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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 26 septembre 2014

26ème dimanche ordinaire A - 28 septembre 2014

Un père, deux fils... et nous !




Avez-vous remarqué que les deux fois où Jésus parle de la volonté de Dieu que nous avons à vivre, il emploie une parabole qui implique un père et deux fils ? En Matthieu, c’est la parabole que nous venons d’entendre ; en Luc, il s’agit de la parabole du fils prodigue. Un père, deux fils… 
 
Cette manière de placer les personnages est révélatrice d’une certaine pédagogie de la part de Jésus. D’abord, ce père et ses deux fils nous rappellent que notre rapport à Dieu est un rapport de filiation. C’est tout à fait fondamental. Si Jésus avait raconté, au sujet de la volonté de Dieu à accomplir, l’histoire d’un maître et de ses serviteurs, cela n’aurait pas eu le même impact. Nous ne sommes pas face à Dieu comme des serviteurs face à leur maître. Et Dieu n’est pas pour les hommes un maître, capricieux ou non. Dieu est un Père, qui nous aime et nous reconnaît comme ses enfants. De là vient, selon moi, l’exigence d’une volonté à accomplir. Si je me situe comme serviteur face à Dieu, je me situe comme quelqu’un qui prend ses ordres auprès de lui. Or, la volonté de Dieu, ce ne sont pas des ordres à accomplir, mais un chemin à suivre. Un fils est toujours invité à mettre ses pas dans les pas de son père, tout en conservant sa liberté, sa manière originale de répondre à la demande de son père ; un fils peut, et doit, faire preuve d’une certaine liberté dans sa manière d’accomplir ce que son père attend. Un serviteur n’a qu’à obéir et tout ira bien pour lui ; à la limite, il n’a même pas besoin de réfléchir au pourquoi du comment : il fait ce qu’on lui demande, un point c’est tout. Cela peut sembler plus confortable à certains, mais cela est bien moins enviable comme position. 
 
Mais allons plus loin : Jésus parle bien d’un père et de deux fils. Pour asseoir la question de la filiation, un fils aurait suffi. Pourquoi parle-t-il, dans les deux paraboles, d’un père et de deux fils ? Parce que la liberté qui est celle du fils peut l’entraîner à faire le contraire de ce que veut le père. Face à la volonté de Dieu, il y a deux attitudes possibles dès lors que nous comprenons que nous ne sommes pas serviteurs mais fils. Encore une fois, là où le serviteur aurait juste à obéir, le fils doit prendre une décision : suivre son père… ou pas. Deux fils, parce que deux choix possibles. Quand Dieu invite, je peux répondre oui (un fils) ou non (un second fils). Il n’y a pas d’autre alternative, sinon il y aurait eu un troisième fils ; j’en suis convaincu. Un père, deux fils, parce que lorsque Dieu m’appelle, je n’ai que deux possibilités : oui ou non. Il n’y a pas de peut-être dans un lien de filiation. Ou tu es fils et tu te montres fils ; ou tu es fils, mais tu refuses de l’être vraiment et tu prends des libertés face à ce que ton père attend de toi. 
 
Faisons encore un pas de plus. Dans la parabole de ce dimanche, il y a un fils qui dit oui à son père et qui finalement ne fait pas ; et un fils qui d’abord se révolte contre son père mais qui finalement se ravise et fait ce qui est attendu de lui. Dans la parabole du fils prodigue, vous avez le même schéma : le jeune fils veut s’affranchir de son père en réclamant sa part d’héritage et en vivant sa vie. Il ne veut plus être d’abord le fils de son père ; il veut être libre à sa manière. L’aîné, lui, a toujours été le bon fils, qui est resté prêt de son père jusqu’à en oublier de vivre. Lorsque le jeune fils revient, l’aîné rentre dans une colère qui manifeste qu’il a joué au gentil fils, mais qu’il ne se considère pas comme tel : Voilà tant d’année que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres. Il se situe lui-même comme un serviteur, en employant le vocabulaire d’un serviteur. Dur, dur de situer en fils véritable face à l’amour de Dieu pour nous.
 
Un père, deux fils… et nous ! Nous avons à apprendre cette filiation, à accepter d’avoir été fait gratuitement fils et fille de Dieu par notre baptême. En un geste extraordinaire, Dieu nous recevait, nous adoptait comme ses enfants, lorsque le prêtre nous imposait les mains. Fils et fille de Dieu nous le sommes donc ; mais fils et fille de Dieu, nous avons à le devenir chaque jour, à accepter de l’être en sortant d’un rapport marchand ou servile avec Dieu. Nous devenons fils et fille de Dieu lorsque nous comprenons la paternité de Dieu, et que nous acceptons que Dieu ne nous veuille aucun mal, au contraire. Il a livré son Fils, qui a laissé sa filiation pour devenir serviteur et mourir sur une croix. Ce faisant, il a été élevé plus haut que tout. Dieu lui a rendu sa dignité de fils en le ressuscitant des morts. C’est en lui que nous devenons fils et fille de Dieu désormais. D’où l’invitation de Paul à toujours rechercher l’unité. Notre filiation divine nous ouvre à la fraternité avec Jésus ; puisque nous tenons tout de lui et de son sacrifice, nous devons vivre comme lui pour assumer pleinement notre filiation.
 
Un père, deux fils… et nous ! Il y aura toujours deux fils dans ces paraboles, parce qu’au fond, il s’agit d’abord du Père et de nous et que nous avons en nous une part de chaque fils. Nous sommes, selon les circonstances, l’un ou l’autre fils, mais toujours nous avons à devenir comme le Fils unique. Ce n’est pas de l’humilité que de vouloir se considérer serviteur alors que nous sommes appelés à être fils. De grâce, acceptons notre filiation divine pour que Dieu reste Père, à tout jamais. Amen.
 
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'évangile, éd. Les Presses d'Ile de France)

samedi 20 septembre 2014

25ème dimanche ordinaire A - 21 septermbre 2014

Le maître peut-il disposer de ses biens comme il l'entend ?




Quiconque aura écouté le pape François, ou lu, ne serait-ce que quelques lignes de son exhortation apostolique La joie de l’Evangile (EG), aura compris que l’Eglise est nécessairement missionnaire ou elle n’est pas fidèle à sa mission : Tous ont le droit de recevoir l’Evangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer, sans exclure personne (EG 14). Si je reviens aujourd’hui à ce texte programmatique du pontificat du pape François, c’est parce que l’Evangile que je viens de proclamer va dans ce sens. Le maître du domaine qui sort chercher des ouvriers pour travailler dans sa vigne est bien la représentation de Dieu qui cherche des hommes et des femmes pour travailler à la mission pour que son peuple grandisse et donne le fruit qu’il en attend. 
 
Je pourrais alors m’attarder sur les différentes catégories d’ouvriers, qui ont tous travaillé dans la vigne du maître, certains, juste un peu moins longtemps que d’autres. Je pourrais souligner combien la réaction des premiers embauchés semblent humaine. N’aurions-nous pas fait de même si nous avions été à leur place ? Notre sens de la justice ne s’en trouverait-il pas bousculé, voire choqué, en constatant que les derniers arrivés reçoivent autant que les premiers, qui ont travaillé sous le poids de la chaleur ? Pourtant, au-delà de ces considérations sociales, il y a une parole qui me semble plus digne d’intérêt, en ces temps qui sont les nôtres. Cette parole, c’est la réponse du maître justement à l’interpellation des ouvriers de la première heure : N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? 
 
Quel est ce bien dont parle le Maître ? Si nous lisons cette parabole comme une allégorie de l’Eglise, chargée de gérer les biens du Maître en attendant son retour, ces biens peuvent être les sacrements qui la font vivre et grandir. Comment gérons-nous ces biens qui ne nous appartiennent pas, mais dont nous avons le dépôt ? Le pape François dresse, dans son exhortation, un constat dramatique : L’Eglise est appelée à être toujours la maison ouverte du Père. Un des signes concrets de cette ouverture est d’avoir partout des églises avec les portes ouvertes. De sorte que, si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approcher pour chercher Dieu, il ne rencontre pas la froideur d’une porte close. Mais il y a d’autres portes qui ne doivent pas non plus se fermer. Tous peuvent participer de quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté, et même les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison. Ceci vaut surtout pour ce sacrement qui est « la porte », le baptême. L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. Ces convictions ont aussi des conséquences pastorales que nous sommes appelés à considérer avec prudence et audace. Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Eglise n’est pas  une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile (EG 47). Ce long passage nous invite tous à nous interroger, et pas seulement les prêtres ! Lorsque j’étais curé de paroisse, combien de fois ai-je entendu des chrétiens respectables critiquer le baptême de tel enfant ou la communion de tel autre alors qu’on ne voyait jamais sa famille. Et combien de fois m’a-t-on reproché de célébrer avec la même ferveur que pour des familles pratiquantes, les baptêmes, mariages ou funérailles de familles loin de l’Eglise ! Ce sont bien là des récriminations du même genre que celles formulées par les ouvriers de la première heure. Quand nous sommes du bon côté de la barrière, nous voudrions tous qu’une différence soit faite entre nous et les autres, ceux du dehors, ceux qui ne sont pas aussi sérieux, aussi pieux, aussi engagés que nous. Enfin quoi, l’Eglise ne va pas commencer à mélanger les torchons et les serviettes quand même ! 
 
Si vous avez suivi l’actualité religieuse ces derniers jours, peut-être avez-vous entendu que différents cardinaux, proches collaborateurs du pape, ont sorti en librairie nombre de livres pour défendre la doctrine du mariage catholique, et ce à quelques semaines de l’ouverture d’un synode sur la famille. Alors que le cardinal Casper invitait ses frères à réfléchir à la doctrine à frais nouveaux, en tenant compte aussi de la réalité vécue par de nombreux croyants, voilà qu’une poignée d’entre eux jouent aux ouvriers de la première heure, et veulent confisquer les biens que le Maître a confié à tous. Je ne dis pas que la doctrine du mariage catholique est mauvaise, mais que certains interdissent même la possibilité d’en discuter à la vue de la situation actuelle, voilà qui me semble dangereux. Ne vaut-il pas mieux revenir vers le Maître du domaine et l’interroger sur le bien qu’il nous a confié et sur la manière d’en disposer ? N’est-il plus vrai que l’Esprit Saint s’exprime aussi quand le pape réunit ses collaborateurs pour discuter de sujets graves ? Une doctrine tenue fermement, envers et contre tous, aurait-elle plus de poids que le souffle de l’Esprit animant une réunion d’Eglise au plus haut niveau ?
 
Le travail dans la vigne du Seigneur ne manque pas. Il faut le faire avec intelligence et discernement. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, mais d’oser une vraie pastorale missionnaire qui redonne le goût de l’Evangile, le goût du Christ à celles et à ceux qui l’ont perdu. Pour citer encore le pape François, la pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du « on a toujours fait ainsi » (EG 33). Avec le pape François, je préfère une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités (EG 49). Nous ne gagnons rien à refuser la discussion, la rencontre avec l’autre, si ce n’est le risque de la disparition. Va-t’en, s’entend dire le serviteur qui récriminait contre le maître qui a voulu donner autant aux derniers qu’aux premiers.
 
Le Dieu que révèle Jésus dans la parabole est un Dieu bon, un Dieu qui récompense chacun de la même manière. Dieu n’a qu’une seule chose à offrir à tous : le salut. Il n’y a pas de petites doses ni de grandes doses du salut. Il n’y a que le salut, le même pour toutes et pour tous. Il nous est obtenu par le Christ, qui a livré sa vie pour les Juifs et les païens, les esclaves et les hommes libres, les hommes et les femmes. Si nous sommes croyants de longues dates, fidèles aux enseignements de l’Eglise, ne récriminons pas contre Dieu qui veut donner à tous le salut, même à ceux qui sont moins fidèles, moins croyants, moins engagés ; réjouissons-nous plutôt de ce que la joie de l’Evangile gagne les cœurs et permette à tous de se mettre en route, malgré leur vie difficile. Amen.

 

vendredi 12 septembre 2014

Fête de la Croix glorieuse - 14 septembre 2014

La croix, signe de l'amour de Dieu pour nous.



Il y a quelque chose de paradoxale dans le titre de la fête de la croix glorieuse, et c’est son titre : la juxtaposition du mot croix, qui nous renvoie immanquablement au Vendredi Saint, à la Passion et à la mort du Christ,  et du mot glorieuse, comme si la mort injuste de l’innocent et l’instrument de sa torture avait quelque chose de glorieux. Pourtant, c’est bien à une fête que nous sommes convoqués aujourd’hui. 
 
Pour bien comprendre ce paradoxe, la liturgie nous a donné trois lectures que nous venons d’entendre. Je voudrais en retenir une, l’hymne aux Philippiens de Paul, Apôtre des païens. Ce passage est utilisé dans la prière de l’Eglise à l’occasion de quelques offices de vêpres. La traduction utilisée alors met mieux en valeur cette hymne de Paul. Elle retentit ainsi : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes, reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté, il l’a doté du nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père. J’en conviens ; il n’y a que peu de différence avec le texte entendu, mais lorsqu’on chante ces mots, quelle beauté pour exprimer l’amour de Dieu pour nous. 
 
Pour Paul, cet amour de Dieu, c’est en Jésus qu’il s’exprime. Non pas dans la naissance de Jésus, qui est un événement heureux en soi, mais plutôt dans l’abaissement de Jésus. Ce Jésus donc qui vient dans notre monde ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est abaissé. La grandeur de l’amour de Dieu, c’est qu’il s’abaisse jusqu’à venir à nous, sans atour, sans gloire. Dieu se fait l’un de nous pour que nous puissions devenir Dieu. Et comme cela ne suffit pas, ce Fils, ce Dieu fait homme, ce Dieu abaissé, va encore plus loin : jusqu’à la mort et la mort de la croix. C’est bien là, devant la croix, que se mesure le mieux la conséquence de l’incarnation, la conséquence dramatique de l’abaissement de Dieu, la conséquence de l’amour dont nous sommes aimés. C’est parce que nous sommes aimés par Dieu d’un amour unique que Dieu s’abaisse ; c’est parce que nous sommes aimés d’un amour unique de Dieu que son Fils va jusqu’à la mort ; c’est parce que nous sommes aimés ainsi par un Dieu qui n’est pas jaloux de sa divinité, que nous sommes sauvés. Désormais, au nom de Jésus, tout genou fléchit. Comment ne pourrait-il pas fléchir d’ailleurs devant tant d’amour exprimé de manière aussi forte, aussi dramatique, aussi définitive ! 
 
L’abaissement du Fils unique aura pour nous valeur d’élévation. Lorsque Dieu s’abaisse à être homme, l’homme finit par s’élever jusqu’à être en Dieu. Voilà ce que voulait faire l’amour de Dieu ; voilà ce qu’il a fait, en Jésus, sur la croix. Si le Vendredi Saint nous mesurons surtout l’abaissement du Fils et sa mort, aujourd’hui, nous sommes invités à mesurer pleinement ce que cet amour vaut pour nous. L’abaissement du Fils est notre vie ; l’abaissement du Fils est notre salut ;  l’abaissement du Fils est notre grandeur. Dieu étant venu jusqu’à nous en Jésus, nous pouvons désormais aller jusqu’à Dieu en Jésus. Venu de Dieu chez les hommes, pour les hommes, il retourne à Dieu avec les hommes. Voilà pourquoi nous nous réjouissons aujourd’hui. 
 
Ce que Jésus a vécu, ce que Paul a chanté, nous sommes tous appelés à le vivre. Nous sommes faits pour vivre avec Dieu ; nous sommes destinés à vivre en Dieu. Certains d’entre nous sont invités à le vivre à l’extrême, comme Jésus, comme Paul, c’est-à-dire jusqu’à la mort, jusqu’au don total du martyr. Suprême témoignage de tendresse et d’amour, la croix glorieuse du Christ devient croix glorieuse pour ces hommes et ces femmes qui, au cours de l’histoire, et malheureusement encore aujourd’hui en certains pays, versent leur sang à cause de l’amour de Dieu pour nous, à cause de l’amour qu’ils vivent pour chacun et pour Dieu en particulier.
 
Mais sans aller jusqu’au martyr, nous sommes tous appelés à vivre de cette croix. Le signe de la croix est le premier geste fait sur nous, lorsque nous sommes présentés au baptême. D’emblée, à l’aurore de notre vie, la croix devient notre signe de ralliement, notre signe de reconnaissance. Elle ne dit pas nos souffrances futures, mais l’amour inconditionnel de Dieu pour nous. Alors même que nous ne savons pas ce que l’enfant à baptiser va devenir, nous lui disons qu’il est déjà infiniment aimé de Dieu, et qu’il le sera toujours. Nous lui disons que c’est pour lui aussi que le Christ a vaincu la croix, pour qu’à son tour, il soit capable de suivre le Christ, en prenant sa croix. 
 
Les croix de nos vies peuvent quelquefois nous sembler lourdes, inhumaines à porter ; mais souvenons-nous qu’elles aussi sont croix glorieuses si elles sont portées à la suite du Christ, par amour. Sur le chemin de sa Passion, sur le chemin de son amour pour tous les hommes, il a pris sur lui nos croix, et dans sa mort et sa résurrection, il les a transfigurées en croix de lumière, en croix glorieuses. Quelles que soient les épreuves de nos vies, nous sommes destinés à vivre, libres et heureux. La croix n’est pas un obstacle au bonheur, elle en est le passage. Quelle puissance pourrait nous retenir sur nos croix si le Christ lui-même nous prend avec lui, dans sa gloire ? Aucune.
 
Célébrer la croix glorieuse, c’est donc célébrer aussi notre espérance. Le Dieu de Jésus Christ est le Dieu de la vie pour celles et ceux qui croient en lui et marchent à sa suite. Son amour ne fera jamais défaut à quiconque crie vers lui. Sa croix plantée en terre est, à tout jamais, l’arbre de notre vie, de notre bonheur, de notre espérance, car Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour condamner le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Amen.

(Photo prise en Flandres, Tyne Cot Cemetery, Cimetière anglais de soldats tombés en 1914-1918)

samedi 6 septembre 2014

23ème dimanche ordinaire A - 07 septembre 2014

Par amour.



L’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour ! Cette affirmation de Paul confirme l’enseignement de Jésus lui-même, qui avait rappelé aux foules venues à sa rencontre qu’aimer Dieu et aimer son prochain, c’était accomplir la Loi et les Prophètes. Ils ne forment qu’un seul et même commandement, comme les deux faces d’une même pièce, irrémédiablement soudées. En ayant en tête l’enseignement de Jésus et celui de Paul, nous pouvons alors écouter, avec intérêt, l’enseignement de Jésus transmis dans l’Evangile que je viens de proclamer. 
 
Ces paroles, qui peuvent sembler sévères, révèlent toute la pédagogie chrétienne en matière de relations conflictuelles au sein d’une communauté. Elles visent à permettre à chacun un chemin de conversion, nécessaire  pour signifier son appartenance à l’Eglise de Jésus Christ. 
 
Si ton frère a commis un péché : voilà donc le cadre de cet enseignement. Jésus connaît bien l’homme ; il sait que confesser son nom n’empêche pas l’homme de céder au Mal. Il suffit de relire les évangiles des deux dimanches précédents pour s’en convaincre. Jésus avait demandé à ses disciples de se prononcer sur sa personne. Pierre avait confessé Jésus comme le Messie, le Fils du Dieu vivant. Cela ne l’a pas empêché de ne pas suivre Jésus lorsque celui-ci commença à annoncer sa passion prochaine. Souvenez-vous de l’invective de Jésus : Passe derrière moi, Satan ! Cela n’a pas empêché davantage Pierre de le renier au moment de la Passion, ni Judas de le trahir. Etre disciple du Christ ne nous fait pas échapper à notre humaine condition : nous ne sommes pas des surhommes, nous ne sommes pas meilleurs que les autres ; mais nous sommes appelés à suivre un chemin de sainteté inauguré par le Christ. Sur ce chemin, la fatigue peut se faire sentir ; sur ce chemin, les obstacles sont réels et les occasions de chute nombreuses. D’où l’enseignement de Jésus de ce dimanche. 
 
Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. Remarquez la douceur de Jésus : il ne s’agit pas de crier au scandale, il ne s’agit pas de faire honte à celui qui a fauté ; il s’agit de lui parler, en frère. Celui qui a péché reste un frère et est toujours à regarder en frère. Car seulement ainsi pourra-t-il éventuellement reconnaître sa faute et s’amender. Si tu prends de haut celui qui est tombé sur le chemin, comment pourra-t-il se relever ? Si tu humilies ton frère qui est tombé, comment pourra-t-il trouver le courage de se regarder et de reconnaître ses torts ? Mais si tu lui parles en frère et qu’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. 
 
Et s’il n’écoute pas ? Pourras-tu enfin laisser libre cours à ta colère ? Auras-tu le droit de l’exposer en place publique pour l’humilier ? Que nenni ! S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi deux ou trois personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. Attention, il ne s’agit de venir à plusieurs régler son compte à ce bon à rien qui n’entend rien à rien et qui refuse de se repentir. Les chrétiens ne règlent pas leur compte à coup de poing. Prends avec toi d'autres, car peut-être n’as-tu pas su trouver les mots qui pouvaient toucher le cœur de ton frère. Il faut de la douceur et de la patience pour faire remarquer au frère son péché. Tout le monde n’en est peut-être pas capable. 
 
S’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l’Eglise. Toujours dans un souci d’apaisement, toujours avec le désir de ne pas perdre le frère qui a péché. La communauté de l’Eglise, c’est bien ce groupe où Jésus est présent : Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. Si l’Evangile se conclut par un enseignement sur la prière, n’est-ce pas peut-être pour que la communauté, avertie, commence à prier pour ce frère et obtienne ainsi sa conversion ? Si nous lisons avec attention le rituel du pardon et de la réconciliation, nous constatons que cette prière, en frère, est bien présente : dès le début de la célébration de ce sacrement, le prêtre et le pénitent sont invités à prier ensemble ! C’est sous le regard de Dieu que nous pouvons le mieux reconnaître nos torts, lui qui nous regarde toujours comme un enfant à accueillir. Si le frère qui a péché est de bonne foi, si la communauté a respecté l’enseignement de Jésus, le frère devrait être en mesure de reconnaître ses torts. L’affaire s’arrête là ; on n’en parle plus. Tout est bien qui finit bien. 
 
Mais si le frère refuse d’écouter l’Eglise, considère-le comme un païen et un publicain. Cela vous paraît sévère ? Cela respecte surtout la liberté du frère ! S’il ne veut pas écouter l’Eglise, il se met de lui-même hors de l’Eglise. Il ne peut plus prétendre à faire partie de la communauté. L’Eglise, ce n’est pas : je prends ce qui m’arrange et je rejette ce qui me déplaît ! Il y a un moment dans la vie du croyant, où il doit prendre sa foi au sérieux. Nul ne peut avoir un pied dans l’Eglise (au cas où), et un pied hors de l’Eglise (parce que c’est plus confortable). Il n’y a pas d’obligation de résultat mais une obligation d’action. Tu dois aller parler à ton frère ; tu dois prendre avec toi des frères ; tu dois en parler à l’Eglise s’il faut en arriver jusque-là. Le reste ne dépend pas de toi. 
 
C’est déjà l’enseignement du prophète Ezéchiel que nous avons entendu en première lecture. Le prophète doit avertir le méchant de sa conduite et de la décision de Dieu à son égard : mais si le méchant refuse d’écouter le prophète, celui-ci ne sera en aucun cas responsable de ce qui arrivera au méchant qui ne se convertit pas. De même avons-nous à nous encourager les uns les autres, à nous reprendre quelquefois dans la charité pour construire et vivre une vraie communauté fraternelle. Nous devons porter le souci les uns des autres de sorte que tous puissent parvenir au Royaume de Dieu. Mais celui qui refuse obstinément un jour d’avancer, nous ne pouvons le contraindre. Chacun est libre et responsable de ses choix ! C’est cela aussi, aimer quelqu’un ! Même si c’est douloureux ! 
 
L’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour. Paul ne nous trompe pas lorsqu’il nous le rappelle, comme Jésus ne nous trompait pas quand il nous invitait à un amour supérieur. Dans notre vie quotidienne, les obstacles à l’amour peuvent être nombreux quelquefois, mais nous devons toujours pouvoir compter sur les frères, sur la communauté, pour nous redire cet amour, pour nous inviter à cet amour. C’est la marque véritable et visible du croyant. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples. Ne terminons jamais un temps de prière sans oser demander la capacité d’aimer, envers et contre tout. Dieu nous l’accordera, Jésus nous l’a promis, par amour de tous. Amen.
 
(Image de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France)