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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







jeudi 30 mai 2019

Ascension C - 30 mai 2019

Approfondir le sens de la fête à partir de la prière de l'Eglise.






             Luc, l’auteur de l’Evangile et des Actes des Apôtres entendus aujourd’hui, rapportant largement l’événement de l’Ascension sans que ses textes posent de difficultés majeures de compréhension, permettez que je vous introduise au sens de cette solennité à partir de la prière de l’Eglise.

Commençons par la prière d’ouverture de cette célébration. Elle nous faisait prier ainsi : Dieu qui élève le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire. Nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance. Elle exprime dans un raccourci saisissant, le mystère que nous célébrons et qui nous concerne. En effet, l’Ascension célèbre la montée auprès du Père du Christ Jésus (Luc s’en est fait l’écho) ; mais, à travers elle, nous est donnée l’espérance de vivre à notre tour ce passage. Toute fête chrétienne nous fait ainsi entrer dans le mystère du Christ en nous rappelant qu’un jour, nous aurons notre part à ce mystère.

La fête de l’Ascension est donc la fête du retour vers le Père. Tout enfant apprend cela au cours du catéchisme. Mais disons-nous assez aux enfants que nous aussi nous sommes appelés à partager la gloire de Dieu ? Le Christ monte chez son Père parce qu’il a achevé sa mission : il était venu sauver les hommes de la mort et du péché ; c’est chose faite en sa mort et sa résurrection. Nous n’avons plus à craindre l’ennemi de toujours ; le Christ l’a vaincu pour nous. En lui, nous avons déjà notre victoire, victoire qu’il nous faut actualiser dans notre quotidien en refusant tout ce qui conduit au mal. C’est bien ce qui est demandé à chaque baptisé au moment où il est reconnu comme fils de Dieu. C’est bien ce que nous redisons chaque année au cours de la nuit de Pâques : Renoncez-vous au mal et à tout ce qui y conduit ? En répondant par l’affirmative, nous redisons notre volonté de suivre le Christ et de refuser tout ce qui conduit à la mort. 

Ce refus clair a un but : partager la vie du Christ lui-même. Ici-bas, certes, par une vie humaine conforme à l’Evangile qui nous est transmis, mais aussi par-delà notre mort, quand nous serons appelés à vivre définitivement avec Dieu. La vie chrétienne ne se limite pas, en effet, à un comportement moral irréprochable sur cette terre. La vie chrétienne est avant tout espérance de connaître un jour Dieu face à face. Ce n’est pas une utopie ! Ce n’est pas une manière de nous consoler de la petitesse de nos vies. C’est la réalité ! Et la fête de l’Ascension, en nous faisant célébrer le retour du Christ vers son Père, nous rappelle que nous sommes appelés au même bonheur. Avec le Christ, nous entrons aujourd’hui en espérance dans ce royaume promis. C’est bien le sens de l’oraison de la fête. 

Mais elle n’est pas la seule prière prononcée aujourd’hui. La préface, qui sera chantée en ouverture de la grande action de grâce, reprend la même idée : en entrant le premier dans le Royaume, le Christ ne s’évade pas de notre condition humaine, mais il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour. Mais elle souligne aussi que ce départ n’est pas un abandon de l’humanité. Il ne s’évade pas de la condition humaine vient rappeler avec force que le Christ est et reste fondamentalement lié à notre humanité. Cela signifie qu’il nous accompagne encore, mystérieusement présent au cœur de nos vies. L’Eglise n’a cessé de préciser les modes de présence du Christ dans les temps qui sont les nôtres. Le Christ continue ainsi d’agir et d’être présent au monde par l’assemblée de ses fidèles, par sa Parole proclamée et méditée, par les ministres ordonnés qu’il a appelés, et bien sûr par le pain et le vin eucharistiques partagés. Quatre signes tangibles de sa présence et de son action au cœur de notre monde.

Nous pouvons ainsi mieux comprendre pourquoi les disciples du Ressuscité sont joyeux malgré ce départ. Ils ont la certitude que toujours ils seront dans la main de Dieu, accompagnés par ce Christ qu’ils ont suivi et aimé. Nous aussi, nous devons entrer dans cette joie et, à la suite des premiers croyants, rechercher sa présence à travers les événements du monde. C’est ce à quoi nous serons invités au moment de la bénédiction : vous savez qu’il est assis à la droite du Père ; mais cherchez-le, trouvez-le aussi près de vous, jusqu’à la fin, comme il l’a promis. Cette présence peut nous sembler lointaine, mais elle est réelle. Elle sera comme réactivée dans quelques jours lorsque nous célébrerons dans la même joie le don de l’Esprit Saint, autre signe de la présence du Christ à nos côtés. Alors nous serons en mesure de comprendre en totalité le mystère unique que nous ne cessons de célébrer depuis quarante jours et que nous célébrons chaque dimanche : celui de notre salut, obtenu en la mort et la résurrection du Christ. 

Salut pour aujourd’hui, car dès à présent le disciple véritable du Christ peut faire le choix de renoncer au mal ; salut pour demain, car en sa mort/résurrection et en son ascension, le Christ nous ouvre le chemin de la vie en plénitude aux côtés de notre Dieu. Oui, réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse : le Christ monte vers son Père et nous emmène déjà, en espérance, goûter la joie du Royaume. AMEN.

(Dessin de M. LEITERER)


samedi 25 mai 2019

6ème dimanche de Pâques C - 26 mai 2019

Quand la Parole de Dieu éclaire nos choix…









Il arrive, par le plus grand des hasards ou alors parce que Dieu a beaucoup d’humour, que les textes que nous entendons le dimanche à la messe, rejoignent parfaitement ce que nous vivons à un moment donné de notre histoire. Je crois que c’est le cas en ce dimanche précis de l’année 2019 où nous sommes appelés aux urnes pour désigner, au-delà de nos représentants au Parlement Européen, quel genre d’Europe nous voulons. Et c’est l’extrait du livre des Actes des Apôtres qui vient justement nous provoquer sur cette question.


Je m’explique. La question qui se pose à la jeune communauté croyante, dont nous suivons l’évolution depuis Pâques, est celle de son ouverture… ou non. Nous sommes après le premier voyage missionnaire de Paul. Malgré les difficultés rencontrées, nous pouvons dire que cette expérience fut une réussite. Des peuples étrangers sont venus à la foi au Christ, mort et ressuscité. Et ces peuples n’étaient pas forcément juifs au départ. Si Paul a bien pris soin de s’adresser toujours en premier à ceux issus de sa religion, il n’a pas hésité, devant les réticences de certains responsables juifs, à se tourner vers les païens. L’Evangile du Salut rencontrait là un écho favorable. Les membres de la jeune communauté auraient dû se réjouir de ce que le Christ soit de plus en plus connu. Mais non, il s’est trouvé des esprits chagrins pour aller dire à ces peuples qu’ils ne pouvaient pas devenir chrétiens sans avoir d’abord été circoncis, donc sans avoir d’abord été juifs. Pas d’étrangers chez nous ; ou ils deviennent comme nous ou ils ne seront pas des nôtres. L’assemblée de Jérusalem allait trancher cette question. Que décidera-t-elle ? Que l’Eglise naissante doit se recroqueviller sur elle-même, n’acceptant personne qui ne fut d’abord juif ? Ou allait-elle donner quitus à l’Esprit Saint qui se manifestait quand, où et comme il l’entendait ? 


Il faut bien se rendre compte que ce n’est pas là une petite histoire sans importance. Ici, à Jérusalem, dans cette assemblée, allait se jouer l’avenir de la communauté de ceux qui reconnaissent en Jésus leur Sauveur. Pourquoi ? Parce que si elle faisait le choix du repliement sur ses origines, elle serait à terme condamnée à disparaître ! Et Paul, dans ses lettres, ne cache pas le danger réel pour les croyants. Si la mort et la résurrection du Christ ne suffisent pas pour être sauvé, alors le Christ est mort pour rien. Si l’obéissance à la Loi devait rester première, alors connaître le Christ ne servirait à rien. Au mieux, cette bande de chrétiens serait un courant de pensée parmi d’autres dans le judaïsme de l’époque. Mais si la mort et la résurrection du Christ change quelque chose dans les rapports entre l’homme et Dieu, alors la Loi devient seconde, et le salut est bien accordé par la foi que le fidèle accorde à Jésus qu’il reconnaît comme Messie, Christ et Sauveur. Le chemin vers le salut, pour le chrétien, c’est le Christ. Et l’Eglise peut donc, sans danger aucun pour elle, s’ouvrir à toutes les nations vers lesquelles le Ressuscité envoie ses disciples. Le groupe des croyants n’existe pas pour lui-même : il existe pour et par les hommes qui le composent ; il existe pour et par les hommes qui le rejoignent. L’ouverture aux autres n’est pas une option ; c’est une nécessité vitale pour être fidèles à l’ordre donné par le Christ ressuscité lui-même : Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. 


La question de l’ouverture nous est posée aujourd’hui : voulons-nous une Europe dont les peuples se replient tous sur eux-mêmes, avec des frontières bien hautes pour éviter à d’autres de nous envahir, ou voulons-nous une Europe de la rencontre et donc une Europe de la Paix ? Faut-il rappeler que, pour la première fois de son histoire, ce continent connaît 70 ans de paix, alors que quand nous vivions tous dans notre pré carré, nous ne cession de désirer et d’envahir celui des autres ? Est-ce cela que nous voulons pour nos vieux jours ? Est-ce cela que nous voulons pour nos enfants ? Notre région si particulière n’a-t-elle pas assez souffert de ces déchirements, de ces jalousies, de ces conflits ? 


Mais revenons à la jeune communauté croyante. Comment a-t-elle décidé ? La réponse est simple et limpide : ils se sont tous réunis, ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre, ils en ont discuté, ils se sont écoutés, ils ont prié et la décision s’est imposée : L’Esprit Saint et nous avons décidé… Ils n’ont pas mis la question sous le tapis ; ils ne se sont pas repliés chacun dans leur camp ; ils ont discerné, réfléchi à ce qu’était le projet de Dieu pour les hommes. Il faudrait relire tout le chapitre 15 du livre des Actes des Apôtres pour bien comprendre. Ils ne sont pas restés bloqués juste à leur sentiment : je like ou je ne like pas ! J’aime ou pas ! J’aime sa tête ou je ne l’aime pas. Ils ont écouté comment Pierre, sur l’ordre du Christ, était allé à la rencontre d’un centurion romain, et l’avait baptisé avec toute sa famille ; ils ont écouté Jacques qui a redis le projet de Dieu, rappelant les paroles des prophètes de la première Alliance. Et ils sont tombés d’accord. Un long processus, sous le signe de la Parole de Dieu. 


N’avons-nous pas à faire de même aujourd’hui ? Chrétiens, nous ne pourrons pas rester chez nous, en disant cela ne sert à rien. Et de toute manière, untel ou unetelle va gagner. Que j’y aille ou pas ne changera rien. Nous avons notre part à prendre dans cette grande question de l’Europe. Mais nous ne pouvons pas le faire sur notre sentiment, ni contre untel qui est jugé incapable chez nous. Nous avons à dire si nous faisons le choix de la paix par l’ouverture aux autres, ou si nous prenons le risque du repli et des conséquences que ce repli a toujours entraîné : l’instabilité au mieux, la guerre au pire. Parce que quand les peuples se replient, ils finissent toujours par se comparer d’abord, à envier ce qu’à l’autre ensuite, pour finalement aller le prendre par la force. Parce qu’il vaut mieux que cela aille le mieux possible chez nous, même si l’autre doit s’enfoncer dans la misère. Alors que nous pourrions décider de partager ! Le Christ lui-même ne nous invite-t-il pas à l’amour inconditionnel pour tous ? Il nous dit aujourd’hui : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole (…). Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. La parole du Christ nous fait tous frères ; la parole du Christ nous fait l’obligation d’aimer ; la parole du Christ nous fait l’obligation d’aider le petit et le faible. Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. 


Nous ne sommes pas moins chrétiens quand nous votons que lorsque nous allons à la messe : les mêmes vertus sont à mettre en œuvre dans les deux cas. Mais nous serons moins chrétiens, donc moins humains, si, par peur, nous choisissons le repli, la fermeture à l’autre, l’exclusion de celui qui est différent. Demandons à l’Esprit Saint de nous éclairer encore, de nous faire comprendre toute la profondeur de la Parole de Dieu ; qu’il nous éclaire dans nos décisions, petites ou grandes. Qu’il nous montre où est le bien commun du plus grand nombre. Que notre conscience, éclairée par l’Esprit Saint qui nous enseigne tout, et nous fait souvenir de tout ce que [le Christ nous a] dit, nous permette de faire entendre notre voix, et nous pousse à construire un monde de paix, de liberté, d’égalité et de fraternité, pour nous et pour tous les peuples de la terre, aujourd’hui et toujours. Amen.



(Tableau de Sieger KÖDER, La fenêtre ouverte)

samedi 18 mai 2019

05ème dimanche de Pâques C - 19 mai 2019

Finissons de rêver, commençons par aimer !



         Est-il possible que nos rêves deviennent un jour réalité ? Lorsque nous annonçons un monde plus beau, plus juste, plus fraternel, est-ce seulement de l’utopie ? Sont-ce là des paroles bienfaisantes pour mieux supporter un monde qui semble de plus en plus difficile et dur ? Un monde selon le cœur de Dieu, est-ce vraiment possible ? En écoutant les visions que Saint Jean nous livre tout au long de ce temps de Pâques à travers le livre de l’Apocalypse, ce sont ces questions qui me viennent à l’esprit et que je voudrais méditer avec vous aujourd’hui.


Relisons ensemble l’extrait du livre de l’Apocalypse qui constituait notre deuxième lecture. J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés, et, de mer, il n’y en avait plus. C’est le rêve que je fais souvent en lisant le journal ou en entendant à la radio la liste trop longue des massacres, des morts, des catastrophes en tous genres. Un nouveau monde enfin débarrassé du Mal, des hommes nouveaux définitivement débarrassés de la capacité à faire le mal, parce que la source du mal aurait disparu. A travers le temps et l’histoire, les hommes ont sans cesse cherché ce nouveau monde. N’est-ce d’ailleurs pas le nom qui a été donné jadis à l’Amérique par ceux qui fuyaient l’Europe et les persécutions religieuses après la Réforme ? Lorsque Jean voit le monde à venir, c’est bien ainsi qu’il le voit d’abord : refait à neuf, comme au premier jour de la Création, tel que Dieu l’a voulu, sans aucune trace de mal. De mer, il n’y en a plus, nous dit Jean, annonçant par-là l’éradication du mal. La mer, rappelons-le, était pour les anciens, le lieu où résidaient les forces indomptables, non maîtrisables du mal. 


Jean a bien conscience qu’un tel monde ne peut pas être l’œuvre des seuls hommes. Ce monde est offert, il vient d’auprès de Dieu. Voilà bien une conviction forte que je partage avec lui : le renouvellement de notre monde ne se fera pas sans Dieu ; il ne se fera pas non plus sans des hommes selon le cœur de Dieu. Jean l’affirme très clairement : il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il reprend ce qu’annonçait jadis le prophète Jérémie. Lorsque Dieu reviendra, il redonnera sa loi aux hommes, mais il ne l’écrira plus sur des tables de pierre ; elle sera gravée au fond du cœur de chaque homme. Pour Jérémie, c’est ainsi que le mal disparaîtra parce que les hommes connaîtront Dieu et son projet d’amour, intimement. Pour Jean, Dieu consolera l’humanité : Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. Ce n’est qu’en acceptant Dieu dans leur vie, que les hommes se débarrasseront définitivement du Mal. N’oublions pas que pour l’Apôtre, Dieu est amour. Là où est Dieu, il ne peut donc plus y avoir de mal. Ce renouvellement, nous le voyons à l’œuvre dans les premières communautés chrétiennes à travers le récit que nous en proposent les Actes des Apôtres. L’annonce de la Bonne Nouvelle, l’amour de Dieu prêché à toutes les nations, entraînent la conversion du cœur de ceux qui reçoivent la parole des Apôtres. Des Eglises naissent ; l’Evangile se répand dans le monde païen. Le rêve devient peu à peu réalité : un monde plus fraternel prend vie ! 


Le secret de ce renouvellement, c’est d’abord la mort et la résurrection du Christ. Sans l’événement de la Pâque, sans la victoire du Christ sur la mort, le mal et le péché, rien n’aurait été possible. Mais ce n’est pas la seule force de conversion. En fait, l’évangile nous livre le grand secret, celui qui a permis à Jésus lui-même de vaincre tout ce qui s’oppose à Dieu. Ce secret, c’est l’amour ! L’amour de Dieu pour chaque homme qui a permis ce geste de salut ! L’amour des hommes pour Dieu aussi. Mais le secret profond, c’est l’amour des hommes pour leur semblable. Ce secret, c’est le Christ lui-même qui l’a confié à ses amis au soir de sa mort. Donné à ce moment précis, le commandement de l’amour prend toute sa force car il est la parole ultime d’un homme qui sait qu’il va mourir, et qui ne laisse à ses proches que ce qui est vraiment important. L’amour qu’il nous demande de vivre n’est pas un simple amour humain. Il nous demande d’aimer comme lui aime, comme lui va aimer lorsqu’il sera en croix ! Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Et voilà qu’au commandement de l’amour est joint le mode d’emploi : tu aimes vraiment lorsque ton amour s’appuie sur l’amour de Dieu. Tu aimes vraiment, lorsque ton amour imite l’amour de Dieu. L’amour de Dieu est patience, bonté, pardon, ouverture aux autres, acceptation de l’autre tel qu’il est. L’amour de Dieu est don total.


Il faut sans doute toute une vie humaine pour bien comprendre ce que le Christ nous demande dans ce commandement de l’amour. Il faut sans doute toute une vie humaine pour aimer comme le Christ aime. Mais cela ne signifie pas que c’est chose impossible. Dieu ne nous demande jamais rien qui ne soit possible. La preuve, des saints ont vécu un tel amour ; et ils sont nombreux. Ils ont réussi parce qu’ils ont véritablement accueilli dans leur vie la puissance de vie et d’amour du Ressuscité. Que cette Eucharistie ouvre nos cœurs au Ressuscité et nous donne de vivre son Amour pour tous les hommes. Ainsi le monde saura que nous sommes véritablement ses disciples. Ainsi nous pourrons commencer la construction de ce monde plus juste que nous attendons et espérons. Finissons de rêver, commençons (enfin) par aimer comme le Christ nous a aimés ! Amen.


(Tableau de Sieger KÖDER, La nouvelle Jérusalem)

samedi 11 mai 2019

4ème dimanche de Pâques C - 12 mai 2019

Une foi sans risque ?







Le grand rêve de beaucoup de croyants aujourd’hui est de retrouver l’Eglise des premiers temps, parce qu’elle aurait été plus proche du Christ, plus proche de ses aspirations, plus vraie et plus fraternelle. Comme si, avec le temps, l’Eglise avait été contaminée, détériorée par les hommes et les femmes qui la composent. Mais n’est-ce pas oublier un peu vite que rien n’a été simple au commencement ? Croire n’a jamais été et ne sera jamais simple. Les textes de la liturgie de ce jour nous rappellent tous que la foi suppose une certaine dose de courage et des risques à prendre. 


Partons de l’exemple de Jean, l’auteur du Livre de l’Apocalypse. Les visions de l’Eglise, qu’il nous livre tout au long de ce temps de Pâques, sont le fruit d’une longue réflexion, d’une grande proximité avec ce Dieu pour qui il a tout risqué, y compris sa vie. Il est déporté sur l’île de Pathmos à cause de sa foi. Les premiers chrétiens connaissent donc déjà la persécution ; certains ont déjà donné leur vie à cause de Jésus Christ. Risquer sa vie, au sens propre du terme, voilà une situation qui ne rend pas la foi facile ou confortable, vous en conviendrez. Alors est-ce bien ce passé que nous voulons retrouver ?  


Si nous observons la vie des premiers croyants, nous nous rendons vite compte qu’ils ont risqué eux aussi leur vie pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. La lecture des Actes des Apôtres peut donner l’impression que tout est simple. Paul et Barnabé parlent aux gens et ils se convertissent. Certes, leurs paroles avaient la force et l’assurance que donne l’Esprit du Ressuscité. Mais quand même ! Une lecture plus attentive nous fait alors remarquer que, dès que des gens se convertissent au Christ, d’autres se fâchent et chassent les Apôtres. C’est vrai pour Paul et Barnabé ; c’est vrai aussi pour d’autres en ces temps de commencement. Souvenez-vous de Saint Etienne, l’un des premiers diacres, qui sera lapidé pour avoir annoncé le Règne de Dieu. Lisez attentivement la vie de Paul, et vous verrez par quelles épreuves il est passé, à cause de sa foi et de son ministère apostolique. Et pourtant, rien n’a réussi à l’arrêter : ni les expulsions, ni la prison, ni le fouet, ni même la perspective de devoir mourir. Sa foi en Christ, et la certitude qu’il fallait partager cette foi au plus grand nombre, ont eu raison de ses peurs : jamais il ne se taira. Il ira jusqu’à dire : « Malheur à moi si je n’annonce pas la Bonne Nouvelle ! » D’où lui vient ce courage ? 


Il nous faut nous plonger dans l’évangile de ce dimanche pour y découvrir un secret qui fait prendre tous ces risques aux Apôtres. Ce secret, c’est qu’ils ont conscience d’être dans la main du Christ, le seul et vrai Pasteur de son peuple. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Que peuvent-ils craindre, puisque le Christ, qui s’est montré plus fort que le mal, plus fort que la souffrance, plus fort que la mort même, les garde dans sa main ? Au moment de la mort de Jésus, on aurait pu croire que tout était fini, qu’il ne resterait rien de l’espérance des hommes. Mais Dieu l’a ressuscité, montrant par là son amour pour tous les hommes et sa volonté de les voir vivre libres et heureux. Désormais plus rien n’arrêtera la Parole de Dieu. Plus personne ne fera taire Dieu. Ceux qui reconnaissent en Jésus la voix même de Dieu, ceux-là seront sauvés, ceux-là auront la vie éternelle. Le Livre de l’Apocalypse nous montrait justement cette foule immense de témoins, de croyants, réunis autour du Pasteur unique, après avoir passé la grande épreuve. Ils ont tenu bons dans les persécutions, ils ont risqué et donné leur vie pour le Christ, ils ont franchi avec lui la mort, pour ressusciter avec lui. 


Aujourd’hui, en France, les persécutions mortelles ont cessé, et c’est heureux ! Peut-être est en train de naître une forme de persécution plus subtile que l’on appelle la moquerie (A quoi ça sert d’être chrétien ? Pourquoi tu cours encore à l’église ? Tu crois vraiment encore à ses histoires de bonnes femmes ?), et une autre plus subtile encore qui consiste à s’attaquer aux bâtiments églises. Il n’y a plus une semaine qui passe en France sans qu’une église au moins ait été vandalisée. Tout ceci nous rappelle que nous ne sommes pas dispensés de risquer quelque chose pour notre Dieu et son Eglise. Si nous ne risquons plus notre vie à affirmer notre foi, nous risquons quelquefois notre réputation. Quand je rencontre des jeunes croyants dans nos établissements scolaires, il leur arrive de dire qu’il ne leur est pas toujours simple de se dire croyant.  Et pour combien d’adultes, l’engagement à participer à la vie de la communauté croyante est compliqué, et pas seulement parce que leur vie familiale ou professionnelle l’est. Et je ne vous parle même pas de la vie des prêtres aujourd’hui. Il nous faut oser risquer. Risquer notre vie à la suite du Christ qui nous emmène et nous appelle là où nous n’irions pas forcément tout seul. Risquer de nous laisser entraîner par le Christ, l’unique et vrai Pasteur : il veut notre bonheur, il nous en propose un chemin. Il faudra aussi, pour que l’Eglise vive encore demain, que des jeunes risquent de répondre d’une manière particulière aux appels de Dieu en s’engageant dans la vie sacerdotale ou religieuse. En ce dimanche des vocations, comment ne pas relayer l’appel de Dieu et de son Eglise pour qu’ils s’engagent comme prêtres, religieux, religieuses, moines ou moniales ? Pouvons-nous ne plus poser la question, y compris dans nos familles ? L’Eglise est toujours à construire ; la Bonne Nouvelle est toujours à annoncer. 


Dans un instant, nous allons proclamer notre foi, en communauté. Nous dirons notre confiance en Dieu qui nous appelle et nous guide, et notre confiance en cette Eglise à nous tous confiée.  Nous redirons que cette Eglise, rassemblée par le Christ, est chemin de salut, route de bonheur à la rencontre de notre Dieu. Nous redirons que nous sommes fiers d’être de cette Eglise-là, malgré son péché, malgré ses limites, malgré le péché et les limites de tous ceux qui la composent. Osons croire encore qu’une Eglise plus belle, un monde plus humain, c’est possible, si chacun de nous s’y risque. Pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. AMEN.




dimanche 5 mai 2019

03ème dimanche de Pâques C - 05 mai 2019

"Pierre, m'aimes-tu ?", ou comment guérir du cléricalisme !




Les révélations successives des abus qui ont eu lieu dans l’Eglise, et qui ont plongées celle-ci dans une crise sans précédent, n’ont pas manqué de souligner l’une des causes de ces abus : le cléricalisme. Et tous, depuis, de proposer leur solution pour lutter contre cette dérive insupportable ! Un lecteur (protestant quand même) du journal La Croix proposait ainsi, dans un courrier, sa manière, voire la seule manière, de lutter contre le cléricalisme, à savoir : supprimer le clergé. Plus de clergé, plus de cléricalisme ! C’est mathématique, donc scientifique, donc inattaquable comme méthode. Je peux concevoir aisément que pour certains, ce serait là une solution de bon sens ; mais vous ne vous étonnerez pas que je ne partage pas, mais alors absolument pas, cet avis. Je vous laisse deviner pourquoi, si d’aventure quelque doute subsistait dans votre esprit. Je voudrais donc vous proposer une autre voie, ancienne celle-là, qui aurait dû nous éviter à tous de tomber dans ce travers mortifère. Cette réponse, c’est l’évangile de Jean, et particulièrement son chapitre 21 dont nous avons entendu l’essentiel. 


Passons rapidement sur la première partie, l’épisode de la partie de pêche qui se conclut au petit matin par des filets vides… jusqu’à ce qu’un inconnu interpelle les pêcheurs : Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? La réponse négative qui suit, entraîne une suggestion, certains diront un ordre, qui, à sa mise en œuvre, se révèle particulièrement judicieux et fructueux. Ils n’arrivaient pas à tirer [le filet] tellement il y avait de poissons. Cela suffit pour qu’un des compagnons reconnaissent Jésus. Il y a là un premier indice à suivre, et qui se vérifiera rapidement par la suite, pour lutter contre le cléricalisme : obéir à Jésus qui peut se manifester à nous de diverses manières, sans même qu’on le reconnaisse d’emblée. Il est cette voix qui nous dit comment réussir, où chercher, où trouver. Obéir à Jésus, à sa parole, qui jamais ne se trompe et jamais ne nous trompe. Sans doute l’avions-nous oublié, empêtrés que nous sommes quelquefois dans nos fonctionnements, dans nos programmes, dans nos idées, dans nos chapelles, dans nos mouvements… Obéir au Christ qui, au soir du Jeudi Saint, nous a laissé deux signes qui étaient d’abord et avant tout des signes de service : l’eucharistie et le lavement des pieds. Dans ces deux signes, dans ces deux sacrements, nulle place pour du cléricalisme, puisque nous agissons sur ordre du Christ, et à la manière du Christ, à savoir dans l’amour. Quand nous prenons le parti d’agir par amour et dans un esprit de service, il n’y a pas de risque de verser dans ce travers qui est pointé du doigt, ni de la part des prêtres, ni de la part des laïcs qui œuvrent avec eux et qui sont parfois plus cléricaux que les membres du sacerdoce. 


Ceci étant posé, attardons-nous sur la figure de Pierre qui, dans l’évangile de Jean, n’est pas gâtée. Comme il est le seul disciple qu’on ne peut jamais identifier au disciple que Jésus aimait, certains en sont même venus à se demander s’il n’était pas le disciple que Jésus n’aimait pas. Après tout, à part une profession de foi posée au moment de la multiplication des pains, Pierre est quand même dans l’évangile de Jean, celui qui fait toujours ce qu’il ne convient surtout pas de faire, pris au piège par un tempérament sanguin, et qui de surcroit n’a pas été appelé par Jésus, au début de sa mission. Il est un peu là par hasard, suivant sans doute son frère André qui, lui, a été appelé. Pierre est le disciple qui n’a pas su être disciple, qui n’a pas su aimer Jésus, et qui l’a finalement renié. Cette rencontre entre Jésus et Pierre, après la résurrection, est donc tout à fait capitale pour les deux. Que va faire Jésus de celui qui n’a pas osé prendre son parti au moment du procès ? Que va dire Pierre ? Va-t-il se confondre en plates excuses ? Va-t-il tenter de se justifier ? Jésus ne lui en laissera pas le temps. Il l’interroge : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? C’est peu diplomate, mais cela a l’avantage d’être clair. Alors pourquoi avons-nous l’impression d’assister à un dialogue de sourd qui va se répéter encore deux autres fois ? Parce que la réponse de Pierre ne correspond pas à la demande de Jésus. Le français nous est ici un piège puisqu’il n’a qu’un mot pour parler de l’amour. Or le grec, la langue du Nouveau Testament, en connaît trois : eros (pas la peine de s’étendre sur le sujet), philia (l’amour d’amitié) et agapè (l’amour don de soi absolu). Les deux premières questions posées par Jésus utilise le verbe aimer au sens d’agapè, de don total, et Pierre répond par l’amour philia (l’amitié). Quand je vous disais qu’il était toujours à côté de la plaque. La troisième fois, Jésus adopte la posture de Pierre et utilise l’amour philia : les deux peuvent se rejoindre enfin. Il nous est dit là d’une part qu’il y a deux manières d’exprimer l’amour que l’on a pour Jésus, et que Jésus peut se contenter d’un amour d’amitié, pour commencer. Il n’exige pas tout, tout de suite. Mais il faut commencer par l’aimer, au moins comme un ami aime ses amis pour que quelque chose puisse exister. Nous constatons aussi que Jésus interroge Pierre mais se garde bien de dire à Pierre qu’il l’aime. Non pas que Jésus n’aime pas Pierre ; tout cet épisode nous montre l’amour de Jésus pour celui qui, jusqu’à présent, n’a pas su être authentiquement disciple : il lui confie le troupeau, par trois fois. Sois le berger de mes agneaux ; sois le pasteur de mes brebis ; sois le berger de mes brebis. S’il ne l’aimait pas, il ne l’aurait pas fait. Jésus, en demandant à Pierre d’exprimer son amour, rend celui-ci sujet de cet amour qu’il porte au Christ. Il le fait ainsi devenir disciple, pleinement, volontairement. En disant son amour, Pierre choisit d’être disciple de Jésus. Il y a là un deuxième indice pour nous libérer du cléricalisme : choisissons-nous Jésus parce que nous l’aimons ou parce que lui nous aime (sous-entendu nous n’aurions plus le choix de l’aimer ou pas, et n’ayant plus le choix, qu’au moins nous ayons des compensations : profitons-en !). Aimons-nous Jésus, au moins de cet amour d’amitié, sachant que Lui pourra nous aider à grandir dans l’amour ? Regardez ce même Pierre dans le Livre des Actes des Apôtres. Il aime plus que d’un simple amour d’amitié puisqu’il est tout joyeux d’avoir été jugé digne de subir des humiliations pour le nom de Jésus. Il y a déjà quelque chose de l’amour agapè dans cette attitude. 


Regardons d’un peu plus près encore et écoutons bien ce que dit Jésus à Pierre après que celui-ci ait confessé son amour : sois le berger de mes agneaux ; sois le pasteur de mes brebis ; sois le berger de mes brebis. MES agneaux, MES brebis, et non pas sois le berger de TES agneaux et de TES brebis. Pierre se voit confier un troupeau qui n’est pas, et ne sera jamais, le sien. Il est, sera et restera toujours le troupeau de Jésus, le seul vrai pasteur, le seul prêtre véritable, le seul à qui reviennent la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Parce qu’il est le seul Agneau immolé pour le salut de tous. C’est lui, Jésus, qui sauve par son sacrifice ; c’est lui, Jésus, qui se rend présent dans le pain et le vin consacrés ; c’est lui, Jésus, qui guide aujourd’hui encore son peuple vers le Royaume où il est entré le premier au matin de sa Pâque. Ni Pierre, ni aucun de ses successeurs, ni aucun de ses collaborateurs, n’est et ne sera jamais le Christ. Il est, et nous sommes à sa suite, ceux qui reçoivent le troupeau en héritage pour le nourrir et le protéger (rôle du berger), le guider et le conduire (rôle du pasteur), mais nous-mêmes agissant sous le regard du Christ, nous-mêmes étant comptables devant le Christ. Voilà qui devrait achever de soigner cette maladie du cléricalisme : nous souvenir que si nous sommes placés à la tête du troupeau, nous sommes toujours aussi sous l’autorité du Christ, seul et unique pasteur. Sans lui, nous ne sommes rien ; avec lui, nous pouvons tout pour la croissance et le bien du peuple, parce que lui-même agit en nous, et non pas nous à sa place. Nous sommes les serviteurs et du Christ qui nous a confié son troupeau, et du troupeau que nous devons conduire. Serviteurs et non propriétaires ! Celui qui agirait en propriétaire et non plus en serviteur ne serait qu’un mercenaire, tel que Jésus lui-même l’affirme au chapitre 10 de l’évangile de Jean. Le troupeau n’a ni à suivre, ni à écouter un mercenaire ; il doit tout faire pour s’en protéger.


Pierre, m’aimes-tu ? Tout est dans cette question ; tout était donné dès le commencement de l’aventure. Si en cours de route, certains ont trompé le peuple de Dieu, ont trompé Dieu lui-même, c’est par profond manque d’amour. Ils ne se sont pas donnés au peuple, ils se sont donnés, accaparés un peuple qui ne leur était pas destiné. Ils n’ont donc pas entendu la parole finale de Jésus à Pierre au terme de ce questionnement : Suis-moi. Enfin, pourrait-on dire au sujet de Pierre. Quand l’évangile de Jean se termine, il est enfin invité à suivre Jésus. Parce que l’amour, même d’amitié qu’il a proclamé en faveur de Jésus, le rend capable de commencer à être disciple, avant que l’amour agapè ne le rende capable d’être l’Apôtre que nous contemplons dans les Actes. Apprenons de Pierre à dire à Jésus notre amour sincère pour lui et nous serons tous, quel que soit notre état, quelle que soit notre mission, ajustés à Jésus pour ne jamais tomber dans le cléricalisme qui nie tout amour. Apprenons de Pierre qu’il n’est jamais trop tard pour bien aimer Jésus, pour bien aimer ceux qu’il met sur notre route. Apprenons de Pierre et comme lui, commençons à aimer. Amen.