dieu qui n’abandonne jamais son peuple, un Dieu qui voit la misère des hommes, un Dieu qui entend les cris des malheureux.  Témoins d’un tel Dieu, comment pourrions-nous ne pas avoir la même attention à ces petits dont le Christ dit qu’ils sont ses frères !

Le « vivre ensemble » est devenu, en nos temps troublés, un slogan politique mille fois entendu. Mais il ne peut, ni ne doit le rester. A en croire les prophètes, c’est d’abord un signe du Royaume qui vient. En nous appuyant sur la Parole entendue, nous serons les mains de Dieu à l’œuvre dans le monde pour que cette Parole puisse aussi être vécue. Que l’Esprit Saint nous aide donc à transformer notre monde en transformant d’abord nos cœurs et nos vies pour un meilleur service de nos frères et sœurs en humanité. Amen. 

(Dessin de Mr Leiterer)

samedi 26 novembre 2016

01er dimanche de l'Avent A - 27 novembre 2016

Marchons à la lumière du Seigneur.




Dimanche dernier, nous avons terminé notre année liturgique sur la contemplation du Christ en croix et cette promesse faite à l’un des condamnés : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. C’était une belle manière de nous rappeler que toute notre histoire est une histoire orientée vers cette rencontre avec Jésus, mort et ressuscité, source de notre vie. Comment, après une telle contemplation, reprendre cette année nouvelle ? La réponse nous est donnée par le prophète Isaïe quand il nous dit : Venez, marchons à la lumière du Seigneur. 
 
Marchons ! C’est donc une invitation dynamique, une mise en route de manière résolue. L’invitation du prophète semble même être pressante : il n’est plus temps de réfléchir. Quelque chose de neuf se prépare, il faut en être ! The place to be, c’est la montagne du Seigneur vers laquelle le prophète veut nous entraîner. Ne pas se mettre en route reviendrait à se tenir hors du concert des nations, car nous ne sommes pas les seuls à nous mettre en route : Vers elle afflueront toutes les nations et viendront des peuples nombreux. Nous ne sommes pas les seuls à être attirés ou concernés par cette nouveauté qui se prépare. Quel meilleur moyen d’entrer dans une nouvelle année liturgique que celle-là : nous décider à nous mettre en route, à bouger notre foi. Le croyant ne peut rester patiemment assis dans son fauteuil en attendant que le Seigneur vienne à sa rencontre. Il sait que le Seigneur vient ; il se doit de faire sa part ; il se doit de se mettre en route. A partir du 08 décembre, nous aurons pour modèle particulier Marie, puisque nous entrerons dans un Jubilé marial. Et qu’a fait Marie lorsque le Seigneur s’est adressé à elle pour être la mère du Sauveur ? Elle ne s’est pas confortablement installée chez elle ; elle s’est au contraire mise en route rapidement pour se rendre chez sa cousine Elisabeth, qui dans sa vieillesse allait connaître quelque chose de neuf, puisque la voilà enfin enceinte, grâce à Dieu ! Avec Marie, mettons-nous en route sur les chemins qui mènent aux hommes, sur les chemins qui mènent à Dieu. 
 
Marchons à la lumière. Cette dynamique enclenchée par le prophète ne nous plonge pas dans l’obscurité ou dans l’incertitude. Elle est une dynamique de vie, qui nous entraîne vers la lumière. Je sais bien qu’à notre époque moderne, certains voudraient que la foi soit strictement personnelle, et que les chrétiens retournent vers ces catacombes d’où ils n’auraient jamais dû sortir. Comme s’il y avait d’un côté la vie publique, forcément laïque (comprenons, pour eux, libérée de Dieu), et de l’autre la vie religieuse, strictement personnelle, sans aucune prise sur la réalité vécue par les hommes, sans aucune influence sur ce que peuvent vivre les hommes. Les croyants seraient condamnés à une forme de schizophrénie. Le Jubilé de la miséricorde que nous avons vécu nous rappelait fort justement que notre foi se traduit en acte dirigé vers les plus faibles, les plus petits. La foi a donc nécessairement une dimension publique, elle se vit au grand jour, en pleine lumière. Lorsque nous choisissons de vivre notre foi, nous choisissons bien de venir à la lumière. Là encore, nous prenons Marie pour modèle : si elle gardait dans son cœur tout ce qui lui arrivait pour le méditer jour et nuit, elle n’en a pas moins été celle qui a donné le Sauveur au monde. Elle ne l’a pas gardé dans son sein ; elle ne l’a même pas gardé pour elle toute seule ; elle a accueilli le Messie dans sa vie pour le donner à tous les hommes. 
 
Marchons à la lumière du Seigneur ! Notre marche est orientée, notre vie toute entière est orientée. Nous n’allons pas n’importe où ; nous ne suivons pas n’importe qui. Celui qui nous met en route, au-delà du prophète, c’est Dieu lui-même. Celui que nous nous apprêtons à accueillir, c’est celui-là même que Dieu nous envoie, que Dieu envoie vers les hommes pour faire toutes choses nouvelles. Que faut-il faire pour marcher à la lumière du Seigneur ? La réponse est donnée par Paul dans sa lettre aux Romains : rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière. Comprenons bien que cette marche nous entraîne dans un combat : mais nous ne prenons pas les armes pour nous dresser contre les autres, nous prenons les armes de la lumière pour nous dresser contre le Mal, et d’abord le mal qui est en nous : Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour. A marcher à la lumière du Seigneur, nous ne ferons rien de mal et nous ne craindrons pas le Mal. Nous rendrons au contraire le monde plus beau, plus juste, plus fraternel parce que nous aurons revêtu le Seigneur Jésus Christ. Il est la source de la vie véritable, il est l’amour véritable au cœur de la vie du monde. Là encore écoutons Marie au long du Jubilé qui lui sera consacré à Marienthal : son cantique d’action de grâce met en pleine lumière l’œuvre du Seigneur dans la vie des hommes. En marchant à la lumière du Seigneur, avec Marie, nous rendrons grâce de ce que le Seigneur accomplit en nous et par nous pour rendre à ce monde sa beauté originelle, celle voulue par Dieu depuis les origines : un monde où tous les hommes vivent en frères, un monde où tous les hommes vivent en paix.  
 
Si tu crois que cela est possible, si tu veux participer à cette aventure, prends ton bâton et viens : Marchons ensemble à la lumière du Seigneur, car il vient celui qui sera juge entre les nations, celui qui nous enseigne ses chemins, celui qui nous conduit à la paix. Venez et tenez-vous prêts, car il est tout proche le temps du salut. Amen.

(Dessin de Mr Leiterer)

samedi 19 novembre 2016

Fête du Christ, Roi de l'univers C - 20 novembre 2016

Make human great again !





« Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Cette invective adressée au Christ crucifié annonce déjà ces nombreuses expressions du doute moderne, formulé ainsi : « Si Dieu existait vraiment, il n’y aurait pas tant de choses horribles dans notre monde ! » Pourtant, cette parole adressée au Crucifié dit à la fois toute la complexité du mystère de Dieu révélé en Jésus Christ et la difficulté de l’homme à adhérer à ce mystère. Ce que l’homme ne comprend pas est, hélas, souvent taxé d’irréel, d’inexistant !
 
A l’époque de Jésus, le peuple juif attendait un messie, un roi qui enfin rendrait à Israël son indépendance perdue il y a longtemps. A l’époque de Jésus, nombreux étaient ceux et celles qui croyaient que Jésus serait cet homme qui rendrait sa fierté et son orgueil à ceux qui furent jadis - au temps de David et de Salomon - un grand peuple (Make Israel great again !). A l’époque de Jésus, nombreux étaient également ceux et celles qui furent déçus par le refus de l’engagement politique de Jésus et qui le sanctionnèrent en réclamant sa mort en croix. S’il ne veut pas nous libérer comme nous le voulons, au moins ne nous dérangera-t-il plus ! Ont-ils seulement compris que c’est en agissant ainsi qu’ils donneraient au Christ la possibilité d’exprimer sa toute-puissance ? 
 
Aujourd’hui, nombreux sont ceux et celles qui attendent quelqu’un qui donne du sens à leur vie. Aujourd’hui, nombreux sont ceux et celles qui se soumettent à un gourou, pensant ainsi échapper à l’emprise du monde sur leur vie. Aujourd’hui encore, des hommes et des femmes attendent quelqu’un qui leur rendre leur fierté, voire leur orgueil. N’avons-nous pas vu aux Etats-Unis un président élu sous le seul slogan : Make America great again ? N’est-ce pas ce qu’attendant, pour la France, nombre de nos concitoyens à l’approche des élections présidentielles ? 
 
En ce jour où nous célébrons le Christ Roi de l’univers, nous sommes invités à redire notre foi en Celui qui a tout donné par amour pour l’homme et à redécouvrir que le Christ est venu dans le monde pour porter toutes les croix du genre humain et libérer, de manière définitive, l’humanité de tout ce qui l’empêche de vivre, de croire et d’espérer un monde meilleur. Si la liturgie nous fait méditer l’évangile de la crucifixion, c’est bien pour nous rappeler que c’est dans cet acte insensé que Jésus révèle sa véritable royauté, son véritable pouvoir sur le monde. C’est dans l’absolu dénuement, dans l’absolue injustice, dans l’absolu abaissement que Dieu peut montrer son absolue puissance, son absolue maîtrise des événements, son absolue volonté que l’homme vive, vive libéré de toute peur, vive libéré de toute souffrance, vive libéré de tout péché. Il fallait, oui, il fallait que Dieu accepte d’aller jusqu’au bout de l’aventure humaine, jusqu’au bout extrême de la souffrance humaine pour dire que désormais, cela n’arrivera plus, désormais Dieu sera avec chaque homme qui lutte, qui souffre, qui doute, qui hurle sa misère et qui attend un signe, qui attend un Sauveur. Seul un Dieu crucifié pouvait libérer un homme crucifié par tant de souffrances, tant d’injustices, tant de regards moqueurs, tant d’exclusions. Avec Jésus crucifié, Dieu prend définitivement le parti de l’homme affaibli, de l’homme rejeté, de l’homme calomnié. Sur la croix, Jésus a le choix entre se sauver lui-même, comme le lui conseille les moqueurs, ou sauver tout homme, tout l’homme, en prenant cette dernière place que personne ne veut, cette place où il est exposé, humilié au vu et au su de tous. 
 
Oui, c’est cet homme bafoué, suspendu au gibet qui devient le salut et l’espoir de la multitude. Incroyable sagesse de Dieu, folie aux yeux de l’homme, qui nous vaut aujourd’hui de reconnaître la toute-puissante royauté du Crucifié. L’instrument de honte qu’était la croix devient le signe de notre salut, de notre fierté. Ce n’est que l’aboutissement logique de toute une vie entièrement donnée aux petits et aux exclus. De la crèche à la croix, jamais cet homme n’aura cessé de proclamer sa solidarité avec tous les hommes. De la crèche à la croix, jamais quelqu’un ne l’aura détourné de sa mission première : rendre à tout homme sa dignité d’enfant de Dieu, de fils du Père éternel. Là réside sa royauté, là se trouve notre salut à tous. Parce qu’à la différence des politiques, il ne cherche pas à favoriser un pays, un clan, une tribu, mais tous les hommes ; avec le Christ, un seul slogan : make human great again ! 
 
Parce que le Christ aura été au bout de la misère humaine, tout homme – quelle que soit sa souffrance – peut se tourner vers lui et le voir partager cette souffrance pour mieux la crucifier et ainsi mieux le libérer. Désormais, chacun peut dire du plus profond de sa nuit : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi ! et s’entendre répondre : Vraiment, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. AMEN.

(Le Calvaire, Huile sur bois d'Andrea Mantegna, 1457-1459, Musée du Louvre, Paris)

samedi 12 novembre 2016

33ème dimanche ordinaire C - 13 novembre 2016

Cela vous amènera à rendre témoignage !




Le moins qu’on puisse dire, c’est que le tableau dépeint par Jésus n’est guère réjouissant : Temple détruit, catastrophes en tous genres, persécution… Il y a des dimanches où l’évangile semble bien loin de la bonne nouvelle qui est censée nous faire vivre. Et pourtant, au milieu de ce tableau bien sombre, il y a un impératif qui nous est rappelé et une bonne nouvelle qui nous est annoncée. 
 
L’impératif, c’est le témoignage : cela vous amènera à rendre témoignage. Il est rappelé justement quand Jésus parle des persécutions qui attendent les croyants. Un drôle de moment me direz-vous. Et pourtant, cela n’est-il pas le rappel que, pour le croyant, tout est occasion de témoigner de celui qui nous fait vivre : le Christ, qui le premier a livré sa vie ? Nous pouvons donc vivre les épreuves d’une vie comme une occasion de montrer que notre vie est orientée vers un bien supérieur et que notre espérance sera toujours plus forte. Se lamenter devant les épreuves d’une vie n’a jamais permis de les surmonter. Parler de celui qui nous fait vivre, témoigner de notre espérance, voilà qui donne une coloration particulière aux épreuves traversées. Voilà surtout ce qui peut nous donner la force de les surmonter. Notre foi n’est pas tant faite pour nous éviter les difficultés d’une vie que pour nous permettre de les vaincre. Si quelqu’un cherchait une raison pour se décider à croire en Dieu, en voilà une qui me semble bonne ! La foi nous ouvre ainsi un horizon que nul obstacle ne pourrait nous empêcher d’atteindre puisque nous marchons vers cet horizon à la suite du Christ. S’il a livré sa vie pour nous, n’oublions jamais que Dieu l’a ressuscité, faisant de lui notre chemin vers la vie éternelle. En lui, nous avons déjà notre victoire sur le Mal et la Mort. Plus rien ne peut nous faire peur. 
 
Et c’est là que vient se greffer la bonne nouvelle de ce dimanche : c’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Comprenez-vous bien ce qu’il affirme ainsi ? Jésus nous dit que lui-même nous assistera. Le témoignage que nous lui rendons vient de lui. Les mots de notre espérance, les mots de notre foi, c’est lui qui nous les donne. Notre assurance dans l’épreuve vient de lui. Comment mieux dire sa présence à nos côtés, y compris dans les moments difficiles ? Si cela n’est pas une bonne nouvelle, que vous faut-il ? Devant les épreuves, devant les catastrophes, le croyant peut puiser en Christ la force d’affronter l’adversité, la force de résister au Mal, et l’espérance que rien n’est fini de l’homme, la certitude que le Mal et la Mort n’auront jamais le dernier mot. Ils ne l’ont pas eu quand le Christ était en croix ; ils ne l’auront pas maintenant qu’il est ressuscité et qu’il est vivant en nous. Certes, l’épreuve est et reste un moment difficile à passer, mais le croyant la vit avec le Christ, celui qui a vaincu la mort même. Qui pourrait nous vaincre si nous restons fidèles ? Personne ! 
 
Nous vivons une époque curieuse et terriblement troublée. Nous ne manquons pas de raison de désespérer de l’homme. Les conflits ne manquent pas. Les élections américaines ont plongé le monde dans la stupeur et nous ne savons pas ce que nous réserveront les nôtres dans six mois. L’invitation du Christ à témoigner de lui conserve toute sa pertinence.  Alors gardons les yeux fixés sur Lui. Gardons sa Parole au cœur pour que jamais les mots nous manquent pour lui rendre témoignage. Redonnons au monde une espérance, redonnons au monde un sens, redonnons au monde le Christ. Il est pour tous les hommes source de salut et de vie, aujourd’hui et toujours. Amen.

samedi 5 novembre 2016

32ème dimanche ordinaire C - 06 novembre 2016

La vie éternelle, une question de confiance !





Mais quelle prise de tête, ces sadducéens ! Ils ne croient pas à la résurrection, et pour mieux appuyer leur position, ils s’en vont inventer une histoire à dormir debout, d’une femme qui épouse un homme qui a six frères, et celui-ci mourant sans lui laisser d’enfant, elle épouse, en respect de la loi, chaque frère, l’un après l’autre, les épuisant jusqu’au dernier, sans avoir eu d’enfant pour autant et surtout sans que cela n’éveille le moindre soupçon. Avec pareille histoire, je ne m’interroge pas tant sur la résurrection que sur la moralité de cette femme. Ses maris successifs sont-ils morts de leur belle mort ou les a-t-elle aidés un peu ? Voyez à quoi cela mène de compliquer les choses en matière de foi : à l’absurde ! Or la foi, c’est plutôt simple. 
 
Regardez ces sept frères du livre des Martyrs d’Israël. Soumis à la dictature d’un pouvoir totalitaire et absurde, ils font le choix de rester fidèles à leur foi, celle-là même qu’on leur demandait de renier, au risque d’y perdre la vie. Ils ne se découragent pas, ils ne renient pas, même face à la mort, bien au contraire. Pour eux le choix est simple : être fidèle à Dieu ou pas. Ce faisant, ils ne choisissent pas de mourir, ils choisissent de vivre, pour toujours, dans cette foi jadis révélée par Moïse lorsque, devant le buisson ardent, il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Oui, ils font le choix de la vie, selon cette parole du livre du Deutéronome (30, 15-16) : Vois, je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors tu vivras… Ce n’est quand même pas compliqué ! Pour ces sept frères, la vie, la vraie vie, passe par leur mort terrestre puisque le pouvoir en place ne leur permet pas de rester fidèles à la foi de leurs pères. Mieux vaut mourir de la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu. Ils disent ainsi clairement, et sans doute pour la première fois avec autant de force dans un texte de la Première Alliance, leur attachement à Dieu, leur espérance en une vie plus forte que la mort et leur certitude que Dieu les récompensera par une vie marquée du sceau de l’éternité. 
 
Dans l’évangile, Jésus ne dit pas autre chose. D’abord, il ne répond pas aux sadducéens ; leur question ne vaut pas la salive qu’il faudrait pour leur répondre. Mais il les invite à voir plus grand et d’abord à vraiment faire confiance à Dieu. Puisque nous savons déjà que le Dieu d’Israël n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, pourquoi ne pas lui faire confiance en tout ? Pourquoi vouloir comprendre comment ça marche ? Pourquoi vouloir faire de la vie en plénitude en Dieu une copie de notre vie terrestre ? La vie ici-bas et la vie en Dieu par-delà la mort sont deux catégories différentes. On ne joue pas dans la même ligue ! Pourquoi, dès lors, vouloir comparer ce qui n’est pas comparable ? Pourquoi se fatiguer à vouloir comprendre un don que Dieu nous fait gratuitement ? Si ton Dieu est le Dieu de la vie, il peut bien te faire vivre par-delà ta mort terrestre ! Ta foi ne serait-elle qu’une idée, des mots que tu prononces sans y croire vraiment ? Est-ce seulement encore une foi si tu as besoin de tout comprendre, de tout appréhender avec des catégories de notre monde ? Ce qui compte, semble dire Jésus, c’est de faire confiance à Dieu, à la puissance de vie qui vient de lui. 
 
La prière de l’Eglise, dans l’une de ces préfaces, nous donne à entendre notre foi à ce sujet : dans cette existence de chaque jour que nous recevons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée : nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit par qui tu as ressuscité Jésus d’entre les morts, et nous vivons dans l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques (Préface des dimanches n° 6). Puisque notre vie vient de Dieu, elle est déjà le signe de la vie éternelle. Par notre baptême, nous avons déjà part à cette vie et nous espérons qu’un jour elle s’accomplira en nous définitivement. Jésus nous a montré le chemin de cette vie : il s’appelle amour de Dieu et amour du prochain. Voilà ce qui compte, en plus de la confiance en Dieu : aimer à en perdre la raison, aimer absolument, à l’image du Christ Sauveur. Dans l’amour, grandit la vie éternelle qui est en nous. Notre espérance se traduit donc dans une confiance absolue en Dieu qui peut tout, même redonner vie à ceux qui sont morts, et dans un art de vivre qui place le frère au centre de nos préoccupations. Tout le reste n’est que littérature ; tout le reste n’est que conjecture. 
 
Fais confiance à Dieu, et tu vivras. Agis selon la Parole de Dieu, et tu vivras. Aime comme le Christ aime, et tu vivras. Il n’y a là rien d’extraordinaire. Tout est donné de manière très claire. Il faut juste le vivre. Mais peut-être est-ce là, le vrai problème pour nous : passer de la parole aux actes et marcher humblement en présence de Dieu, en toute chose. Mais si, pour une fois, nous essayions, sans trop nous poser de question ? Si nous nous mettions à aimer vraiment ? Si nous refaisions une place à Dieu dans notre monde ? Notre monde en serait bouleversé, assurément ; notre espérance deviendrait réalité. Plutôt que de nous casser la tête sur des hypothèses fallacieuses, donnons-nous une chance de vivre ce que nous croyons et de croire ce que nous espérons. Amen.

(Michel-Ange, La création d'Adam, Détail de la fresque, Chapelle Sixtine)

samedi 29 octobre 2016

31ème dimanche ordinaire C - 30 octobre 2016

Zachée, celui qui s'étant élevé a été abaissé, et s'étant abaissé a été élevé.




Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse, sera élevé. Qui ne connaît pas cette affirmation de Jésus. Elle n’est certes pas prononcée aujourd’hui, mais elle est mise en œuvre dans cette rencontre entre Zachée et Jésus, dans les deux sens. Voilà une rencontre que nous ne connaissons que trop. Et parce que nous ne la connaissons que trop bien, nous risquons bien de ne l’écouter plus qu’à moitié.  Je vais donc la relire à l’aune de cette citation de Jésus.

 Qui s’élève sera abaissé. C’est vrai pour Zachée, dans sa vie quotidienne. Il s’est élevé socialement en devenant chef des collecteurs d’impôts. Ah, ce n’est pas n’importe qui ! Aux yeux de l’Etat, il compte, le petit Zachée. Il n’est peut-être pas très grand par la taille, mais son travail, ce n’est pas rien. Il travaille au service de la puissante Rome. Il commande ces collaborateurs ; ceux qui l’ont embauché ont reconnu en lui les qualités d’un chef et d’un homme de confiance. Il manipule l’argent qui revient à l’empereur. Non, décidément, il n’est pas rien, Zachée. Le seul problème, c’est que ces contemporains, ceux issus du même peuple que lui, ne l’entendent pas ainsi. Pour eux, il est un traître, un collabo, un pécheur public. Et certainement, pensent-ils tous, il en profite pour les dépouiller sous couvert d’impôts à prélever. Zachée qui voulait s’élever est rabaissé bien violemment par ses compatriotes. Pour eux, il est sans intérêt. Ce n’est pas le genre de personnes qu’on fréquente quand on est quelqu’un de bien, quelqu’un de pieux, quelqu’un de droit. 
 
Qui s’élève sera abaissé. La vie de Zachée va prendre un nouveau tournant, sans qu’il s’y attende, à cause de Jésus. Il est de passage à Jéricho. Tous veulent voir Jésus, Zachée aussi. Et ce n’est ni la rumeur publique à son sujet, ni sa petite taille qui vont l’en empêcher. Comme personne ne lui fait de place, le voici qui grimpe dans un arbre. Pas très sérieux pour un chef des collecteurs d’impôts. Mais peut-être le signe que le Royaume n’est pas loin pour Zachée. Jésus n’a-t-il pas dit que le Royaume de Dieu est aux petits enfants et à ceux qui leur ressemblent ? En grimpant aux arbres malgré son âge, Zachée manifeste là une curieuse disposition pour le Royaume. Dans cet homme bat un cœur d’enfant, curieux de Jésus au point d’oublier qui il est et de grimper aux arbres. A moins que ce ne soit encore sa manie de vouloir s’élever, d’être au-dessus des autres et de tout contrôler. Il voulait voir Jésus, et voilà que c’est lui qui est vu par Jésus. Vu et appelé : Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Et le voilà « abaissé » par Jésus, obligé de quitter son arbre. 
 
Qui s’élève sera abaissé. Il nous faut remarquer ici que Zachée n’est pas le seul à être abaissé. Il y a la foule de tous ceux qui récriminent. Ils se croyaient meilleurs que Zachée, plus dignes que lui d’inviter Jésus pour un repas. Se comparant à Zachée, ils se sont élevés au-dessus de lui. En ne s’invitant pas chez eux, les bien-pensants, les bien-vivants, les bien-pratiquants, Jésus remet tout le monde à sa place, et lui le premier. Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Voilà qui ressemble étrangement à cette autre parole de Jésus, prononcée dans des circonstances assez similaires (un repas avec des publicains et des pécheurs) : Je ne suis pas venu pour les bien-portants ni pour les justes, mais pour les malades et les pécheurs. Et toc pour ceux qui voulaient une place d’honneur ! 
 
Qui s’abaisse sera élevé. Ça a dû lui faire tout drôle, à Zachée, d’entendre quelqu’un s’inviter chez lui, devant tout le monde. Sait-il seulement à quand remonte la dernière fois que quelqu’un, que les autres tiennent pour important, s’est invité chez lui, publiquement ? Tout se passe alors très vite, et il reçoit Jésus avec joie. Je suis toujours impressionné par l’absence totale d’hésitation de la part de Zachée. A moins qu’il ne soit déjà « contaminé » par l’absence d’hésitation de Jésus : c’est chez Zachée qu’il doit aller aujourd’hui. A croire qu’il n’est venu à Jéricho que pour cette rencontre. C’est sûr ; avec toute cette histoire, avec cette priorité brûlée aux gens qui se croient bien, la cote de popularité de Zachée ne va pas remonter : les autres récriminent déjà. Déjà, on ne parle plus que de cela ! On peut déjà imaginer la une du Pharisien libéré : Jésus se commet avec un pécheur ! Et c’est là que l’incroyable se produit. Zachée ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne joue pas à celui qui a reçu Jésus chez lui. Mais devant l’amour manifesté par Jésus, Zachée s’abaisse : Voici, Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. Ce qui lui vaut cette indulgence plénière de la part de Jésus : Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison. Le Fils de l’homme ne se commet pas avec des pécheurs pour le plaisir d’être avec des pécheurs, mais pour assouvir son désir de sauver tous les hommes. Il manifeste ainsi qu’il est bien de Dieu, né du vrai Dieu, celui-là seul qui aime passionnément l’homme au point de le sauver, toujours. Nous pouvons alors comprendre que ce désir est profond en Dieu, bien ancien puisque déjà chanté par l’auteur du livre de la Sagesse quand il médite, au regard de l’histoire d’Israël, sur qui est Dieu et comment il agit avec son peuple. Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres… En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes les vivants, toi dont le souffle impérissable les anime tous. Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur. 
 
Qui s’abaisse sera élevé. C’est l’effet de la miséricorde divine, et il ne se dément jamais. Ce qui était vrai jadis de Zachée est vrai de nous aujourd’hui. Si nous reconnaissons nos limites, nos faiblesses, notre péché, si nous prenons la résolution de changer parce que nous avons accueilli Jésus dans notre vie, nous serons sauvés, nous serons élevés pour vivre à la hauteur de Dieu, pour vivre de son amour et dans son amour pour toujours. Réveillons le Zachée qui dort en nous, laissons-nous visiter par Jésus et avec empressement, accueillons-le dans la joie. Osons nous abaisser devant sa tendresse et nous serons élevés par son amour. Amen.

samedi 22 octobre 2016

30ème dimanche ordinaire C - 23 octobre 2016

Un pauvre crie ; le Seigneur entend.




Un pauvre crie ; le Seigneur entend. L’antienne du psaume de ce dimanche donne le ton et nous fait comprendre, dans le foisonnement des paroles entendues, ce qui est utile, ce qu’il est bon de retenir. Au cœur de la foi biblique, il y a bien cette certitude, profondément ancrée, que Dieu ne reste pas sourd à celui qui crie vers lui.  
 
Ben Sirac le Sage proclame aussi cette certitude : le Seigneur est un juge qui se montre impartial envers les personnes. Il ne défavorise pas le pauvre, il écoute la prière de l’opprimé. Voilà prévenus celles et ceux qui ne respectent pas la justice, celles et ceux qui oppriment, celles et ceux qui exploitent les hommes. Les pauvres, les opprimés, les exploités ont un défenseur puissant, un protecteur qui veille. Quand bien même Dieu voudrait rester sourd à leurs appels, la prière du pauvre traverse les nuées… il persévère tant que le Très-Haut n’a pas jeté les yeux sur lui, ni prononcé la sentence en faveur des juste et rendu justice. Il nous faut alors nous souvenir de la parole de Jésus entendue dimanche dernier : Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Si donc tu veux que ta prière soit entendue, présente-la à Dieu comme un pauvre, comme quelqu’un qui attend tout de lui. Crie vers lui sans cesse. 
 
N’est-ce pas cette même certitude que Jésus lui-même enseigne encore ce dimanche lorsqu’il raconte la parabole du pharisien et du publicain qui montent au Temple pour prier ? Pourquoi l’un est-il entendu et rendu juste et pas l’autre ? Ils se tournent pourtant tous deux vers le même Dieu, dans le même lieu, le Temple, demeure du Très-Haut au milieu des hommes. Parce que l’art et la manière de présenter à Dieu leur prière n’est pas identique. Il y a le pharisien qui est plein de lui, plein des bonnes actions qu’il réalise assurément. Et il y a le publicain qui se sait pauvre et pécheur ; il sait qu’il n’égalera jamais Dieu. Il n’a rien d’autre à mettre en avant que ses limites, ses faiblesses, attendant de Dieu un signe, un geste, un pardon, un amour renouvelé. Il est un pauvre, y compris dans sa foi, y compris dans sa manière de la vivre et il attend de Dieu sa miséricorde. Comment Dieu, source de toute miséricorde, pourrait-il rester sourd à cet appel au secours ? 
 
Cette certitude que Dieu répond au cri du malheureux est celle qui remplit l’Eglise lorsqu’elle célèbre le sacrement du baptême. Elle ne baptise pas des gens parfaits ; elle ne réserve pas seulement son accueil à ceux qui croient parfaitement. Elle ouvre les portes de son Eglise à ceux qui savent que Dieu est tout, que tout vient de lui, et que devant lui, nous ne sommes que petits, pécheurs, faibles. Le baptême est donné pour la rémission des péchés. C’est le premier sacrement du pardon. L’enfant que nous accueillons au cours de cette eucharistie et qui passera tout à l’heure par les eaux baptismales sera ainsi libéré du péché, du Mal et de la Mort. Par ce bain d’eau, il sera reconnu enfant de Dieu et Dieu l’adoptera comme sien pour une vie sans fin. Nous ne le présentons pas parce que nous sommes de bons chrétiens ; nous le présentons parce que nous savons que Dieu peut tout pour lui et qu’il marchera à ses côtés, veillant sur lui, pour le conduire à la vie éternelle. Le baptême n’est définitivement pas un sacrement pour les parfaits, mais pour celles et ceux qui ont besoin de Dieu, qui ont le désir de Dieu. Et parce que Dieu entend la prière de ceux qui le désirent, il répond favorablement à cette demande. L’eau de la vie jaillira au milieu de nous, Dieu s’engagera envers cet enfant, il fera alliance avec lui. 
 
Cette alliance, nous l’avons tous vécu. Sans doute, si nous avons été baptisés bébé, ne nous en souvenons-nous pas. Mais nous avons grandi sous le regard de Dieu. Nous ne sommes ni pires, ni meilleurs que les autres : certains jours un peu plus pharisien, certains jours un peu plus publicain. Souvenons-nous tout au long de notre vie de ce que le psalmiste nous a fait chanter : un pauvre crie, le Seigneur entend. Gardons au cœur le désir vrai de Dieu ; que le baptême que nous allons célébrer renouvelle la source vive qui coule en nous. Et nous saurons nous situer en fils devant Dieu qui nous aime ; et nous saurons rendre grâce à Dieu, non de ce que nous sommes ou faisons, mais de ce que Dieu réalise pour nous, jour après jour. Qu’il soit le Maître de notre vie, aujourd’hui et toujours. Amen.

(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)

samedi 15 octobre 2016

29ème dimanche ordinaire C - 16 octobre 2016

Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps !




Dans un monde en perte de sens et de repères, dans lequel même l’action politique semble vaine tant le discours est bas, il est des gestes qui redonnent un peu d’espoir et de hauteur de vue. Tel a été le cas, le 08 octobre dernier, dans notre diocèse. Ce jour-là, en la cathédrale, l’Enseignement catholique a reçu des mains de Mgr Grallet, un nouveau projet diocésain. Non pas un truc en plus, avec des choses à faire, mais d’abord un texte qui rappelle le sens profond de notre agir et les moyens que nous voulons mettre en œuvre pour réaliser la mission que l’Eglise confie à son école : annoncer le Christ à tous les hommes. 
 
Dans ce texte, qui est ainsi devenu fondamental pour tous nos établissements scolaires catholiques en Alsace, trois axes sont déployés. Ils annoncent l’œuvre immense à accomplir pour réenchanter l’école (premier axe), pour accompagner la personne (deuxième axe), pour s’ouvrir au monde (troisième axe). Ils sont l’ADN de l’Enseignement catholique parce qu’ils reprennent l’ADN de l’Evangile. Peut-on annoncer le Christ sans redonner du sens ? Peut-on annoncer le Christ sans mettre la personne humaine au cœur de notre agir ? Peut-on annoncer le Christ sans être ouvert à tous ? Non, non, et non. Notre horizon, c’est le Christ ; ce avec quoi nous travaillons, c’est l’humanité dans laquelle le Christ s’est incarné ; ce pour quoi nous travaillons, c’est faire connaître le Christ dans le respect de tous. Et comment faire connaître le Christ et son œuvre de salut sans d’abord former des garçons et des filles à appréhender intellectuellement le monde dans lequel ils vivent, avec le regard de notre foi ? La foi chrétienne n’est pas imposée dans nos écoles, elle est proposée comme un chemin de compréhension, éclairant notre raison. Il arrive que la raison, éclairée par la foi, laisse un peu de place à un cheminement spirituel et à un désir de marcher avec Dieu. J’en veux pour preuve qu’au lendemain de cette proclamation du projet diocésain, j’ai ainsi eu la joie de baptiser trois adolescents dans un de nos établissements scolaires, comme pour marquer que l’œuvre que nous accomplissons, si elle semble souvent obscure et cachée, aboutit quand même à des conversions et à un désir sincère de marcher avec le Christ. 
 
Je comprends d’autant mieux alors l’insistance de Paul à annoncer le Christ, à proclamer la Parole, à intervenir à temps et à contretemps. C’est un devoir inlassable pour chaque croyant, pour l’école catholique en particulier. Cette Parole donne du sens à une existence, nous le savons. Paul insiste et précise que cette Parole est utile pour enseigner, dénoncer le Mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien. Ce n’est donc pas une parole à réserver au dimanche matin, lorsque les croyants se rencontrent. C’est une parole à adresser à tous, croyants ou non, pour qu’elle puisse faire son chemin dans le cœur des hommes. Ne nous étonnons pas devant la baisse de la foi si la Parole n’est plus annoncée à tous, si elle ne mène plus nos existences ! Comment un homme pourrait-il se convertir si la Parole ne lui était jamais adressée, annoncée dans toute sa grandeur et toute son exigence ? Comment le croyant pourrait-il rester un homme de bien si la Parole de Dieu n’éclairait pas son quotidien, ne nourrissait pas ses actes et ses propres paroles ? Nous n’avons, et nous n’aurons que cette seule Parole pour convaincre les hommes, les inviter à changer de vie et à suivre le Christ ; nous n’avons, et nous n’aurons que cette seule Parole et ce qu’elle produit dans notre propre vie pour attirer les hommes au Christ. Proclamer la Parole revient à la dire et à la vivre. Parce que cette Parole ne peut rester de simples mots ; elle est Parole vivante, Parole qui engage, Parole qui transforme. 
 
Nous pouvons être surpris par le fait que Paul ne précise pas que cette Parole, qui vient de Dieu, conduit à Dieu ! Fallait-il le préciser ? Depuis que Dieu s’est fait homme en Jésus Christ, nous savons que l’homme est chemin vers Dieu et que notre manière d’agir avec les hommes reflète notre manière d’agir avec Dieu. Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ; cette parole de Jésus doit plus que jamais nous habiter et nous pousser à mettre l’homme au cœur de nos préoccupations, car seulement ainsi Dieu sera lui-même au cœur de nos préoccupations. Je me demande même si, en nous tournant vers les hommes pour leur parler de Dieu, nous ne nous tournons pas en même temps vers Dieu pour lui parler des hommes dont nous avons le souci. L’œuvre d’évangélisation devient ainsi œuvre de prière, seule manière pour l’homme de s’ouvrir à Dieu, moyen par excellence pour Dieu d’ouvrir le cœur des hommes à sa Parole. Nous rejoignons ainsi la pensée de Paul qui dit bien que c’est la Parole de Dieu et non notre parole qui a le pouvoir de transmettre la sagesse. En mettant Dieu en présence des hommes par sa Parole, nous mettons bien les hommes en présence de Dieu ; nous aurons ainsi fait notre part du travail. Le reste relève de ce qui se jouera, ou pas, entre Dieu et ceux à qui nous avons parlé de lui. Le résultat ne dépend pas de nous ! 
 
Ne nous lassons pas de nous mettre personnellement à l’écoute de la Parole de Dieu. Ne nous lassons pas de proposer cette Parole à nos contemporains en manque de repères. Nous ne la gâchons pas à la proposer largement ; c’est même le seul moyen de la faire vivre vraiment. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

samedi 8 octobre 2016

28ème dimanche ordinaire C - 09 octobre 2016

Naaman, une certaine idée de la religion.




Désormais, je le sais : il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ! » Cette belle profession de foi nous vient d’un païen, un non juif, à une époque où on ne parlait pas encore de Jésus, ni même d’un messie à venir. Elle pourrait induire en erreur celui qui n’entendrait que ce passage lu ce matin, et faire croire que Naaman, le païen, parvient à la foi facilement. Son désir de ne plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël a bien failli n’être jamais exprimé. Car l’histoire commence bien mal. 
 
Naaman est un général du roi d’Aram, un peuple souvent en guerre contre Israël. Il a une servante, capturée lors d’une razzia en territoire d’Israël. Lorsque Naaman devient lépreux, c’est cette jeune servante qui parle à sa maîtresse du prophète Elisée, en Samarie, qui pourrait le délivrer de la lèpre. La lecture de ce dimanche permet désormais de recoller les morceaux : Naaman vient en Israël, se rapproche d’Elisée qui l’envoie se baigner sept fois dans le Jourdain pour être guéri. Les versets 14 à 17 nous ont donné à voir Naaman descendre jusqu’au Jourdain et s’y plonger sept fois, pour obéir à la parole d’Elisée, l’homme de Dieu. Alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié ! Le problème, c’est que le passage de la liturgie nous cache la résistance de Naaman. Il ne suffit pas que le prophète lui fasse dire de se baigner pour qu’il y aille. Bien au contraire ! Pour ce général, aller se baigner est une chose trop simple ! A croire qu’on le prend pour un imbécile. De plus, Elisée ne l’a même pas rencontré ; il a envoyé un serviteur dire au général ce qu’il aurait à faire. Une fois la consigne passée, Naaman se met en colère en disant : Je m’étais dit : Sûrement il va sortir, et se tenir debout pour invoquer le nom du Seigneur son Dieu ; puis il agitera sa main au-dessus de l’endroit malade et guérira ma lèpre. Il attendait autre chose, Naaman ; il voulait un magicien, un guérisseur, quelqu’un qui s’agite au-dessus de ses plaies. Il n’a qu’un ordre, simple au demeurant : va te baigner dans le Jourdain. Il s’attendait à un spectacle religieux, à quelque chose de grandiose ; il n’a qu’une prescription de bain, rapportée de seconde main. Il faudra la sagesse de ses propres serviteurs pour que Naaman, enfin, s’applique à respecter la consigne donnée. Si le prophète t’avait ordonné quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, n’est-ce pas ? Combien plus lorsqu’il te dit : « Baigne-toi, et tu seras purifié ». La suite, nous la connaissons. On peut dire que Naaman est passé d’une certaine idée de la religion à la foi en apprenant l’obéissance à la parole de Dieu. 
 
Comprenez-vous ce qui est en jeu ? Naaman, comme beaucoup de nos contemporains, veut une religion spectacle. Avec Dieu, il faut que ça swingue ! Avec Dieu, il faut du fun ! Avec Dieu, il faut des étoiles pleins les yeux ! Combien de fois ai-je entendu : moi je vais à la messe une fois par mois, à la messe des familles ou lors du dimanche autrement, parce que là, tu comprends, c’est mieux, il se passe des choses, ça bouge, c’est créatif…. Je ne nie pas l’importance de ces rendez-vous ; j’en ai fait moi-même, avant même que ce ne soit la mode dans les paroisses. Le problème, c’est qu’on ne doit pas faire de spectacle, n’est-ce pas ! La simplicité convient bien mieux à Dieu et à sa manière de nous respecter. Pas besoin de tambour, ni de trompette, ni de feux d’artifices pour le rencontrer. Pas besoin de grandes manifestations, de grands efforts pour le suivre. Il suffit de s’attacher à sa Parole et de la suivre. Va te baigner, et tu seras purifié !
 
C’est la même parole qui a été adressée à Emma, Anastasia et Stan et qui va se concrétiser dans un instant pour eux. Le bain de Naaman qui le purifie de sa lèpre annonce déjà le bain du baptême dans lequel nous plongeons pour être purifié de la lèpre du péché. Par ce simple bain, nous sommes reconnus comme fils et filles de Dieu, désireux de marcher à la suite du Christ, libérés de tout ce qui nous empêche d’être pleinement libres et heureux. Je ne ferai pas de magie ce matin ; je ne m’agiterai pas au-dessus ou à côté d’Emma, d’Anastasia et de Stan : je leur verserai juste un peu d’eau sur la tête, les oindrai avec un peu d’huile, et ils seront fils et filles de Dieu, frères et sœurs du Christ. Un peu d’eau et un peu d’huile suffisent pour revêtir le vêtement de ceux qui ont déjà, en Jésus, remporté la victoire sur toutes les forces du Mal et de la Mort. Un peu d’eau, un peu d’huile, un vêtement blanc, c’est tout ce qu’il faut pour marcher à la lumière du Christ. Un peu d’eau, un peu d’huile, un vêtement blanc et un cierge, c’est tout ce que vous aurez et c’est tout ce qu’il vous faudra pour avancer à la suite du Christ et vous approcher un jour, que j’espère prochain, de la table où Dieu nous rassemble pour nous donner son corps et son sang, offerts pour la vie du monde. Oui, vous n’aurez qu’un peu d’eau, qu’un peu d’huile, qu’un vêtement blanc et un cierge, et une parole. La Parole du Christ lui-même qui vous a déjà séduit puisque vous êtes là, ce matin, pour dire votre désir de le suivre. Une parole qui vous entrainera encore et toujours à la rencontre de vos frères et donc du Christ, qui vit en chacun d’eux. Il y a des jours comme aujourd’hui où cette parole vous semblera belle et grande, capable de vous mettre en route ; il y aura des jours où cette parole vous semblera fade et faible. Mais ce sera toujours la même parole, la seule et unique parole de Dieu qui vous appellera, qui vous invitera à aller de l’avant, à poursuivre votre chemin de foi, à poursuivre votre chemin d’humanité. Plus vous grandirez en humanité, plus vous grandirez en sainteté. Plus vous grandirez en sainteté, plus vous grandirez en humanité, devenant homme et femme à la mesure de Dieu, comprenant que rien ne vaut plus que l’amour offert. 
 
Emma, Anastasia Stan, vous avez magnifiquement exprimé cette simplicité qui sied à Dieu en nous rappelant, au début de cette célébration, comment Jésus était déjà votre lumière et comment a grandi en vous le désir du baptême. Il n’y avait pas de manifestation extraordinaire ; juste la présence et le témoignage de gens qui vous sont proches, juste ce désir de vivre de celui dont vivent les chrétiens. Gardez toujours cette simplicité ; et vous serez, à votre tour pour d’autres, témoins de ce Dieu qui appelle tous les hommes à la vie et à la joie. Oui, devenez désormais pour d’autres, ce que ces autres dont vous avez parlé ont été pour vous : des témoins, des porteurs d’une parole qui donne envie de vivre en plus grand. Amen.

samedi 1 octobre 2016

27ème dimanche ordinaire C - 02 octobre 2016

Fidélité dans la foi.





Qui ne s’est jamais senti comme le prophète Habacuc, à crier vers Dieu avec ce sentiment étrange de n’être pas entendu ? Qui n’a jamais désespéré devant le Mal et la violence qui semblent s’aggraver chaque jour ? Où est Dieu ? Que fait-il ? Pourquoi permet-il ? Il suffit d’ouvrir un journal pour constater les multiples occasions que nous avons ainsi de crier vers Dieu… y compris au sein de l’Eglise ! Combien de temps aurons-nous à supporter ce triomphe insupportable du Mal ? 
 
Pour trouver une issue, il nous faut déjà entendre la réponse de Dieu lui-même à son prophète. Face au Mal qui règne, il faut rester fidèle au Dieu de l’Alliance : le juste vivra par sa fidélité, affirme le prophète. Dieu n’oublie donc pas son peuple ; Dieu n’oublie pas le droit et la justice. Il interviendra, certainement et sans retard, assure encore le prohpète. Celui qui est révolté par le Mal doit entrer en résistance et espérer contre toute espérance. Le Mal ne peut avoir le dernier mot que si les hommes lui laissent le dernier mot. Avec son Alliance, Dieu a donné aux hommes la capacité à lutter contre le Mal. Les commandements du Seigneur sont autant de voies pour résister au Mal, pour l'empêcher de gouverner le monde. Mais peut-être faut-il d’abord à l’homme écarter le Mal de sa propre vie. Il n’y a pas de grand Mal et de petit Mal ; il n’y a que le Mal, quelle que soit son intensité. Ce qui fait que nos petites mesquineries, nos petites querelles, nos petits mensonges sont tous aussi néfastes que les attentats, la guerre, les violences institutionnelles. La fidélité du croyant à Dieu va lui permettre de lutter contre le Mal, d’abord dans sa propre vie. Tout commence là, chez nous, dans notre propre existence, dans nos propres relations, dans nos propres manières d’être. Il ne sert à rien d’être impatient face au Mal qui ronge le monde si je ne suis pas prêt à chasser le Mal de ma propre vie. Il ne sert à rien d’attendre que Dieu intervienne si je ne veux rien changer dans ma propre manière de faire. Tout commence par moi, ou pas ! 
 
Cette analyse est renforcée par le psalmiste. La clé de la fidélité, c’est l’écoute du Seigneur : Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! Ce psaume 94 qui a servi de réponse à la première lecture nous invite à la joie, à l’action de grâce car Dieu est notre Rocher, notre salut. Il n’y a pas à en douter ! Il est celui qui nous a faits… nous sommes le peuple qu’il conduit. La part de Dieu dans l’Alliance est donc pleinement respectée. Il veille sur nous. Jamais le Mal ne pourra avoir de prise sur nous. Nous ne pourrons peut-être pas toujours éviter le Mal que l’on nous fait, mais nous pouvons toujours éviter que le Mal se fasse par nous ! A condition d’être attentifs à sa parole : Aujourd’hui écouterez-vous sa Parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au désert ! L’homme sait, par son expérience, par l’histoire du peuple auquel il appartient, ce qu’il peut vivre selon qu’il soit attentif à Dieu et fidèle à sa parole ou pas. Ce qui arrive au temps d’Habacuc n’est pas nouveau ; ce n’est pas la première fois que le Mal semble triompher. Ceux qui suivent Dieu savent comment, par le passé, leur peuple s’en est sorti. Pourquoi aujourd’hui cela serait-il différent ? L’homme ne peut pas à la fois se détourner de Dieu et attendre de lui qu’il règle tous ses problèmes ! La seule réponse à la permanence du Mal, c’est la permanence de la foi. 
 
D’ailleurs, dans l’Evangile, Jésus ne rappelle-t-il pas à ses disciples que la foi vient de Dieu et qu’à témoigner de lui, on ne fait que notre « travail de disciple ». Dieu donne la foi à qui la demande ; il la donne entièrement, pas par petit bout. De même qu'il n'y a pas de grand Mal et de petit Mal, il n'y a pas de grande foi ou de petite foi, il n'y a que la foi. Il n’est donc pas besoin de la faire grandir. Il faut juste oser la demander, oser l'accueillir, oser ce saut dans la foi qui change une vie, ce saut dans la foi qui permet de croire que l’impossible est possible : si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi, nous assure Jésus. Cette foi que nous avons reçue, cette foi qui nous a été transmise, peut-être l’avons-nous oubliée, perdue dans les sables mouvants de notre histoire, de nos faiblesses, de nos manquements. Mais nous pouvons toujours la demander, nous pouvons l’accueillir à nouveau et renouveler sa puissance dans le sacrement du pardon et de la réconciliation. Nous pouvons toujours refaire le choix de Dieu, refaire le choix de la foi accueillie, vécue et partagée. 
 
Alors, certainement, le Mal sera battu en brèche. Alors, certainement, Dieu répondra à notre appel. Il ne fera rien sans nous ; il ne fera rien contre nous. A nous de savoir ce que nous voulons. A nous de lutter contre le Mal, et Dieu nous aidera, Dieu nous favorisera, Dieu nous sauvera. Arrêtons donc de rêver un monde d’où le Mal serait absent et commençons à le construire, ici et maintenant, dans la force de l’Esprit Saint. Amen.