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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 31 août 2019

22ème dimanche ordinaire C - 01er septembre 2019

Ne confondons pas morale et spiritualité !






            Attention, danger ! C’est l’avertissement que nous devons nous adresser après avoir entendu les textes de ce dimanche. En quoi consiste le danger ? Celui de confondre morale et spiritualité. Ce serait si facile aujourd’hui ! Pourtant, Jésus ne vient pas donner de leçon de morale, mais proposer un chemin de vie spirituelle, un chemin qui mène à Dieu. Et ce chemin, le pape François ne cesse de nous le rappeler depuis son élection, passe par l’abandon de toute mondanité. Dieu n’a que faire de nos règles de politesse, de savoir-vivre, de notre art de respecter des règles fixées par des hommes… ce qu’il veut, ce sont des cœurs acquis à son amour. C’est tout le but, me semble-t-il de son enseignement. 

            Certes, cet enseignement repose sur une observation faite à l’occasion d’un repas auquel il avait été invité. Comme le souligne bien Luc, Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places. Il observe quelque chose, il en tire une leçon : il nous fait donc la morale, me direz-vous ! C’est justement là l’erreur. Avant de vouloir refaire nos règles de vie en société, ce que Jésus veut, c’est que nous ne nous trompions pas sur ce qui est important. N’avez-vous pas remarqué comment ce qu’il dit des relations entre les hommes peut influencer nos relations avec Dieu ? Si, dans nos rapports avec les autres, nous ne nous situons que dans un rapport presque marchand (je t’invite, tu m’invites), ne risquons-nous pas d’étendre ce type de rapport à notre relation avec Dieu, et, pire encore, croire que Dieu entretient ce genre de relation avec nous ? Nous serions donc les éternels obligés de Dieu, lui qui fait tant pour nous ! Comment pourrions-nous lui rendre ce qu’il nous donne ? Cela pourrait nous décourager et nous entraîner à laisser tomber tout rapport avec lui. D’autres pourraient être tenté par cette autre attitude, tout aussi désastreuse spirituellement, qui consiste à croire que Dieu nous doit des choses en échanges de nos prières, de nos actes de charité, de nos engagements en paroisse. Je chante à la chorale tous les dimanches, je suis depuis des années au Conseil de Fabrique, je suis membre de l’EAP ou que sais-je encore : j’ai donc une sorte de priorité, Dieu me doit une attention plus particulière que celle qu’il accorde à tous ceux qui ne font rien dans la paroisse. Jésus nous dit clairement que cela ne marche pas comme cela ; cela ne devrait même pas marcher ainsi dans nos rapports humains. Je ne suis pas gentil avec quelqu’un pour qu’il le soit avec moi ; je n’invite pas quelqu’un pour qu’il m’invite en retour, et ainsi de suite. 

            De cet enseignement de Jésus, enseignement qui concerne notre progrès spirituel, je dégage alors deux choses. La première, c’est qu’il est urgent de cesser de croire que nous pouvons faire quelque chose pour Dieu en retour de l’amour qu’il nous porte.  Dieu est parfait en lui-même ; Dieu est bon en lui-même. Comment croire que nos imperfections pourraient apporter quelque chose à Dieu ? C’est toujours Dieu qui fait quelque chose pour nous, et il le fait par grâce, parce qu’il nous aime. Et ce qu’il fait, a d’autant plus de valeur, que nous ne pourrons jamais lui rendre la pareille. Dieu n’est pas avec nous dans un rapport marchand, mais dans un rapport de gratuité, dans un rapport d’amour. Il n’a pas besoin d’autre raison que l’amour qu’il nous porte pour agir envers nous. Il n’attend de nous rien d’autre que de nous laisser aimer de lui, parfaitement. La deuxième chose à retenir alors, c’est que Dieu ne nous doit rien. Nous n’avons pas à exiger de lui qu’il fasse quelque chose pour nous en échange d’un engagement plus poussé dans son Eglise par exemple. Nous ne sommes pas, et nous ne serons jamais, les propriétaires de Dieu. Dieu ne sera jamais celui qui doit s’exécuter dès que nous le prions ; il n’est pas un caniche qui accourt dès que nous sifflons ! Encore une fois, pour que cela soit bien clair, il n’y a pas de donnant-donnant avec Dieu. Il y a l’amour de Dieu pour nous, amour qu’il nous faut accueillir, un point c’est tout. Un amour sous condition n’est pas un amour ! Nous ne devons pas aimer Dieu parce qu’il nous aime ; mais nous devons consentir à l’amour de Dieu pour nous et le laisser transformer nos vies, transformer nos relations humaines. Nous n’avons pas à chercher à être le préféré de Dieu ; nous le sommes dès lors que nous reconnaissons que Dieu est Dieu, qu’il peut tout pour nous, et que nous ne pouvons rien pour lui. C’est cela être humble devant Dieu : reconnaître la grandeur de Dieu, reconnaître que sans lui nous ne sommes rien, et lui en rendre grâce. La bonté de Dieu envers nous, c’est de nous sauver, non parce que nous l’aurions mérité, mais parce qu’il nous aime. 

            Puisque la leçon de Jésus est une leçon spirituelle, elle peut nous aider à grandir aussi dans nos rapports humains. Imaginez un monde où tout ce que nous ferions, nous ne le ferions que par amour, et non parce que des règles édictées par on ne sait qui, on ne sait plus quand, nous y obligeraient ? Il n’y aurait pas besoin de jouer des coudes pour gagner les premières places ; il n’y aurait pas à rendre les politesses qu’on nous fait ; il y aurait juste à aimer, comme Dieu nous aime, sans rien attendre en retour. Cela peut sembler un rêve, mais cela peut devenir réalité, parce que c’est la réalité du Royaume où Dieu nous invite. C’est la réalité du Royaume que nous pouvons construire dès ici-bas. Il nous faut consentir à aimer ; il nous faut consentir à être aimé pour y parvenir. Dieu échange nos mondanités contre son amour pour que nous ne confondions jamais plus nos règles morales avec notre vie spirituelle. Amen.  

(L'image pour notre paroisse, n° 212, août- septembre 2004)

samedi 24 août 2019

21ème dimanche ordinaire C - 25 août 2019

Un avantage, mais sans aucune garantie !






Un avantage mais sans aucune garantie : ainsi pourrait-on résumer la position du chrétien vis-à-vis du salut. C’est en tout cas ce qui ressort, me semble-t-il, de l’évangile de ce dimanche. 

Tout commence, comme souvent, par une question adressée à Jésus : Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? A l’écouter ainsi, elle me fait penser à une question d’enfants : « maîtresse, qui aura droit à ? », en espérant, de la part de celui qui la pose, qu’il sera l’heureux bénéficiaire de la chose. Je suis persuadé que ce quelqu’un qui interroge Jésus s’attend à s’entendre répondre : ne t’en fais pas, tu le seras. De même que nous, entendant l’évangile et mesurant tous les efforts que nous faisons, espérons bien être de ceux qui seront sauvés. Enfin, ne sommes-nous pas venu à l’église, chaque dimanche, pour cela ? Pour nous assurer une place au paradis ? Il suffit d’écouter les parents qui demandent le baptême pour leurs enfants sans forcément qu’ils aillent très souvent à l’église : s’ils leur arrivent quelque chose, ils iront au paradis. Et voilà le baptême relégué au rang d’assurance vie ouvrant droit à l’éternité auprès de Dieu. Comme les choses seraient simples s’il en était ainsi ! 

A écouter la réponse de Jésus, il nous faut cependant vite déchanter. D’abord parce que Jésus ne répond pas à la question qui lui est posée. Aucun nombre n’est donné ; aucun « Ne t’en fait pas » n’est entendu. Mais une série d’affirmations qui sèment le doute : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite… Beaucoup chercheront à entrer mais n’y parviendront pas… Je ne sais pas d’où vous êtes… Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez tous les prophètes dans le royaume et que vous-mêmes vous serez jetés dehors… Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. Et là tout le monde se met à transpirer parce que personne n’aime être le dernier, n’est-ce pas ! Peut-être comprenez-vous mieux maintenant pourquoi j’ai dit en ouverture d’homélie : un avantage mais sans aucune garantie ! 

Un avantage, le baptême en est forcément un : il nous fait fils de Dieu et nous le sommes, comme le dit le Rituel du baptême des petits enfants. Avec le baptême, nous avons toutes les cartes en main : nous avons le Père qui nous dit son amour, le Fils qui nous ouvre le chemin, l’Esprit Saint qui nous permet de comprendre et, dans certains cas, la Vierge Marie pour nous mener toujours plus vers son Fils. Sans oublier que nous sommes membres de l’Eglise, le peuple que Dieu appelle, guide, et fait grandir par ses sacrements. Manque-t-il quelque chose ? Dites-le nous vite pour que nous complétions nos atouts ! A bien écouter Jésus, il manque l’humilité et la justice : deux choses qui ne se reçoivent pas, mais qui se pratiquent. Parce que le baptême n’est pas un moment de notre vie, il est toute notre vie ; il ouvre à un art de vivre conforme à notre foi. Et cet art de vivre, Jésus le décline en creux dans sa réponse à ce quelqu’un qui l’interroge. Cet art de vivre commence par l’humilité (Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite) qui nous évite de nous gonfler d’orgueil devant les autres ; l’humilité qui nous met à notre juste place face à Dieu qui sauve ; l’humilité qui fait que je ne revendique rien pour moi-même, mais qui me place en vérité à la suite du Christ, chemin vers le salut. Cet art de vivre consiste aussi à pratiquer la justice (éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice), à ne rien faire de mal, à ne rien dire de mal, à ne pas soutenir silencieusement le mal. 

Si le baptême est un avantage sur la route qui mène au salut, il n’est en aucun cas la garantie d’y parvenir. Le baptisé qui n’est pas humble, le baptisé qui commet l’injustice, s’entendra dire : Je ne sais pas d’où tu es ; éloigne-toi de moi ! Cette page d’évangile qui peut nous paraître sévère est encore une fois une page d’avertissement, une page qui invite à la conversion, à retrouver l’art de vivre qui correspond à celui qui a été reçu dans l’Eglise par le baptême. Elle est une invitation à une certaine sobriété, à nous débarrasser de ce qui nous grossit et à rejeter définitivement le mal hors de notre vie. Elle est une invitation à prendre au sérieux l’aujourd’hui de notre vie et à inscrire notre foi dans cet aujourd’hui. Il est vrai de croire que Dieu sauve tous les hommes en Jésus Christ, mort et ressuscité ; mais il est vrai aussi de croire que dès aujourd’hui, par ma foi et ma vie accordée à ma foi, je participe à mon salut. Dieu ne me sauvera pas malgré moi. Dieu ne me sauvera pas si je me complais dans l’injustice et l’orgueil. Rendons toute justice à Dieu en reconnaissant son désir de salut pour nous ; mais n’ayons pas l’orgueil de croire que parce que nous sommes chrétiens, catholiques de surcroît, nous sommes déjà sauvés. 

Soyons les premiers à désirer le salut, parce que c’est une bonne chose que de désirer ce que Dieu désire pour nous ; mais ne soyons pas les derniers à marcher humblement avec notre Dieu, ni les derniers à pratiquer la justice envers tous nos frères. Ces derniers là resteront éternellement les derniers, sauf au jour où le Christ appellera à la joie du Royaume. Ils seront alors les premiers à être jetés dehors. Nous voilà au moins tous prévenus : avec la foi, nous avons reçu un énorme avantage, mais absolument aucune garantie. Amen.

(L'image de notre paroisse n° 212, août-septembre 2004)


vendredi 16 août 2019

20ème dimanche ordinaire C - 18 août 2019

Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang dans votre lutte contre le péché.







            Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’auteur de la lettre aux Hébreux n’a pas son pareil pour encourager ses lecteurs. Vous avez un problème avec le péché ? Non, mais rassurez-vous ce n’est rien ; vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte. Bien, ça, c’est dit. Et maintenant, on en fait quoi ? On relit, et on tâche de bien comprendre. 

            Commençons par préciser que le péché dont parle l’auteur de la lettre n’est pas uniquement ce que nous entendons par là communément aujourd’hui. Il ne s’agit pas uniquement de notre péché personnel (encore qu’on pourrait l’entendre ainsi) ; il s’agit surtout de ce péché que subissent les premières communautés croyantes, à savoir la persécution, la confiscation des biens, le dénigrement… Être chrétien, à l’époque n’avait rien de reposant. La nouvelle communauté croyante a vite rencontré l’hostilité et la persécution à des degrés divers. Il fallait un certain courage, et devant les attaques de l’Ennemi (le Péché), certains pouvaient se décourager, voire renoncer pour une vie plus confortable, plus calme. Dans ce combat pour garder la foi au milieu des difficultés quotidiennes dues à un monde hostile au Christ, l’auteur invite à garder les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Il nous demande de ne pas perdre de vue Jésus, souvent confronté à l’hostilité au point de finir en croix. Lui a affronté le péché jusqu’au sang, puisque dans l’acte même de sa mort, c’est le Péché qu’il affronte. Et il insiste : Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement.

            Cela peut sembler presque trop simple, dit comme cela, mais c’est d’une puissance étonnante en matière de vie spirituelle. Notre foi ne repose pas sur de grandes idées ; notre foi, ce ne sont pas quelques règles morales à mettre en pratique ; notre foi, c’est Jésus, mort et ressuscité, et seulement lui. Garder Jésus au cœur, savoir qu’il nous accompagne au quotidien, nous souvenir qu’il a donné sa vie pour nous : voilà de quoi affronter la vie et ses difficultés, puisque nous proclamons que Jésus, loin d’avoir été vaincu par la Mort et le Péché, a signé sur la croix sa plus belle victoire. Si la victoire du Diable, c’est de faire croire aux hommes qu’il n’existe pas, la victoire du Christ, c’était de lui faire croire, au Diable, que sur la croix, Jésus avait perdu, que son histoire était finie, alors qu’en fait tout commençait ici. Sa vie publique n’était qu’un échauffement dans ce grand combat contre le Mal, et sa mort en croix, librement acceptée, devenait le lieu même de sa victoire. La croix ne le retiendra pas, pas plus que la tombe. Il est ressuscité et désormais les hommes peuvent avoir la certitude que le Mal, la Mort et le Péché n’auront plus jamais le dernier mot. La victoire de Jésus est tellement éclatante qu’elle est déjà notre victoire si le Christ partage notre vie, si nous laissons au Christ une place dans notre vie. 

            La difficulté, me semble-t-il, pour nous, ce n’est pas tant de comprendre la foi chrétienne, mais plutôt d’en faire l’expérience. Tant que nous n’expérimentons pas dans notre vie la puissance de la victoire du Christ, nous aurons du mal à comprendre son impact pour nous. Combien de gens aujourd’hui renoncent à la foi parce qu’ils ont l’impression, non seulement que cela ne change rien à rien, mais pire que cela complique les choses. Comme le dit Jésus dans l’Evangile, la foi des uns peut compliquer la vie de famille : entre ceux qui regrettent que les plus jeunes ne croient en rien et ceux qui pensent que tout ça, ce sont des histoires de grand-mère, combien de familles sont divisées à cause de la foi. Je me souviens de ces parents qui étaient venus me voir parce que leur fille de 8 ans demandait soudainement le baptême. Ils ne comprenaient pas, affirmant qu’ils « avaient tout fait pour que cela n’arrive pas ». Mais il a fallu la grand-mère dont la jeune enfant était proche et qui n’arrêtait pas de le « bourrer le crâne » avec ses histoires. Deux ans de lutte familiale avant que les parents ne rendent les armes et acceptent ce baptême auquel leur fille tenait de plus en plus. Ce n’est pas pour rien qu’il est déconseillé de parler, outre politique et argent, de religion lors des grands repas de famille, si on veut que tout se passe bien ! Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.

            Faire l’expérience du Christ, c’est la clé de la foi. Faire l’expérience du Christ, personnellement, c’est la clé de la lutte contre le péché. Ne vous demandez pas pourquoi vous retombez toujours dans le même péché, si vous ne vous êtes pas assurés que c’est bien le Christ qui est au cœur de votre vie. Ne vous demandez pas pourquoi le Mal semble avoir fait de vous sa proie si le Christ n’est pas au cœur de votre vie. Pas uniquement dans la tête, de manière intellectuelle ; ni seulement sur les lèvres, au moment de la prière ; mais bien au cœur, là où se fondent toutes les grandes décisions de la vie humaine. Cela ne veut pas dire que celui qui a le Christ au cœur ne sera pas soumis au Mal ; le Diable n’aime pas ceux qui suivent le Christ. Mais celui qui suit le Christ, celui qui l’a accueilli dans sa vie, au plus profond, celui-là a un combattant hors pair avec lui, celui-là sait que la victoire est possible puisque le Christ a déjà vaincu le Mal. 

            Dans le Pain de l’Eucharistie que nous allons partager, nous accueillerons le Christ, nous accueillerons sa force, nous accueillerons sa vie, nous accueillerons sa victoire, du moins si nous croyons que c’est bien lui que nous recevons par l’Hostie consacrée. Si ce n’est que le Pain de l’amitié que nous partageons, il ne se passera rien ; si c’est le Christ que nous recevons, tout changera dans notre vie, le Péché aura un adversaire à sa mesure, et nous, une part à la victoire du Christ. Gardons les yeux fixés sur le Christ ; il nous gardera dans la paume de sa main jusqu’au jour où il nous accueillera dans la joie de son Royaume. Amen.




mercredi 14 août 2019

Assomption de la Vierge Marie - 15 août 2019

Comprenons mieux la fête à partir du Magnificat.







Faute de texte biblique parlant de l’Assomption de Marie, donc de sa mort et de sa montée aux cieux dans la gloire que le Père partage avec le Fils et l’Esprit Saint, la liturgie de l’Eglise nous fait entendre cette page d’évangile de la visitation comprenant le chant du Magnificat. Souvent présenté comme le chant-programme de l’enfant que Marie porte en elle, nous pouvons aussi le considérer comme le chant qui annonce le destin singulier de Marie, destin qui s’accomplit dans ce mystère de l’Assomption, et comme le chant qui annonce notre propre destinée.

Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! Le Magnificat commence par ces versets qui nous disent l’état d’esprit de Marie, sa joie et sa foi en Dieu, au moment où elle rencontre Elisabeth sa cousine, enceinte elle-aussi, malgré son grand âge. Toutes deux bénéficient d’une grâce spéciale de Dieu dans l’accomplissement de son projet de salut. Cette rencontre est la rencontre de deux mondes, la rencontre du Premier Testament – représenté par Elisabeth et Jean le Baptiste qui tressaille dans son sein – et le Nouveau Testament – représenté par Marie et Jésus qui grandit dans son sein – . Mais comment ne pas reconnaître aussi dans ces versets la joie de Marie au jour où elle est élevée au ciel sans connaître la dégradation du tombeau ? Cette joie immense de bénéficier d’une grâce de Dieu, qu’elle a connu dans sa jeunesse, voilà que Dieu la renouvelle pour elle, au terme de sa vie sur terre. Dans le ciel en fête, je ne doute pas que Marie ait proclamé à nouveau et sa joie et sa foi en Dieu qui sauve.

Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse ! Ces autres versets s’accordent aussi parfaitement à la solennité du jour. En élevant Marie au ciel sans qu’elle connaisse la dégradation du tombeau, Dieu s’est penché à nouveau sur Marie, celle qui, humblement avait accepté de porter le Fils unique de Dieu. Si d’aucun, dès les premiers temps de l’Eglise, la reconnaissent bienheureuse pour le rôle qu’elle a joué au début de l’histoire de Jésus, je la reconnais plus volontiers bienheureuse d’avoir bénéficié de cette grâce particulière qui lui ouvre le ciel au moment de sa mort. Contrairement à nous, son corps ne connaîtra pas la dégradation, le pourrissement dans la terre. Elle entre dans la joie de Dieu, corps et âme, totalement intacte. Nous voyons bien là la permanence de la faveur de Dieu envers celle qui n’a été que oui à sa Parole, oui à sa volonté de salut. Comment imaginer que Dieu ne puisse pas récompenser ainsi celle qui a toujours servi cette volonté de Dieu de sauver tous les hommes ? Le Puissant fait pour elle aujourd’hui des merveilles ; Saint est son nom !


Si les premiers versets concernent donc Marie et son destin, les versets suivants nous concernent et nous rappelle que cette fête de Marie est pour nous un avant-goût de ce que Dieu prépare pour nous. Ecoutons bien : Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Certains commentateurs ont pu parler, à propos de ces versets, d’une sorte de discours programmatique de ce que sera l’œuvre de Jésus, le Fils unique de Dieu que Marie porte en son sein. En lisant les évangiles, nous sommes effectivement témoins, à de nombreuses reprises, de l’œuvre de salut entreprise par Jésus. Il guérit les malades, libère les possédés, nourris les foules affamées, il donne les enfants, humbles par excellence, en exemple, laisse partir le jeune homme riche qui ne peut se défaire de ses biens malgré son désir sincère de suivre Jésus. Mais ces versets dépeignent aussi parfaitement de nombreux retables et porches d’églises ou de cathédrales représentant le jugement dernier. Là nous voyons les humbles, les pauvres être accueillis dans le Royaume alors que sont renvoyés vers la gueule de l’enfer des gens riches, des têtes couronnées ou mitrées… Le Magnificat est bien le chant de la fête de l’Assomption parce que cette fête, au-delà de célébrer la gloire de Marie, annonce à chacun de nous notre propre destinée. Ce qui se passe pour Marie, à savoir partager la gloire de Dieu pour toute éternité à partir du moment de la mort, cela peut se passer pour nous, si nous renonçons à notre superbe, si nous renonçons à nos désirs de puissance sur les autres pour davantage nous mettre à leur service, si enfin nous renonçons à être riches en exploitant les autres ou en les dominant. Le Royaume de Dieu appartient aux humbles de la terre.


Les derniers versets du Magnificat confirment cela en rappelant les promesses de Dieu : il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. Comme ils sont beaux et pleins d’espoir pour nous ces derniers versets. Ils redisent la miséricorde de Dieu envers son peuple, peuple de Dieu mais peuple pécheur relevé par Dieu, pardonné par lui. Ils redisent la valeur des promesses de Dieu faites au long de l’histoire du salut ; ils redisent son désir exprimé à Abraham jadis : lui donner une descendance nombreuse, un seul peuple, totalement acquis à Dieu. Il nous faut désirer être de ce peuple, et vivre de son amour ici-bas pour partager cet amour par-delà la mort avec tous les humbles de la terre, avec tous ceux et celles qui formeront l’Israël véritable, le peuple que Dieu s’est acquis au prix du sang de son Fils unique. 


Il n’y avait pas de meilleur choix possible pour cette fête de la Pâques en plein été, Pâques de Marie notre Mère, annonçant notre Pâques, notre propre passage de la mort à la vie. Nous en connaissons maintenant mieux les conditions, le Magnificat nous les ayant rappelées. Avec Marie, réjouissons-nous, et exultons de joie en Dieu notre Sauveur. Amen.


(Luca della Robbia, La Visitation, 1445, Eglise San Giovanni Fuorcivitas, Pistoia, Italie)




samedi 10 août 2019

19ème dimanche ordinaire C - 11 août 2019

Inquiétant ou stimulant ?





Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. Voilà un passage de l’Evangile qui devrait nous inquiéter et nous stimuler en même temps. Car ne nous y trompons pas, nous appartenons tous à la première catégorie citée par Jésus, ceux qui connaissent la volonté du Maître. 


Ce passage devrait donc nous inquiéter, à moins que nous n’aimions prendre des coups, mais cela est une autre histoire. Quand viendra le jour du retour du Christ, retentira pour nous ce cri jadis lancé par Jean-Paul II lors de son premier voyage en France : France, qu’as-tu fais de ton baptême ? Vous remplacez « France » par votre propre prénom, et vous comprendrez pourquoi l’évangile de ce dimanche devrait nous inquiéter. Nous sommes ces serviteurs à qui tout a été donné pour qu’ils comprennent bien la volonté de leur Maître, la volonté de Dieu : par le baptême, nous sommes ses enfants, membres du peuple que Dieu se donne ; par la confirmation, nous avons accueilli l’Esprit Saint qui nous fait tout comprendre ; dans l’eucharistie, nous recevons le Christ lui-même, Dieu fait homme pour notre salut ; dans notre bible, nous avons la Parole même de Dieu qui nous est donnée, non pas comme un beau livre, mais comme une boussole pour nous conduire sur notre route quotidienne, comme une lumière pour nous éclairer dans la nuit de nos tentations et de notre péché. Dieu nous a tout donné en Jésus ; Dieu nous a appelés à marcher à sa suite, et nous avons accepté. Ayant tout reçu, nous avons la connaissance de la volonté de Dieu, ou a minima la possibilité de la connaître pour peu que notre baptême signifie quelque chose pour nous. Non, nous ne pourrons pas dire, au retour du Christ, que nous ne savions pas. Nous ne pourrons pas dire que nous nous sommes assoupis, fatigués d’attendre son retour, sans cesse retardé. Jésus nous le rappelle dans son enseignement de ce dimanche : nous sommes censés rester en tenue de service, ceinture autour des reins et lampes allumées. C’est-à-dire prêts à le recevoir ! En relisant l’enseignement de Jésus au soir de sa mort, nous pouvons comprendre que ce vêtement du service, c’est l’amour de Dieu et du prochain, dont nous ne pouvons nous défaire. Nous ne pouvons pas nous fatiguer d’aimer ; nous ne pouvons pas nous fatiguer de servir Dieu et nos frères. Et cela vaut pour chaque baptisé. 


Si ce passage nous inquiète, il peut alors aussi nous stimuler. Il n’est jamais trop tard pour reprendre le vêtement de l’amour et du service. Il n’est jamais trop tard pour redécouvrir la volonté de Dieu pour moi. Car connaissant les termes généraux de la volonté de Dieu, je dois encore comprendre comment elle s’applique dans ma propre vie. Je ne peux pas simplement copier mon voisin ; je ne suis pas lui. Et Dieu attend de moi autre chose que ce qu’il attend de mon voisin. C’est là qu’intervient la lumière de l’Esprit Saint dans notre prière personnelle. Là, Dieu révèle à mon cœur quel est son projet d’amour pour moi et comment il me revient de l’accomplir. Nous pouvons quelquefois penser que le projet de Dieu pour le voisin est plus facile à accomplir que le mien ; mais souvenons-nous alors que Dieu ne nous demande rien d’impossible et qu’il nous aide à accomplir ce qu’il attend de nous. Ne nous a-t-il pas donné la force de l’Esprit Saint ? Ne nous sert-il pas lui-même, chaque dimanche, le Pain de l’Eucharistie, le Pain qui nous rend fort pour affronter la semaine à venir ? Si la parole de Jésus de ce dimanche nous semble dure, accueillons-la comme un appel à reprendre une vie chrétienne cohérente, ouverte à Dieu et aux autres. Accueillons-la comme un rappel de Dieu qui veut notre salut, et qui nous avertit de ce qui pourrait nous arriver si nous nous endormions sur les lauriers de la foi de notre enfance. Dans sa bonté, dans sa miséricorde, il nous indique le pire pour que, nous ressaisissant au besoin, nous ne méritions que le meilleur au jour de son retour. Il nous veut serviteur fidèle ; il nous veut serviteur éveillé ; il nous veut habillés du vêtement du service de l’amour pour le transformer en vêtement de sa gloire. 


Jésus n’est pas venu condamner les hommes ; il est venu les sauver. Il est venu nous sauver. Aujourd’hui, il nous appelle à ne pas nous endormir ; il nous appelle à la fidélité à sa parole, à la fidélité à son nom. Nous n’avons pas à rougir d’être chrétiens, même en ces temps difficiles de la vie de l’Eglise. La faute de quelques-uns ne peut pas, et ne doit pas remettre en cause la fidélité des autres. Portons fièrement notre vêtement du service ; il ne se salit pas en servant Dieu ; il ne se salit pas en servant les autres. Mais il se salit en ne l’utilisant pas, parce qu’alors il se couvre de la poussière de la paresse, de la poussière du péché. Restons en tenue de service, même pendant les vacances, et nous serons heureux d’être trouvés à agir ainsi quand le Seigneur reviendra. Amen.



(Dessin extrait de la revue L'image de notre paroisse, n° 212, Août 2004) 

samedi 3 août 2019

18ème dimanche ordinaire C - 04 août 2019

Souviens-toi : ta vie a un sens.





Observons un instant cet homme dont nous parle Jésus dans sa parabole, ce riche, dont le domaine avait bien rapporté. Reconnaissons-le, nous l’envions un peu, comme nous envions toujours ceux qui ont tout ce que nous n’avons pas, ceux qui ont tout ce que nous désirerions avoir à notre tour. Comme c’est un autre que nous qui a tout, c’est un scandale pour nous ! Et une certaine presse, que nous ne lisons jamais mais avec laquelle nous crions volontiers, ne se gêne même plus pour étaler ces soi-disant scandales à la face du monde, sans se soucier toujours de la véracité de ce qu’elle rapporte. Nous en avons eu un bel exemple, hélas, au début de notre été. Cet homme donc, pouvons-nous vraiment l’envier ? 


            Certes, il a beaucoup, et sa récolte lui donne encore plus. Mais elle lui donne aussi plus de soucis : Que vais-je faire ? car je n’ai pas de place pour ma récolte. Voilà qui me le rend moins enviable, car il a l’air bien sot. Il devait bien savoir ce qu’il pourrait stocker dans ses greniers : pourquoi alors produire plus ? Pourquoi n’avoir pas cherché un repreneur, qui aurait racheté le fruit de sa récolte ? La richesse rend-t-elle bête à en oublier les choses les plus simples et les plus évidentes ? Plus tu amasses, plus il te faut de la place pour ranger. C’est évident ! Ce qui me le rend encore moins enviable, c’est qu’avec toute sa richesse et tout son grain, il a l’air bien seul. Il n’a personne à qui parler de son souci, si ce n’est lui-même. Pas même un conseiller à l’horizon. Pas même un ami à qui s’ouvrir et avec qui échanger. Il est devenu le centre de sa vie, il est devenu son seul sujet de préoccupation. Sa vie n’a-t-elle donc pas d’autre horizon que lui et ses greniers de plus en plus grands ? Est-ce cela une vie réussie ?


            La liturgie de ce dimanche nous invite, à travers l’exemple de cet homme, mais aussi à travers la réflexion de Qohèlet, à nous pencher sur ce qui est essentiel pour nous. Et remarquons que la liturgie, dans sa sagesse, nous donne de le faire au cœur de notre été, quand nous avons plus de temps pour nous poser, pour affronter ces grandes questions de l’existence. La parabole de Jésus n’est pas racontée pour distraire celui qui s’est approché du Maître à propos d’une question d’héritage. Elle est proposée pour le faire réfléchir, pour qu’il trouve de lui-même une solution à la question qui le préoccupe. Car, au fond, derrière cette question d’héritage, c’est bien la question du sens de notre vie qui se pose. Qu’est-ce qui me préoccupe ? Qu’est-ce qui me fait agir ? Quel est le sens que je donne à ma vie ? Suis-je, par mes choix, replié sur moi-même ou ouverts aux autres ? Est-ce que je veux être riche pour moi ou riche en vue de Dieu ? 


            Les croyants que nous sommes ne peuvent faire l’économie de ces questions. Par notre baptême, nous appartenons au Christ ; nous sommes invités, selon le mot de Paul aux Colossiens à pensez aux réalités d’en-haut. Notre but, le but de notre vie, il est là à la droite de Dieu. Mais il n’y a rien de magique ou d’automatique. Il ne suffit pas d’être baptisé pour être déjà assuré du Royaume. Car entre notre baptême et notre union définitive en Dieu, il a le temps de notre vie. Si nous la passons à penser aux réalités de la terre, comme ce riche de la parabole, il n’y a pas d’espoir pour nous. Nous devons consacrer notre vie à nous débarrasser de l’homme ancien qui était en nous et de ses façons d’agir, et nous revêtir de l’homme nouveau. Le baptême nous en montre la voie ; mais le chemin, c’est à nous de le faire, quotidiennement. Le chrétien est un homme qui a les pieds sur terre, mais la tête levée vers le ciel. Il sait que sa vie est orientée, qu’elle a un sens : elle est destinée à être avec Dieu. 


            Que l’enseignement donné par Jésus dans sa parabole nous éclaire ; si nous avions perdu de vue le sens ultime de notre vie, qu’elle nous serve d’exemple. Que les soucis que nous pouvons avoir ne nous détournent pas de notre vocation baptismale, mais qu’ils soient une occasion d’une plus grande confiance en Dieu, une occasion de nous conformer toujours plus à l’image de notre Créateur, pour qu’en nous il n’y ait que le Christ. Amen.