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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 décembre 2010

Fête de la Sainte Famille - 26 décembre 2010

Notre foi est notre vie : nous célébrons un Dieu en qui nous pouvons nous confier.




Il y a quelque chose d’inquiétant dans le récit de Matthieu que nous venons d’entendre. Il y a la haine et la jalousie qui mènent à la condamnation à mort d’un enfant nouveau-né. Mais il y a aussi la confiance, le courage et l’amour d’un père pour cet enfant qui font que ce drame annoncé est déjoué, momentanément. Et Joseph devient alors le personnage incontournable de ce récit.

C’est Matthieu, qui au quatrième dimanche de l’Avent, nous présentait déjà Joseph. Un Joseph inquiet de la décision qu’il allait prendre. Souvenez-vous : il savait sa fiancée enceinte et avait formé le projet de la répudier en secret. Mais l’ange du Seigneur lui avait fait voir ce qui était juste ; il l’avait invité à entrer dans le projet que Dieu lui-même avait formulé, non seulement pour Marie, sa promise, et l’enfant qui était annoncé, mais aussi pour lui. Le projet de Dieu ne pouvait se réaliser complètement sans l’assentiment de Joseph, le père. Ainsi, Dieu construisait une famille à son fils unique qu’il envoyait dans le monde pour sauver l’humanité. C’est ce même Joseph qui est à nouveau avertit par l’ange du Seigneur du danger qui menace ce fils qu’il a accepté comme sien. Et, en père avisé et protecteur, Joseph fait ce qu’il doit pour protéger les siens. Il prend l’enfant, et s’installe dans la terre qui jadis avait réduit son peuple en esclavage. La terre de l’ancienne captivité devient la terre de la liberté et de la survie. Et il y restera jusqu’à ce que Dieu lui-même l’avertisse de la fin du danger. Joseph s’était entièrement remis à Dieu pour la naissance de son fils ; il s’en est remis à lui pour protéger cette famille dont il a hérité, il s’en remet encore à lui pour déterminer la date du retour au foyer. Grâce à Joseph, l’enfant a une famille ; grâce à Joseph, l’enfant a été sauvé de la fureur d’Hérode ; grâce à Joseph, l’Enfant devient le Nazaréen. Joseph devient ainsi l’archétype du croyant solide dans sa foi, qui fait confiance en toute chose à Dieu. Il devient l’archétype de celui qui a une foi sans faille.

Certes, on pourrait dire, à partir du même texte, que Joseph n’a que peu de mérite. Il suit aveuglément les instructions de Dieu. Il serait sans liberté propre. A lire trop vite l’évangile de Matthieu, on pourrait croire que Joseph n’est qu’un robot inhumain. Il exécute à la perfection ce qui lui est dicté. Or, Joseph manifeste sa liberté justement dans l’acceptation d’événements qu’il ne comprend pas. Comment un jeune père pourrait-il comprendre qu’on en veuille à la vie de son premier fils ? Comment un père pourrait-il comprendre qu’un puissant puisse prendre peur devant un nouveau-né ? Si nous étions à la place de Joseph, ne serions-nous pas un peu déboussolés ? La crainte ne s’emparerait-elle pas de nous devant la terreur mise en place par plus puissant que nous ? Souvenons-nous du massacre des saints Innocents dont la liturgie fera mémoire cette semaine et vous comprendrez que la crainte n’est pas qu’une vue de l’esprit. Joseph est croyant, et sa foi le pousse à faire confiance à Dieu en tout. Il lui a fait confiance avant la naissance de l’Enfant en accueillant sa mère. Il fait confiance à Dieu pour trouver un refuge pour sa famille. Il fait encore confiance à Dieu pour choisir le moment du retour. Mais il choisit l’endroit où cet enfant sera élevé. Il a choisi de faire confiance à Dieu : il n’y était pas obligé. Sa liberté, il l’exerce en choisissant à qui il va faire confiance. Pour Joseph, sa foi, c’est sa vie et la vie de son enfant.

Pour nous, chrétiens, notre foi est aussi notre vie. Elle concerne chaque instant de celle-ci. Elle peut orienter notre vie si nous faisons, comme Joseph, le choix de faire confiance en tout à Dieu. Lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous célébrons Dieu en qui nous pouvons nous confier. Deux moments de la célébration nous permettent d’exprimer notre confiance en Dieu. Il y a d’abord le rite pénitentiel où nous attendons de Dieu l’exercice de sa miséricorde pour nous. Mais il y a aussi et surtout le temps de la prière universelle qui nous permet de confier à Dieu les situations difficiles pour lesquelles nous ne pouvons pas grand-chose, sûrs que lui peut toujours intervenir. Ainsi, nous demandons à Dieu de nous ajuster à ce que lui veut. La prière universelle n’est pas là pour dire à Dieu de faire ce que nous voudrions qu’il fasse selon nos propres schémas. La prière universelle insère le croyant dans la volonté que Dieu a lui-même de voir tous les hommes rassemblés en lui. La prière universelle nous permet de prier pour tout ce qui tient au cœur de Dieu, pour que vienne la volonté de Dieu sur le monde, dans le désir que lui-même porte notre Histoire à son achèvement. Joseph est bien le modèle de cette humanité ajustée à la volonté de Dieu, puisque, sans forcément comprendre, il est entré dans le désir de Dieu de sauver ce fils incarné, pour que son projet de salut puisse un jour se réaliser. Librement, il a consenti à ce que Dieu voulait, sûr que Dieu ne pouvait vouloir que le bien pour cet enfant qu’il avait lui-même appelé à la vie en Marie.

C’est à cette même confiance que nous sommes invités en ce jour de la fête de la Sainte Famille. Nous serons de cette Sainte Famille si nous nous laissons ajuster en tout à Dieu, ou pour citer saint Paul, si tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons, nous le faisons au nom du Seigneur Jésus Christ. Nos familles n’ont pas forcément une existence plus simple que celle de la famille de Jésus, Marie et Joseph. Elles peuvent connaître aujourd’hui encore des drames qui peuvent mener à l’éclatement, à la violence, à la haine. Mais si le Christ devient le cœur de notre vie, si toutes nos actions, toutes nos paroles prennent leur source en sa parole, alors nous pourrons nous appuyer sur notre foi pour surmonter nos épreuves. Nous en serons capables parce que nous obéirons à un Dieu qui ne veut que notre vie et notre bonheur. Le don de son fils unique devrait suffire à nous en convaincre. Nous pouvons faire nôtres les paroles du psalmiste en cette fête : Heureux qui craint le Seigneur et marche en ses voies ! Heureux es-tu ! A toi le bonheur ! Osez vous confier en Dieu et il en sera ainsi, toujours. Amen.

(Photo : Détail de la crèche de Holtzheim - Alsace)

vendredi 24 décembre 2010

Saint Jour de Noël - 25 décembre 2010

Notre foi est écoute : nous célébrons un Dieu qui parle aux hommes.




Après cette belle nuit de Noël pendant laquelle nous avons joint notre voix à la voix des anges pour louer Dieu, voici venu le temps de comprendre mieux le mystère de l’incarnation. Les textes de la liturgie du jour de Noël ont balayé le merveilleux et nous invitent à réfléchir plus en profondeur.

Saint Jean, dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous propose une approche singulière du mystère de Noël. Pas d’anges, pas de bergers, pas même de crèche ; seulement la finesse de sa méditation, de sa compréhension du mystère divin. Et ce mystère, c’est que le Dieu auquel nous croyons est un Dieu qui parle à l’homme, un Dieu qu’il faut donc écouter. Le Dieu de Jean, notre Dieu, n’a rien à voir avec les dieux romains, grecs ou égyptiens ; il n’a rien à voir avec les idoles de pierre ou de bois qui ne peuvent rien pour nous et qui ne servent souvent qu’à justifier nos propres limites. Non, le Dieu de Jean, notre Dieu, est un Dieu qui entre en relation avec l’humanité. Un Dieu qui parle donc ; un Dieu dont la parole est efficace : ce qu’il dit, est. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui.

Ce Dieu qui parle, ce Dieu qui fait exister par sa parole, est le Dieu de l’alliance. En Jésus, qui est le Verbe de Dieu, Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu. En Jésus, sa Parole vivante, Dieu fait alliance avec chacun de nous. Au commencement, si vous lisez la Bible, Dieu a créé le monde pour établir une alliance avec l’humanité. Il a fait l’homme à son image et à sa ressemblance ; il lui a confié la création afin qu’il la gouverne. Dieu a fait de l’homme presque son égal. Mais le péché a obscurci le cœur de l’homme et celui-ci s’est éloigné de Dieu. En faisant naître son propre Fils selon la chair, Dieu donne à tous les hommes de redevenir ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être dans le cœur de Dieu : ses enfants ! Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Si la joie de Noël est si grande, c’est bien aussi à cause de cela. Notre vie est transformée ; notre vie a un nouvel horizon. Nous pouvons désormais vivre de la vie-même de Dieu puisqu’il a choisi de s’unir à nous par son Fils. Au cœur de cette nuit, au cœur du mystère de la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ, est inscrite en germe cette nouvelle alliance que Jésus accomplira totalement dans l’acte même de sa mort et de sa résurrection. Le bois de la mangeoire inaugure une alliance nouvelle que le bois de la croix signera. Le mystère de l’incarnation n’aurait aucun sens sans cet horizon de la croix qui nous vaudra le salut pour toujours, si nous accordons foi et confiance au Christ Sauveur.

Parce qu’il ne suffit pas que Dieu naisse comme un enfant pour que l’homme soit sauvé, il faut encore que l’homme accueille ce Dieu, que l’homme écoute ce Dieu qui lui parle au cœur. Ce n’est pas sans raison qu’aucune de nos liturgies ne peut se passer de l’écoute de la Parole de Dieu ; ce n’est pas sans raison que le Magistère de l’Eglise nous invite sans cesse à lire et à méditer la Parole de Dieu chez nous, en complément de la Parole entendue et expliquée dans nos assemblées ; ce n’est pas sans raison que notre archevêque nous invite pour la troisième année, non seulement à découvrir la Parole et à la célébrer, mais aussi et peut-être surtout, à la vivre ! A quoi cela me sert-il que Dieu parle si je n’ai pas d’oreilles pour écouter ?

Je le dis souvent aux enfants : le premier organe de la foi, ce n’est pas notre bouche, ni même notre cœur ; le premier organe de la foi, ce sont nos oreilles : elles nous font entendre ce que notre bouche aura à redire ; elles nous font entendre ce que notre cœur aura à aimer. Sans écoute de Dieu, pas de foi possible. Sans Dieu qui parle, sans homme qui écoute, pas d’alliance possible, pas de salut possible. Au milieu de l’agitation et du bruit de nos fêtes, prenons le temps d’écouter Dieu qui nous parle. Nous lui répondrons par une foi toujours plus grande, par une vie toujours plus conforme à son projet d’amour. Est-il meilleur moyen de célébrer l’avènement de son Fils au cœur de notre vie ?


(Photo : Détail de la crèche de Holtzheim, Alsace)

jeudi 23 décembre 2010

Sainte Nuit de Noël - 24 décembre 2010

Notre foi est louange : nous célébrons un Dieu qui tient ses promesses.





Il y a quelque chose d’angoissant lorsqu’il nous faut sortir au milieu de la nuit, même si c’est pour entendre une bonne nouvelle. Il y a quelque chose d’angoissant, parce qu’il nous faut affronter justement cette nuit, affronter l’inconnu, ce soir affronter le merveilleux, même si nos vies nous semblent banalement simples, sans relief particulier. Oui, c’est bien au cœur de la nuit, au cœur de toutes nos nuits d’incertitudes, de doutes, de trahisons, de péchés, que Dieu lui-même vient nous déranger, nous convoquer. Nous sommes, ce soir, ce peuple qui marchait dans les ténèbres. Au moment où nous célébrons Noël, n’oublions pas cela : c’est bien au cœur de nos existences quelquefois sombres que Dieu lui-même vient. Il vient visiter cette nuit ; il vient visiter nos nuits.

Pour Marie et Joseph, c’est sans doute l’angoisse aussi. Les voilà jetés sur les routes de Palestine à la faveur d’un édit de l’empereur qui n’a rien de mieux à faire que de compter les gens de son royaume comme on compte les moutons d’un troupeau. Il n’a que faire d’une femme enceinte, presque à terme, qui ne peut voyager. Comme les autres, elle se fera recenser dans la ville d’origine de son mari. Elle ne voyage pas en voiture confortable, mais à dos d’âne peut-être, à pieds sans doute. Et comme si cela n’était pas suffisant, voilà que, lorsque vient le moment de donner vie à leur enfant, ces jeunes époux ne trouvent pas asile dans les auberges de la région. Que voulez-vous : tout le monde est en route, chacun va se faire recenser. Les portes se ferment, une à une. Il y a juste une étable. Angoissant d’accoucher ainsi, sans sage femme, presque en pleine nature. Marie et Joseph sont de ce peuple qui marchait dans les ténèbres. Et pour l’instant, ils n’ont pas vu de lumière se lever : que des portes qui se ferment sur le peu de lumière qu’ils pouvaient espérer.

Pourtant, la prophétie d’Isaïe entendue en première lecture, c’est ce soir qu’elle s’accomplit. C’est ce soir que le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. C’est ce soir qu’une lumière resplendit. Cet enfant qui naît, pauvre au milieu des pauvres, cet enfant qui naît, rejeté parmi les rejetés, cet enfant provoque une joie immense, pas seulement dans le cœur de ses parents, mais au ciel même. L’évangéliste Matthieu rapporte qu’une troupe céleste, innombrable, se met à louer Dieu en chantant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. Si jamais les hommes n’avaient pas compris que cette naissance, presqu’à l’écart du monde, les concerne tous, voilà que les anges se rappellent à leur bon souvenir et leur indiquent l’attitude propre à avoir en pareille circonstance. Se réjouir de cette naissance et louer Dieu : même en pleine nuit. Car, avec cet enfant, c’est la paix de Dieu qui est offerte à tous ; avec cet enfant, c’est Dieu lui-même qui vient au cœur de toutes nos nuits pour faire jaillir sa lumière, pour offrir sa paix, pour dire son amour.

Si l’on en croit l’évangile, (et pourquoi ne le croirions-nous pas ?), cette bonne nouvelle ne peut pas être entendue par tout le monde. L’annonce de cette naissance provoque chez certains de la peur, de l’angoisse, de la colère même. Cet enfant, à peine né, dérange déjà. Et pourtant, que peut-il faire à part gazouiller ? Cette nuit même, alors que nous célébrons l’irruption de Dieu au cœur de notre nuit par la naissance de son fils, il est des hommes et des femmes pour refuser de voir cette lumière. Ils sont tellement habitués aux ténèbres qu’ils ne voient autour d’eux que ce qu’il y a de ténébreux en l’homme, qu’ils ne voient que ce qu’il y a de ténébreux dans l’histoire des hommes, dans l’histoire de notre Eglise. Et ils en viennent à rejeter cet enfant, à fermer leur porte comme jadis les aubergistes. Pas de place pour Dieu, pas de place pour cet enfant qui vient les déranger, en pleine nuit de surcroît !

Et nous ? Nous laisserons-nous éclairer de cette lumière nouvelle ? Joindrons-nous notre voix à celle des anges pour louer Dieu et proclamer ainsi notre foi ? Ce soir, notre foi est louange adressée à Dieu qui tient toutes ces promesses. A nous qui doutions, à nous qui désespérions de la vie et des hommes, il est montré un nouveau chemin. A nous qui étions enfermés dans les ténèbres de la discorde, du mal et du mensonge, il est montré une lumière qui met la paix entre les hommes, une lumière qui fait resplendir la vérité sur nous et sur Dieu. Dieu nous a promis la vie : en Jésus, c’est bien la vie de Dieu qui fait irruption dans notre vie pour que nous vivions de la vie-même de Dieu. Dieu nous a promis la paix : en Jésus, c’est le Prince de la paix qui vient au monde. Oui, cette naissance vient bouleverser nos existences, pour du mieux.

Au début de notre liturgie, après quatre semaines d’absence, l’hymne de louange s’est élevée vers le ciel, disant à Dieu notre gratitude pour ce mystère de l’incarnation. Au début de presque toutes nos liturgies dominicales, c’est ce même chant de louange (le Gloire à Dieu) qu’il nous est donné d’élever vers Dieu. Ce n’est pas qu’un rite ; c’est l’expression de notre reconnaissance à Dieu pour tout ce qu’il est pour nous : un Dieu qui offre son Fils pour notre salut. Plus tard dans la liturgie, la préface elle-même nous permettra de poursuivre notre louange au Père en précisant un motif particulier de le remercier. La louange devrait être le premier mouvement de notre foi, car Dieu fait infiniment plus pour nous que tout ce que nous pourrions faire pour lui.

Ce soir, émerveillons-nous devant cet enfant nouveau-né et remercions celui par qui cette naissance est devenue possible ; remercions celui par qui cette naissance devient notre naissance au monde de Dieu. Oui, une grande lumière resplendit pour nous et, si nous la suivons, jamais plus nous ne marcherons dans les ténèbres. Gloire en soit rendue à Dieu, aujourd’hui et toujours. Amen.





(Photo : Détail de la crèche de l'église de Holtzheim, Alsace)



samedi 18 décembre 2010

4ème dimanche de l'Avent - 19 décembre 2010

Notre foi est Bonne Nouvelle : nous célébrons un Dieu avec nous !







Encore quelques jours, et celui dont nous avons préparé la venue, sera à notre porte. Encore quelques jours, et toutes les prophéties entendues s’accompliront : voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous !). Ce n’est pas une promesse en l’air, ce n’est pas une vue de l’esprit : ce que Dieu a annoncé va se réaliser. Nous pouvons nous réjouir ; nous devons l’annoncer au monde. Parce que notre foi n’est pas d’abord un ensemble de règles ou de dogmes : non, notre foi est d’abord une Bonne Nouvelle à accueillir et à transmettre.

Lorsque nous entendons l’évangile de Matthieu, on peut croire que pour Joseph, d’entendre dire que sa fiancée est enceinte, n’est certainement pas une bonne nouvelle. Et pourtant, il reste l’homme juste qu’il a toujours été. La Loi lui permettrait de dénoncer cette fille en public, elle serait lapidée. Il referait sa vie avec une autre, qui lui serait fidèle. Il n’en fera rien. Matthieu nous indique sobrement qu’il avait décidé de la répudier en secret. Et c’est alors qu’intervient Dieu par son messager. Ce qui était une catastrophe pour Joseph devient une Bonne Nouvelle : sa fiancée lui a été fidèle et elle est fidèle au Dieu des Pères. C’est de l’Esprit Saint que vient l’Enfant qui grandit en son sein. C’est là que réside la première Bonne Nouvelle que nous avons à répandre. Le Dieu auquel nous accordons foi est un Dieu pour l’homme, un Dieu qui agit en faveur de l’homme. Le nom que recevra cet enfant en atteste : Emmanuel : Dieu-avec-nous ! En accueillant l’Enfant et sa mère, Joseph accueille cette certitude que Dieu s’engage en faveur de l’humanité. Et il ne s’engage pas par hasard, histoire d’avoir quelqu’un à qui parler. Dieu s’engage en faveur de l’humanité pour la sauver. Ainsi en atteste le nom que Joseph donnera à son fils : Jésus, Le-Seigneur-sauve !

Lorsque Paul écrit aux Romain, l’histoire de Jésus, pour certains, relèvent déjà de la vieille histoire. Cet homme a été arrêté, jugé, condamné, mis à mort. Une catastrophe pour ses amis et disciples. Mais voilà, en cet homme, Dieu s’était engagé auprès de l’humanité. En cet homme, Dieu avait promis le salut. Et il le réalise dans cet acte même de la mort de son Fils. Celui dont la naissance avait été annoncé à Joseph est bien celui dont parle Paul aux Romains. Seulement Paul ne parle plus de lui comme d’un enfant. Il n’y a plus ce côté merveilleux que nous avions chez Matthieu. Paul parle de Jésus, adulte. Paul parle de Jésus et de sa mort. Paul parle de Jésus et de sa résurrection, l’acte de Dieu qui signe toute sa vie et garantit la pleine réalisation des promesses faites par Dieu. Pour Paul, c’est en Jésus que Dieu se manifeste Dieu-avec-nous puisque Jésus nous a livré la Parole de Dieu. Pour Paul, c’est en Jésus que Dieu réalise le salut promis puisque sur la croix, c’est la vie de l’homme qui renaît. Ce n’est pas sa naissance merveilleuse qui fait de lui le Fils de Dieu, mais selon l’Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui Jésus Christ, notre Seigneur. La Bonne Nouvelle, c’est Jésus lui-même, venu dans notre monde pour nous sauver par le don de sa propre vie. En Jésus, Dieu s’engage résolument à nos côtés, pour toujours. L’acte sauveur de Jésus est posé une fois pour toutes, et vous en bénéficiez encore aujourd’hui, à travers le temps et l’histoire.

Oui, notre foi est Bonne Nouvelle parce que Dieu s’est engagé en notre faveur. Oui, notre foi est Bonne Nouvelle à proclamer, après l’avoir accueillie nous-mêmes au cœur de notre existence. Ce que nous fêterons dans quelques jours, nous avons à le vivre quotidiennement. En chaque eucharistie, il nous est donné d’entendre cette Bonne Nouvelle à travers les lectures et l’homélie. En chaque Eucharistie, Dieu nous parle, s’engageant encore dans nos vies pour nous sauver. En chaque Eucharistie, Dieu nous garantit sa présence par la bénédiction finale qui nous est donnée : Que Dieu vous bénisse peut bien se traduire par : Qu’il soit avec vous partout où vous irez. Après avoir célébré les dons de Dieu et les merveilles qu’il réalise encore pour nous, nous sommes renvoyés chez nous, en témoins authentiques et autorisés. Ce que nos yeux ont vu, ce que nos cœurs ont entendu, nous avons à le transmettre aux autres, à ceux qui n’ont pas pu nous rejoindre pour que, eux aussi, découvrent de quel amour ils sont aimés ; pour que, eux aussi, puissent entendre cette Bonne Nouvelle : Dieu vient vous sauver, Dieu est avec vous, tous les jours jusqu’à la fin des temps. Amen.

samedi 11 décembre 2010

3ème dimanche de l'Avent A - 12 décembre 2010

Notre foi est patience : nous célébrons un Dieu qui se révèle dans des signes à découvrir.








Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? Cette question de Jean-Baptiste adressée à Jésus lui-même manifeste l’immense attente de tout un peuple, ce peuple qui se pressait autrefois auprès de Jean-Baptiste. Maintenant qu’il a été arrêté, il ne peut plus annoncer la conversion nécessaire, il ne peut plus entraîner les hommes vers Dieu. Alors, quand il entend parler de ce que faisait Jésus, il s’interroge. Un autre poursuivrait-il son œuvre ? Dieu aurait-il enfin envoyé celui que le peuple attendait, celui que Dieu lui-même avait promis : le Messie, le Sauveur ? Il envoie donc des disciples vers Jésus, histoire d’en avoir le cœur net.

Jésus aurait pu répondre par oui ou par non à la question de Jean-Baptiste. La question était simple ; elle méritait une réponse simple. Trop simple sans doute. La réponse tient donc en ces termes : Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! Il faut alors un minimum de culture biblique pour comprendre cette réponse. En fait, Jésus reprend à son compte ce que les prophètes avaient annoncés. Lorsqu’il viendra le Messie, des signes s’accompliront. La première lecture de ce dimanche s’en fait l’écho : Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. Alors s'ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Les signes posés par Jésus sont conformes à ceux annoncés par les prophètes. Une seule conclusion s’impose : Jésus est bien celui que Jean-Baptiste annonçait et attendait. Il est bien celui que Dieu envoie, celui que Dieu a promis. Ce peuple qui avait patienté, ce peuple qui avait espéré, voit son attente comblée. Les promesses de Dieu vont se réaliser. Enfin !

A nous qui nous préparons à accueillir le Messie de Dieu, il est rappelé ainsi que notre foi est patience. Il faut du temps pour découvrir Dieu, pour comprendre le projet d’amour qu’il porte pour chacun de nous. A ceux qui cherchent, à ceux qui attendent, Dieu donne des signes. Il nous revient d’apprendre à les lire pour ne pas passer à côté de Dieu lorsqu’il se manifestera dans notre vie. Notre vie de foi est riche de ces signes de Dieu. Les sacrements que nous célébrons ne sont-ils pas autant de manifestations de la grâce de Dieu à l’œuvre au cœur même de notre existence ? Si l’Eglise insiste tant sur une pratique régulière, ce n’est pas d’abord pour remplir nos lieux de culte, mais bien pour que nous apprenions ensemble à lire les signes de la présence de Dieu ; c’est bien pour que nous profitions ensemble de la grâce attachée à ces signes que Dieu donne. Nul ne peut progresser seul dans sa foi ! Nul ne peut vraiment découvrir Dieu en restant seul ! Il y faut un peu de patience ; il y faut un peu des autres.

A ceux qui s’interrogent encore sur les signes que Dieu nous donne aujourd’hui, nous pouvons présenter les différents sacrements qui rythment notre vie spirituelle. Ils sont signes de Dieu à l’œuvre dans le monde et dans le cœur des hommes. Ainsi, notre rassemblement dominical devient le lieu où Dieu lui-même se donne à nous dans le pain de l’Eucharistie, se fait comprendre de nous par le don de sa Parole lue, méditée et expliquée devant tous. Il serait fou de croire que je peux m’en abstenir sans conséquence grave pour moi et pour la communauté. Ainsi encore le sacrement du baptême par lequel Dieu lui-même nous appelle ses fils et ses filles, et nous donne de partager sa propre vie. Ou encore le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, où Dieu redresse en nous ce qui était tordu et par lequel Dieu lui-même nous guérit de notre capacité à faire le Mal. Par la confession, il nous purifie de la lèpre du péché. Et nous pourrions poursuivre ainsi avec chacun des autres sacrements. Chacun nous rappelle à sa manière que Dieu prend soin de nous, qu’il veille sur nous, et nous donne ce dont nous avons besoin pour progresser dans la foi, pour grandir en humanité et partager ainsi sa vie.

Cette découverte de l’œuvre de Dieu dans le monde et dans notre vie à travers les sacrements ne se fait pas en un jour. Il y faut le temps de la conversion personnelle, le temps de l’ouverture vraie de notre vie à Dieu lui-même. Ne soyons pas trop pressés dans notre vie de foi : mais avançons avec patience et courage à la rencontre de celui qui vient refaire toutes choses nouvelles. Amen.

samedi 4 décembre 2010

2ème dimanche de l'Avent A - 05 décembre 2010

Notre foi est espérance : nous célébrons un Dieu qui prend soin de son peuple et qui pardonne.






Parmi les nombreuses manières d’aborder notre foi, il y a l’angle de l’alliance que Dieu veut établir entre lui et nous. En lisant la Bible, nous pouvons comprendre comment Dieu, à travers l’histoire, faisait alliance avec les hommes, et découvrir les promesses sur lesquelles reposaient ses alliances. Ainsi, par exemple, à Abraham, il est promis qu’il sera le Père d’une multitude ; à Moïse, il est promis la liberté et une terre ; à David et Salomon, il est promis qu’ils seraient de grands rois et qu’ils auront une descendance nombreuse ; à Jérémie, il est promis une alliance nouvelle, inscrite dans le cœur des hommes. Que sont ces promesses devenues ?

Pour les chrétiens que nous sommes, ces promesses ont toutes été réalisées en Jésus Christ. Récapitulant l’histoire et accomplissant pleinement le projet de salut de Dieu en sa mort et sa résurrection, il mène à leur perfection toutes ces promesses. En lui, en sa mort/résurrection, la nouvelle alliance est inaugurée. Désormais, les hommes n’ont plus à craindre le mal, le péché et la mort : en Jésus, mort et ressuscité, ils ont part à sa victoire et peuvent, dans une fidélité au Christ, vaincre en eux et autour d’eux les forces de morts qui régissent leur monde. En Jésus, ils ont accès à la vie éternelle ; en Jésus, ils sont fils et filles de Dieu. Désormais, la loi de Dieu ne leur est plus extérieure ; désormais, Dieu lui-même habite en chacun, puisque en Jésus, il est devenu l’un de nous. C’est bien vers la célébration de ce grand mystère que nous marchons en ce temps d’Avent. C’est bien ce grand mystère qui fonde notre foi et notre espérance.

Le mot est donc lâché : notre foi est espérance. Benoît XVI, dans son encyclique Spe salvi (l’espérance sauve), rappelle que dans certains écrits bibliques, foi et espérance sont tellement liées qu’elles se substituent l’une à l’autre. Avoir la foi, c’est espérer ; espérer, c’est déjà être croyant. Avons-nous raison d’espérer ? Puisque notre foi se fonde en la mort et la résurrection de Jésus qui nous obtient la vie éternelle, il n’y a pas lieu de douter ou de désespérer. Notre espérance nous tourne toujours vers ce cœur de la foi, et quelques soient les difficultés rencontrées, nous savons que nous en sommes déjà vainqueurs, puisque le Ressuscité lui-même a vaincu une fois pour toutes tout ce qui s’opposait à la vie, à notre vie.

Paul nous le disait dans la deuxième lecture entendue : tout ce que les livres saints ont dit avant nous est écrit pour nous instruire, afin que nous possédions l’espérance grâce à la persévérance et au courage que donne l’Ecriture. Lorsque nous lisons ces textes, nous ne lisons pas de belles histoires, nous ne parlons pas de grandes idées ; nous lisons l’histoire de notre famille, la famille des croyants-Dieu, qui nous concerne encore aujourd’hui. Ce que Dieu a fait jadis, il le fait toujours et encore, à travers le temps et l’histoire, pour chaque homme, pour chaque femme, pour chaque enfant qui vient en ce monde. Notre foi repose sur la certitude que Dieu prend soin de nous comme un Père porte le souci de son enfant. Notre foi repose sur la certitude que Dieu se souvient de chacun de nous, car comme une mère ne saurait oublier son petit, Dieu ne saurait oublier ceux qu’il a appelés à la vie en son Fils unique. Dieu veille sur nous, Dieu nous protège.

Au cours de la célébration eucharistique, nous redisons cette espérance, et ce, dès le début de notre rassemblement. Après les salutations d’accueil, la première chose que nous faisons, c’est nous tourner vers la croix du Christ et nous reconnaître pécheurs. Il ne s’agit pas là de nous flageller pour nos manques d’amour, ni même et surtout d’exposer publiquement notre péché. Il s’agit de se tourner vers celui qui est la source de cette éternité de vie, le Christ crucifié et ressuscité, pour lui dire qu’on est sûr de lui. C’est le premier secret que découvrent les enfants qui préparent leur première communion. Et il est d’importance. Car il porte en lui notre espérance, donc notre foi. Devant la croix, nous demandons à Jésus de veiller sur nous, d’être toujours auprès de nous. Et nous le faisons en proclamant ce qu’il a fait pour nous ; par exemple : Seigneur Jésus, vivante image du Père, envoyé pour nous rendre la vie, prends pitié de nous. O Christ, né de la Vierge Marie, pour nous apporter le pardon, prends pitié de nous. Seigneur, Parole éternelle du Père, venu nous promettre la paix, prends pitié de nous. Devant la croix, signe de l’immense amour de Dieu pour nous, nous disons notre confiance en Dieu qui nous sauve et dont nous espérons encore pouvoir sentir l’amour, même si nous savons que quelquefois, nous nous éloignons de lui. Ce qui compte, ce n’est pas notre péché ; ce qui compte, c’est que nous espérons de lui être sauvés, être pardonnés, être ressuscités. Nous ne pourrions entendre sa Parole, sans cette certitude d’être aimés et relevés de nos péchés ; nous ne pourrions pas communier au Corps du Christ, c’est-à-dire à la vie même de Dieu, si nous n’avions pas en nous cette espérance que ce pain nous sauve et nous fait vivre. Ou alors la communion serait vidée de sa substance ; il n’y aurait alors pas de différence entre manger un simple morceau de pain et communier au don de Dieu. Or ce pain que nous mangeons est bien plus que du pain puisqu’il est devenu Corps et Sang du Ressuscité, passant dans notre vie pour nous transformer intérieurement et nous rendre participants de l’unique Corps, celui qui a été livré et sauvé par Dieu dans la Pâque.

Sans espérance, notre foi n’est rien. Sans espérance, il n’y aurait pas d’avenir possible avec Dieu. Sans espérance, notre Avent ne serait que du vent. Or, nous attendons bien Dieu, qui se manifestera au cœur même de nos existences ; nous attendons bien Dieu, qui partagera le tout de notre existence pour la transfigurer et élever notre vie à la mesure de la sienne. Chaque messe nous rend déjà participant de ce mystère. Chaque messe fait grandir notre foi en ravivant notre espérance. Nous pouvons accorder foi et confiance à un tel Dieu : ce qu’il a promis, il l’a réalisé en Jésus et le réalise encore pour chacun, chaque jour. Que ce temps d’Avent, temps de l’espérance par excellence, nous donne de croire encore plus en la réalisation des promesses que Dieu a faite. Qu’il raffermisse notre espérance et nous pourrons reconnaître Dieu à l’œuvre lorsqu’il viendra. Amen.



(Le secret dont il question plus haut est découvert dans le parcours Secrets de vie, en usage dans le diocèse de Strasbourg)

samedi 27 novembre 2010

01er dimanche de l'Avent A - 28 novembre 2010

Notre foi est anamnèse : nous célébrons un Dieu qui vient !







Avec ce temps de l’Avent, certains pourraient penser que tout recommence. On passe d’une année liturgique à l’autre, mais au fond, c’est toujours la même chose, les mêmes fêtes, les mêmes textes, les mêmes prières… Sans doute est-ce ainsi que beaucoup perçoivent la liturgie : une répétition, année après année des mêmes choses, sans que cela change beaucoup, sans que cela change surtout notre vie. Pourtant, il existe un petit mot en liturgie qui devrait nous permettre de sortir de cette manière de penser pour entrer vraiment dans l’esprit de la liturgie. Un petit mot qui peut devenir une véritable attitude spirituelle. Ce mot, c’est : anamnèse. Il signifie littéralement : en remontant la mémoire, se souvenir. C’est bien à cela que nous invite la liturgie de ce premier dimanche de l’Avent : à faire anamnèse.

Jésus lui-même nous y invite dans l’Evangile lorsqu’il fait lui-même mémoire de ce qui s’était passé au temps de Noé. Il se souvient pour avertir, pour tirer une leçon. Et cette leçon, c’est la nécessité pour l’homme de veiller, d’être attentif aux signes de Dieu, car il va venir. La liturgie de ce premier dimanche de l’Avent nous rappelle que l’humanité marche vers sa fin, qu’il y aura bien un terme de l’histoire et que ce terme, c’est Dieu. Nous n’allons pas vers un néant ; nous n’allons pas vers un âge d’or ; nous allons vers un jugement de l’histoire, vers un jugement de chaque homme. Et ce temps, sa seule caractéristique est de n’avoir pas de moment connu des hommes. Ce moment viendra à l’improviste, sans crier gare. Nous devons nous tenir prêt pour ce jour ; nous devons vivre chaque instant avec la certitude que nous allons vers ce moment et que Dieu viendra dans sa gloire. C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra.

Nous ne pouvons donc pas sans cesse remettre à demain l’urgence de la conversion ; il pourrait venir aujourd’hui et nous trouverait tournés vers d’autres dieux, étrangers à sa parole ! Nous ne pouvons pas sans cesse remettre à demain l’urgence de l’amour : il pourrait venir aujourd’hui, et il nous trouverait plein de haine et d’amertume. Nous ne pouvons pas sans cesse remettre l’urgence de la solidarité : il pourrait venir aujourd’hui et nous trouverait les mains et le cœur fermés. Nous ne pouvons pas sans cesse remettre à demain l’urgence d’approfondir notre foi : il pourrait venir aujourd’hui et nous trouverait ignorants, incapable de le reconnaître ! Il pourrait venir aujourd’hui !

En faisant anamnèse comme les textes nous y invitent, nous manifestons notre désir de connaître Dieu. En effet, nous nous exercerions sans cesse à nous souvenir de ce que Dieu a fait pour nous tous à travers le temps et l’histoire et nous creuserions ainsi en nous le désir de Dieu. Faire anamnèse, c’est ne pas perdre le sens de l’histoire d’alliance que Dieu a conclu avec l’humanité tout entière, à travers le temps et l’histoire. Faire anamnèse, c’est aussi célébrer toutes ces merveilles que Dieu a faites pour nous en ayant conscience qu’elles se font encore aujourd’hui pour nous. Faire anamnèse, ce n’est pas seulement se souvenir du passé, mais c’est rendre ce passé présent, agissant dans notre propre histoire. En ce sens, la liturgie n’est pas une succession d’anniversaire, mais bien notre participation ici et maintenant, à l’œuvre du salut.

Au cœur de la liturgie de l’eucharistie, il y a un chant d’anamnèse ; en ce premier dimanche de l’Avent, nous proclamerons ainsi : Tu as connu la mort, tu es ressuscité, et tu reviens encore pour nous sauver ! A chaque messe, lorsque le prêtre a réalisé sacramentellement la présence du Christ dans son corps et dans son sang, l’assemblée acclame le Christ qui est venu, qui a donné sa vie par amour de nous et qui reviendra. Ce chant nous rappelle que notre foi est toute entière tournée vers cet avenir de Dieu, vers cette terre nouvelle et ce ciel nouveau dont parle l’Apocalypse. Chaque messe nous remet devant l’histoire du salut, telle qu’elle s’est déroulée pour nos pères dans la foi ; elle nous met aussi face à notre propre histoire, à notre manière de vivre l’aujourd’hui de Dieu, mais aussi face à notre propre manière d’espérer en la réalisation des promesses faites par Dieu à son peuple, peuple dont nous sommes.

Il vaut la peine d’être prêts à voir ces promesses se réaliser. Il vaut la peine de creuser en nous ce désir de Dieu et d’en faire anamnèse. Saint Augustin a écrit : « Parce que l’auteur de la promesse est véridique, nous trouvons notre joie dans l’espérance ; mais parce que nous ne possédons pas encore, notre désir nous fait gémir. Il nous est bon de persévérer dans le désir jusqu’à ce que vienne le bonheur promis, jusqu’à ce que le gémissement disparaisse et que la louange demeure seule. » Heureux ceux qui savent ainsi faire anamnèse. Par eux, monte vers Dieu une louange incessante. Durant ce temps de l’Avent, apprenons à faire anamnèse et célébrons en vérité ce Dieu qui vient. Qui vient pour nous, aujourd’hui et toujours. Amen.

samedi 20 novembre 2010

Fête du Christ, Roi de l'univers C - 21 novembre 2010

Alors, tu es roi ?




Alors, tu es roi ? C’était déjà la question de Pilate à celui qu’on lui avait amené pour qu’il soit crucifié. La question relevait peut-être alors plus d’un calcul politique ou d’une stratégie diplomatique. N’est-ce pas, on ne sait jamais. Si ce Jésus était vraiment roi, comment réagirait son royaume ? Et que penserait-on de lui, Pilate, à Rome, s’il prenait sur lui de faire mettre à mort un roi ? Pilate n’avait pas vraiment eu de réponse satisfaisante, et nous voilà maintenant, au pied de la croix, Jésus fixé dessus. Et à nouveau cette affirmation, proclamée à tous : Celui-ci est le roi des Juifs. Qu’en penser ? Jésus, roi ou pas roi ?

Puisque ce dimanche marque la fin de notre année liturgique, nous pouvons considérer cette page d’évangile et cette fête du Christ, roi de l’univers, comme la signature de toute une vie, la signature d’une œuvre. Et nous pouvons donc relire cette vie à la mesure de cette affirmation lapidaire : celui-ci est le roi des Juifs. Rien, dans la vie de Jésus, ne permet de dire qu’il a revendiqué ce titre. Il n’a ni cour, ni armée, ni programme politique. Il n’a jamais revendiqué le pouvoir pour lui-même. S’il est roi, ce n’est pas à la manière de David ou Salomon, les rois emblématiques du peuple d’Israël, même s’il est de la famille de David. La royauté de Jésus n’est pas une royauté à taille humaine. S’il veut gouverner, c’est sur le cœur des hommes ; s’il veut promouvoir une politique, ce serait la politique de l’amour sans cesse offert. S’il livre une bataille contre son ennemi, c’est une bataille contre le Mal, l’Adversaire qu’il va affronter, non avec une armée, mais seul, dans l’abandon total. Et cette bataille-là, à vue d’homme, il l’a perdu ; c’est bien lui qui est là, crucifié, entre deux autres malfaiteurs. Devant la croix, c’est bien le Mal qui semble triompher, l’innocent ayant été condamné. De ce roi, il ne reste rien, sinon ce signe d’un homme crucifié par la méchanceté et la lâcheté de tous. S’il a jamais voulu construire un royaume, force est de constater, là, au pied de la croix, qu’il a échoué.

Alors, tu es roi ? Que reste-t-il de cette question de Pilate ? Où est ce royaume ? Devant le signe évident de l’échec, il ne reste que la raillerie : Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! C’est facile de se moquer, facile de tourner en dérision celui qui ne peut plus rien pour se défendre. Et puis, cela évite de trop s’interroger ; cela évite d’affronter la vérité. Curieusement, un seul homme veut y croire encore à ce royaume ; un de ceux qui est crucifié avec lui ! Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne ! Curieuse affirmation de la part d’un homme qui n’a plus rien, si ce n’est l’espoir que peut-être ce n’est pas fini ! Peut-être peut-il encore être sauvé par cet autre condamné, qui n’a rien fait de mal. Peut-être que sa vie, pour mauvaise qu’elle ait été, n’est pas définitivement perdue. C’est cet homme, ce malfaiteur repentant, un peu tard sans doute, qui vient relancer la question de Pilate et lui donner sens. Si cet homme, ce Jésus, est roi, ce ne peut être à la manière du monde. Si cet homme, ce Jésus, est roi, alors il peut encore quelque chose pour ceux qui se confient à lui. Si cet homme, ce Jésus, est roi, alors son royaume est encore et toujours à venir. Sa vie n’aura été alors que le signe de ce royaume ; son enseignement, la route à suivre pour y parvenir ; sa mort en croix, l’acte inaugural de ce règne : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.

Alors, tu es roi ? Oui, Jésus est roi ; la croix est son sceptre ; la justice, la paix et l’amour offert les fers de lance de sa politique. Jésus est roi d’un monde où le Mal n’a plus d’effet, roi d’un monde où les hommes sont égaux, roi d’un monde où la vie a toujours le dernier mot. Ce monde n’est pas imaginaire ; ce monde n’est pas pour plus tard. Il est déjà là, déjà à l’œuvre dans le cœur des hommes et des femmes qui lui font confiance et qui croient que Dieu est avec eux, qu’il est Dieu venu à la rencontre des hommes. Ce royaume est déjà à l’œuvre lorsque les hommes se parlent, lorsque la paix se construit, lorsque les armes sont abandonnées, lorsque le service à rendre devient une règle de vie. Jésus est le roi de celles et ceux qui se reconnaissent ses disciples et qui veulent construire un monde fidèle à l’Evangile, libéré de toute peur, libéré de tout mal. Jésus est roi, et il n’attend plus que nous pour faire grandir, ici et maintenant, ce royaume qu’il a inauguré sur la croix. Qu’il en soit donc ainsi.




(Photo de Quentin Urlacher, prise à Salta, Argentine)

dimanche 14 novembre 2010

33ème dimanche ordinaire C - 14 novembre 2010

Le Christ est toujours avec nous !


Je reconnais que les textes de ce dimanche ne sont pas simples d’approche. Ils nous parlent de la fin des temps, du retour du Christ et des signes catastrophiques qui les accompagnent. Bref, rien de réjouissant ! Ne voulant toutefois ni les contourner, ni les supprimer, permettez-moi de passer pas une médiation, celle d’une histoire que nous connaissons sans doute tous : l’histoire de la Belle et de la Bête. Je vous la rappelle en quelques mots.

C’est d’abord l’histoire d’un prince qui était très égoïste et qui avait une pierre à la place du cœur. Pour avoir refusé l’asile à une petite vieille en échange d’une rose, le voilà transformé en monstre. S’il atteint ses 21 ans sans avoir pu aimer une jeune fille et être aimé par elle en retour, il gardera son aspect bestial. Mais s’il sait aimer une jeune fille et être aimé par elle, alors le mauvais sort sera rompu et il retrouvera, avec tout son château, son aspect humain. L’attente désespérée et le poids des ans ont vite découragé notre jeune prince. Son 21ème anniversaire approche et toujours pas de jeune fille en vue. La Bête s’est résignée à vivre ainsi et son caractère n’a fait que se détériorer : il est devenu renfermé et exécrable ! C’est là qu’intervient Belle. Comme dans tous les contes, l’histoire se termine bien, le charme est rompu. Mais ce qu’il est intéressant d’observer, c’est le cheminement ‘spirituel’ de la Bête. Car au-delà de l’histoire, c’est bien lui qui nous intéresse. Ce cheminement comporte trois étapes, trois dépassements que la Bête doit opérer.

1) Elle doit d’abord dépasser ses craintes. Certes, elle n’est pas belle à voir, mais elle porte en elle la capacité d’aimer et d’être aimée ! Il lui faut avant tout dépasser ses propres peurs. Elle n’est pas si repoussante qu’elle le croit et, en faisant quelque effort, elle devient tout à fait acceptable. L’essentiel, ce n’est pas l’extérieur, l’apparence, mais ce qu’elle est réellement à l’intérieur d’elle.

2) La Bête doit apprendre à faire confiance : d’abord à elle-même, et croire qu’elle est capable de plaire. Ensuite aux autres, à Belle en particulier, qui va peu à peu aimer le regard de la Bête et se trouver bien en sa compagnie.

3) Enfin, la Bête doit réapprendre à aimer ! Elle doit réapprendre à être un homme, à éprouver des sentiments, à avoir une attitude humaine.

Cette triple conversion réussie, le miracle est possible : la Bête redevient le jeune et beau prince, libre maintenant d’aimer et de se faire aimer par Belle.

Avez-vous compris en quoi ce conte pour enfant peut nous aider à comprendre l’évangile de ce jour ? Toute la liturgie de la Parole nous invite à espérer le jour de Dieu, le jour où le sauveur viendra. L’évangile annonce maintes catastrophes qui précèderont cette venue. Les différentes catastrophes naturelles de ces dernières années, ainsi que les conflits à travers le monde nous ont peut-être donné l’impression que nous ne pouvions pas grand chose, que nous n’étions pas grand chose ! Qui ne s’est jamais découragé ? Qui n’a jamais été tenté de baisser les bras devant les atrocités du monde ? Depuis que le monde attend le Sauveur, quantité d’événements tragiques ont eu lieu, et nous attendons toujours. Combien de temps, Seigneur ?, s’interroge maintes fois le psalmiste ! L’homme de foi peut être légitimement découragé devant les délais sans cesse augmentés avant la venue du Sauveur. Mais n’avons-nous pas, dans ces moments-là, comme la Bête, à nous ouvrir à l’Amour pour faire advenir enfin ce règne de paix tant attendu ? Les catastrophes que Jésus annonce (guerres, soulèvements, persécutions, famines et épidémies) sont la conséquence d’une humanité égoïste, d’une humanité au cœur de pierre, d’une humanité devenue un loup pour l’homme !

De même que la Bête a connu une vie nouvelle et plus belle après l’ouverture de son cœur à l’amour, de même nous aussi, nous pourrons connaître une vie autre si nous persévérons à la suite du Christ, malgré tous les faux prophètes qui veulent nous entraîner ailleurs. Pour nous aussi, une vie autre est possible si nous savons faire confiance à celui qui vient nous dire : malgré les événements, pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est votre persévérance qui vous obtiendra la vie. Une vie meilleure est possible si nous croyons que le Christ est toujours avec nous. Cela signifie que Dieu veille sur l’homme, que l’homme a du prix aux yeux de Dieu. Rien ne saurait arriver de fatal à celui qui sait faire confiance.

Face aux événements du monde, nous pourrions alors entrer dans un endormissement certain, ne réagissant plus puisque de toute manière il a peu à faire face aux lames de fond de l’histoire. Et pourtant, notre indifférence face aux événements serait le pire ennemi de notre foi. Une journée finie, c’est un monde qui finit. Il nous faut vivre chaque jour comme le premier jour d’un amour toujours renouvelé, et comme le dernier jour d’une existence qui peut nous être enlevée. Alors se poseront à nous les vraies questions : qu’est-ce qui compte le plus pour toi ? En qui, en quoi mets-tu ta confiance ?

Quoi qu’il arrive dans notre vie, nous n’avons pas subir l’histoire, mais à la vivre, à la transformer pour qu’elle soit belle et supportable pour tous. Nous ne pourrons, ni ne devrons jamais nous résigner. Marchant vers le terme de notre histoire, nous pouvons y aller avec le regard de la Bête qui sommeille en nous ou avec le regard de la Belle qui nous invite à voir toujours plus loin, à voir ce qu’il y a de plus beau en l’homme, ce qu’il y a de plus beau dans le monde, sans angélisme et sans crainte. Nous pouvons marcher vers le terme de notre histoire avec cette certitude que le Christ nous accompagne et qu’il a déjà vaincu, une fois pour toute, le Mal et la Mort. Puisqu’il est pour nous, et avec nous, qui sera contre nous ? Que le pain de l’eucharistie que nous allons partager nous fasse persévérer à la suite du Christ, pour notre plus grande joie et le salut de tous. Amen.

(Photo de Quentin Urlacher, prise à Salta, Argentine)

samedi 6 novembre 2010

32ème dimanche ordinaire C - 07 novembre 2010

Notre résurrection, signe de l'amour de Dieu pour nous.

Après les fêtes de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts, les textes de ce dimanche tombent à pic pour nous permettre d’approfondir encore notre espérance en la résurrection des morts. Qui d’entre nous ne s’est jamais sérieusement posé la question que les sadducéens adressent à Jésus ? Qui n’a jamais voulu savoir comment cela se passe dans l'au-delà ? Est-ce que cela sera comme sur terre ? Mais alors que deviennent nos situations quelquefois si compliquées ? N’aurions-nous pas plus de facilité à croire en la résurrection si quelqu’un pouvait enfin nous dire que nous n’espérons pas en vain, qu’il y a bien quelque chose et surtout nous le décrire avec force précision ? Eternelle volonté de l’homme de lever le voile sur le mystère essentiel de la vie : tout savoir, tout comprendre. Refuser tout ce qui est inaccessible à la pensée humaine.

Pourtant, croyants, nous sommes souvent placés face à des situations que nous ne maîtrisons pas. Nous savons qu’il y a une part de notre vie qui nous échappe. Les accepter, accepter qu’il y ait un mystère de la vie fait partie de notre foi. Dans sa réponse aux sadducéens, Jésus ne s’y trompe pas. Il sait l’importance du piège qui lui est tendu. Sa réponse, loin d’éclaircir le sujet, renvoie dos à dos les pharisiens et les sadducéens.

Aux premiers (càd aux pharisiens), Jésus reproche une conception de la résurrection très matérialiste : la résurrection n’est, pour les pharisiens, qu’une réanimation des corps, synonyme de reprise des activités terrestres après un long sommeil. On refait dans l’au-delà ce que l’on a fait sur terre, à l’identique. Il n’y a pas de différence entre la vie sur terre et la vie de ressuscité ! On comprend dès lors, la raillerie des sadducéens. Si la vie après la mort est la même que sur terre, une femme qui se marie après son veuvage sera polygame. Or, c’est interdit par la Loi. N’y a-t-il pas là la preuve même de l’absurdité de la croyance en la résurrection ? Jésus répond clairement que la vie de ressuscité, en communion avec le Dieu Vivant, est une vie radicalement nouvelle par rapport à notre vie charnelle. C’est une vie qui n’a pas de modèle ici-bas. C’est une vie totalement transfigurée, une vie de fils et de fille de Dieu, héritiers de la résurrection : une vie semblable à celle des anges, une vie tournée vers la louange de Dieu. Une vie où nous serons face à Dieu, le voyant tel qu’il est.

Aux seconds (càd aux sadducéens), Jésus reproche de ne s’intéresser qu’à des cas d’école, et de se désintéresser de la vie. Les sadducéens sont conservateurs en matière religieuse. Pour eux, la croyance en la résurrection, qui est une donnée tardive de la foi, est une déviation. S’ils prétendent qu’il n’y a pas de résurrection, c’est qu’ils n’en trouvent aucune trace dans les cinq livres de la Bible auxquels ils se réfèrent ; cette foi en la résurrection n’est apparue que dans le contexte de la révolte des Macchabées lorsque les Israélites, fidèles à Dieu, subirent courageusement le martyre. Notre première lecture s’en est fait l’écho. Dans sa réponse, Jésus ne va pas s’appuyer sur ces textes tardifs, mais sur la Loi de Moïse : l’expérience de Moïse prouve que les morts doivent ressusciter ! Comme preuve, il cite l’épisode du buisson ardent. Dieu se révèle à Moïse comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Autrement dit, si Dieu s’est lié d’amitié avec ces patriarches, si Dieu a noué avec eux une Alliance d’amour, comment imaginer que ce soit pour quelques années seulement ? L’Alliance de Dieu avec les hommes n’est-elle valable que pour un temps ? Devient-elle caduque avec la mort ? Dieu abandonnerait-il les siens au moment décisif de leur existence ? N’est-ce pas sous-estimer la toute-puissance de Dieu ? Pour Jésus, la relation d’amour que Dieu a établie avec les hommes depuis la création, en passant par tous les patriarches, pour devenir relation d’amour avec chacun de nous, cette relation d’amour ne peut mourir, car Dieu est fidèle jusque dans la mort, jusqu’au-delà de la mort ! Ceux qui seront jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts, ceux-là sont vivants à jamais car Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Il veut l’homme vivant, aujourd’hui et toujours. Et dans le don de son Fils sur la croix, ce projet d’amour devient réalité pour nous. Depuis Pâques, nous avons cette certitude, appuyée sur la résurrection de Jésus, que nous aussi, nous vivons dès maintenant pour Dieu, et dans l’éternité avec Dieu.

Jésus n’explicite pas comment cela se fera : il rappelle simplement la fidélité absolue de Dieu à son alliance : une alliance indéfectible, plus solide que la mort. Ce qui compte, pour l’homme, c’est de bien connaître Dieu, de lui faire confiance et de vivre pleinement sa part de l’Alliance. Dieu aime trop l’homme pour l’abandonner au pouvoir de la mort. Si l’homme connaissait Dieu comme Jésus le connaît, si l’homme aimait Dieu comme Jésus l’aime, il n’aurait pas de peur en lui, il n’aurait pas de doute en lui. Un père abandonne-t-il son enfant dans la détresse ? Comme le chante le psalmiste, par delà la mort, au réveil, je me rassasierai de ton visage. Que cette espérance soit nôtre et affermisse notre foi. Amen.

(Photo de Quentin Urlacher, prise à Purmamarca, Argentine)

samedi 30 octobre 2010

Toussaint - 01er novembre 2010

Pouvons-nous nous passer des saints ?



La question, certes provocante, a hanté ma préparation de cette fête. Car, au premier abord, les saints restent des personnages inaccessibles, lointains, qui nous renvoient trop souvent à nos limites et nos faiblesses. Que voulez-vous : nous ne sommes pas saints, nous ! Alors souvent, nous sommes comme ces enfants à qui l’on montre ce qu’ils pourraient être et qui se découragent, soit par paresse, soit parce que le but proposé leur semble impossible à atteindre. C’est certes une belle perspective d’avenir, mais ce n’est pas pour nous. Les saints sont-ils là alors pour nous renvoyer l’image de notre imperfection ? Bien sûr que non.

Pouvons-nous nous passer des saints ?
La question mérite une réponse plus précise. Il nous faut la décliner en trois temps, car les saints sont des personnages d’hier, qui nous ouvrent à demain en nous invitant à vivre l’aujourd’hui de Dieu.

Les saints, des personnages d’hier. C’est une évidence. Pour figurer sur le calendrier liturgique, il faut quand même être mort. Les saints sont donc ceux qui nous précèdent dans le Royaume. Ils nous sont donnés en exemple, non pour nous rabaisser, mais pour nous rappeler qu’il est toujours possible de décider de marcher à la suite de Dieu, quelque soit l’époque, quelque soit notre situation de vie. Le pape Jean-Paul II, par ses multiples canonisations, nous rappellent que les saints ne sont pas élevés dans les monastères uniquement : il a proclamé saint des pères et des mères de familles, des enfants, des hommes et des femmes qui ont essayé de suivre le Christ dans le quotidien de leur vie et qui ont témoigné d’une manière particulière de la foi qui les faisait vivre. Les saints sont des personnages d’hier qui nous tirent vers le haut, sans nous faire évader de notre présent. Ils sont les fondations de notre foi quotidienne : nous pouvons nous appuyer sur eux, suivre à notre tour le chemin qu’ils ont emprunté. Nous pouvons surtout apprendre d’eux comment rendre aujourd’hui encore notre foi vivante et active. Le passé n’est pas une époque dorée où croire était plus facile : les saints martyrs nous le rappellent. Proposés à notre vénération, les saints nous plongent dans notre aujourd’hui en nous invitant sans cesse, là où nous vivons, tenant compte de notre époque et de ses contingences, à suivre l’appel de Dieu adressé à tous à vivre de sa Parole, à lui faire confiance et à construire un monde plus juste et plus humain. Les saints nous invitent aujourd’hui encore à vivre de l’esprit des béatitudes en aimant comme le Christ a aimé.

Les saints, des personnages qui nous tournent vers demain. Tout le sens de la Toussaint réside dans cette ouverture temporaire au monde de demain que nous espérons. Célébrer en une seule fois tous les saints nous fait participer par anticipation, à la vie du Royaume. La première lecture levait le voile sur cette liturgie céleste à laquelle seront conviés ceux qui auront le suivi le Christ sauveur. S’il est bon de s’appuyer sur nos aînés dans la foi pour progresser et approfondir notre propre manière d’être chrétien aujourd’hui, nous ne devons pas oublier à quel avenir nous sommes destinés. Nous sommes faits pour vivre, aujourd’hui certes, mais aussi demain, avec Dieu et en Dieu. Nous sommes de ces gens vêtus de blancs dont parle l’Apocalypse : mais il nous faut encore traverser la grande épreuve et laver notre vêtement dans le sang de l’Agneau. Ne perdons pas de vue cet avenir glorieux ; Dieu est fidèle à sa promesse, il ne rejette pas l’alliance qu’il a conclu avec nous. Nous faisons fausse route chaque fois que nous limitons notre vie à notre aujourd’hui : l’homme est plus grand que ce qu’il fait et ce qu’il vit. L’homme vaut plus que ce qu’il possède. La Toussaint, en nous rappelant notre avenir, nous le redit avec force.

Les saints, des personnages qui nous renvoient à notre aujourd’hui. Parce que c’est aujourd’hui qu’il nous faut tendre vers la sainteté. Etre Saint n’est pas une récompense pour l’avenir, c’est un art de vivre aujourd’hui notre foi. C’est croire que Dieu est présent au cœur de notre vie ; c’est essayer, toujours et encore, de vivre des béatitudes ; c’est mettre l’amour de Dieu et des autres au cœur de notre vie. C’est être artisan de paix et de réconciliation dans un monde de plus en plus divisé. C’est agir pour que tous aient une vie meilleure avec les moyens qui sont les nôtres. Il ne s’agit pas de faire de grandes choses : il s’agit de faire bien ce que nous avons à faire et de toujours recommencer et nous relever lorsque le péché nous domine. Les saints n’étaient pas exempts de faiblesses : ils se sont montrés plus forts, à cause de leur foi en Christ, vainqueur de toutes nos faiblesses, passées, présentes et à venir. Si nous pouvons nous appuyer sur les saints d’hier, nous avons à être ceux qui entraîneront aujourd’hui et demain les croyants vers le Dieu vivant et vrai. Il y a certainement des saints au milieu de nous, càd des personnes qui nous renvoient à l’amour de Dieu pour nous.

Alors, pouvons-nous nous passer des saints ?
Non, bien sûr. Nous ne pouvons ni nous passer d’eux, ni nous passer de le devenir. C’est à nous d’écrire aujourd’hui les pages de l’histoire de l’Eglise, les pages de l’histoire d’amour de Dieu avec l’humanité. Ils sont l’héritage que nous devons assumer et faire fructifier. Pour que demain encore se lève cette foule qui marchera à la suite du Christ. Par notre baptême, nous appartenons au Peuple saint ; par notre vie, nous le deviendrons, avec la grâce de Dieu, le seul Saint véritable. Que notre eucharistie, en ce jour de fête, ravive en nous le désir de sainteté, le désir d’être toujours au côté de Dieu. Amen.



(Photo de Quentin Urlacher, prise à Salta, Argentine)

31ème dimanche ordinaire C - 31 octobre 2010

Seigneur, tu fermes les yeux sur les péchés des hommes pour qu’ils se convertissent.



Cette phrase, extraite de la première lecture, aurait dû empêcher toute mauvaise interprétation au sujet de la bonté de Dieu et du pardon que Dieu accorde, ainsi que toute mauvaise interprétation au sujet du péché de l’homme. Avec vous, je voudrais essayer de remettre un peu d’ordre dans tout cela.

Commençons par le plus désagréable : le péché de l’homme. Si nous sommes heureusement sortis d’une période où tout était péché, nous sommes malheureusement entrés, dans le même mouvement, dans une période où plus rien n’est péché. Il n’y a que l’homme et ses actes, plus ou moins bon. Mais de péché, plus de trace ! Or, autant il est malsain de voir du péché partout, autant il est malsain de n’en plus voir du tout ! Supprimer la notion de péché, c’est supprimer aussi à Dieu, et aux frères, la capacité d’exercer le pardon. S’il n’y a plus de péché, il n’y a plus de pardon possible.

La Bible nous apprend que le péché existe. Il se manifeste à travers des actes individuels et collectifs ! Devant Dieu, tous les hommes sont pécheurs. Parce que tous les hommes sont capables de ne pas ou de ne plus aimer ; parce que tous les hommes sont capables de se détourner de Dieu, voire de se prendre pour Dieu. Mais lorsque la Bible pose cette affirmation de la présence du péché dans la vie de tout homme, elle ne verse pas dans le pessimisme, car elle rappelle de suite combien l’amour de Dieu est plus grand que le péché, combien sa miséricorde est patiente et efficace. Et si quelques textes bibliques donnent l’impression que Dieu comptabilise les péchés de l’homme comme une caissière de supermarché, ce n’est pas pour lui présenter l’addition, mais pour lui montrer toute la force de son amour divin. Tu fermes les yeux sur les péchés des hommes pour qu’ils se convertissent ! Plus le péché est grand, plus l’amour de Dieu est grand ! Plus le péché est grave, plus l’amour de Dieu est puissant ! Car l’homme de la Bible, qui se sait pécheur comme les autres, ne désespère pas de lui et se souvient toujours de l’immense amour de Dieu pour lui. Cet amour est allé jusqu’au sacrifice du Fils unique de Dieu pour que les hommes comprennent jusqu’où Dieu est prêt à aller, par amour, pour le salut de sa création. L’homme expérimente l’amour de Dieu lorsque le péché des hommes est à son comble dans le meurtre de l’innocent. Même là, Dieu est encore prêt à pardonner si l’homme se convertit. Le péché n’est pas la fin de l’homme ; c’est le début de l’expérience de l’amour de Dieu à son égard.

Tu fermes les yeux sur les péchés des hommes pour que les hommes se convertissent. Ainsi donc Dieu est prêt à pardonner, toujours. Mais il faut que l’homme se montre désireux d’être pardonné, désireux de changer de vie. C’est cela la conversion ! Comment un médecin pourrait-il soigner un malade qui refuse de reconnaître son mal ? Ainsi, Dieu ne peut pas pardonner celui qui est persuadé qu’il n’a rien à se faire pardonner. L’amour de Dieu ne peut s’exercer qu’en face de la négation de son amour. L’amour de Dieu ne peut soigner que celui qui se reconnaît pécheur et faible devant Dieu. Souvenez-vous de l’évangile de la semaine passée : le publicain est reconnu juste parce qu’il a reconnu sa faiblesse et demandé l’aide de Dieu !

Pour chacun de nous vient le moment où nous sommes comme Zachée, perché sur notre arbre à certitude, mais dérangé par Dieu qui s’invite dans notre vie. Voilà quelqu’un (Zachée) qui est qualifié par la rumeur publique de grand pécheur. Son envie de voir Jésus lui vaudra la vie. Sans doute ne demandait-il pas tant. Mais voilà, Jésus s’invite chez cet homme et cet homme en est profondément bouleversé. Aujourd’hui devient pour lui le jour de sa rencontre avec l’amour de Dieu à l’œuvre. Aujourd’hui devient pour lui le jour de son salut, … s’il le veut ! Face à l’amour de Dieu exprimé dans cette invitation un peu forcée, Zachée soudainement prend conscience qu’il doit changer de vie. Il s’engage au partage en faveur des plus pauvres et à réparer jusqu’à quatre fois le mal qu’il aurait pu faire ! Jésus peut alors proclamer le salut de cet homme parce que Zachée a pris la décision de modifier ses valeurs, son comportement. La bonté de Dieu est toujours liée à la bonne volonté de l’homme. Si Zachée était resté perché sur son arbre sans accueillir Jésus, jamais le salut n’aurait pu lui être manifesté.

A ceux qui croient qu’il suffit d’affirmer : « Dieu pardonne toujours ! », l’histoire de Zachée vient redire que le pardon de Dieu n’est efficace qu’accompagné d’un radical et profond changement de vie. Il n’y a rien d’automatique ou de systématique ! Dieu pardonne toujours à ceux qui se convertissent, qui s’engagent résolument sur la voie du pardon, sur la voie d’une vie meilleure, au service de Dieu et des frères. Ceux qui n’en ressentent pas la nécessité, n’ont que peu de chance de sentir la miséricorde à l’œuvre. Le pardon précède toujours la conversion, mais il lui reste subordonné : celui qui refuse de se reconnaître pécheur, refuse de reconnaître que Dieu peut quelque chose pour lui, refuse de reconnaître que Dieu l’aime malgré son péché.

Soyons comme Zachée, curieux de Dieu et de son amour. Laissons-nous envahir par cet amour et accueillons le salut qu’il nous offre. Aujourd’hui, le Seigneur ferme les yeux sur nos péchés pour que nous nous convertissions ! Aujourd’hui, le salut est arrivé pour nous, si nous le voulons ! AMEN.


(Dessin de Coolus, voir blog du lapin bleu dans les liens)

samedi 23 octobre 2010

30ème dimanche ordinaire C - 24 octobre 2010

Du pharisien ou du publicain, qui sera sauvé ?


Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien et l’autre, publicain. Cette parabole de Jésus, qui ne l’a jamais entendue ? Elle commence sur la présentation de deux hommes, dont nous ne saurons pas le nom mais la qualité : l’un est pharisien, l’autre publicain. S’il fallait la retranscrire avec des mots d’aujourd’hui, nous dirions ainsi : deux hommes allèrent à l’église pour prier. L’un était croyant et pratiquant et l’autre avait mauvaise réputation et profitait de tous. Ainsi mis sous notre microscope, nous pouvons nous demander ce qui a pris Jésus de mettre en concurrence deux hommes, deux mondes, qui ne se rencontraient guère, deux hommes, deux mondes qui ne partageaient pas du tout les mêmes valeurs. Dans le cœur des auditeurs de Jésus, le match commençait en faveur des pharisiens. Ils sont les gens respectables que tous admirent, capables de nous tourner vers Dieu, tandis que les publicains sont méprisés, évités, presque sans Dieu, tant leur vie est mauvaise. Pharisiens 1 : Publicains 0.

Jésus poursuit sa parabole : Le pharisien priait en lui-même : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » Quel curé n’aimerait pas avoir des paroissiens de cette trempe ? Voilà un homme attaché sincèrement à sa foi et au respect des pratiques cultuelles. Il mène une vie saine et… sainte. Ce qu’il dit, il le fait ! Il est l’exemple à suivre pour connaître Dieu. Sans doute, les pharisiens vont-ils marquer là un deuxième point. Pharisiens 2 : Publicains 0 ? Pas si vite, semble dire Jésus. Regardons d’abord l’autre, celui que personne ne veut voir.

Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel. Il n’ose pas s’approcher ; il semble craindre celui qu’il est venu rencontrer dans sa prière. Certains diraient sans doute : avec raison, au vu de la vie qu’il mène. Pour d’autres, il n’a certainement pas sa place ici ; il souille le Temple par sa seule présence ! Comme pour leur donner raison, le publicain se frappait la poitrine, en priant : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! » Si même lui ne trouve pas grâce à ces yeux ! On ne peut pas le suivre ; on s’éloignerait bien trop de Dieu en vivant comme lui ! Il fait moins le fanfaron, là, dans le Temple, les yeux baissés, l’air tout déconfit et contrit. Pharisiens 3 : Publicains 0 ? Tout doux, tout doux ; ne nous emballons pas ! Regardez mieux et écoutez ce que dit Jésus : Quand ce dernier (le publicain, l’homme de mauvaise vie) rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre (à savoir le pharisien). Pour Jésus, le score est : Pharisien 0 : Publicain 1. Que s’est-il passé pour que nous en arrivions là ?

Il s’est passé un temps de prière, c’est-à-dire un temps qui devait être une rencontre avec Dieu, à l’écoute de Dieu, un temps pendant lequel Dieu pouvait être Dieu, et manifester quelque chose de son amour, de sa tendresse, de sa miséricorde à ceux qui s’adressaient à lui. Le pharisien a visiblement raté sa rencontre : il ne parle que de lui à Dieu, de ce qu’il fait de bien, de sa manière de vivre sa foi. Ce n’est pas que cela n’intéresse pas Dieu ; mais que voulez-vous que Dieu fasse pour lui à part, éventuellement, l’admirer ? Il n’a besoin de rien ; il n’attend rien de Dieu ; il se décerne à lui-même les bonnes notes de conduite. A quoi lui sert de rencontrer Dieu ? A quoi lui sert sa prière ? Elle n’est que tournée vers lui, vers sa satisfaction personnelle. Dieu n’est là que pour l’écouter parler de lui et non pas pour lui parler. Il a oublié qu’il est aussi une créature de Dieu et que celui-ci est plus grand que tout, plus grand que lui.

Le publicain, au contraire, dans sa crainte de Dieu et dans la reconnaissance de sa petitesse et de ses limites, se présente devant Dieu dans toute sa pauvreté et attend de Dieu qu’il le prenne en pitié. Il a besoin de Dieu ! Il a besoin que l’amour de Dieu lui soit manifesté, puisque les autres ne lui en manifestent guère. Il sent bien que le seul qui pourrait quelque chose pour lui, c’est Dieu. Alors il vient, doucement, prudemment, humblement vers Dieu et confesse ses faiblesses, son vide, son besoin urgent de compter pour quelqu’un. S’il devient juste, c’est parce qu’il a frappé à la bonne porte. Dieu n’attendait que lui pour lui dire qu’il est aimé, pardonné, élevé. Elevé, c’est justement le mot que nous utilisons à Pâques pour parler de Jésus qui, s’étant abaissé jusqu’à la mort, et la mort de la croix, a été élevé d’entre les morts par la toute-puissance d’amour de Dieu le Père.

Le pharisien était trop plein de lui, de ses bonnes actions, pour se rendre compte qu’il avait toujours et encore besoin de Dieu pour être sauvé. Lui seul sauve, lui seul rend juste. Le publicain s’est fait petit devant Dieu, reconnaissant que Dieu seul pouvait encore quelque chose pour lui. Il n’a rien à présenter à Dieu, il a tout à recevoir de lui. Vide de tout, il peut être comblé par Dieu, et donc sauvé. Apprenons de ces deux hommes le sens de la vraie prière : c’est celle qui nous détourne de nous pour nous tourner vers Dieu. Ainsi seulement, Dieu pourra-t-il nous attirer à lui et nous sauver. Jésus a bien raison quand il nous avertit ainsi : Qui s’élève, sera abaissé ; qui s’abaisse, sera élevé. Amen.




(Dessin : Editions CRER, 2005 - B. Debelle)

samedi 16 octobre 2010

29ème dimanche ordinaire C - 17 octobre 2010

Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ?



Je me garderai bien de répondre à cette question, car elle n’a que deux réponses possibles : oui ou non. Mais est-ce si simple que cela ? Comment savoir ce qui est indispensable pour appartenir au peuple croyant ? Comment pouvoir dire en vérité : je crois ? Les textes proposés par la liturgie de ce jour nous indiquent trois réalités qui permettent de vivre un chemin de Foi. Ces trois réalités ne sont pas à opposer, à mettre en concurrence, mais à tenir ensemble, dans un même mouvement.

Première réalité : la foi, c’est une question de confiance en Dieu. C’est Moïse qui nous le rappelle dans la première lecture. Avec le peuple libéré d’Egypte, il erre dans le désert et doit faire aux attaques des tribus nomades. Le passage du Livre de l’Exode que nous avons entendu, nous livre le récit d’une de ces batailles. Elle symbolise la lutte du bien contre le mal. La victoire finale est obtenue non par les armées, mais par Dieu qui assiste son peuple tant que Moïse tend les bras vers lui. Et quand la confiance baisse, quand la fatigue et le découragement gagnent, ceux qui accompagnent Moïse sur la montagne l’aident à garder les bras levés, témoignant ainsi aux combattants la présence de Dieu à leurs côtés. L’acte de confiance de Moïse et de tout le peuple, en la puissance du Dieu qui les a tirés d’Egypte, leur accorde la victoire.
La foi ne commence-t-elle pas par un acte de confiance au Dieu qui nous fait vivre ? Il nous a promis sa présence au cœur de notre vie ; en donnant son fils, il nous redisait son engagement au service du bonheur et de la vie des hommes. Avons suffisamment confiance en Dieu pour croire qu’il nous accompagne et qu’il veille sur chacun de nous ?

Deuxième réalité : la prière, la prière insistante. Si Dieu accompagne chaque instant de notre vie, comment ne pas croire qu’il répondra à nos appels ? Comment douter de la bonté de Dieu envers ceux qui crient vers lui ? Vous pourrez me dire que ce serait plus simple s’il intervenait seul, sans que nous ayons besoin de l’appeler ! C’est vrai. Mais Dieu ne s’impose pas à l’homme, et la prière vient nous rappeler la nécessité de bien savoir ce dont nous avons besoin pour progresser en justice, en charité, en fraternité. Dieu ne vend pas la paix, ni la justice, ni la compassion : il nous en offre les graines. Il nous offre les moyens de devenir plus juste, plus aimant, plus fraternel. La prière, c’est l’art de demander à Dieu de changer notre cœur en profondeur pour que nous soyons capables de vivre selon son Evangile, et non demander à Dieu de faire le travail à notre place. La première des choses à demander à Dieu, c’est le don de l’Esprit Saint, seul capable d’éclairer nos intelligences et de transformer nos cœurs.
Osons-nous encore prier Dieu de nous transformer en profondeur ? Osons perdre un peu de temps quotidiennement, pour l’œuvre de la prière ? Croyons-nous encore que la prière de la communauté rassemblée vient renforcer et purifier notre prière personnelle ?

Troisième réalité : l’Ecriture Sainte à garder, à méditer et à partager comme un trésor. L’Ecriture Sainte comme lieu de vérification de notre foi et de la volonté de Dieu pour chacun de nous. Cette Parole est à garder telle qu’elle a été transmise. On ne transige pas avec elle ; on ne l’accommode pas au goût du jour ; on ne la trafique pas. Paul souligne l’importance de la Parole dans la vie du croyant : elle sert à l’enseignement, à l’éducation à la justice, à la dénonciation du mal sous toutes ses formes. Elle est l’arme par excellence du croyant qui pourra toujours y puiser la vérité ultime sur l’homme et sur Dieu.
Qu’avons-nous fait de cette parole ? Aimons-nous y puiser notre chemin de vie ? Avons-nous l’habitude en famille de la lire, de la méditer ? Osons-nous en parler et la répandre autour de nous ?

Avoir confiance en Dieu, prier avec insistance – seul et en communauté – se nourrir de l’Ecriture sainte : voilà des caractéristiques du croyant. Elles ne sont pas les seules, certes : mais elles sont indispensables, car ce sont ces trois réalités-là qui, bien vécues, nous permettront ensuite une vie conforme à l’esprit de l’Evangile. Que cette eucharistie nous permette de nous situer en vérité devant notre Dieu : qu’elle soit l’occasion de lui redire notre confiance, de lui confier notre vie et d’accueillir sa Parole, pour repartir plus fort dans notre quotidien. Amen.


(Photo prise en Roumanie)

samedi 9 octobre 2010

28ème dimanche ordinaire C - 10 octobre 2010

Si nous sommes infidèles, lui, il restera fidèle !

Voilà une bonne nouvelle pour le monde de ce temps. Voilà de quoi raviver notre espérance ! Voilà de quoi redonner du corps à notre foi ! Dieu est fidèle, Dieu reste fidèle même dans notre infidélité.

Regardez les lépreux dans l’Evangile. Ils ne sont pas des malades parmi d’autres. Jésus n’est pas un simple médecin qui nous guérirait d’une grippe saisonnière. Jésus est LE médecin qui nous libère de ce mal qui nous ronge tous, de cette lèpre qui nous coupe des autres, que nous en soyons conscients ou non. Et ce mal, cette lèpre, c’est le péché ! La lèpre, à l’époque de Jésus, n’était pas une maladie comme les autres ; elle était une maladie qui mettait à part, qui excluait, comme le péché nous exclut de l’alliance avec Dieu. Cette maladie avait, jadis, une forte signification religieuse. Les prophètes n’annonçaient-ils pas la venue du Messie par ce signe, entre autres : les lépreux seront guéris ?

Jésus, face à ces lépreux qui crient vers lui, ne réagit pas comme auraient réagi tous ceux de son époque. Il ne les éloigne pas, il s’adresse à eux ; il établit une nouvelle communion avec eux et les réintègre dans la communauté humaine et dans la communauté croyante. Allez vous montrer aux prêtres : c’est-à-dire allez faire valider votre guérison, allez et réintégrez la communauté à laquelle vous appartenez. Ces lépreux guéris sont le signe du pouvoir de Dieu sur le Mal et la mort. Ils sont le signe que Dieu aime tous les hommes, même (et faut-il préciser surtout) ceux que la lèpre du péché défigure et exclut.

Le dixième lépreux, tout comme Naaman le Syrien dans la première lecture, nous montre que l’amour de Dieu ne se limite pas au peuple qu’il a choisi et élu. Non, l’amour de Dieu est pour tous, et la libération annoncée et réalisée en Jésus concerne tous les hommes. L’amour de Dieu, la fidélité de Dieu à sa création, vont jusque là. Nul n’est exclut de cet amour. Le sacrifice de Jésus sur la croix est pour tous, pas seulement pour les disciples.

Nous comprenons alors mieux l’affirmation de Paul : Si nous sommes infidèles, lui (Jésus), restera fidèle, parce qu’il ne peut se renier lui-même. Comment donc celui qui est allé jusqu’à la mort ignominieuse sur la croix pourrait-il soudain dire : pour celui-là, je ne donnerai pas ma vie ? Le sacrifice du Christ est unique, il est pour tous, une fois pour toutes. Et quelle que soit notre vie, quelle que soit la « monstruosité » de notre péché, nous serons toujours accueillis par Dieu, lorsque nous crierons vers lui.

Jésus, maître, prends pitié de nous ! Ce cri des lépreux est à lui seul un acte de foi et une reconnaissance de leur imperfection. Un acte de foi puisqu’ils reconnaissent Jésus comme Maître, comme leur Maître. Ils se font ses disciples. Mais en même temps, ils reconnaissent, ils confessent qu’ils ont besoin de lui : prends pitié de nous ! Notre eucharistie ne s’ouvre-t-elle pas sur ces mêmes mots après la salutation liturgique ? Nous savons que le péché ronge notre vie, mais nous savons surtout que Jésus est plus fort que notre péché, que son amour est plus grand que notre mal, et que son alliance, scellée dans son sang, est pour toujours. En criant vers lui, nous lui redisons notre désir d’être ses disciples, notre désir d’être libérés de toutes ces lèpres qui nous éloignent de lui. Avec Naaman le Syrien, avec ce dixième lépreux, nous pouvons rendre grâce à Dieu pour son œuvre d’amour et pour sa fidélité à son peuple, à nous, même et surtout lorsque nous sommes infidèles.

Si nous sommes infidèles, lui, il restera fidèle. Puisse chacune de nos eucharistie être à la fois le signe de notre désir de voir Dieu présent au cœur de notre vie et le signe de notre reconnaissance pour sa fidélité sans faille. Puisse chacun de nos dimanches devenir le jour où nous nous souvenons de Jésus Christ, et de ce que son amour réalise pour nous. Amen.


(Photo d'un ami voyageur, Quentin Urlacher. Voir son blog dans les liens)

dimanche 3 octobre 2010

27ème dimanche ordinaire C - 03 octobre 2010

Quelconque, inutile, bon à rien !



Quelconque, inutile, bon à rien ! Suivant les traductions, c’est ainsi qu’il faut comprendre la parole de Jésus. Et reconnaissons-le d’emblée : cela ne fait plaisir à personne de s’entendre dire : tu es quelconque, inutile ou bon à rien, surtout à une époque où le paraître a tellement d’importance pour nous. Nous voulons bien agir, intervenir, servir, à condition que cela soit reconnu, proclamé et mille fois remerciés, et de préférence nommément, individuellement et en public ! Même en Eglise, nous n’échappons pas à cette règle.

Quelconque, inutile, bon à rien ! Ces paroles font partie alors de la longue série de paroles dures de Jésus que nous entendons depuis quelques semaines déjà. Jésus nous rappelle aujourd’hui à l’humilité, à la discrétion, à l’urgence du service, sans rien attendre en retour. Simplement parce que nous sommes disciples de Jésus, et que nous avons à imiter le divin Maître dans cette voie du service à tout prix, sauf celui de la reconnaissance ! C’est le travail du disciple de Jésus que de servir, toujours et encore. Le service est devenu le sacrement de l’être chrétien, depuis qu’au soir du jeudi saint Jésus lui-même a pris la place du dernier des serviteurs en lavant les pieds de ses disciples. Si le Maître est allé jusque là, n’est-ce pas pour nous obliger ? Que faisons-nous d’extraordinaire en suivant le chemin que Jésus a inauguré pour nous ? Nous savons que la « suivance » de Jésus nous mènera au Royaume, à la Béatitude éternelle, à la claire vision de Dieu. Elle nous y mène non pas par nos efforts, mais parce que Jésus lui-même a ouvert la voie par sa mort et sa résurrection et que, désormais, rien ne pourra fermer cette brèche de vie au cœur d’un monde marqué par la souffrance, le mal, le péché. Suivre le Christ, c’est faire œuvre de vie : c’est être capable de faire se planter un arbre, symbole de vie, au milieu de la mer, symbole du monde mauvais et de la mort.

Quelconque, inutile, bon à rien ! Voilà alors des qualificatifs qui nous renvoient plus largement à notre manière d’être disciples de Jésus. Sommes-nous, comme les premiers disciples de Jésus, à demander à Dieu d’augmenter en nous la foi ? Parce que, ne nous y trompons pas, c’est bien cette demande qui déclenche tout ! Comme si Dieu ne donnait pas tout quand il nous fait le don de la foi ! Comme s’il était parcimonieux dans sa distribution ! Jésus ne répond pas à la demande des disciples en augmentant leur capital foi : il répond par la nécessité du service. C’est un peu comme s’il leur disait : mais la foi vous l’avez ! Dieu vous a tout donné ; il vous revient de l’exercer dans le service gratuit, désintéressé. Dieu a semé dans le cœur des disciples la foi : sinon comment pourraient-ils suivre ce Jésus sans s’interroger sur la pertinence de son enseignement, sur le bien-fondé de ses actes ? Peut-être ont-ils l’impression que leur foi est faible, vacillante au gré des événements : mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas la foi. Comment d’ailleurs la mesurer ? Non, il nous faut sortir de cette catégorie de pensée, et croire que Dieu nous éveille à la foi, une fois pour toutes, mais que la manière dont nous ressentons notre foi dépend peut-être de la manière dont nous en vivons.

Nous voici donc renvoyés à notre manière d’être chrétien, à notre manière de former communauté. Jésus, en liant la foi au service, semble dire qu’il n’y a qu’ainsi que l’on passe d’une foi proclamée à une foi vécue, une foi agissante. Avoir la foi ne servirait à rien s’il elle ne se faisait pas agissante, si elle ne se mettait pas au service de tout homme dans la construction d’un monde plus juste, plus humain, un monde où les arbres iraient se planter dans la mer, un monde où la vie jaillirait de la mort, un monde où la vie serait toujours la plus forte. L’on comprend alors la recommandation de Paul à son ami Timothée : « n’éteints pas l’Esprit : mais au contraire réveille ce don que Dieu t’a fait ». N’est-ce pas notre urgence aujourd’hui ? Réveiller le don de la foi pour le rendre contagieux, agissant, vivant ! Nous avons tous et chacun une place à tenir, un rôle à jouer, en harmonie avec les autres. Nous avons tous à rendre compte de l’espérance qui est en nous. Nous avons tous à faire œuvre de vie, dans la fidélité au Christ et à son Eglise, pour que le monde parvienne au Royaume promis. Nous avons chacun à devenir quelconque, inutile, bon à rien d’autre qu’à ce que Dieu attend de nous : être de vrais serviteurs de la vie, des guetteurs de l’aurore de ce temps nouveau inauguré par le Christ, en sa mort et sa résurrection. La fraternité universelle est au prix d’une dépossession de soi pour laisser à l’autre et au Tout Autre la première place.

Quelconque, inutile, bon à rien ! En utilisant ces qualificatifs, Jésus ne déprécie pas ce que nous sommes, ni ce que nous faisons. Il resitue simplement notre action dans le projet d’amour de Dieu pour nous. En nous faisant le don de la foi, il nous met en route, il nous met à l’œuvre dans la réalisation de ce grand projet de salut. Nous avons une place à tenir, mais elle sera toujours à la suite du Christ. Nous profitons largement de la puissance de vie qui est en lui et par notre engagement et notre témoignage, nous rendons cette grâce accessible à ceux que nous rencontrons et qui ne connaissent pas ou connaissent mal le Christ Sauveur. Puisse la célébration de cette eucharistie donner à chacun de nous, prêtres et fidèles laïcs du Christ, la grâce de redécouvrir où Dieu nous veut, et la force de tenir notre place pour cette année pastorale. Pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.

samedi 25 septembre 2010

26ème dimanche ordinaire C - 26 septembre 2010

De quoi nous parle-t-on dans cette parabole ?


Mais de quoi nous parle-t-on au juste dans cette parabole ? A lire trop vite, à croire que nous avons déjà entendu, nous risquons fort de passer à côté du message de la parabole de Jésus et surtout, plus grave, de croire qu’elle n’est pas pour nous.

Alors de quoi nous parle-t-on au juste ? Est-ce une parabole contre les riches qui profitent pleinement de leur argent, même honnêtement gagné, et qui font la fête alors que d’autres souffrent ? Elles ne seraient donc pas pour nous : nous ne sommes pas franchement riches, enfin toujours un peu plus pauvre que le voisin que nous envions tant. Et puis, nous ne faisons pas la fête tous les jours ; nous sommes des gens sérieux, nous !

La parabole de Jésus ne nous parle pas du riche pour condamner sa conduite, ni sa richesse. Jésus ne dit pas que les fêtes qu’il organise, c’est mal. Il n’est même pas dit que cet homme est malhonnête. Tout ce qu’on sait de lui, tient en deux phrases : il y avait un homme riche, qui portait des vêtements de luxe et faisait chaque jour des festins somptueux. Le riche mourut et on l’enterra. C’est peu de choses, reconnaissons-le ; nous ne connaissons même pas son nom. Une manière subtile de nous dire, qu’il peut avoir notre nom. Cet homme-là, ce pourrait être toi !

Par contre, si nous ne savons pas grand-chose de lui de son vivant, nous découvrons pleins de détails après sa mort : au séjour des morts, il était en proie à la torture… il a cinq frères qu’il voudrait bien protéger de pareille souffrance. Et nous découvrons qu’il est croyant : il reconnaît Abraham comme son père dans la foi ; mais non pratiquant, dirions-nous aujourd’hui : il n’a pas écouté les avertissements de Moïse et des prophètes, pas plus que ses frères, apparemment.
Voilà planté le premier personnage, mais nous ne savons toujours pas de quoi parle cette parabole puisqu’elle n’est pas une parabole contre les riches.

Serait-ce alors une parabole en faveur des pauvres ? Une parabole qui, bien avant l’heure, donnerait raison à Karl Marx, quand il dira que la religion est l’opium du peuple ? Souffrez maintenant, et en silence s’il vous plaît, et vous serez heureux plus tard ? Est-ce là l’enseignement de la parabole ? Oh que non ! Certes il y a ce pauvre Lazare (tiens ! on connaît son nom, à lui !), ce pauvre Lazare qui a souffert et qui se retrouve, après sa mort, emporté par les anges auprès d’Abraham. Une belle fin pour quelqu’un qui le mérite sans doute. Mais la parabole n’est pas pour lui, ni pour ceux qui partagent sa condition. Elle n’est pas un enseignement à la patience pour celles et ceux qui souffriraient, ni un appel à la résignation : votre tour viendra ! Elle n’est pas une parabole pour plus tard, quand nous serons morts ; elle est un enseignement pour aujourd’hui, et pour nous, même si nous ne sommes pas vraiment riches, même si nous ne sommes pas dramatiquement pauvres.

Cette parabole nous parle de notre vie aujourd’hui, et de la manière dont nous la vivons, maintenant. C’est une parabole sur le regard que nous portons sur le monde et sur les hommes et les femmes que nous croisons. C’est une parabole qui veut nous ouvrir les yeux. Le riche n’est pas méchant, il est juste aveugle, aveuglé par sa richesse et les amis qu’elle lui procure au point de ne pas voir le pauvre Lazare devant sa porte. Que voulez-vous, ils ne sont pas du même monde ! L’un est fabuleusement riche alors que l’autre est affreusement pauvre ! Et si le riche n’a pas de nom, encore une fois, c’est parce qu’il peut avoir notre nom. Mais nous ne prendrons pas, dans cette parabole, la place du pauvre : le pauvre, c’est Lazare, il nous est connu, comme nous sont connus les pauvres de notre vie. N’avons-nous pas tous un Lazare que nous préférons ignorer, ne pas voir ? Ce n’est pas forcément quelqu’un qui est économiquement pauvre, juste quelqu’un qui est pauvre de notre manque de relation, de notre manque d’attention. Et nous savons que les pauvres de toutes sortes sont les préférés de Dieu, parce que Dieu porte attention à chacun et particulièrement à ceux dont personne ne se soucie. Il est donc juste que Lazare se retrouve auprès d’Abraham, non pas parce qu’il a souffert, mais parce que tous l’ignoraient, à commencer par le riche. Il ne comptait pour personne, sauf pour Dieu. N’est-ce pas ce que nous rappelle le psaume de ce dimanche ? Le Seigneur fait justice aux opprimés, il donne du pain aux affamés, il protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin…

Tout est question de regard, semble nous dire cette parabole. Si le riche avait vu Lazare, peut-être aurait-il eu un geste de compassion envers lui et désormais, après sa mort, Lazare pourrait en avoir un envers lui : envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue ! Mais il n’a rien vu, le riche, et donc rien fait ; et maintenant, c’est trop tard ! La sagesse populaire le dit : un bien fait n’est jamais perdu ! Il ne suffit pas que nous menions notre vie sans faire de mal aux autres ; il ne suffit pas de vouloir être bien avec tous. Paul le rappelle à Timothée : et maintenant, voici ce que je t’ordonne : garde le commandement du Seigneur, en demeurant irréprochable et droit jusqu’au moment où se manifestera notre Seigneur Jésus Christ. Le commandement du Seigneur, c’est bien d’aimer les autres ! C’est son unique commandement ! Pas seulement nous abstenir de leur faire du mal, non, mais les aimer comme Dieu les aime, gratuitement, portant leur souci, intervenant en leur faveur. Vivre selon Dieu et aimer comme Dieu : c’est tout ce qui nous est demandé ; mais ce sont deux choses qu’il nous faut partager. Je ne vis pas seul ; je n’aime pas seul.

Si seulement le riche avait ouvert les yeux sur celui qui était à sa porte ! Pour lui, c’est trop tard, mais pour nous, nous qui avons Moïse et les prophètes, nous qui avons même mieux en Jésus, mort et ressuscité, souvenons-nous à temps de son enseignement et nous pourrons être sauvés. N’est-il pas celui qui a dit : Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ? Ou pas. Amen.


(Dessin : Editions CRER, 2005 - B. Debelle)