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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

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Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 29 décembre 2012

Sainte Famille C - 30 décembre 2012

Histoire de famille !


On nous casse tout ! Même la religion ! Avec un seul texte biblique, l’évangéliste saint Luc vient mettre à terre l’image du gentil petit Jésus qui obéit toujours à ses parents et qui ne fait que du bien. Pourquoi avait-il besoin de raconter cette fugue de Jésus ? Et pourquoi l’Eglise avait-elle besoin de nous faire entendre cette histoire le jour de la Sainte Famille ?

C’est vrai que c’est l’histoire d’une fugue, ou plutôt l’histoire d’un pèlerinage que Jésus semble vouloir prolonger. Ceux qui tiennent absolument à parler d’un petit Jésus toujours sage peuvent toujours rattraper la sauce en insistant sur le fait qu’il est resté au Temple, discuter avec les spécialistes de la Loi qui, d’ailleurs, font son éloge !

Mais c’est surtout l’histoire d’une famille, une famille qui vit comme les autres familles de son pays. Une famille unie, une famille priante qui va en pèlerinage à l’occasion de la grande fête de Pâque. Une famille qui connaît des moments de doute, d’anxiété. Une famille où les parents s’inquiètent encore de ce qui peut arriver à leur enfant. Une famille parmi tant d’autres. Seulement, cette famille-là a un enfant pas comme les autres. Et cet épisode au Temple va nous le révéler.

D’abord, Jésus a une connaissance inouïe des choses de Dieu. Pour que des anciens s’émerveillent devant un jeune homme, il faut déjà que ses questions et ses réponses soient d’une réelle profondeur. Il faut surtout que cet enfant ait un lien particulier avec ce Dieu au sujet duquel il les interroge. L’enfant lui-même révèlera ce lien à ces parents humains : maintenant qu’il est admis dans le cercle des adultes, il se doit aux affaires de son Père. Il vient rappeler qu’il est venu dans le monde dans un but précis : réaliser le projet d’amour de Dieu pour l’humanité. Douze années se sont écoulées depuis l’épisode merveilleux de sa naissance. Marie et Joseph ont pu légitimement oublier que leur fils leur a été donné pour l’accomplissement de ce projet. Pourtant, plusieurs fois, à travers l’histoire, Dieu avait ainsi suscité lui-même ses serviteurs par une naissance hors du commun. Ainsi, le petit Samuel dont la première lecture nous a relaté la naissance. Sa mère avait prié longuement pour un enfant et Dieu l’a exaucé. A vue humaine, c’est peut-être une naissance comme les autres. Mais à vue divine, cette naissance va servir le projet de Dieu. Ce petit Samuel va grandir auprès du Seigneur pour être prêt lorsque le Seigneur aura besoin de lui.

Jésus fait partie de ses serviteurs que Dieu suscite, sauf que lui, il est proprement le Fils de Dieu, entré dans une famille humaine, pour partager tout ce qui fait notre condition et ainsi mener à terme le projet de salut de Dieu. C’est cela que nous célébrons aujourd’hui. Dans le prolongement de la fête de Noël, l’Eglise vient nous redire que Jésus est pleinement l’un des nôtres : Jésus naît, grandit et accomplit tout ce que réalisent les jeunes de son âge. Même s’il vient de Dieu, même s’il est Dieu, il est totalement immergé dans ce monde auquel il porte la Parole même de Dieu.

Ensuite, nous sommes invités aujourd’hui à comprendre que nous sommes, nous aussi, de cette famille. Ce lien unique qui unit le Père et Jésus, devient le lien qui nous unit au Père. En révélant qu’il se doit aux affaires de son Père, il nous révèle que nos familles humaines ne se limitent pas à ceux qui la composent naturellement. Nous sommes tous reliés les uns aux autres. Jésus nous le redira clairement lorsqu’il nous laissera la prière du Notre Père. En nous demandant de nous adresser ainsi à Dieu, il nous introduit dans ce lien unique qui l’unit à son Père. A la question de Caïn, après le meurtre d’Abel : Suis-je responsable de mon frère ?, il n’est désormais plus qu’une réponse possible : « OUI ». Si nous prions tous Dieu en l’appelant notre Père, si nous sommes tous « enfants de Dieu » comme l’affirme Saint Jean, alors nous partageons les joies et les peines les uns des autres, comme c’est le cas dans toutes les familles ; sauf que pour nous, la famille ne se limite pas à papa, maman et les enfants. L’irruption de Jésus, donc de Dieu, dans la vie de nos familles met un point final à l’individualisme et nous ouvre à l’universalité. Désormais, je ne fais plus mon salut tout seul, en ignorant les autres. En envoyant son Fils dans le monde des hommes, Dieu les rend solidaires en tout, y compris en matière de salut, car son Fils est venu sauver tous les hommes. Nous qui vivons et marchons à sa suite, nous qui sommes témoins de ce salut offert à tous, nous ne pouvons que le transmettre, le faire découvrir aux autres. Il nous est interdit de ne pas en parler ! Il nous est interdit de dire que ce que vivent les étrangers chez nous, ou dans leur pays, ne nous concerne pas : ils sont de notre famille, même s’ils pensent autrement, même s’ils prient autrement !

A travers l’histoire de cette Sainte Famille, à travers l’histoire de ce Fils unique, nous sommes invités à lire et à vivre notre propre histoire. L’Eglise vient nous rappeler que nous venons aussi de Dieu et que nous allons vers lui. Peut-être nous faut-il nous laisser interroger par cet enfant sur notre manière de vivre notre pèlerinage familial sur cette terre ? Peut-être devons-nous interroger cet enfant pour le vivre mieux ? Osons aborder celui qui fait l’émerveillement de tous, au milieu du Temple. Osons le croire et le suivre lorsqu’il nous parle de son Père. Osons, avec lui, construire cette famille humaine où Dieu sera enfin tout en tous. AMEN.

(Illustration Bible de Gustave DORE, Jésus parmi les docteurs du Temple)

mardi 25 décembre 2012

Nativité de notre Seigneur - 25 décembre 2012

Noël, ou quand Dieu s'intéresse à nous.



Après la nuit et ses mystères, voici le plein jour et le temps de la réflexion. Que s’est-il passé au juste en cette nuit ? Etait-ce un doux rêve ? Dieu est-il vraiment entré dans notre monde ? Dieu s’intéresse-t-il vraiment à l’homme et à ce qu’il vit au point d’en devenir un ?

La réponse, pour nous croyants, vous vous en doutez, est affirmative. Dieu aime l’homme au point qu’il lui est insupportable qu’un seul d’entre nous se perde. Dieu aime l’homme au point qu’il lui est insupportable qu’un seul d’entre nous souffre. Dieu aime l’homme au point qu’il lui est insupportable qu’un seul d’entre nous ne soit aimé de personne. Alors quand Dieu regarde notre monde et ses failles, quand Dieu voit les hommes qui s’opposent jusqu’à se supprimer les uns les autres, quand Dieu voit les petits être opprimés, eh bien Dieu se bouge.

Si l’on en croit l’auteur de la lettre aux Hébreux, ce n’est pas la première fois que Dieu intervient : dans le passé, Dieu a parlé à nos pères. Parler, c’est bien ; encore faut-il qu’il y ait quelqu’un pour écouter. Et quand ce n’est qu’un messager qui vient délivrer la parole d’un autre, on imagine que certains écoutent encore moins. Il fallait autre chose, il fallait quelqu’un d’autre. La célébration de cette nuit nous révélait que Dieu envoyait désormais son propre Fils, une part de lui-même. Aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David, il est le Messie, le Seigneur. Cette parole était au cœur du message des anges aux bergers ; c’est ce même message qui nous était délivré, ce même message qui nous est toujours encore adressé. Quand Dieu vient dans le monde, ce n’est pas pour faire du tourisme mais pour intervenir en faveur des hommes, en particulier ceux qui sont privés de liberté, ceux qui sont mis de côté, ignorés des autres. Il vient remettre chacun en pleine lumière, pour qu’il soit capable de voir comme Dieu voit, et qu’il pense éventuellement à agir comme Dieu agit. Il éclaire tous les hommes, dit saint Jean. Celui que Dieu envoie dans le monde révèle qui est Dieu et permet aux hommes de le connaître en vérité.

Dieu s’intéresse donc aux hommes au point d’envoyer son Fils pour les libérer de tout ce qui les empêche d’être pleinement heureux, pleinement vivants. Il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Quel merveilleux destin que celui-ci. A l’homme qui sans cesse se plaint de n’être pas assez ceci ou cela, à l’homme qui estime toujours qu’il n’est pas reconnu à sa juste valeur, Dieu vient dire : Tu es mon enfant. Mesurons-nous la portée de cette parole ? Parce que Dieu devient l’un de nous, nous pouvons devenir comme lui ! De nouvelles perspectives s’ouvrent pour la vie de l’homme ! De nouveaux horizons s’ouvrent devant lui. Mais, parce qu’il y a toujours un mais, il faut que l’homme accepte cette divinité qui lui est offerte. Ce n’est pas automatique. Comprenez-moi bien : elle est bien toujours proposée, mais elle n’est réalité que si je prends ma part. Ce que Dieu propose, c’est une alliance nouvelle, en Jésus. Nous ne pouvons pas devenir les partenaires de Dieu si nous ne tenons pas notre place : il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu ! Terrible déception, sans doute. Dieu s’intéresse à l’homme, mais l’homme ne s’intéresse pas à Dieu. Voilà une histoire qui commence mal. Dieu vient dans le monde et le monde ne l’accueille pas ; le monde lui claque la porte au nez. L’évangile de cette nuit nous rappelait que c’est aux traine-misères, à ceux qui n’ont que le ciel comme toile de tente, qu’est annoncée la Bonne Nouvelle. Les autres, ceux qui avaient un chez-eux, y sont restés : pas de place, allez voir ailleurs ! Combien d’hommes et de femmes, aujourd’hui encore, ne s’intéressent pas à Dieu, ne veulent pas l’accueillir dans leur vie pour qu’il la change, la rende plus grande, plus belle ? Combien d’hommes et de femmes, aujourd’hui encore, pensent que tout ça, ce sont de belles histoires, mais ça ne changent pas une vie.

Nous mesurons alors l’immensité de la tâche qu’il nous reste à accomplir. Et nous comprenons alors pourquoi il y a eu, cet automne, un synode sur l’évangélisation ; nous comprenons pourquoi nous sommes invités à oser dire Dieu aux autres. Nous comprenons pourquoi, dans notre diocèse, notre archevêque nous invite à évangéliser nos communautés. Si Noël nous laisse indifférents, nous qui croyons en Dieu, comment ceux et celles qui ne le connaissent pas pourraient-ils avoir envie de s’en approcher, de l’écouter et de le suivre ? Comme jadis les anges ont été envoyés par Dieu pour dire la Bonne Nouvelle de la naissance de Jésus, ainsi sommes-nous envoyés, tous, prêtres et laïcs, pour dire aux hommes les merveilles que Dieu fait pour tous. Comme Jean le baptiste, nous avons à rendre témoignage à la lumière afin que tous croient.

La grandeur du mystère de Noël, du mystère d’un Dieu qui s’intéresse à notre histoire au point de la partager, c’est justement de nous remettre face à nous, face à Dieu, face aux autres. Nous pouvons être l’interface entre Dieu et les hommes. Nous pouvons participer, à notre mesure, au changement nécessaire dans ce monde pour que tous les hommes se reconnaissent frères et vivent comme tel. Ne serait-ce pas Noël tous les jours s’il en était ainsi ? Et si nous prenions Dieu au sérieux comme lui nous prend au sérieux ? Et si nous nous décidions à lui dire : Chiche, on y va ! Notre Eglise et notre monde n’en seraient que plus beaux. Je prie pour qu’il en soit ainsi, aujourd’hui et toujours. Amen.

(Photo : une des nombreuses crèches à l'endroit où François d'Assise avait créé la première crèche)

lundi 24 décembre 2012

24 décembre 2012 - Sainte Nuit de Noël

Accueillir, sans crainte, celui qui vient.


De tout temps, la nuit était un moment craint par l’homme. Parce que la nuit, il n’a plus de repères, il n’y voit plus. Sans lumière, tout st plongé dans l’obscurité. Et c’est souvent la nuit que rôdent le mal et ses sbires. Pourtant, dans cette nuit crainte des hommes, Dieu vient en ce monde. C’est de nuit qu’il choisit de changer le monde.

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi. C’est par ces mots que le prophète Isaïe annonce la venue du Prince de la Paix. Nous pouvons imaginer sans peine la joie que cette lumière resplendissante a procurée au peuple qui l’a vu se lever. Il a tant erré dans les ténèbres, sans plus d’espoir, sans trop savoir combien de temps encore cette nuit règnera sur eux. L’irruption de la lumière va bouleverser leur vie. Tout va changer. Tout va devenir meilleur. N’est-ce pas ce qui se passe pour nous en cette nuit ? L’irruption de Dieu dans le monde des hommes change tout. Pour ceux qui le veulent. Pour ceux qui l’accueillent. Cet événement de Noël est comme cette lumière qui jaillit dans la nuit. Avec la naissance de Jésus, Fils de Dieu, les hommes vont apprendre à voir et à regarder autrement.

A ceux qui, habitués à la nuit, ont pris peur devant la lumière, le message de Dieu délivré par ses cohortes d’anges, est sans équivoque : Ne craignez pas : voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, vous est né un Sauveur, il est le Messie, le Seigneur ! Dieu ne vient pas fatiguer les hommes comme ils ont pu, et peuvent encore, fatiguer Dieu. Dieu vient sauver les hommes. Dieu se fait l’un de nous pour nous libérer définitivement des ténèbres du Mal, des ténèbres de la Mort, des ténèbres du péché. C’est bien une bonne nouvelle pour nous. Plus de crainte à avoir ; Dieu se range aux côtés de l’homme pour toujours, en son Fils, né d’une femme. Les promesses faites à travers les âges vont s’accomplir en cette nuit. Dieu s’est engagé ; mais que vont faire les hommes ? Qu’allons-nous faire ? Allons-nous fermer la porte, prétextant qu’il n’y a plus de place dans nos vies pour Dieu ? Allons préférer les ténèbres à la lumière ?

La réponse nous vient de Paul, dans son épître à Tite : le Christ s’est donné pour nous racheter de toutes nos fautes, et nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. Voilà tracée notre feuille de route. Accueillir celui qui vient se donner pour notre salut nous oblige. Et nous répondrons à la bienveillance de Dieu en devenant son peuple, en faisant le bien autour de nous. Cela suppose de faire la vérité dans notre vie et de nous engager librement, mais réellement, à construire un monde à la mesure de ce Dieu qui vient. Il est amour et bonté, pardon et miséricorde. Nous manifesterons notre accueil du Messie en vivant ce même amour, cette même bonté, ce même pardon, cette même miséricorde… à l’égard de tous. En ce Dieu qui vient, qui se fait l’un de nous, nous devenons désormais tous frères. Nous ne pouvons en rejeter aucun, sous prétexte qu’il est différent de nous, qu’il pense autrement que nous, qu’il prie autrement que nous. Dieu vient sauver tous les hommes qu’il aime d’un amour identique et total.

En cette nuit où Dieu se fait l’un de nous, approchons de l’Enfant nouveau-né ; reconnaissons en lui celui que Dieu envoie. Faisons-lui une place dans notre vie et nous accomplirons notre destinée : puisque Dieu est devenu l’un de nous, nous pouvons désormais devenir comme Dieu, et vivre pour toujours avec lui. Devant cet Enfant, faible et fragile, reconnaissons la puissance de Dieu à l’œuvre. Devant l’Enfant nouveau-né, confions à Dieu notre prière : il saura nous écouter et nous exaucer.

Seigneur Dieu, comment pourrions-nous mieux comprendre que tu nous aimes plus que tout, autrement qu’en contemplant ton Fils, devenu l’un de nous ? En cette nuit, en nous donnant ton Fils, Tu nous rends une espérance : un monde meilleur est possible puisque Dieu vient nous visiter ! En cette nuit, en nous donnant ton Fils, Tu nous invites à renouveler notre foi : cet enfant nouveau-né est le Sauveur promis ! En cette nuit, en nous donnant ton Fils, Tu donnes à notre charité un nouvel horizon : puisque tu deviens l’un de nous, c’est en chaque frère désormais que nous pouvons te rencontrer et te servir. Accorde-nous la grâce de toujours savoir t’accueillir, Toi le Dieu qui vient à notre rencontre, aujourd’hui et toujours. Amen.

(Dessin : Détail d'un retable de Noël, Publié par le site de Prions en Eglise)

samedi 22 décembre 2012

04ème dimanche de l'Avent C - 23 décembre 2012

Croire.


Nous touchons au but. Encore deux jours, et nous fêterons Noël. Cette dernière semaine de l’Avent est réduite à un seul jour en-dehors de ce dimanche. Nous avons eu trois semaines pour veiller, nous préparer et nous réjouir de cet événement à venir. Un dernier verbe nous est donné avant d’accueillir le Verbe de Dieu ; et c’est Elisabeth, la femme stérile devenue enceinte dans sa vieillesse qui nous le donne lorsqu’elle s’écrie : Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Notre parcours d’Avent n’aura servi à rien s’il ne nous permet pas à son terme de Croire, de croire mieux. Mais qu’est-ce que croire au juste ?

Croire, c’est faire confiance, sur parole. Lorsque l’ange annonce à Marie qu’elle a été choisie pour être la Mère du Fils de Dieu, celle-ci s’interroge : Comment cela va-t-il se faire puisque je suis vierge ? Question somme toute légitime. A la réponse de l’ange, elle s’engage fermement, sans trop en savoir plus, sinon que c’est le projet de Dieu pour elle et pour le monde : Voici la servante du Seigneur, que tout se fasse pour moi selon ta parole. Elle n’en demande pas plus. Elle fait confiance. Croire et faire confiance, c’est la même origine. Elle n’a pas besoin de preuve, elle se contente de la parole de Dieu transmise par cet ange. Elle croit et elle dit oui, parce que croire engage une vie, engage un agir. Je ne peux pas vraiment croire et rester chez moi à ne rien faire. Croire, croire en Dieu, met en route. Marie aurait pu se ménager, rester chez elle et prendre soin d’elle. On la comprendrait sans peine : il n’y a alors pas de maternité comme aujourd’hui, pas d’échographie, pas de surveillance médicale. Ben non, à peine a-t-elle accueilli le projet de Dieu pour elle et appris la grossesse de sa cousine Elisabeth, qu’elle se met en route pour la visiter et l’aider en se mettant à son service. Sa foi en Dieu la met en route et lui fait partager le bonheur qui est le sien avec sa cousine.

Croire, faire confiance sur parole, c’est renoncer aux preuves. Les signes de la présence de Dieu viendront, peu à peu, éclairer notre foi. Mais au départ, il n’y a que la parole, la parole de Dieu ou/et la parole de quelqu’un qui croit lui-aussi. Croire est donc un acte profondément ecclésial. Je ne crois pas tout seul, dans mon coin. Je crois en Dieu parce que quelqu’un m’en a parlé. C’est d’abord l’Eglise qui transmet fidèlement la Parole de Dieu depuis ses origines. Sa mission est bien d’annoncer au monde les merveilles que Dieu fait pour les hommes à travers Jésus, mort et ressuscité pour notre vie. Un croyant qui resterait chez lui, pour croire dans son coin, manquerait d’abord de reconnaissance envers l’Eglise qui le guide sur le chemin du salut, et lui garantit que sa foi est belle est bien juste. Il manquerait aussi à son devoir de témoignage. Comment être sûr de ma foi si je ne la confronte pas à celle des autres, si je ne la partage pas avec les autres ? Ma foi s’enrichit de la foi des autres tout comme ma foi enrichit la foi des autres. En allant chez sa cousine Elisabeth, Marie partage avec elle et le bonheur de devenir mère et le bonheur d’être entré dans le projet de Dieu. Ces deux femmes ont quelque chose en commun : leur enfant respectif est un cadeau de Dieu aux hommes. 

En ces périodes de fêtes, je vous recommande volontiers d’aller faire un tour au cinéma en y emmenant vos enfants pour regarder un dessin animé : les 5 légendes. L’ayant vu, vous comprendrez sans doute pourquoi il est utile de croire. Et vous constaterez que la foi, le fait de croire, permet aussi de lutter contre le Mal. Je ne vais pas vous expliquer par le détail l’histoire de ce dessin animé, mais considérez-le comme un devoir de vacances. Vous ne le regretterez pas ; vous enrichirez votre lot d’histoires à raconter aux enfants et vous approfondirez votre manière de croire, tout en passant un bon moment en famille. Vous comprendrez le lien qui existe entre le refus de croire et la présence du Mal dans notre vie. Vous découvrirez aussi qu’il n’y a pas d’âge pour entrer dans un projet qui nous dépasse toujours, mais qui nous permet d’être véritablement heureux et de porter un peu de bonheur aux autres.

Pour moi, il n’y a rien de plus exaltant que de croire en Dieu, croire qu’il ne me laisse jamais seul, quoi que je vive ; il n’y a rien de plus beau que de croire qu’il m’accompagne et qu’il veille sur moi. Et je sais que lorsque ma foi vacille devant les difficultés, je peux demander à Dieu un surcroît de foi et m’appuyer sur les grands saints de notre histoire pour découvrir en eux des raisons de croire toujours, des raisons de croire encore. Et si cela ne suffit pas, je peux toujours, dans la prière, demander que ma foi soit renforcée, parce que croire, c’est aussi un don que Dieu me fait. Nous pouvons aujourd’hui, demander à Marie de nous partager sa foi, comme elle l’a fait jadis avec sa cousine Elisabeth.

Quand je te regarde, Marie, j’ai l’impression que tout est facile pour toi. Un ange vient, et tu dis « Oui ». Puis tu cours chez ta cousine Elisabeth pour te mettre à son service. Pourtant, cet enfant que tu portes t’a donné bien des occasions de t’interroger. Mais toujours tu as fais confiance à Dieu, ta foi t’a porté. Partage-moi un peu de ta foi pour que j’entre mieux dans le projet que le Seigneur porte pour moi, toi, la Mère de tous les croyants, aujourd’hui et pour toujours. Amen.


(Dessin : Détail d'un retable de Noël, Publié sur le site de Prions en Eglise)

vendredi 14 décembre 2012

03ème dimanche de l'Avent C - 16 décembre 2012

Se réjouir. Mais encore ?


Guerres, attentats, troubles politiques en de nombreux points sensibles du globe ; crise économique, meurtres en grand nombre, enlèvements, accidents divers, perte des repères moraux, changement de société imposé à la hussarde : la liste est longue, à la lecture de nos journaux, des événements malheureux, douloureux et difficiles à admettre. Au milieu de ces bruits et de ces agitations, un appel adressé par Dieu à celles et ceux qui croient en lui : Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Eclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem. Et Paul de renchérir : Soyez dans la joie. Peut-on ainsi concilier l’inconciliable ?

La joie à laquelle nous sommes appelés en ce troisième dimanche de l’Avent, n’est pas une attitude naïve. Nous n’avons pas à avoir l’air béat devant tout ce qui se passe. Mieux : la joie que nous devons vivre ne nous empêche ni de nous révolter devant les injustices de ce monde, ni de connaître nous-mêmes épreuves et malheurs. Les croyants ne sont pas à l’abri du Mal ; les croyants ne sont pas davantage miraculeusement préservés de toute détresse ou catastrophe. Ce serait quand même trop beau, voire trop facile. Mais la joie à laquelle nous sommes appelés nous permet d’affronter les épreuves de la vie avec la certitude qu’au bout, il y a toujours la vie. La joie à laquelle nous sommes appelés nous permet de vivre nos épreuves avec cette certitude que nous ne sommes pas seuls et que nous pouvons vaincre, puisque nous croyons en un Dieu qui a vaincu toutes les épreuves, y compris la grande épreuve de la Mort. La joie à laquelle nous sommes appelés est un art de vivre. Rien ne peut ni ne doit nous effrayer parce que le Christ est avec nous pour nous sauver. N’est-ce pas le sens des noms qu’il reçoit : Emmanuel, Dieu-avec-nous ; Jésus, le Seigneur sauve ? Nous avons eu et nous aurons encore des épreuves à affronter dans notre vie, mais nous pouvons le faire avec cette joie que procure la certitude de n’être pas seul, d’être accompagné dans chacune d’elles par celui à qui tout est possible. Même devant les épreuves, notre cœur peut être en paix.

Cette joie qui doit être nôtre se fonde, en ce temps de l’Avent, sur l’attente d’un événement heureux : Dieu va venir visiter son peuple. Il vient à notre rencontre. Si nous sommes entrés en état de veille, si nous préparons à Dieu le chemin qui mène à notre cœur, comme nous le demande la liturgie depuis deux semaines, ce n’est pas en vain. Nous savons que les promesses de Dieu seront honorées ; nous savons que nous pouvons compter sur lui et que nous comptons pour lui. Dieu ne nous trompe pas lorsqu’il annonce sa venue au milieu de nous. D’où la joie qui doit être nôtre, quelle que soit la vie que nous menons en ce moment. Qu’elle nous soit belle ou difficile, le Seigneur vient visiter notre vie ; le Seigneur vient nous sauver. Nous comprenons alors mieux ces appels à la joie lancés par le prophète et par l’Apôtre. Le prophète invite à la joie parce que Dieu est intervenu en faveur de son peuple, il a écarté le danger de l’adversaire. L’Apôtre invite à être toujours dans la joie du Seigneur parce qu’il est proche, il n’abandonne pas ceux qu’il aime, ceux qui comptent sur lui. Ainsi la joie de celui qui vit un moment difficile sera même plus grande que celle de celui qui mène une vie belle et facile, parce que la venue du Christ signifie bien la fin de son épreuve.

Le discours de Jean le Baptiste peut alors nous sembler un peu loin de cette joie, parce que ces invitations à vivre autrement remettent en cause notre art de vivre présent et posent des exigences. Et pour nous exigence équivaut à effort, et nous n’aimons pas les efforts à faire. Il nous invite au partage, à la justice, à la paix. Pourtant, à y regarder de près, nous constatons que ses invitations ne sont guère différentes de celles du prophète et de l’Apôtre. Il donne les clés pour bien comprendre cette joie à laquelle nous sommes invités. La joie parfaite est possible quand tu partages parce que tu soulages la misère de l’autre et tu lui permets de connaître un peu de ta joie. La joie parfaite est possible lorsque tu fais œuvre de justice, n’exigeant rien de plus de la part des autres. La joie parfaite est possible lorsque règne la paix entre tous et que la violence disparaît. En attendant cette joie parfaite, vivez avec la certitude que par votre comportement, vous pouvez changer le monde et le rendre meilleur pour tous.

Que dire de plus, sinon que Dieu seul peut donner cette joie parfaite et qu’il faut oser la lui demander dans la prière. Faisons preuve d’audace et prions-le en ce sens : Allez, sois heureux ! Comme si le bonheur se commandait, Seigneur ! Comme tant d’autres, je traverse quelquefois des jours sombres. Comme tant d’autres, il me semble que le bonheur n’est pas vraiment pour moi. Pourtant, ta Parole m’invite à la joie, cette joie que toi seul peut donner quand tu dis combien je compte pour toi, et combien tu m’aimes. Viens me donner ta joie, Seigneur, et je chanterai les merveilles que tu fais pour moi, toi, le Dieu de toute joie. Amen.

(Dessin : Détail d'un retable de Noël, Site Prions en Eglise)

vendredi 7 décembre 2012

02ème dimanche de l'Avent C - 09 décembre 2012

Préparer. Se préparer.


Deuxième dimanche, deuxième étape : le temps de l’Avent ne nous permet pas de nous reposer, et cela se comprend. L’enjeu est trop important puisqu’il s’agit ni plus ni moins de notre salut, du salut du monde entier. Après avoir été invités à la veille, dans la foi, la charité et la prière, voici précisé un autre aspect du temps de l’Avent : celui de la préparation. Il faut préparer la venue du Sauveur, il faut nous préparer à l’accueillir.


Pour nous aider dans cette tâche, nous avons entendu le prophète Baruch annoncer le retour des exilés. Pour bien comprendre ce qu’il nous dit, il faut se souvenir de cet événement qui a duré 70 ans environs et qui a été un vrai cataclysme dans la vie d’Israël. L’exil, lorsqu’il a lieu, c’est la fin d’Israël ; Il est vaincu militairement ; il n’a plus ni terre, ni roi, ni Loi, ni Dieu. Tout ce qui faisait sa gloire lui est enlevé, et le peuple est déporté en terre étrangère, en terre païenne. Lui qui ne voulait plus se plier à la Loi de Dieu qui le rendait libre, doit se plier à la loi d’un étranger, qui le réduit en esclavage. Vous pouvez dès lors imaginer la joie que peut provoquer, après des années d’exil, l’annonce du prophète Baruch. Vous pouvez aussi imaginer le scepticisme de certains à cette même annonce. Cela fait si longtemps que tout semble fini ; pourquoi est-ce que cela changerait maintenant ? La réponse vient du prophète, porte-parole de Dieu : cela va changer parce que Dieu l’a décidé : il va ramener son peuple, et il va lui-même conduire son peuple. Le prophète invite le peuple de Dieu à se préparer à cet événement en retrouvant la foi et l’espérance : Quitte ta robe de tristesse et de misère et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours. Vous l’aviez compris : il ne s’agit pas seulement de changer ses vêtements extérieurs, il s’agit de se convertir à nouveau, de se tourner à nouveau vers Dieu. L’exil sanctionnait le péché du peuple ; voici le temps du retour en grâce. Préparez-vous à retrouver la terre que Dieu avait promis à vos pères, préparez-vous à vivre à nouveau selon la Loi donnée par Dieu : elle est justice, elle est paix, elle est joie, elle invite à la piété. L’appel de Baruch a-t-il été entendu ? Certainement, mais il a aussi certainement été oublié dans les méandres de l’histoire.

Des siècles plus tard, un autre vient porter le même message : il faut vous préparer ! C’est Jean le Baptiste qui crie dans le désert. Préparer le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Bougez-vous, quoi, en langage plus contemporains. Le Seigneur vient, mettez-vous en ordre de marche et aidez à sa venue. Il y a des impératifs à remplir : ce n’est pas négociable. Le Seigneur va venir ; c’est une certitude. Tu dois t’y préparer ; c’est une exigence. Autrement, si tu rates cette rencontre avec le Seigneur quand il viendra, tu n’auras qu’à t’en prendre à toi-même. Lis les signes des temps : les ravins seront comblés, toutes les montagnes et les collines seront abaissées, les passages sinueux seront redressés, les routes déformées seront aplanies. Ce n’est pas à toi de faire tout ça : ça c’est l’œuvre de Dieu. Toi, tu dois préparer le chemin du Seigneur, rendre droits ses sentiers. Origène, au 2ème siècle, disait dans une homélie : Nous lisons dans le prophète Isaïe : « Voix de celui qui crie dans le désert : préparez un chemin au Seigneur ! Redressez ses sentiers. » Le Seigneur veut trouver un chemin par où il puisse entrer dans vos cœurs et y cheminer… Cette voix parvient d’abord aux oreilles puis, après elles, ou plutôt avec elles, la parole pénètre l’entendement… Quel autre chemin préparer au Seigneur ? Un chemin matériel ? Mais la parole de Dieu peut-elle emprunter un tel chemin ? Il faut plutôt préparer au Seigneur un chemin intérieur et tracer dans notre cœur des routes droites et unies. Voilà le chemin par où entre la parole de Dieu pour s’installer dans le cœur humain capable de l’accueillir. A chacun son travail, en quelque sorte : le combat fondamental contre le Mal, c’est Dieu qui le mène : il comblera les ravins, il abaissera les montagnes… Mais à l’homme de se joindre à ce combat en lui d’abord : à lui de préparer son cœur par une écoute attentive de la Parole de Dieu. Ainsi il préparera le chemin du Seigneur.

Il s’agit donc tout autant de préparer un chemin et de se préparer à accueillir, à écouter celui qui vient. Le cœur de l’homme et ses actes doivent être à l’unisson pour que l’œuvre de Dieu soit reconnue et efficace dans sa vie. Paul ne dit pas autre chose aux Philippiens lorsqu’il demande que Dieu mène à son achèvement l’œuvre qu’il a commencé en eux. Ils ont accueilli la grâce de Dieu à travers la prédication de Paul ; Dieu peut désormais vivre avec eux, en eux et être le guide de leur vie. Leur cœur n’est pas seulement à l’unisson de leurs actes, il est à l’unisson de Dieu. Prions Dieu pour qu’il en soit de même pour nous.

Tiens-toi prêt ! Prépare-toi, dépêche-toi ! Le Seigneur vient ! Au milieu de toutes nos activités, Seigneur, nous ne savons plus où donner de la tête. Nous avons tant à faire, tant de choses à réfléchir. Ton prophète, Jean le Baptiste, vient nous redire qu’une seule chose compte : préparer notre cœur à ta venue. Que ton Esprit nous aide à rendre droit le chemin de notre cœur et tu pourras y faire ta demeure, aujourd’hui et toujours. Amen.

(Dessin : Détail d'un retable de Noël, publié sur le site Prions en église)

dimanche 2 décembre 2012

1er dimanche de l'Avent C - 02 décembre 2012

Veillez !


A nouvelle année, nouveau parcours biblique ! Et ce parcours sera marqué cette année par l’évangile de Luc. Nous ne commençons pas sa lecture par le chapitre premier, mais par cet appel de Jésus à rester éveillé. Dès le début de cette nouvelle année liturgique, nous voici donc établit veilleur. Mais qu’est au juste cet état de veille dans lequel nous sommes censés demeurer ?

Jésus nous donne une première réponse dans l’évangile : veiller, c’est rester éveillé ! Nous pourrions dire, après quelques années de pratiques liturgiques, que nous savons tout sur tout, tout sur Dieu. Plus rien ne nous surprendrait ! Cette nouvelle année liturgique ne sera différente des autres : et de fait, elle va dérouler le même temps liturgique, dans le même ordre immuable : Avent, Noël, un bout de temps ordinaire avant que nous ne plongions dans le Carême, la Semaine Sainte pour en ressortir à Pâques. Nous vivrons alors un temps pascal sur sept semaines avant de revenir à l’ordinaire… Une succession de temps et de fêtes qui ne nous dérange pas plus que cela et qui rythme notre vie religieuse et civile. Rien de neuf sous le soleil comme dirait l’ecclésiaste. Et bien non, veiller, ce n’est pas subir ainsi le temps, comme si nous n’avions sur lui aucune prise. Veiller, selon Jésus lui-même, c’est justement regarder ce temps et le vivre en y repérant les signes que Dieu nous donnera, en guettant la venue de celui qui doit venir et être prêts à l’accueillir. Il ne faut donc pas subir le temps, mais nous y engager pleinement et sans cesse donner le meilleur de nous-mêmes.

Saint Paul nous livre alors une seconde piste pour veiller justement : grandir dans l’amour fraternel. Je ne veille pas pour moi tout seul, je veille aussi sur les autres. Il s’agit bien, pour Paul, de ne pas nous reposer sur nos lauriers : vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès. Nous n’aurons jamais fini de devenir chrétiens, nous n’aurons jamais fini de l’être toujours plus. Nous n’aurons jamais fini de grandir en sainteté. C’est un état permanent, dans lequel Dieu seul peut nous maintenir. Nous comprenons alors mieux l’importance de la prière soulignée par Jésus dans l’Evangile : priez en tout temps. Tout est lié : l’amour de Dieu manifesté par nos cœurs à cœur avec lui dans la prière et l’amour des frères manifesté par une vie conforme à l’enseignement des Apôtres. Veiller, dans un esprit chrétien, c’est bien tenir le tout ensemble, sans jamais ralentir, sans jamais laisser notre foi s’affadir. Si Benoît XVI a proclamé cette année, une année de la foi, c’est peut-être parce qu’il nous faut reprendre à frais nouveau ce que nous croyons savoir, ce que nous vivons déjà et ce que nous pouvons encore améliorer. Et ce n’est pas un hasard non plus qu’elle ait commencé par un synode sur l’évangélisation qui nous a redit avec force l’urgence de vivre notre foi sérieusement pour qu’elle soit remarquable et désirable par d’autres, par ceux qui ne connaissent pas encore le Christ. Si nous vivons notre foi comme de tristes sirs, comment d’autres pourraient-ils avoir envie de venir à la foi et de la partager avec nous ?

Quand cela est posé, nous pouvons alors relire le prophète Jérémie : il nous dit pour qui nous veillons ; il nous indique le but ultime. C’est bien sûr la venue du Sauveur promis par Dieu. Ce n’est pas une promesse en l’air, nous dit le prophète : elle se réalisera. C’est pour ce jour que nous veillons, c’est ce Germe de Justice que nous attendons dans la foi. Et quand il viendra, notre monde sera transformé : droit et justice seront exercés, et nous goûterons enfin ce bonheur après lequel nous courons si souvent. La seule venue du Messie comblera toutes nos soifs, toutes nos attentes, toutes nos espérances. Dieu ne viendra pas nous punir, il viendra nous rendre heureux. Ce bonheur mérite que l’on s’y prépare par notre veille incessante.

De l’invitation de Jésus à veiller, à prier sans cesse, du rappel de Paul que Dieu seul peut nous maintenir dans la sainteté que nous sommes appelés à vivre, il ressort que notre temps de veille sera un temps avec Dieu ou ne sera pas. C’est donc vers lui que je vous invite à vous tourner toujours, dans la prière. Vous pourrez le faire en reprenant les mots du psaume 24 que nous avons chanté ensemble (Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme). Je veux le faire maintenant en votre nom avec mes propres mots :

Au moment où nous commençons une nouvelle année liturgique, Seigneur, tu nous invites à entrer en veille. Non pas à nous éteindre ou à nous reposer, mais à t’attendre activement en scrutant les signes des temps. Accorde-nous, Seigneur, de veiller à ton retour avec toute l’ardeur nécessaire. Que ce temps de l’Avent soit pour nous l’occasion de nous rapprocher de toi, le Vivant pour les siècles des siècles. Amen.


(Dessin : Détail d'un Retable de Noël, site Prions en Eglise)

vendredi 23 novembre 2012

Christ, Roi de l'Univers B - 25 novembre 2012

Es-tu le Roi des Juifs ?


Es-tu le roi des Juifs ? Cette question simple en apparence marque le début d’un dialogue de sourds entre Jésus et Pilate. Dialogue de sourds parce que chacun des deux hommes emploie le même mot, mais ne lui donne pas la même signification.

Es-tu le roi des Juifs ? Pour bien comprendre comment on a pu en arriver là, il faut se souvenir du pourquoi de cette rencontre. Ce n’est pas une rencontre au sommet entre deux chefs d’état ; ce n’est pas davantage une discussion de philosophes (encore que la suite du dialogue pourrait y faire penser). Non, la rencontre à laquelle nous assistons est une rencontre entre un juge et un accusé, entre celui qui va prononcer une sentence de mort et celui qui va la subir.
Si ces deux hommes sont aujourd’hui face à face, ce n’est pas parce que l’un d’eux a commis un crime ; c’est d’abord parce que les hommes veulent se débarrasser de celui qui est accusé. Trop gênant, trop encombrant, ce Jésus. Les biens pensants, les chefs religieux ont estimé qu’il était préférable qu’il meurt. Ses idées pourraient être dangereuses. Et comme ils ne peuvent le mettre à mort eux-mêmes, les voilà livrant l’innocent à l’ennemi, seul capable de prononcer une peine capitale. Et pour être sûr qu’il ne s’en sortira pas, voilà Jésus accusé de vouloir prendre le pouvoir. C’est imparable ; l’issue ne peut être que fatale pour lui.

Es-tu le roi des Juifs ? Pilate aurait pu se contenter de prononcer une sentence de mort sans s’embarrasser de cette rencontre. Le seul fait que Jésus soit accusé de vouloir se faire roi est un motif suffisant pour mériter la mort. C’est un peu comme le fait d’avoir été résistant pendant la dernière guerre. Il n’en faut pas plus pour mourir vite. Mais voilà, Pilate sent bien que tout cela n’est pas très « catholique ». Il discute avec son prisonnier. Il veut en savoir plus. Il est intrigué par ce roi qu’on lui amène. Aurait-il pu penser que le peuple soumis à son autorité lui livra ainsi son propre roi ?

Es-tu le roi des Juifs ? Pour Pilate, cette question est avant tout politique. Jésus est-il un adversaire qui pourrait le chasser de son poste et vouloir mettre à mal l’autorité de Rome, et de César, seul roi acceptable ? Jésus est-il roi, chef de guerre, capable d’inverser le cours de l’histoire ? Si oui, il doit mourir. L’autorité de Rome ne saurait être remise en cause par quiconque.

Es-tu le roi des Juifs ? C’est toi qui le dis ! Jésus ne revendique pas ce titre pour lui. Il comprend bien que les mots sont tronqués ; il sent bien la distance qu’il y a entre lui et Pilate. Là où l’un parle politique, l’autre parle spirituel. Là où l’un entend pouvoir, l’autre dit service. Comment Pilate pourrait-il comprendre quelque chose à la royauté de Jésus, lui qui ne sait même pas ce qu’est la vérité ?

Es-tu le roi des Juifs ? Oui, Jésus est roi. Mais pas à la manière du monde. Il ne vient pas avec ses gardes et ses armées. Il ne vient pas imposer une loi, mais proposer un chemin de vie à tous ceux qui reconnaîtront la vérité de ses paroles. Cette vérité tient en peu de chose. Il est envoyé de Dieu pour arracher les hommes au mal et au péché qui les empêchent de vivre heureux. Il est venu ouvrir un chemin de vie et d’espérance pour celles et ceux qui croient en lui, qui croient en Dieu. Il est venu nous rappeler que l’homme n’est vraiment homme que lorsqu’il se met au service des autres et de leur bonheur. Il est venu nous redire avec force que seuls ceux qui savent prendre la tenue de service sont vraiment dignes du Royaume, de son Royaume. Oui, Jésus est roi : roi de tous ceux et celles qui acceptent de donner de leur vie, de leur temps, pour que le monde devienne plus humain, plus juste, plus fraternel. Pilate n’a rien à craindre, pas plus que César. La seule révolution qu’il risque avec un roi tel que Jésus, c’est de comprendre que la place qu’il occupe n’est pas une autorisation à faire n’importe quoi, mais qu’il y a un service à rendre lorsqu’on est responsable : celui de permettre aux autres de vivre, de vivre libre et heureux.

Es-tu le roi des Juifs ? Pour nous croyants, Jésus est notre roi, et nous attendons le jour où il sera reconnu comme tel par tous les hommes. Nous attendons ce jour non comme une revanche sur un monde qui préfère vivre sans Dieu, mais comme l’aube du jour où enfin tous les hommes seront égaux et libres, le jour où enfin le monde connaîtra la paix. En mettant nos pas dans les siens, en acceptant d’être à notre tour serviteurs de tous, nous hâterons sa venue, nous construirons son Royaume, et nous vivrons avec lui, éternellement. AMEN.

(Photo de l'auteur. Jésus devant Pilate, Chemin de croix de Francis Schneider, avec l'aimable autorisation de son épouse).

samedi 17 novembre 2012

33ème dimanche ordinaire B - 18 novembre 2012

Avec Marc, nous ouvrir à l'espérance.


Avec ce trente-troisième dimanche du temps ordinaire, nous refermons l’Evangile de Marc pour ne l’ouvrir à nouveau que dans trois ans. Nous achevons ainsi une année de compagnonnage avec ce témoin de Jésus Christ. La page d’Evangile qui nous est proposée peut nous paraître bien sombre : on y parle de chute des astres, de grande détresse. Et pourtant, loin d’être entraînés à la désespérance, nous sommes invités à la joie et à la confiance. Nous terminons ainsi cette année comme nous l’avions commencée : dans la joie de l’attente de celui qui doit venir : Jésus, le Ressuscité, victorieux de la mort et des ténèbres. Tout au long de cette année, Marc nous a livré des motifs d’espérance. Avec vous, je voudrais parcourir une dernière fois son Evangile pour les y retrouver.

Le premier motif d’espérance, c’est l’annonce de la venue d’un Sauveur. Aux hommes qui doutent, aux hommes qui sont emportés par le tourbillon de l’histoire, il est annoncé qu’il vient, le Messager de Dieu. Nous devons nous préparer à sa venue, pour pouvoir le reconnaître lorsqu’il viendra. De faux prophètes se lèveront, mais celui qui est fidèle à la parole du Christ saura discerner les signes de son retour. Il ne vient pas juger le monde ; il vient annoncer une Bonne Nouvelle : l’homme est fait pour vivre !

Deuxième motif d’espérance. L’homme pécheur n’est pas perdu ; il lui est possible encore de se convertir. Marc ne cesse d’appeler ses lecteurs à la conversion, au changement radical de vie. Il nous invite à porter sur notre vie, sur notre monde, sur les autres, le regard même de Dieu. Non, l’homme n’est pas enfermé dans son mal : il a cette merveilleuse possibilité de changer de vie s’il reconnaît en Jésus son Sauveur. Il n’est pas trop tard pour que nous réorientions nos choix, il n’est pas trop tard pour renouer des amitiés humaines, pour renouer notre amitié avec Dieu. Nous pouvons être délivrés du mal en prenant la route de la liberté que le Christ a inauguré dans l’acte même de sa passion. Dans sa mort/résurrection, il ouvre en effet à tout homme un chemin de vie.

C’est là le troisième motif d’espérance : ce Jésus qui vient et qui invite à la conversion est plus fort que le Mal. Il commande aux esprits mauvais et ils lui obéissent. Il marche sur la mer, montrant ainsi qu’il ne se laisse pas submerger par les forces obscures. Par sa mort et sa résurrection, il a définitivement mis un terme au règne de la mort même. L’ultime adversaire, l’ultime obstacle à la vie est vaincu par la croix, arbre de vie éternelle. Le Christ inaugure le Royaume qu’il annonce !

Quatrième motif d’espérance : ce Royaume est déjà à l’œuvre dans le cœur des hommes qui écoutent la parole du Christ. Si nous laissons cette parole grandir en nous, si nous la laissons réaliser son œuvre de conversion en nous, nous deviendrons des témoins et des bâtisseurs de ce Royaume. De pardons donnés en pardons reçus, nous progressons – et le monde progresse avec nous – dans la construction et la venue définitive du Règne de Dieu.

Cinquième motif d’espérance : Jésus vient pour tous les hommes. Pour preuve, son alternance à réaliser sa mission aussi bien à Jérusalem que dans la Galilée des nations. Jérusalem est cette ville fermée sur elle-même, refuge des bien-pensants, sûrs de leur vérité et n’acceptant pas qu’on la conteste. La Galilée des nations est au contraire un lieu d’ouverture. Certains pensaient qu’il n’en sortirait jamais rien de bon : Isaïe pourtant avait annoncé que Dieu s’y manifesterait aux païens. Et c’est bien là que Jésus passe son enfance, qu’il vit, prêche et que les foules l’accueillent avec enthousiasme. Cette région est ouverte et c’est de là que Jésus se rendra à Tyr et à Sidon. L’Evangile parvient ainsi à tous les hommes, quelle que soit leur culture.

Sixième motif d’espérance : Jésus se révèle Pasteur de son peuple. C’est lui qui est chargé par Dieu de rassembler, d’instruire et de nourrir son peuple. Par deux fois, il nourrit une foule considérable. A ce peuple sans espoir et sans repère, il redonne courage et indique la route à suivre pour vivre pleinement heureux. Il réoriente le regard vers les autres, vers le Tout-Autre.

Septième motif d’espérance : Jésus redonne à l’homme – et à Dieu – leur dignité. En guérissant de nombreux malades, Jésus vient réaffirmer le droit de chacun à être considéré tel qu’il est ; il vient redire que la souffrance n’est pas une punition divine et que Dieu ne se venge pas de l’homme. Le Dieu de Jésus Christ est Dieu pour la vie. En guérissant les malades, Jésus réaffirme que tout homme, même malade, estropié, aveugle, muet…a sa dignité et qu’il n’y a pas là motif à rejet. Il vient redire avec force que les petits sont les préférés de Dieu et que l’amour pour Dieu se traduit dans l’amour du prochain, du petit.

Le huitième motif d’espérance se trouve justement dans ses signes apocalyptiques dont parle l’Evangile de ce jour. La chute des astres annonce la fin du règne des divinités et la venue ultime du Fils de l’Homme. Pour celui qui a essayé de vivre fidèlement selon la parole du Christ, il n’y a pas à s’inquiéter : au contraire ! Lorsque tous les faux dieux disparaîtront, le Fils de l’Homme pourra enfin être reconnu par tous et notre espérance trouvera en lui sa récompense. Alors nous verrons de nos yeux celui dont nous attendons la venue dans la gloire : Jésus, le Ressuscité, Dieu vivant à jamais, celui dont Marc justement témoigne.

Aujourd’hui, nous refermons l’Evangile de Marc. Mais ne fermons pas notre espérance. Soyons témoins, à notre tour, de ce Christ qui vient sans cesse frapper à notre porte. Approfondissons notre foi en lui et nous pourrons proclamer avec le centurion romain : vraiment, cet homme est Fils de Dieu. AMEN.

(Photo de l'auteur : Saint Marc, Détail de stalles de la catédrale de Zagreb)

dimanche 11 novembre 2012

32ème dimanche ordinaire B - 11 novembre 2012

Quand les pauvres nous évangélisent !



Deux pauvres veuves ; deux époques différentes et pourtant une même histoire. L’histoire d’une femme pauvre qui partage ce qu’elle a de plus essentiel pour sa propre survie. Voilà posé le tableau de l’enseignement de ce dimanche. Nous pourrions l’intituler : Quand les pauvres nous évangélisent !

La première veuve est celle de Sarepta, au temps du prophète Elie. Il y avait alors, sur l’ordre de Dieu, une grande sècheresse dans le pays, à cause des nombreuses offenses faites à Dieu par les rois successifs. Qui dit sècheresse, dit famine si celle-ci dure de trop. Plus d’eau, donc plus de récolte, donc plus rien à manger. Le prophète est envoyé par Dieu à Sarepta, chez cette veuve. Mais elle n’a plus rien : juste de quoi faire un dernier pain et attendre la mort, avec son fils. Elle s’est résignée à cette éventualité. Va-t-elle partager le peu qui lui reste ? Elle choisit de faire confiance à la parole du prophète et la jarre de farine ne s’épuisa pas et le vase d’huile ne se vida pas. Est-ce le miracle du prophète ? Est-ce un miracle de Dieu ? C’est d’abord le miracle de cette femme qui choisit de faire confiance à Dieu à travers son prophète, alors que dans le pays, depuis longtemps, les hommes s’étaient détournés de lui. Elle a cru à l’impossible ; elle a cru qu’en donnant tout, elle recevrait tout. Et c’est ce qui fut. Dieu n’abandonne pas ceux qui lui font confiance ; la fidélité à sa Parole est récompensée.

La deuxième veuve ne fait pas de miracle ; elle se présente juste à la salle du trésor, comme tant d’autres, et va mettre son offrande dans le tronc. Ce n’est pas grand choses : deux piécettes, autant dire trois fois rien. Trois fois rien qui ont dû être remarqués par certains qui donnaient plus ; sans doute même, certains se moquèrent-ils en leur for intérieur : si c’est pour mettre si peu, elle aurait pu le garder. J’imagine la discrétion de cette femme, ainsi que sa gêne à passer après que des riches aient déposé de grosses sommes. Elle ne doit avoir qu’une hâte : rentrer chez elle. Mais voilà, son geste n’est pas passé inaperçu. Jésus était assis là, à regarder. Et il fait l’éloge de cette femme à ses disciples. Pour lui, ce ne sont pas les grosses offrandes des riches qui sont impressionnantes, mais bien les deux piécettes de cette femme, veuve et pauvre. Parce que cette femme, comme jadis la veuve de Sarepta, a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre, précise Jésus. Elle n’a pas fait de miracle, mais elle a posé un geste qui est d’abord geste d’amour, geste de partage, malgré son indigence. Ceux qui ont donné de grosses sommes, ont donné de leur surplus : cet argent ne leur manquera pas. Mais elle, elle n’avait que cela, et même cela elle l’a donné. D’où le constat de Jésus : elle a mis dans le tronc plus que tout le monde. Elle y a mis sa vie. Il n’est pas dit qu’elle a eu la même chance que la veuve de Sarepta ; mais il est certain qu’elle a gagné ainsi sa place dans le Royaume que Jésus annonce. N’a-t-elle pas, avant l’heure, imité Jésus qui donnera sa vie pour le salut du monde ?

J’aime beaucoup la gravure que Gustave Doré a faite de cette page d’Evangile parce qu’il nous montre déjà la femme dans la lumière de Jésus. Elle est comme prise dans une auréole qui répond à l’auréole du Christ. En donnant tout, elle est comme entré dans le cœur de Jésus, prise dans sa sainteté. Elle a la même attitude que lui. Elle pose un acte d’amour comme Jésus seul sait le faire : elle donne sans rien attendre en retour. Dans sa pauvreté, elle pense à plus pauvre qu’elle et donne encore. Ce qu’elle donne, ce n’est pas grand-chose, mais cela peut faire la différence pour celui qui n’a même pas deux piécettes à lui.

Sur la gravure de Gustave Doré, la lumière qui l’enveloppe éclaire aussi, à la marge, les riches, drapés dans leur contentement, et qui semblent prendre la pauvre femme de haut. Mais on comprend bien, à regarder l’œuvre, qui doit être imité, qui est digne d’éloge. Et si vous faites le rapprochement avec l’Evangile de dimanche dernier, alors vous comprendrez aussi pourquoi elle est digne d’éloge. Pas seulement parce qu’elle a partagé, mais parce que, à travers cet acte, elle montre qu’elle aime comme Dieu seul aime, comme Dieu nous demande d’aimer.

Ainsi, l’histoire de cette femme interroge notre propre histoire, notre propre pratique, notre propre amour. Si, comme Jésus nous le demandait dimanche dernier, nous savons accueillir l’amour de Dieu dans notre vie, alors notre vie en sera bouleversée, transformée de l’intérieur. Nous deviendrons toujours plus capables d’être et d’aimer comme Dieu. Cette femme n’avait rien, si ce n’est Dieu ! Dans ce don qu’elle fait de ce qui est nécessaire pour elle, elle donne plus que deux piécettes : elle donne tout l’amour dont elle est encore aimée de Dieu alors que les hommes l’avaient mise de côté. Sa pauvreté aurait pu la refermer sur elle-même : personne ne m’aide, pourquoi est-ce que j’aiderais les autres ? Mais elle a choisi d’aimer, encore et toujours, comme Dieu seul sait aimer. Nous aussi, nous pouvons faire ce choix, quelles que soient les difficultés et les épreuves de la vie. L’amour que nous donnons nous sera toujours rendu et notre vie en sera plus belle ! C’est pour cela que Jésus est venu chez nous ; c’est pour cela que nous le célébrons dimanche après dimanche : parce que nous voulons le remercier de tout ce qu’il fait pour nous. Et s’il est important de le remercier ici, il est aussi important de le remercier en poursuivant son œuvre d’amour, en aimant toujours plus et toujours mieux.

Pour y parvenir, n’hésitons pas à reprendre la prière qui ouvrait notre eucharistie : Dieu qui est bon et tout-puissant, éloigne de nous tout ce qui nous arrête, afin que sans aucune entrave, ni d’esprit ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté. C’est ainsi, en accomplissant ce que Dieu veut, que nous parviendrons au Royaume où Dieu lui-même nous attend. Amen.

(Gravure de Gustave DORE, L'obole de la veuve)

vendredi 2 novembre 2012

31ème dimanche ordinaire B - 04 novembre 2012

Qu'est-ce qui te fait vivre ?



Que veut savoir le scribe qui s’adresse à Jésus dans l’Evangile que nous venons d’entendre ? Qu’est-ce qui justifie la question : Quel est le premier de tous les commandements ? Est-ce qu’il veut juste s’en sortir dans la jungle des 613 prescriptions de la loi juive ou cherche-t-il plus ? Il vaut la peine de bien comprendre le sens de sa question pour ne pas se méprendre sur la réponse apportée.

En effet, si sa question est juste informative, elle laisserait entendre qu’il y a une hiérarchie dans la loi, un commandement qui vaut plus que les autres d’être observé. Et il faudrait alors préciser la réponse de Jésus en s’attaquant aux autres articles de la loi qu’il ne cite pas, mais qu’il faudrait quand même classifier jusqu’à parvenir au dernier, au plus petit des commandements. Je ne suis pas sûr du tout que tel est bien le sens de la question du scribe. Et d’ailleurs, Jésus lui-même dira que pas un iota de la loi ne sera changé par lui : il n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir, lui donner toute sa force. C’est bien en ce sens que j’entends la question du scribe.

Nous pourrions alors la retraduire ainsi : « Maître, qu’est-ce qui te fait vivre ? Quel est le moteur de ta mission ? » Une question portant plus sur le sens de ce que fait et dit Jésus, que sur la Loi elle-même. Autrement dit : dans la foi de nos pères, qu’est-ce qui te motive le plus ? Qu’est-ce qui te pousse à agir et à parler comme tu le fais ? Et là, la réponse de Jésus devient libératrice, parce que deux choses le motivent.

La première, c’est l’écoute de Dieu même. A la question posée, la réponse de Jésus commence par ces mots : Voici le premier : Ecoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ! Il reprend ainsi la formulation donnée par Moïse lui-même au moment du don de la Loi. Ce commencement, définitivement lié au commandement de l’amour de Dieu qui le suit, marque bien que, avant le respect de la loi, ce qui est fondamental, c’est l’écoute du Dieu vivant et vrai ; et par-delà, la rencontre avec lui, la connaissance de lui. Car comment écouter quelqu’un que je n’ai pas rencontré ? Comment écouter quelqu’un que je ne connais pas ? Ce qui pousse Jésus à agir et à parler comme il le fait, c’est avant tout cette relation particulière qu’il entretient avec Dieu, qu’il nomme Père et qu’il nous enjoint de prier ainsi : Lorsque vous priez, dites : Notre Père… Vous connaissez la suite. Avant même le respect de la Loi, il y a donc la relation à Dieu, qui n’est pas bavardage sacré, mais écoute de ce que Dieu attend de nous. J’envie quelquefois le peuple juif qui, aujourd’hui encore, commence sa journée par ces mots qui sont devenus sa prière quotidienne : Ecoute Israël, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. Comme j’aimerais que chacune de nos journées commence ainsi par l’écoute du Dieu unique, vivant et vrai. Il nous apprendrait, dans nos cœurs à cœur, le vrai sens de la vie, le vrai sens de ce que nous avons à faire pour construire un monde plus juste et fraternel.

La deuxième chose qui motive Jésus, après l’écoute de Dieu, c’est l’amour de Dieu pour son peuple. Irait-il vers sa mort si celle-ci n’était pas l’acte d’amour suprême de Dieu pour nous ? Lui écoute Dieu parce qu’il se sait aimé et qu’il aime comme Dieu seul aime. Et cet amour, il nous le transmet dans ses actes et ses paroles. Ce n’est donc pas en vain qu’il nous invite sur la même voie : Aime Dieu, aime ton prochain comme toi-même. Ce comme toi-même, nous pouvons l’entendre « comme tu t’aimes toi », puisque celui qui ne s’aime pas, ne saurait pas vraiment aimer quelqu’un d’autre. Mais nous pouvons aussi l’entendre comme toi-même tu es aimé de Dieu. Et ainsi, ce double commandement n’est plus un ordre d’aimer, mais bien une invitation à faire vivre l’amour que Dieu lui-même nous porte. Ce que nous recevons de Dieu, donnons-le largement autour de nous !

En cela, la réponse de Jésus est libératrice. Elle ne m’enferme pas dans mes manques d’amour, dans mon incapacité à aimer untel ou une telle ; mais elle m’offre une porte de sortie en m’offrant l’amour de Dieu à partager. Si je ne peux pas mettre mon amour humain dans une relation, au moins puis-je donner un peu de l’amour dont Dieu m’aime. L’amour que je porte aux autres n’est plus lié à mes émotions ; il me vient d’un autre. Je suis comme le porte-amour de Dieu. Sans doute est-ce là le secret d’une vie réussie : arriver à dépasser nos sentiments pour faire grandir en nous les sentiments de Dieu qui aime chacun de nous de manière unique, totalement, tel que nous sommes.

Quel est le premier commandement ? Cette question nous pouvons donc l’entendre pour nous aussi : qu’est-ce qui nous motive dans nos actes, dans nos paroles, dans nos œuvres de charité ? Qu’est-ce qui nous fait vivre ? Est-ce le besoin d’être vu, le besoin de parader, le besoin d’être reconnu ou est-ce l’humble service que nous pouvons apporter, parce que nous avons écouté Dieu et que nous nous sommes laissé aimer de lui au point de devoir partager cet amour ? La question mérite que nous prenions un instant de silence pour y réfléchir. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du Lapin Bleu)

mercredi 31 octobre 2012

Toussaint - 01er novembre 2012

Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, et d'où viennent-ils ?


Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? La question posée ainsi dans le Livre de l’Apocalypse mérite bien d’être reprise aujourd’hui, en cette fête de tous les saints ? Qui sont-ils, ceux que nous célébrons ?

Ils ne sont pas ceux et celles de nos familles humaines qui sont morts ; ceux-là seront célébrés demain. Ne confondons donc pas les deux célébrations, même si, dans de nombreuses paroisses, la Toussaint nous permet de faire une visite au cimetière où reposent nos proches. N’allons pas trop vite en besogne : laissons à chacun leur célébration et leur jour. Laissons surtout à Dieu le soin et le temps de se prononcer. Alors qui sont ceux que nous célébrons aujourd’hui ?

Ils sont ceux et celles de notre famille spirituelle qui sont morts et qui dont nous disons avec certitude qu’ils nous ont précédés dans la gloire du Royaume. Ils sont ceux et celles qui nous rappellent l’espérance qui est la nôtre : nous sommes faits pour vivre avec Dieu. Comme le dit l’auteur de l’Apocalypse lui-même, ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau. La grande épreuve, c’est le baptême dans la mort et la résurrection de Jésus ; c’est aussi leur propre passage par la mort, à la suite du Christ. Ils sont ceux et celles qui, dans leur vie comme dans leur mort, ont été au Christ, ont fait le choix de vivre selon sa Parole. Et, nous dit le voyant de l’Apocalypse, ils sont nombreux. Je vis une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils sont de tous les temps, de tous les âges, de tous les lieux où l’Evangile a retenti. Ce n’est pas un petit peuple de privilégiés. Le Christ n’a-t-il pas livré sa vie pour tous les hommes ? N’a-t-il pas voulu entraîner l’univers entier à sa suite ? Cette foule immense témoigne de l’œuvre de la Parole de Dieu dans une vie humaine ; elle témoigne que chacun de nous peut être de cette foule.

Ceux et celles que nous célébrons en ce jour ont reconnu en Jésus, celui qui vient donner la vie aux hommes. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main. Et ils proclamaient d’une voix forte : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui est assis sur le Trône, et par l’Agneau ! » Ils ont passé la grande épreuve, et ils n’ont pas honte de reconnaître que leur vie leur vient d’un autre, le Tout-Autre. Ils ont passé la grande épreuve, et ils n’ont pas honte de proclamer haut et fort leur foi. Si le peuple des croyants les reconnaît aujourd’hui comme saints, c’est bien parce qu’ils ont toujours et partout témoigné de ce Dieu, quoi qu’il en coûte. Certains ont subi la mort à cause de leur fidélité au Christ. D’autres ont simplement vécu les exigences de la foi dans l’ordinaire d’une vie, qu’elle soit religieuse ou familiale. Nul ne peut dénombrer cette foule parce que nul ne peut dire combien, jusqu’à ce jour, ont vécu ainsi, dans la fidélité à leur foi.

Les béatitudes que nous proclamons à chaque Toussaint, sont pour beaucoup un texte de référence. Notre monde est moins égoïste qu’il n’y paraît ; notre monde est moins individualiste qu’on ne le dit. Ils sont nombreux, ceux qui pensent que l’autre est plus important, que son bonheur conditionne le mien. Ils sont nombreux, ceux qui vivent l’esprit des Béatitudes, plaçant le frère au cœur de leur préoccupation. Ils sont nombreux, et nous en sommes, peut-être ! Nous en sommes assurément, si nous prenons notre foi au sérieux. Comment, à la suite de cette foule immense, ne pourrions-nous pas poursuivre l’œuvre du Christ, et témoigner dans notre propre quotidien, de la place de Dieu et de la place du frère ?

Alors qui sont-ils, ceux et celles que nous célébrons ? Ils sont des hommes et des femmes ordinaires, qui ont vécu leur vie de manière à laisser transparaître la vie de Dieu. Ils sont de ceux qui nous invitent à imiter le Christ et à voir l’homme et le monde à la mesure de Dieu. S’ils sont nombreux à être fêtés aujourd’hui, c’est parce que les manières de vivre notre foi sont nombreuses et variées à travers le temps et l’Histoire, mais elles ont en commun de passer par l’unique chemin : l’Agneau de Dieu qui livre sa vie par amour. Le chemin nous est donné ; des exemples pour le parcourir nous sont montrés par les saints. Trouvons donc notre manière de le vivre, dans le monde et le temps qui sont les nôtres. Ainsi le Christ Sauveur pourra nous faire passer de la table où il nous reçoit en pèlerin aujourd’hui, au banquet préparé dans sa maison. Amen.

(Image de la revue Images pour notre paroisse, n° 239)

vendredi 26 octobre 2012

30ème dimanche ordinaire B - 28 octobre 2012

Jésus, source du salut.


Pourriez-vous me dire en un mot de quoi il est question dans les trois textes que nous avons entendus ? Que ce soit Jérémie, que ce soit l’auteur de la lettre aux Hébreux ou Marc quand il nous relate la rencontre entre Jésus et Bartimée, il n’est question ce dimanche que d’une chose : le salut ! Notre salut !

Si maintenant je vous demandais de me définir ce mot, je crois que beaucoup auraient quelques difficultés. Et pour cause : lorsque nous parlons de salut, nous pensons toujours et presque seulement à ce qui va se passer à la fin de notre vie. Nous avons appris que Jésus nous sauve de la souffrance, et pourtant des hommes et des femmes nombreux sont cloués sur un lit d’hôpital, endurant souffrances physiques ou psychiques. Nous avons appris que Jésus nous sauve du péché, et pourtant nous devons constater que nous tombons encore souvent, et qu’il est difficile de résister à l’adversaire. Alors, nous repoussons ce salut dans un lointain. Nous serons totalement sauvés à la fin des temps. Ce n’est pas faux ; mais ce n’est pas suffisant. Car s’il est vrai que nous mesurerons pleinement l’œuvre du salut lorsque nous serons réunis dans la joie de Dieu, il n’en est pas moins vrai que ce salut, c’est maintenant qu’il s’accomplit, dans l’aujourd’hui de notre vie. Souvenez-vous ce que Jésus disait à Zachée : Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison ! Remettez-vous en mémoire l’annonce de la fête de Noël : Aujourd’hui, nous est né un Sauveur ! Le salut n’est donc pas à repousser aux calendes grecques, faisant de lui ainsi une pseudo-récompense pour une vie de souffrance. Parler de salut ne consiste pas à dire : souffre aujourd’hui, demain tu seras sauvé ! Le salut est à annoncer et à vivre maintenant.

Si nous relisons l’extrait du livre du prophète Jérémie, c’est bien ce qui nous est dit. Le Seigneur a sauvé son peuple… Voici que je les fais revenir… que je les rassemble… Que des verbes au présent pour mieux nous dire l’actualité de l’œuvre de salut de Dieu. Malgré les nombreux péchés du peuple, malgré son éloignement, Dieu le ramène vers lui. Dieu ne supporte pas que l’homme s’en aille à sa perte. Dieu ne peut pas accepter qu’un seul de ses enfants s’égare sur des chemins de perditions. Il veille chaque jour sur chacun de ses fils, car, dit-il, je suis un Père pour Israël, Ephraïm est mon fils bien-aimé.

L’évangile de la guérison de Bartimée ne nous dit pas autre chose. A cet homme exclu de la société parce qu’aveugle, à cet homme obligé de mendier pour survivre, Jésus pose une question surprenante : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Jésus serait-il aveugle au point de ne pas voir de quoi cet homme a besoin ? N’est-ce pas une évidence qu’il veuille voir, être comme les autres ? Pourtant, dans cette question, réside tout l’amour de Dieu pour les hommes. Toi, homme, sais-tu vraiment ce que tu attends de celui que tu nomme fils de David ? Sais-tu vraiment tout ce qu’il peut faire pour toi ? Bartimée qui laisse son manteau, son unique bien, lorsque Jésus l’appelle ; Bartimée, qui dans un cri du cœur, exprime sa demande : Que je voie ! ; Bartimée nous montre bien qu’il a compris ce que tous les autres, bien voyants, n’ont pas encore compris. Jésus est vraiment celui qui peut le sauver ici et maintenant. Jésus est bien celui qui peut faire de lui un homme à part entière, un homme qui a toute sa place dans la société à laquelle il appartient et de laquelle son handicap l’exclut. Bartimée a bien conscience que sa vie se joue dans cette rencontre unique. 

Si la question de Jésus pouvait surprendre, sa réponse à la demande de Bartimée surprend tout autant : Va, ta foi t’a sauvé. Il aurait pu lui dire : Va et vois ! Non, sa réponse est plus grande que l’attente de Bartimée. Son œuvre dépasse ce que l’homme demandait. Il voulait voir : et bien soit ! Non seulement, il verra avec ses yeux de chair, mais il verra encore mieux ce qu’il soupçonnait dans son cri : cet homme Jésus n’est pas n’importe qui : il est celui par qui le salut est entré dans le monde ; il est celui qui manifeste à l’homme dès aujourd’hui la présence paternelle et aimante de Dieu qui veut le bonheur de ses enfants et le leur offre. Bartimée nous apprend finalement une chose simple : le salut se demande, dans une prière instante, quitte à casser les oreilles aux autres. Il est pour aujourd’hui. Il ne se gagne pas, il est un don de Dieu.

Cela, l’épître aux Hébreux nous le confirme. Lorsqu’elle nous parle du grand prêtre qui offre des sacrifices pour le salut du peuple, elle nous parle d’abord de Jésus, grand prêtre par excellence. Si les grands prêtres humains qui se sont succédés ont offert des sacrifices pour les péchés du peuple et pour les leurs, Jésus, lui, ne s’est offert en sacrifice que pour les hommes. Lui, non marqué par la faiblesse et le péché, a pris sur lui tous nos péchés pour nous en débarrasser une fois pour toutes. Ce faisant, il nous ouvre largement les portes du salut, simplement, gratuitement. Le salut n’est pas à gagner à coup de bonnes actions ; le salut ne s’obtient pas plus rapidement si j’use plus de fond de culotte sur les bancs des églises que mon voisin. Le salut s’obtient tout bonnement par grâce. Le salut s’obtient tout bonnement en reconnaissant que Jésus est celui qui nous l’offre, et en marchant à sa suite. C’est parce que nous sommes sauvés que nous sommes invités à conformer notre vie à nos paroles ; c’est parce que nous sommes sauvés, que nous nous rassemblons dimanche après dimanche pour recevoir de Dieu la nourriture indispensable pour faire grandir ce salut.

Il nous faut décidément apprendre à recevoir de Dieu les dons qu’il nous fait. Il nous faut accepter d’être sauvé sans que nous y soyons pour quelque chose. Il nous faut accepter que Dieu est Dieu, qu’il veut notre bonheur et qu’il peut le réaliser. Il suffit de le lui demander ; il suffit de le vouloir. Lorsque à l’exemple de Bartimée nous l’aurons compris, nous laisserons tout, nous aussi, et nous nous engagerons joyeusement à sa suite, sûrs d’être déjà sauvé par la grâce de cette seule rencontre avec le Christ ressuscité. Que cette eucharistie nous permette de réaliser ce que Dieu a déjà commencé : il nous sauve, ici et maintenant et pour toujours, parce qu’il nous aime. AMEN.

(Dessin de la revue Images pour notre paroisse, n° 238)

samedi 20 octobre 2012

29ème dimanche ordinaire B - 21 octobre 2012

Être avec le Christ, toujours !



Jeunes loups aux dents trop longues ou terriblement audacieux, Jacques et Jean, dans leur demande ? Jaloux ou réellement choqués, les dix autres lorsqu’ils entendent les deux premiers jouer des coudes ? Ne jugeons pas trop vite ; ne condamnons pas trop hâtivement ! Tout est, comme souvent, une question de regard.

A voir le mal partout, la demande de Jacques et Jean peut fort bien ressembler à une opération « pousse-toi de là que je m’y mette ! » N’est-ce pas notre première réaction à la lecture du texte ? En voilà deux qui veulent jouer des coudes et ils se font bien avoir au final, ce qui est bien fait pour eux. Ils ne sont pas assurés de siéger à droite et à gauche du Christ, mais ils devront boire le calice jusqu’à la lie !

Pourtant, un autre regard me fait admirer Jacques et Jean pour leur audace. Jésus marche vers Jérusalem, donc vers sa mort. Il marche sans doute en avant de ses disciples, le pas sûr. Voilà que deux d’entre eux, forçant un peu le pas, arrivent à sa hauteur et l’interrogent : « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire ». Ne faut-il pas du courage, à ce moment précis de l’histoire de Jésus, pour lui demander la grâce d’être finalement toujours avec lui, toujours au plus proche de lui ? Je vous accorde bien volontiers qu’ils ne savent pas ce qu’ils demandent. Mais leur désir est sincère : être toujours avec celui qui est leur Maître. Alors, on peut le leur reprocher, mais reconnaissons que c’est une belle preuve d’attachement. Jésus leur a annoncé par trois fois qu’il allait vers sa mort, et ces deux là expriment, maladroitement certes, leur désir d’être toujours avec Jésus. Ils ne savent pas que la coupe que Jésus leur propose de boire, est la coupe du rejet, et le baptême, un plongeon dans la mort. Mais ils y vont, presque bille en tête ! Je crois vraiment que Jésus les a aimés pour cela, ces deux têtes brûlées et leur demande surprenante.

Ne devrait-ce pas être là notre désir : être toujours avec Jésus, toujours au plus près de lui ? Ne devrait-ce pas être notre attitude et notre réponse à l’appel de Jésus à le suivre que ce « nous le pouvons » plein d’assurance ? Comme j’aimerais avoir leur audace et leur désir ; comme j’aimerais pouvoir dire qu’avec Jésus je veux aller jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences ! Jacques et Jean ont un côté risque tout qui force mon admiration.

Comme il n’y a qu’une droite et une gauche autour de Jésus, que deviennent alors les dix autres ? Ils s’indignent, comme nous nous indignons lorsque quelqu’un prend la place que nous estimions nous être due. Ils s’indignent, parce qu’ils craignent peut-être de n’être pas reconnus dans ce qu’ils ont fait, font ou feront encore avec et pour Jésus. Ne sommes-nous pas tous travaillés par les questions de reconnaissance, de pouvoir, d’autorité et de gloire ? Quel sentiment habite mon cœur quand je sens que cela va m’échapper, qu’un autre m’est préféré ? Quand le don de moi que je fais à ma famille, à l’Eglise, aux autres, n’est pas gratifié ? Quand mon travail n’est pas reconnu ? (Régine MAIRE, La Croix 21 octobre 2006). Ils sont terriblement humains, ces dix-là, comme Jacques et Jean.

Nous pourrions être déçus de ce que le groupe des Douze ne soit pas plus soudé. Nous pourrions être déçus de ces querelles de chiffonniers de la part de ceux que Jésus lui-même a appelé pour le suivre. Avec tout le recul que nous avons, nous pourrions croire qu’ils n’ont rien compris. Forcément, eux, ils n’ont pas lu l’Evangile comme nous le faisons aujourd’hui, ils en sont les acteurs. Et pour cela, nous devons les remercier. Les remercier parce que leur attitude, aux uns et aux autres, nous vaut cette belle leçon de vie, ce dernier enseignement de la part de Jésus : parmi vous, il ne doit pas en être comme chez les grands de ce monde. Parmi vous, celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Nous serons près de Jésus comme le veulent Jacques et Jean lorsque nous nous ferons serviteurs les uns des autres. Nous serons ses disciples authentiques lorsque nous aurons abandonné nos rêves de gloire et de puissance pour être signe de Jésus, serviteur de tous, donnant sa vie par amour de nous. Voilà le chemin de la grandeur que Jésus nous enseigne : servir, servir Dieu et servir les autres. Toujours. Sans rien n’attendre en retour que la joie d’être avec Jésus, dès maintenant et pour toujours. Servir, parce que Jésus lui-même est venu pour servir. Si nous voulons être ses disciples, comment pourrions-nous y échapper ? Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)