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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 25 avril 2014

02ème dimanche de Pâques A - 27 avril 2014

Un dimanche pour redire notre foi.




C’est un jour important et un moment important de votre vie de jeunes chrétiens qui nous rassemblent aujourd’hui, en cette chapelle du collège Saint André. Dans un instant, vous allez faire profession de foi devant vos familles rassemblées. Vous allez redire, comme nous l’avons tous fait au cours de la nuit pascale, votre attachement à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint et votre désir de rejeter hors de votre vie tout ce qui est mal, tout ce qui conduit au Mal. Une dernière fois, je voudrais réfléchir avec vous et pour vous le sens de cette célébration bien française. 
 
Pourquoi faire profession de foi ? Vous avez, pour la plupart, été baptisés lorsque vous étiez tout-petits. Vous n’avez donc pas eu votre mot à dire. Vos parents, parce qu’ils ont toujours voulu vous donner le meilleur et parce qu’ils souhaitent le meilleur pour vous, ont fait le choix de demander pour vous le baptême. Ils vous introduisaient ainsi dans l’Eglise, la grande famille des chrétiens. Vous y avez grandi dès lors, sans forcément y faire très attention. Vous avez peu à peu découvert qui était Dieu pour nous, qui était Jésus et ce qu’il a fait pour nous ; peut-être même vous a-t-on déjà parlé de l’Esprit Saint que vous recevrez en plénitude au moment de votre confirmation. Il est important ainsi d’approfondir la connaissance de notre foi, de mieux comprendre Dieu et ce qu’il attend de chacun de nous. Mais il est important aussi de ne pas en rester à une dimension intellectuelle de la foi. Ce que vous avez découvert, ce que vous avez appris de Dieu, de Jésus, de l’Esprit Saint, il faut le faire vôtre. Cela ne peut rester extérieur à vous-mêmes si vous prenez votre foi au sérieux. En clair, si vous pensez que Dieu a quelque chose à vous apporter, il faut le dire, il faut le célébrer. Il en va de Dieu comme de nos relations humaines : il est bon de savoir que l’on a des amis ; il est bon aussi quelquefois de leur montrer et de leur témoigner concrètement des signes de cette amitié, par des gestes, par des mots. Sinon, nous n’aurions de nos amitiés qu’une vue intellectuelle, lointaine. Nous prenons donc un temps, dans notre vie de chrétiens, pour dire personnellement et publiquement, que nous voulons bien suivre Jésus et vivre de sa Parole. En faisant ainsi, vous lui témoignerez votre amitié, votre proximité et votre reconnaissance pour tout ce qu’il a déjà fait pour vous. 
 
Comment faire profession de foi ? En disant de manière claire que vous croyez en Dieu tel que l’Eglise catholique, apostolique, romaine le présente. Je vous interrogerai donc tout à l’heure collectivement, en vous demandant si vous renoncez tous au Mal et si vous croyez tous en Dieu le Père qui a envoyé son Fils pour nous sauver et qui nous fait vivre par son Esprit Saint. Mais vous répondrez chacun personnellement : Je renonce, et je crois, parce que la réponse ne peut être que personnelle même au sein de la communauté. Personne ne peut croire à ma place, et je ne peux croire à la place de personne d’autre. Bien que nous soyons en communauté, chacun répond pour lui-même. C’est toute la grandeur et la beauté de l’Eglise qui me prend dans sa famille sans nier mon individualité, ni ma liberté. Il est nécessaire que chaque croyant fasse un jour cette expérience que, pris dans une famille croyante, il a la possibilité de croire ou de ne pas croire à son tour ; et s’il fait le choix de croire, il doit le  dire pour lui-même, devant les autres. Il affirme ainsi qu’il est prêt à être un membre à part entière de cette famille ; et cette famille, en l’écoutant, reconnaît bien son individualité. Pour trouver notre place dans la famille croyante, il est important de pouvoir dire un jour : je crois, non plus parce que vous croyez, mais parce que j’ai découvert, j’ai mesuré l’importance de cet acte et je le dis. 
 
Nous pouvons donc faire profession de foi parce que nous avons découvert et mesuré, au moins en partie, l’importance de Dieu, de Jésus, de son Esprit Saint dans notre vie. Nous pouvons faire profession de foi parce que nous avons rencontré le Christ. Nous avons fait l’expérience de sa présence dans notre vie, de son soutien dans les moments difficiles et surtout de la joie qu’il y a à être son ami. Parce qu’il a quelque chose à m’apporter. Il me fait grandir, il me fait entrer dans une plus grande intimité avec Dieu son Père ; il fait de chacun un frère, une sœur, nous invitant tous à une vie plus belle, plus riche, parce que partagée. Il n’y a pas de profession de foi possible sans cette rencontre du Ressuscité. Cette rencontre se fait aujourd’hui par des témoins, et en premier lieu par l’Eglise elle-même, qui a mission de porter le Christ au monde. Il me faut donc trouver ma place dans cette Eglise pour grandir encore dans la foi et pour prendre aussi ma part dans l’annonce des merveilles que Dieu fait pour nous. En faisant profession de foi, vous rendez un peu à l’Eglise ce qu’elle vous a donné, et vous attestez qu’elle ne prêche pas en vain, que son message peut encore toucher le cœur des hommes de notre temps puisqu’il a su toucher le vôtre. Si vous-mêmes êtes enrichis de la foi de l’Eglise, l’Eglise se trouve enrichie de votre propre foi, qui peu à peu arrive à maturité. C’est toujours, pour moi, prêtre, un grand moment de joie et d’espérance, quand j’entends des jeunes répondre favorablement aux questions rituelles : renoncez-vous au Mal ? Croyez-vous en Dieu ? C’est, pour moi, un moment fort de ma vie  de prêtre, et mon sacerdoce s’en trouve renforcé, et je vous remercie déjà du témoignage de foi que vous nous donnerez dans un instant. 
 
Vous allez donc faire profession de foi ; et c’est bien ! Mais n’oubliez pas qu’il y a une vie après. Faire profession de foi, ce n’est pas seulement dire des mots, c’est aussi s’engager dans un art de vivre, l’art de vivre en chrétien. La première lecture nous montre les premiers croyants fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres, à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières… Ils vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun. C’est sans doute un tableau idyllique, mais il est possible de vivre une telle fraternité, une attention à l’autre, un vrai partage et une vie religieuse à la hauteur de l’amour que Dieu nous porte. Les premiers croyants n’opposent pas la vie religieuse et la vie en société. Leur participation à la prière de l’Eglise et à la fraction du pain (comprenons bien qu’il s’agit de l’eucharistie), les renvoie à cette vie fraternelle qui peut nous faire envie aujourd’hui. Leurs prières et leurs célébrations nourrissent leur désir de vivre en frère, et leur fraternité vécue nourrit leur prière. L’un n’exclut pas l’autre ; au contraire, l’un appelle l’autre, et vice versa. Je ne peux donc que vous encourager à développer cette même fidélité au rassemblement dominical et à la vie fraternelle : ce sont les deux composantes de l’art de vivre selon l’esprit du Christ lui-même, lui qui était autant attentif aux hommes et aux femmes qu’il rencontrait et pour lesquels il a donné sa vie, qu’il était présent à Dieu qu’il appelait Père et dont il a fait en toute chose la volonté. 
 
Quant à nous, chrétiens de plus longue date, accueillons la profession de foi de ces jeunes comme le signe d’une foi toujours vivante et comme un appel à renouveler notre propre témoignage. L’Eglise a besoin de chacun de nous pour porter au monde l’Evangile du Christ ; et le monde a besoin, plus que jamais, de croyants convaincus et convaincants, capable de rendre le cœur des hommes meilleurs par la puissance du nom de Jésus. Laissons-nous tous rencontrer par le Christ pour être ses témoins authentiques ; nous aiderons ainsi notre monde à aimer celui qu’il n’a pas vu, et à croire en celui qu’il ne voit pas encore. Amen.
 
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)

samedi 19 avril 2014

Jour de Pâques - 20 avril 2014

La joie de l'Evangile : Christ est ressuscité !




Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia ! C’est ainsi que la liturgie nous invite à répondre à la première lecture en ce dimanche de Pâques. Oui, aujourd’hui est un jour de joie, car celui qui était mort est revenu à la vie. A tous ceux qui, après la mort de Jésus était pris dans les ténèbres de la tristesse, ce jour nouveau annonce que rien n’est fini de leur espérance. Aujourd’hui, la tristesse du vendredi saint fait place à la joie, car Dieu a désavoué les hommes en rendant la vie à celui qu’ils avaient cloué au bois de la croix.
La joie que nous partageons est la joie de l’évangile, pour reprendre le pape François. Au cœur de la Bonne Nouvelle que nous avons à annoncer au monde, il y a le mystère pascal, le mystère d’un Dieu plus fort que la mort, le mystère d’un Dieu qui veut la vie de l’homme, toujours. Et cette Bonne Nouvelle que nous célébrons n’est pas le souvenir d’un événement du passé : cette Bonne Nouvelle, c’est aujourd’hui qu’elle se réalise. Pour citer le pape François, la résurrection du Christ n’est pas un fait relevant du passé ; elle a une force de vie qui a pénétré le monde. Là où tout semble être mort, de partout, des germes de la résurrection réapparaissent. C’est une force sans égale. Il est vrai que souvent Dieu nous semble ne pas exister : nous constatons que l’injustice, la méchanceté, l’indifférence et la cruauté ne diminuent pas. Pourtant, il est certain aussi que dans l’obscurité commence toujours à germer quelque chose de nouveau, qui tôt ou tard produira du fruit (Evangelii Gaudium, n° 276).
L’expérience que nous avons à faire est la même que celles des femmes ou des Apôtres au matin de Pâques. Ils avaient l’impression que tout était fini, que Dieu s’était retiré du monde puisque l’innocent avait été condamné. Est-il mal plus grand que celui-là ? Et pourtant, voilà que, trois jours plus tard, un message incroyable leur est transmis : celui qui était mort est vivant ! Les femmes reçoivent l’annonce et la transmettent aux disciples. Pierre et Jean courent au tombeau et trouvent les choses comme les femmes l’avaient dit. Le tombeau est bien vide ; il ne reste que les linges bien pliés dans un coin. Pierre semble s’interroger devant ces signes. Jean lui, voit et croit. Si le tombeau est vide, c’est que Jésus avait dit vrai : il devait mourir, mais il ressusciterait, il reviendrait, il ne les laisserait pas orphelins. Il ne comprend sans doute pas plus que Pierre, mais il croit. Et c’est bien cela la foi : croire, sans forcément comprendre. Croire, faire confiance sur parole, faire confiance sur quelques signes anodins. A notre tour, nous sommes invités à rechercher et comprendre les signes que le Ressuscité nous laisse aujourd’hui.
L’un de ces signes, pour moi, restera toujours le sacrement du baptême. C’est le plus beau signe de la résurrection du Christ. Parce qu’il est le sacrement par lequel, aujourd’hui encore, des hommes et des femmes engagent leur vie à la suite du Christ. Il est le signe que nous pouvons faire confiance à Jésus qui toujours nous sauve du péché et de la mort. Il est le signe que nous pouvons encore marcher à sa suite, partager dès aujourd’hui sa vie de Ressuscité. N’est-il pas le sacrement qui nous fait participer à la mort et à la résurrection de Jésus ? Le bain du baptême n’est-il pas descente dans la mort pour en ressortir vivant à la suite du Christ vivant ? C’est ce qu’affirme Paul aux chrétiens de Colosses : Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ ! Voilà la Bonne Nouvelle que j’annoncerai à la fin de cette eucharistie à Noé que ses parents présentent au baptême. Il partagera dès lors la vie du Christ et sa sainteté, comme nous le faisons depuis notre baptême. Cela ne signifie pas que nous ne connaissons plus le Mal, ni que nous ne lui sommes plus soumis ; mais cela nous signifie que le Mal et la Mort n’ont plus prise sur nous puisque nous appartenons désormais au Christ ressuscité. Par sa mort et sa résurrection, il nous obtient la victoire sur le Mal, la Mort et le Péché. Nous savons que nous pourrons toujours nous relever, nous tourner vers le Christ et qu’il sera là pour nous. Il nous dira toujours l’amour de Dieu pour nous et sa miséricorde. Il nous montrera toujours le chemin vers plus de vie, plus de joie, plus de liberté.
Oui, ce jour est un jour de joie parce que, dans le monde entier, l’Eglise va accueillir de nombreux fils et filles de Dieu, des hommes et des femmes, enfants ou adultes, qui ont fait le choix de Dieu, le choix de vivre selon les valeurs de l’Evangile. N’est-ce pas ainsi que nous transformerons notre monde ? N’est-ce pas ainsi, en vivant de la vie même du Ressuscité et de son message, que nous communiquerons au monde les forces de vie qui traversent notre existence ? Plus nous deviendrons chrétien en vivant selon l’enseignement du Christ, plus nous pourrons agir dans le monde et hâter la venue du règne de Dieu. Et cela ne commence pas en convertissant les autres, mais en changeant nous-mêmes, profondément, pour être toujours plus à l’image et à la ressemblance de Dieu. Avant de l’annoncer avec des mots, nous avons à annoncer le Christ par notre vie : c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples. N’attendons pas que les autres se mettent à aimer pour aimer à notre tour. N’attendons pas que les autres améliorent le monde pour l’améliorer à notre tour. N’attendons pas que les autres se mettent au service de l’homme pour nous y mettre à notre tour. En tout cela, le Christ nous a précédés ; en tout cela, il est notre exemple ; en tout cela, nous devons le suivre, sans attendre les autres.
En ce jour de Pâques, demandons à Dieu la grâce d’une plus grande fidélité à notre baptême, la grâce d’une plus grande fidélité au Christ, mort et ressuscité pour nous. Qu’il nous donne d’être vraiment concerné par cette Bonne Nouvelle du salut pour que nous puissions en vivre chaque jour et la faire vivre autour de nous. Amen.
 
(Matthias Grünenwald, Détail du Retable d'Issenheim - Le Christ ressuscité - Musée Unterlinden à Colmar)

vendredi 18 avril 2014

Vigiles de Pâques - 19 avril 2014

Une nuit pour sentir le jour qui vient.




Nous venons de vivre un jour étrange, celui du samedi saint, jour pendant lequel il ne se passe rien. L’Eglise est prise par le silence après la mort de Jésus en croix. C’est le temps de l’abasourdissement, le temps du deuil. Et voilà qu’au soir de ce jour, nous nous réunissons pour cette célébration des vigiles. Une nuit nous est donnée pour sentir le jour qui vient en relisant la longue histoire de Dieu avec son peuple. Avec l’auteur du livre de la Genèse, nous pouvons dire : il y eut un soir, il y eut un matin. 
 
Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le temps de la création. Notre parcours biblique commence nécessairement au temps des origines, lorsque Dieu fit jaillir notre monde de la nuit. Sur une parole de Dieu, le monde surgit des ténèbres. Peu à peu, jour après nuit, Dieu fait jaillir la vie. La puissance de Dieu se manifeste, son amour pour l’homme est dit dès l’origine puisqu’il fait l’homme à son image, à sa ressemblance. Quand l’homme vient au jour, c’est pour être comme Dieu, à l’identique. Nous sommes faits pour être partenaires de Dieu, vivants de et dans sa lumière. 
 
Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le temps de la libération. Cet homme qu’il a créé, Dieu en prend soin, il se révèle  lui. Il en fait son peuple. Abraham, Isaac, Jacob : petit à petit s’écrit l’histoire d’amour de l’homme avec Dieu, avec ses hauts et ses bas. D’alliance en alliance, Dieu façonne son peuple, le guide à travers l’histoire, lui ouvre un avenir. Et voici ce peuple arrivé en Egypte, sous la conduite de Dieu, qui le préserve ainsi de la famine. Mais, le temps aidant, ce peuple favorisé par Dieu est ressenti comme une menace : il est soumis aux corvées de plus en plus dures. Et le peuple de Dieu souffre, il crie vers Dieu. Dieu entend et envoie son serviteur Moïse pour sortir le peuple d’Egypte. Par la force, Dieu sortira son peuple de la nuit de l’esclavage pour le mener au matin de la liberté. Quand l’homme est plongé dans les ténèbres de l’épreuve, Dieu le tire à la lumière de la libération. 
 
Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le temps de la réconciliation. Ce peuple que Dieu a libéré, ce peuple auquel Dieu a donné une terre, une Loi, ce peuple s’est rebellé contre Dieu. Il a d’abord voulu être comme les autres peuples, alors qu’il était le peuple choisi par Dieu pour être son peuple particulier. Puis il s’est tourné vers d’autres dieux, plus exotiques, moins embarrassants, puisque ce sont des dieux qui ont une bouche mais qui ne parlent pas, des yeux mais qui ne voient pas, des oreilles mais qui n’entendent pas. En bref, des dieux bien pratiques qui ne nous dérangent pas ! Puisqu’ils ne voient rien, n’entendent rien, ne disent rien, ils nous laissent tranquilles. Ils ne nous font rien, on ne leur doit rien ! Et l’inévitable arrive. S’étant détourné de Dieu, le peuple de Dieu se trouve abandonné à lui-même ; Dieu ne protège plus ses fils ingrats ! Peut-on le lui reprocher ? C’est le temps de l’exil, le temps où ce grand peuple n’est plus rien, si ce n’est étranger dans une terre étrangère, prisonnier une fois de plus de ses propres ténèbres. Mais Dieu est patient et miséricordieux : il interviendra en faveur de ceux, peu nombreux, qui lui sont restés fidèles. C’est le temps des prophètes qui annoncent le retour en grâce, le temps de la réconciliation : J’irai vous prendre dans toutes les nations, je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous ramènerai sur votre terre… Je verserai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés… Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau… Vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu. 
 
Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le temps de l’Alliance nouvelle. Dieu a finalement envoyé son propre fils : il a révélé aux hommes que Dieu était comme un père qui sans cesse relève, guérit, pardonne. Il a rappelé la loi de Dieu qui consiste à l’aimer et à aimer chacun. Mais les hommes n’ont pas voulu de lui. Ils l’ont crucifié, mis à mort parce que trop dérangeant. Les hommes ont replongé dans les ténèbres du péché alors même que Jésus voulait les mener à la lumière de Dieu. Et maintenant ? Dieu va-t-il laisser les hommes dans les ténèbres qu’ils ont choisis en assassinant son Fils bien-aimé ? Sommes-nous condamner à une nuit sans fin ? Y aura-t-il un nouveau matin ? Le message de l’ange aux femmes venues au tombeau ouvre une espérance folle : Soyez sans crainte, je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, il est ressuscité, comme il l’avait dit. A nouveau, le jour succède à la nuit ; à nouveau, une espérance est possible ; à nouveau Dieu recrée ce que l’homme avait détruit ; à nouveau, Dieu pardonne à son peuple. 
 
Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le temps de la résurrection. Saint Paul le dit avec force aux chrétiens de Rome : l’homme ancien qui est en nous (celui qui aime les ténèbres), a été fixé à la croix avec lui (Jésus) pour que cet être de péché soit réduit à l’impuissance, et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché… Nous le savons : ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui, la mort n’a plus aucun pouvoir. Car il est mort, et c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; il est vivant, et c’est pour Dieu qu’il est vivant. En ressuscitant son Fils, Dieu inaugure un jour nouveau sur lequel les ténèbres n’auront plus aucune prise. Jésus ressuscité est désormais notre lumière : le cierge pascal en est le signe. Par notre plongée dans les eaux du baptême, nous sommes descendus dans les eaux de la nuit  du péché et de la mort pour en ressortir, vivants, libérés, éclairés par le Christ lui-même. Marchons donc à sa lumière. 
 
Il y eut un soir, il y eut un matin : c’est le temps de la vie éternelle. Car il y aura toujours un matin pour celles et ceux qui croient en Jésus, mort et ressuscité. Il y aura toujours un matin pour celles et ceux qui trébuchent sur le chemin, tombent dans la nuit du péché mais se souviennent de Jésus, l’Agneau de Dieu immolé pour notre salut. Il y aura toujours un matin nouveau ; il n’y a pas à en douter parce que le Christ ne saurait admettre qu’un seul d’entre nous se perde. Il a offert sa vie pour nous. Il est le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis. Il est le bon berger qui va chercher la brebis égarée, même par-delà la mort. Il y eut un soir : le soir de notre péché, de notre refus de Dieu. Il y a un matin nouveau qui pointe à l’horizon : le matin de notre pardon, le matin de notre vie avec Dieu pour toujours. Accueillons-le et vivons de la joie nouvelle qu’il nous procure.  En Jésus, mort et ressuscité, Dieu nous propose une alliance nouvelle. En Jésus, mort et ressuscité, Dieu fait de nous ses fils et ses filles. En Jésus, mort et ressuscité, Dieu nous donne part à sa victoire. Pour ce matin qui se lève, rendons grâce à Dieu, Alléluia !

(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France).

jeudi 17 avril 2014

Vendredi Saint - 18 avril 2014

Un jour pour accompagner Dieu qui meurt.


Nous retrouvons aujourd’hui Jésus, là où nous l’avions laissé hier soir, au jardin du Mont des Oliviers. Peut-être l’avons-nous accompagné un temps dans la prière. L’heure est venue où il va être arrêté, jugé, maltraité, exécuté sur le bois de la croix comme un vulgaire criminel. La prophétie d’Isaïe, entendue en première lecture se réalise : Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. En ce vendredi, nous est donné un jour pour accompagner Dieu qui meurt. 
 
Voilà bien le scandale de ce jour. En nous débarrassant de Jésus, nous ne nous débarrassons pas seulement d’un homme, d’un gêneur, d’un empêcheur de tourner en rond ; non, en nous débarrassant de Jésus, nous nous débarrassons de Dieu lui-même, nous nous affranchissons de l’ultime gardien de nos vies. Nous consacrons l’illusion que pour être vraiment libre, il ne faut avoir ni Dieu, ni maître. Sur la croix, c’est la source même de notre vie qui meurt ; sur la croix, c’est la source même de notre liberté qui meurt. Désormais l’homme est livré à l’homme ; il n’y a plus de mesure à sa démesure. Plus rien ne retient l’homme, plus rien ne contient sa folie, plus rien ne l’empêche de sombrer dans l’injustice la plus crasse. Comme le dit si bien le prophète Isaïe : nous sommes tous errants comme des brebis, chacun suivant son propre chemin… Qui donc s’est soucié de son destin ? Quand l’homme est livré à lui-même, quand l’homme évacue Dieu de sa vie, il n’y a plus personne pour s’occuper de l’autre ; il n’y a plus personne pour dénoncer l’injustice ; il n’y a plus personne pour soutenir l’innocent. Nous pensions qu’il était châtié, frappé par Dieu, humilié. C’est surprenant, cette capacité qu’à l’homme d’évacuer Dieu de sa vie et de s’en servir pourtant encore pour justifier le Mal qui est fait aux autres. 
 
Devant ce scandale d’un Dieu mis à mort, évacué définitivement de la vie des hommes, il ne reste qu’une question, cruciale : celle de notre attitude. Comment accompagnons-nous cet événement ? Sommes-nous de ceux qui hurlent avec les loups ? C’est tellement facile et confortable, n’est-ce pas, de simplement se rallier au plus fort. Au moins, pendant qu’il s’occupe de celui qu’on assassine, il me laisse tranquille ! La lâcheté comme une assurance sur notre propre survie ! Pour un temps au moins. Sommes-nous plutôt de ceux qui, perdus dans la foule, suivent les événements de loin : pas vraiment concernés. Après tout, ce n’est qu’un innocent de plus qui est sacrifié sur l’autel des passions humaines. Pourquoi s’en émouvoir ? Cela changera quoi de donner de la voix pour le soutenir ? Il n’est déjà plus un homme : La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme… Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Oui, qui pourrait croire que l’homme se sépare de Dieu ? Qui pourrait croire que la créature se révolte ainsi contre son créateur, celui qui ne voulait que son bien, celui qui ne voulait que sa vie ? Dans cette foule, en partie hostile, en partie indifférente, il se trouve pourtant aussi des gens qui souffrent devant tant d’injustice, des gens qui osent aller jusqu’au bout, à côté de l’innocent. 
 
Voyez Jean et Marie, la mère de Jésus, ainsi que Marie Madeleine et la femme de Cléophas. Ils accompagnent simplement Jésus. Ils ne peuvent rien faire d’autre que d’être là, en silence, en révolte peut-être devant tant d’injustice, mais impuissants. Que peuvent-ils à quatre contre tout Jérusalem ? Rien. Alors ils restent simplement fidèles, ils vivent la passion du Fils de Dieu dans leur chair, dans leur âme. Leur vie est ravagée, mais ils soutiennent ce fils, cet ami, par leur présence silencieuse et aimante. Un peu de douceur dans un monde de brutes. Debout, près de la croix, ils nous rappellent que celui qui est là, suspendu au gibet, est un homme, un ami, un fils. Il n’est pas un vulgaire objet dont on se débarrasse. Il a une humanité puisqu’il a au moins  un homme et une femme qui se soucient de lui, jusqu’au bout. Il y a aussi Nicodème et Joseph d’Arimathie qui, une fois le drame terminé, viendront chercher le corps du condamné et lui rendre son humanité, sa dignité. Ils sont cette fleur espérance, fragile et pourtant si nécessaire pour aider l’humanité à se relever. 
 
En venant dans cette basilique aujourd’hui, avons-nous bien conscience que c’est Dieu que nous venons accompagner ? Ne vivons pas ce jour comme un moment de folklore, en simple spectateur. Vivons ce jour avec la conscience que c’est bien Dieu qui meurt en croix. Et qu’il meurt pour nous, pour moi, pour toi. Sa vie ne lui appartient plus ; elle devient nôtre si nous croyons qu’il s’est offert librement pour notre vie. Sur la croix s’accomplit le mystère annoncé hier soir dans le don de l’Eucharistie. Jésus s’est offert à cause de moi, pour moi. Sa vie qui l’abandonne, il me la donne pour que je puisse goûter à la vie de Dieu, aujourd’hui même. Ce n’est pas un événement du passé ; c’est aujourd’hui que Dieu meurt pour moi. C’est aujourd’hui que je dois me révéler, me positionner : soit avec la foule vociférant ou indifférente ; soit avec Marie, Jean et les quelques autres qui ont soutenu de leur présence celui en qui ils ont foi. Nous ne pouvons pas rester là, en spectateur d’un événement que nous rangeons dans le passé de notre histoire commune. Quand Dieu meurt, l’homme doit s’engager. 
 
La question posée dans la prophétie d’Isaïe : Qui donc s’est soucié de son destin ?, ne peut rester sans réponse de notre part. Si nous ne répondons pas, alors Dieu serait définitivement mort, et l’homme définitivement perdu. Si nous choisissons de rester, fidèles, au pied de la croix, conscients de notre impuissance mais riches de notre espérance, alors quelque chose pourrait bien changer dans le monde des hommes, alors le Mal pourrait ne pas avoir complètement gagné. Mais cela est une autre histoire, pour un autre jour. Pour l’instant, contemplons celui qui est élevé de terre et, dans le silence de notre cœur, rejoignons ceux dont nous nous sentons proches : la foule qui a chassé Dieu ou Marie et Jean qui ont choisi Dieu. Choisis ton avenir, choisis ta vie. Amen.  
 
(Chemin de croix de Francis SCHNEIDER, Eglise de Fort-Louis, Alsace, Jésus tombe pour la deuxième fois)

lundi 14 avril 2014

Jeudi Saint - 17 avril 2014

Un jour pour apprendre l'amour du service.



Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Voilà une question de Jésus que nous ne pouvons pas évacuer sans chercher à y répondre. En effet, elle est intimement liée au geste singulier et provoquant qu’il vient de poser : Jésus se défait de son vêtement, s’agenouille devant chacun de ses disciples et leur lave les pieds. Abaissement surprenant de la part d’un maître reconnu prenant ainsi la place de l’esclave. 
 
Il faut bien imaginer la scène : voilà Jésus réuni avec ses amis pour un repas. Tout semble se passer bien et voilà qu’au cours du repas, Jésus se lève et pose ce geste surprenant, sans explication préalable. Il n’y a que Jésus pour plomber ainsi l’ambiance d’un bon repas entre amis ! Vous pouvez faire l’essai lors du prochain repas que vous donnerez à vos amis : sans rien dire, levez-vous, enlevez vos vêtements, passez juste un linge autour des reins pour ne pas être totalement nu, et allez de l’un à l’autre avec une cruche, une bassine et une serviette, sans un mot ! Vos amis vous prendront pour un doux-dingue ! Si vous le faites à la cantine scolaire, nul doute que le psychologue de l’établissement soit appelé en renfort ! 
 
Plus surprenant encore est le fait que seul Pierre réagisse ! Est-il donc le seul à avoir deux sous de jugeote ? Les autres ne se rendent-ils pas compte de ce que fait Jésus ? La réaction de Pierre, pour normale qu’elle soit, marque bien la particularité du geste de Jésus. Je crains même que Pierre n’ait été le seul à dire tout haut ce que tous pensaient tout bas. Sa grande gueule lui donne l’avantage d’une certaine sincérité dans ses réactions. Ce que fait Jésus est impensable, voire inadmissible ! C’est un complet renversement de valeurs qu’il opère ! Jésus en est bien conscient, il le dit lui-même, après coup, quand il explique enfin son comportement étrange : c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous.
 
Alors qu’a-t-il fait en réalité, avec ce geste étrange que la liturgie du Jeudi Saint nous fait refaire à notre tour ? Il a pris la place du serviteur, la place du plus petit, celle que personne jamais ne veut. Et il a affirmé que la grandeur de l’homme se trouve justement à cette place, à la dernière place, au service des autres. Et quiconque veut commander aux autres doit se mettre à leur service ! C’est un grand mystère que Jésus nous enseigne ainsi : il nous dit que l’amour du service vaut mieux que l’amour du pouvoir. Et il invite ses disciples, donc nous aujourd’hui, à garder au cœur et dans nos actes, cet amour du service. Non pas le service que les autres nous rendent, mais bien le service que nous avons à rendre aux autres. La communauté des disciples de Jésus est une communauté au service des hommes, au service du monde.
 
Dans l’Evangile de Jean, ce  geste du lavement des pieds prend la place de l’institution de l’Eucharistie qui est le geste de Jésus rapporté par les autres évangélistes, le soir avant sa mort. A Jean, le lavement des pieds ; à Matthieu, Marc et Luc, le geste du pain rompu et de la coupe de vin partagée. Deux gestes différents mais qui ont un même sens : notre vie ne vaut que si elle est donnée, partagée à tous, partagée pour le bonheur et la vie de tous ! Nous n’échapperons donc pas à cette nécessité du service. Et lorsque nous nous approchons de la table eucharistique pour y prendre le pain et le vin devenus corps et sang du Christ, c’est à cet amour du service que nous communion aussi, parce que toute la vie du Christ ne se comprend que comme un immense service de l’humanité qu’il est venu sauver. 
 
Nous ne pouvons comprendre ni le geste du lavement des pieds, ni le don de l’eucharistie, ni la vie de Jésus, si nous n’acceptons pas d’entrer dans une vie de service, si nous n’acceptons pas d’aimer le service. Avec Jésus, l’homme ne peut plus se servir de l’homme ; avec Jésus, l’homme doit servir l’homme, toujours. Là est sa grandeur, là se manifeste sa dignité, là se joue sa filiation divine. Nous ne serons vraiment comme Dieu que lorsque nous accepterons de servir les autres. 
 
Comprenez-vous ce que Jésus a fait le soir du Jeudi Saint ? En se faisant notre Serviteur, il nous a tout donné parce qu’il s’est donné lui-même. Puisque notre baptême fait de nous les frères et les sœurs de Jésus Christ, nous ne pouvons que le suivre sur ce chemin du service ; c’est ainsi que nous parviendrons au bonheur promis dans son Royaume ! De ce jour saint, apprenons l’amour du service, l’amour du don total à ceux que Jésus met sur notre route. Amen.

(Tableau de Sieger KÖDER, publié dans Die Bilder der Bibel von Sieger KÖDER, éd. Schwabenverlag)

vendredi 11 avril 2014

Dimanche des Rameaux A - 13 avril 2014

Un jour pour découvrir qui est Jésus.



J’en conviens, c’est une semaine particulière qui s’ouvre en ce dimanche des Rameaux. Une semaine comme aucune autre, qui nous permettra de vivre et d’approfondir le cœur de notre foi. Son importance ne vient pas tant de sa place dans notre carême (juste avant Pâques) ; son importance vient de ce que chaque jour qui la compose nous permet de découvrir quelque chose de notre foi. Chaque jour que nous allons vivre porte un mystère à approfondir. En ce premier jour de la semaine, il nous est ainsi proposé de découvrir mieux encore qui est Jésus. 
 
Qui est Jésus ? La liturgie de ce dimanche des rameaux nous en donne plusieurs portraits. Il est d’abord celui qui est acclamé comme Roi par la foule qui attend un messie politique. Il est ensuite l’ami qui réunit les siens pour le repas de la Pâque et qui leur laisse un merveilleux cadeau. Il est aussi le Juste arrêté, emprisonné, jugé, abandonné. Il est enfin l’Innocent mis à mort, humilié, moqué de tous. Jésus accepte chacun de ces portraits. Il ne se met pas en colère quand la foule l’acclame comme roi : il sait seulement qu’elle se trompe et que l’heure vient où il rectifiera cette image en faisant découvrir qu’il ne se bat pas avec les armes de la violence ou de la haine. Sa seule arme, c’est l’amour porté à son extrême pour tous, y compris pour ses bourreaux. Ainsi, il n’accable pas Judas qui le trahit, ni Pierre qui le renie, ni les autres qui l’abandonnent. Au contraire, il appelle encore Judas son ami lorsque celui-ci le livre ; il regarde encore Pierre avec un regard d’amour lorsque celui-ci l’a renié ; il n’a de haine pour aucun des Douze. Il ne se révolte pas lorsqu’il est arrêté ; il ne hurle pas à l’injustice lorsqu’il est condamné ; il ne fait pas appel aux armées célestes pour échapper à la croix. Il connaît l’injustice des hommes ; il sait combien le monde est quelques fois révoltant. Mais il accepte ; il prend sur lui tout ce mal dont l’homme est capable pour le mettre à mort avec lui sur la croix. Il va jusqu’au bout de sa mission dans un seul but : nous permettre de vivre, d’être vraiment libre face au péché, de ne plus craindre la mort, et nous offrir enfin de vivre avec lui, éternellement ! 
 
Ce Jésus qui se révèle ainsi est d’abord l’homme de l’obéissance, l’homme du projet de Dieu. Il sait combien Dieu aime l’homme, tout homme ! Il sait combien l’homme est prisonnier de ses passions, de ses envies, de son péché. Il sait que Dieu l’a choisi, envoyé, pour nous libérer. Il ira jusqu’au bout, par obéissance à Dieu, par amour pour nous. Il est animé d’un désir de vivre et de faire vivre tellement puissant qu’il acceptera la mort comme chemin vers plus de vie. Sur la croix, lorsque le Christ meurt, c’est la mort qui perd, c’est la mort qui meurt. Celui qui est source de vie, celui qui a toujours relevé les tordus de la vie qu’il a rencontré, accepte cette mort pour mieux la vaincre. Ce n’est qu’en affrontant la mort sur son propre terrain que le Christ peut la vaincre. Homme de l’obéissance, il est aussi l’homme humble, celui qui fait confiance en toute chose à Dieu, qu’il nomme Père. Il sait que, malgré les apparences, il n’est pas abandonné de lui. Il sait qu’en lui, la vie va manifester sa toute puissance. Comment le faire autrement qu’en acceptant cette mort pour en être relevé lorsque tous croiront que c’en est fini de l’histoire Jésus ? Homme d’obéissance, humble, il est enfin l’amoureux de l’humanité, de toute l’humanité, en particulier cette humanité blessée, défigurée par les épreuves de la vie pour laquelle il se livre. 
 
Par notre baptême, nous sommes identifiés à ce Christ obéissant, humble, amoureux de l’humanité. Notre baptême nous révèle le projet d’amour de Dieu pour nous. Notre baptême nous invite à vivre ce projet pour parvenir au vrai bonheur. Il nous redit que nous sommes fils et filles de Dieu, appelés à témoigner de l’amour dont nous avons bénéficié. Enfin notre baptême nous oblige à l’amour de tous et de chacun, parce que nous sommes nous-mêmes aimés de manière inconditionnelle. 
 
En ce premier jour de la semaine, prenons le temps d’approfondir notre connaissance de ce Jésus qui se livre pour nous. Suivons-le sur le chemin de sa Passion. Plongeons au cœur de notre foi ; nous y trouverons un nouveau souffle, un nouveau dynamisme qui nous fera porter à tous la joie de l’Evangile. Amen.
 
(Icône du Christ - Collection de l'auteur)

vendredi 4 avril 2014

05ème dimanche de Carême - 06 avril 2014

Vivre son baptême, c'est s'ouvrir à la vie de Dieu.



Plus nous approchons de Pâques, plus se précise ce qui se vit, ce que nous vivons, lorsque nous célébrons le baptême. Et c’est normal, puisque le temps du Carême est aussi le temps favorable de la préparation du baptême, le temps de la conversion, le temps où nous choisissons Dieu en toute connaissance de cause. Ce dernier dimanche avant la grande semaine vient nous redire que le baptême nous ouvre à la vie même de Dieu. 
 
Le choix de l’Evangile du retour à la vie de Lazare met l’accent sur la figure de Jésus. Et je dois dire qu’il est pour le moins curieux. Comme s’il avait laissé faire les choses, laissé faire le temps jusqu’à la mort de Lazare. Alors qu’on l’informe à temps de la maladie grave de son ami, Jésus fait visite buissonnière : il s’attarde en chemin. Et même, il ne se rend au chevet du malade que lorsqu’il est trop tard ! Mais bien vite, nous comprenons que c’était pour la bonne cause : Lazare notre ami s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil. Comme d’habitude, les disciples ne comprennent pas grand-chose, mais ce n’est pas grave ; cela ne donne que plus de relief à l’intervention de Jésus. 
 
Jésus arrive donc là où il avait été appelé ; de la rencontre des deux sœurs, retenons cette parole de Jésus : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et  tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? Jésus, avant même de passer personnellement par la mort, s’affirme déjà comme vainqueur de la mort. Il sait vers quoi il marche ; il sait ce qui l’attend à Jérusalem. Et ce qui va se passer sous nos yeux, là à Béthanie, doit déjà donner force et courage à ceux qui le suivront à Jérusalem. Ce qui compte, pour les hommes et les femmes qui suivent Jésus, c’est la foi qu’ils ont en lui. Là où est Jésus, il n’y a que la vie ; là où est Jésus, la mort n’a plus rien à dire. Oh, certes, à l’époque de Jésus déjà, certains avaient foi en une résurrection des morts, à la fin des temps : Marthe s’en fait l’écho dans sa réponse à Jésus : Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. Mais Jésus l’emmène plus loin ; il nous emmène plus loin. Il nous conduit à affirmer que la résurrection, c’est en lui qu’elle se trouve, c’est par lui qu’elle s’obtient. Enlever Jésus du paysage, et il n’y a plus de résurrection possible ! Enlever Jésus du paysage, et la mort triomphera toujours ! Le signe du retour à la vie de Lazare vient nous démontrer que c’est Jésus qui est la vie, que c’est Jésus qui a le dernier mot dans cette lutte entre la Vie et la Mort, le Bien et le Mal. Et cette vie qui est Lui est à nous, si nous croyons en lui. 
 
Lorsque l’Eglise célèbre le baptême, lorsqu’elle accueille quelqu’un en son sein par ce sacrement, elle l’ouvre ainsi à la vie de Dieu. Et le rite du baptême par plongée complète dans l’eau venait le dire symboliquement. Le baptisé descendait dans l’eau, il était interrogé une première fois : crois-tu en Dieu Père ?, puis plongé sous l’eau d’où il ressortait prendre l’air, prendre vie en proclamant : Je crois. Une deuxième fois, il était interrogé : crois-tu en Jésus Christ ?, plongé sous l’eau d’où il ressortait prendre l’air, prendre vie, en proclamant : Je crois. Une troisième fois enfin, il était interrogé : Crois-tu en l’Esprit Saint ? A nouveau, il était plongé dans l’eau, d’où il ressortait prendre l’air, prendre vie en proclamant : Je crois. Peut-on mieux que cela dire et surtout mieux expérimenter dans sa chair que notre vie se trouve en Dieu, et qu’en lui seul nous sommes vraiment vivant ? Si nous ajoutons à cela que, pour l’homme de la Bible, l’eau (la mer) est le lieu où habitent les forces du Mal, on comprend mieux le sens de cette plongée dans l’eau : plongée dans les eaux de la mort et du Mal, nous en sortons vivants à la suite du Ressuscité, Premier-né d’entre les morts. C’est lui qui nous appelle à le suivre, c’est lui qui nous mène par-delà la mort à la vie véritable, la vie en plénitude. Oui, c’est lui qui nous appelle au baptême, lui qui nous invite à le suivre, comme il a appelé Lazare hors de sa tombe. En faisant de nous des fils du Très Haut, il nous délie de ce qui nous enchaîne à ce monde et nous rend libres et vivants pour le Royaume. N’est-ce pas là ce que Paul essaie d’expliquer aux chrétiens de Rome ? 
 
Il y a une vie après le baptême, et beaucoup de baptisés l’oublient ; oh non pas qu’ils oublient de vivre, mais ils oublient de vivre pour qui ils sont fait ; ils oublient de vivre avec celui qui les a fait, avec celui qui les a appelés. On peut certes s’interroger sur le pourquoi du comment ils en sont arrivés là ; nous trouverions sans doute de nombreuses réponses, les marquant du doigt et stigmatisant leur manque de reconnaissance. Mais nous pouvons aussi nous interroger sur ce que nous faisons pour leur permettre de vivre mieux cette alliance avec le Dieu vivant et vrai. Lorsque j’étais encore curé de paroisses, je ne m’étonnais plus de l’absence des baptisés à la vie de la communauté quand je constatais l’absence de la communauté au moment des baptêmes célébrés. Nous avons laissé le baptême se privatiser, être confisqué par les familles. Les raisons ont pu être nobles : c’est quelque chose d’intime, il faut respecter la famille, quand on ne vous dit pas carrément : de toute manière, on ne les verra plus : pourquoi nous déranger ? Eh bien, parce que la vie baptismale est à tous : parce que nous portons un titre, une grâce, qui ne vient pas de nous, mais qui nous est offerte, non pour nous, mais pour tous. Parce que nous sommes responsables les uns des autres, y compris dans la foi ou l’absence de foi. Puisque notre Dieu a voulu s’incarner en Jésus son Fils pour nous attirer vers lui, comment pouvons-nous croire que ce que nous vivons ne regarde pas les autres, ne fait pas signes pour les autres ? 
 
Le baptême que nous avons reçu nous oblige au partage de notre foi ; le baptême que nous avons reçu nous fait tous membres d’une même famille : celle que Dieu choisit, celle que Dieu appelle pour partager sa vie, aujourd’hui et toujours. Si tous les baptisés en étaient convaincu, si nous en étions convaincu, comme notre monde serait différent. Alors, nous pouvons maintenant nous apitoyer ou reprendre souffle, reprendre vie avec Jésus qui nous a appelés et nous appelle toujours : il y a une vie après le baptême, et il n’est jamais trop tard pour la reprendre. Il y a une vie après le baptême,  il n’est jamais trop tard pour décider de sortir du tombeau de notre vie sans Dieu, pour nous laisser délier par lui et aller à sa suite. Il n’est jamais trop tard pour croire en celui qui nous dit : viens dehors, viens vers moi qui suis ta vie, maintenant et toujours. Amen.