Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 31 octobre 2014

Toussaint - 01er novembre 2014

La sainteté a-t-elle un présent ?





Toussaint : voilà une fête qui ne fait pas grand mystère de ce qu’elle célèbre : son nom dit déjà tout. Tous les saints, pris dans une seule célébration. Une fête au confluent du passé et de l’avenir. 
 
Une fête qui nous vient du passé, puisque ceux que nous célébrons aujourd’hui sont déjà morts ; ils sont déjà en Dieu. Les jours de nos années n’étant pas extensibles à volonté, chaque époque ayant ses propres saints, chaque pape le souci d’en proclamer de nouveaux (François a déjà dépassé en nombre de saints créés son glorieux successeur, saint lui-même !), une année ne suffit pas à célébrer chacun. Entre les nouveaux entrants et les anciens oubliés, il fallait bien une fête pour les célébrer tous, afin de ne fâcher personne. On peut voir les choses ainsi. Cette fête nous rappelle surtout que le passé de l’Eglise n’a pas été que marqué par l’Inquisition et les Croisades, et que beaucoup de bien s’est fait par l’intermédiaire de ceux et celles qu’elle porte sur les autels. Le message de l’Evangile a été vécu sans relâche depuis que Jésus a prêché sur les bords du lac de Galilée jusqu’à aujourd’hui. Pas une époque qui n’ait ses saints ; pas un continent, pas un pays,  où l’Evangile a été proclamé qui n’ait un glorieux ancêtre dans la foi. Cette fête a de quoi nous réjouir, même en ces temps moroses. Tant d’hommes et de femmes connus ou oubliés qui ont vécu une vie chrétienne exemplaire, capable de nous guider nous-aussi à la rencontre du Christ. Tant d’hommes et de femmes et d’enfants qui sont autant de chemin vers Dieu, autant de routes de sainteté. Nous aurions mauvaise foi de dire que nous ne trouvons pas la nôtre. Parmi les saints et les saintes, il y a des enfants, des pères et mères de familles, des religieux et des religieuses, des papes, des évêques, des prêtres, des diacres, des laïcs consacrés, des chrétiens de base : bref, chacun de nous, dans la situation qui est la sienne, peut se trouver un modèle, ancien ou plus récent, pour le guider vers Dieu. 
 
La fête de la Toussaint a donc aussi un avenir. Si tant d’hommes et de femmes, croyants au Christ, ont été reconnus par l’Eglise comme d’authentiques témoins de la foi, c’est aussi pour nous rappeler que nous sommes appelés à la sainteté, nous aussi ! Les derniers saints créés sont bien des contemporains : qui n’a pas connu Jean-Paul II, pour ne citer que lui ? Si c’est une fête qui marque le passé de l’Eglise, elle dit aussi son avenir : la sainteté n’est pas épuisée par celles et ceux qui ont été reconnus comme tel. Il y a toujours de la place pour les saints de demain. La sainteté est notre destinée à tous. N’est-ce pas ce que proclamera la prière après la communion ? Dieu qui seul es saint, toi que nous admirons et adorons en célébrant la fête de tous les saints, nous implorons ta grâce : quand tu nous auras sanctifiés dans la plénitude de ton amour, fais-nous passer de cette table, où tu nous as reçu en pèlerins, au banquet préparé dans ta maison. C’est ce que nous espérons ; c’est ce que nous demandons dans la prière de ce jour : que nous aussi connaissions un jour la joie d’être à la table de Dieu dont notre autel est une préfiguration. 
 
Si donc la Toussaint a un passé et un avenir, il reste une question : a-t-elle un présent ? Est-elle une fête pour aujourd’hui aussi ? Pour moi, la réponse est oui. Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que nous ayons conscience que la sainteté n’est pas une récompense pour plus tard, mais un état d’esprit, un art de vivre aujourd’hui. Nous sommes tous saints par notre baptême. Paul nous l’a encore redit dans la deuxième lecture : Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous  comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes. Dès aujourd’hui ! Et si nous sommes enfants de Dieu dès aujourd’hui, c’est donc que nous sommes saints dès maintenant, appelés à vivre dès maintenant cette sainteté qui nous vient de Dieu, par grâce. La sainteté n’est décidément pas un hochet pour enfant sage ; elle est notre condition commune, nous invitant à vivre chaque jour, dès maintenant, ce don que Dieu nous fait en nous reconnaissant comme siens. C’est chaque jour de notre vie terrestre que nous avons à vivre en fidèles du Christ Jésus ; c’est chaque jour que nous devons faire briller notre auréole, et pas que sous les bras. Etre saint, c’est notre vocation, dès ici-bas. Etre saint, c’est notre condition commune. 
 
Si la Toussaint nous donne de nous réjouir de nos glorieux anciens, si elle nous permet d’entrevoir la gloire qui nous est promise, elle nous tourne donc aussi vers notre baptême, vers l’appel que nous avons reçu de Dieu pour vivre nous aussi comme lui : Soyez saints comme Dieu est saint. Tel est l’appel de Dieu dès l’Ancien Testament. Réjouissons-nous pour celles et ceux qui ont répondu à cet appel, par toute leur vie. Et stimulons-nous à les imiter dès maintenant ; ainsi le Royaume espéré deviendra réalité visible pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore Jésus Christ. N’est-ce pas le meilleur moyen de répandre l’esprit des béatitudes ? Bonne fête à chacun de nous qui essayons, à travers des vies chaotiques, de vivre l’Evangile du Christ et d’y rester fidèles, sincèrement. Amen.

(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 24 octobre 2014

30ème dimanche ordinaire A - 26 octobre 2014

L'amour véritable.




S’il nous fallait choisir une seule phrase de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, ce serait assurément ce double commandement qu’il livre aujourd’hui à ses contradicteurs qu’il nous faudrait retenir. L’amour de Dieu et du prochain, irrémédiablement lié, éternellement associé. Depuis que Jésus a été interrogé sur le cœur de la Loi, nul ne peut ignorer qu’il s’agit, dans un même mouvement, d’aimer Dieu et le prochain. Et pour ceux qui n’auraient pas tout compris, saint Jean, dans l’une de ses lettres, enfonce le clou en proclamant : Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et qui n’aime pas son frère qu’il voit, celui-là est un menteur ! Il nous faut donc tenir pour acquis que notre amour de Dieu se vérifie dans l’amour des frères, et que notre amour des frères renforce notre amour de Dieu. 
 
Faisons un pas de plus. A l’origine de l’amour, il y a Dieu. J’aime à le croire. Et ma conviction en est renforcée chaque fois que je vois les hommes incapables d’aimer par eux-mêmes. Je parle là de cette qualité d’amour qui nous fait accepter l’autre tel qu’il est ; cette qualité d’amour qui me pousse au pardon lorsque l’autre me blesse ; cette qualité d’amour qui me permet de comprendre que l’autre n’est pas mon objet, ma possession, mais un être libre, avec son histoire propre, ses qualités et ses défauts. Nos réflexes humains nous poussent le plus souvent à aimer qui nous aime, le temps qu’il nous aime ou qu’il nous plaît, et à ignorer l’autre le jour où il nous blesse, ou simplement parce qu’il ne correspond plus à ce que nous avions entrevu ou imaginé à son sujet. Mais là n’est pas le véritable amour. Pour apprendre comment aimer, il me faut regarder vers la source de l’amour. Rien ne vaut alors la fréquentation des textes bibliques, qui ne sont finalement que la mise en page de l’amour immense de Dieu pour nous. De la première aube jusqu’à la fin des temps, Dieu aime passionnément l’humanité. Toute la Bible en témoigne. C’est l’amour de Dieu qui est créateur ; c’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui suscite les patriarches, les rois et les prophètes. C’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui engendre le Christ en Marie, offrant au monde la Source du salut en cet enfant, Dieu fait homme. C’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui se livre sur la croix, alors que tous, croyants et païens, rejettent ce Dieu Sauveur, venu annoncer aux hommes qu’ils sont faits pour vivre ! C’est encore l’amour de Dieu pour l’humanité qui ressuscite ce Fils unique et propose à tout homme qui croit en lui d’être libéré à son tour du mal et de la mort. Il n’y a pas de place, en Dieu, pour la vengeance, l’humiliation, la revanche. Seul l’amour est vrai. Seul l’amour donne vie. Et c’est à cet amour-là que nous sommes invités à nous conformer ; c’est de cet amour-là dont parle Jésus ; c’est cet amour-là qu’il nous invite à vivre. Un amour qui est de toujours et pour toujours. 
 
L’amour devient ainsi comme la marque de fabrique du croyant. Jésus le dira à ses disciples : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples. Non pas que nous soyons meilleurs que les autres, mais nous avons, perpétuellement devant les yeux, et au plus profond de notre cœur, l’exemple de Jésus qui nous a aimés jusqu’à donner sa vie pour nous. Comment, ayant bénéficié d’un tel amour, ne pas chercher à en faire bénéficier d’autres ? Si notre baptême nous configure bien au Christ Sauveur, nous avons reçu de lui ce qui est nécessaire pour vivre et aimer comme lui. N’est-ce pas son Esprit qui habite en nous ? N’est-ce pas son Esprit qui nous fait vivre ? Peut-être nous faut-il revenir à la source même de notre baptême pour y puiser la force d’aimer ! Et si notre amour est quelquefois défaillant, nous pouvons puiser encore à la source du pardon que Dieu nous offre, pour goûter ainsi à la joie qu’il y a d’être aimé, malgré nos faiblesses. Nous pouvons aussi nous approcher de la table de l’Eucharistie où Dieu rend actuel le sacrifice de son Unique : nous pouvons recevoir ici la vie même de Dieu et faire mémoire de son amour pour nous. Nous le voyons : Dieu nous demande d’aimer comme il aime, parfaitement. Mais il nous donne aussi, à travers ses sacrements, les moyens nécessaires pour vivre et faire grandir un tel amour. Dieu ne nous demande rien d’impossible ! Agissant pour nous dans ses sacrements, il éveille en nous la possibilité d’aimer vraiment. 
 
Rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, nous pouvons rendre grâce pour ce que l’amour de Dieu réalise pour nous chaque jour ; et nous pouvons faire nôtre l’exclamation du psalmiste : Je t’aime, Seigneur !  L’aimant lui de tout notre cœur, nous verrons s’ouvrir devant nous les chemins qui nous mènent vers nos frères en humanité pour construire avec eux un monde de paix et d’amour. Amen.
 
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 17 octobre 2014

29ème dimanche ordinaire A - 19 octobre 2014

Dieu et César.



Les Pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. D’emblée est posé le cadre de cette rencontre surprenante entre Jésus et des disciples des Pharisiens et des partisans d’Hérode : un cadre hostile, un piège destiné à faire tomber celui que la foule vient écouter en masse. Je ne sais pas si c’est de la bêtise ou de l’inconscience de vouloir prendre Jésus en défaut sur sa parole ; mais reconnaissons que cela donne un peu de panache à la démarche de ses adversaires. Pouvez-vous imaginer un seul instant réussir à prendre en défaut Jésus, en le faisant parler, lui qui est le Verbe de Dieu selon saint Jean, c’est-à-dire la propre parole de Dieu ? 
 
Les récents enseignements de Jésus (parabole des deux fils, parabole des ouvriers homicides et parabole des invités à la noce) auraient quand même dû les mettre en alerte. Certes, Jésus les a grandement énervés ; mais puisque c’est justement son enseignement qui les excite, pourquoi l’attaquer sur ce point-là ? Ils savent que c’est son point fort ; ils savent que sa parole a du poids ; ils savent qu’il est écouté. Quand tu veux attaquer ton adversaire, trouve son point faible ; ne le provoque pas dans le domaine où il excelle. N’ont-ils donc point de bon sens ? Bref, dès le départ, nous pouvons sentir que l’affaire est mal engagée, et ce n’est pas parce qu’ils viennent à plusieurs contre Jésus seul qu’ils ont un avantage ! 
 
Mais venons-en au piège lui-même. Ils sont futés quand même ; ils commencent par passer de la pommade à Jésus : Maître, nous le savons ; tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu. Tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Ce qu’ils disent là n’est pas faux, nous le savons bien. L’enseignement de Jésus, sa parole, est le vrai chemin de Dieu. S’ils ne venaient pas en adversaires, nous pourrions louer leur foi, comme Jésus le fit lui-même si souvent pour celles et ceux qui venaient à lui avec un cœur pur. Mais voilà, leur cœur n’est pas pur, leurs intentions ne sont pas bonnes ; ils sont fourbes. Ils essaient de cacher leur piège derrière des paroles suaves. Du coup, leur question passe presque pour anodine, un simple point de détail, une précision toute bête à apporter dans un enseignement déjà riche. Donne-nous ton avis : est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? La question peut nous sembler futile aujourd’hui, mais pour Jésus, elle est redoutable. S’il répond oui, il s’affichera comme collabo, partisan des Romains, et les foules, qui n’attendent qu’une seule chose, être débarrassé de l’envahisseur, se détourneront de lui. S’il répond non, il sera considéré comme séditieux, appelant à la révolte, et c’est ce même envahisseur, pourtant honni, qui se chargera de lui et règlera le compte de ce gêneur. Nous pouvons mesurer davantage encore la fausseté des paroles mielleuses qui ont introduit la question. 
 
Comment Jésus s’en sort-il ? En retournant le piège contre ses adversaires en trois temps ! Premier temps : Montrez-moi la monnaie de l’impôt. Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Et déjà le piège se referme sur eux : ils ont bien en poche une monnaie qui sert à payer l’impôt. Ils ne semblent pas avoir cherché longtemps. Ils l’avaient à portée de main. Ils pactisent donc eux-mêmes avec l’occupant. Deuxième temps : l’effigie et la légende, de qui sont-elles ? – De l’empereur César. Si la possession de la pièce ne suffisait pas, voilà démontré qu’ils savent que c’est de l’argent sale, comme nous dirions aujourd’hui. Ce n’est pas la monnaie qui devrait avoir cours en Israël ; ils savent que c’est une monnaie étrangère, marque de leur soumission à l’impie. Troisième temps : l’enseignement de Jésus : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Comme pour dire, ne me mêlez pas à vos compromissions. Ce qui est de ce monde, rendez-le à ce monde ; ce qui est du monde de Dieu, rendez-le à Dieu. Il faut alors encore préciser que la liturgie nous prive du dernier verset  de ce passage de l’évangile de Matthieu. Il nous dit la réaction des adversaires à la parole de Jésus : A ces mots, ils furent tout surpris et, le laissant, ils s’en allèrent. 
 
Qu’apprenons-nous de tout ceci ? Premièrement : Jésus se pose en libérateur. Par son geste, par sa parole, il redonne aux choses leur vraie valeur. Il libère nos esprits étriqués de toute vision étroite ou partisane. Il nous invite à être vrais. Nous sommes vraiment libres lorsque notre oui est oui et notre non est non. En apprenant à rendre à César et à Dieu ce qui leur revient respectivement, nous sommes engagés dans ce processus de libération. Nous sommes vrais, et dans nos relations humaines, et dans notre relation à Dieu. Deuxièmement : Matthieu nous apprend dans son évangile ce que Jean révèlera dans le sien : nous avons à vivre dans le monde sans être du monde ; non pas évadés dans une bulle spirituelle, mais pleinement présent à la vie des hommes, sans toutefois entrer dans le jeu des compromissions. Si nous avons appris de Jésus à être vrais, alors nous pouvons nous engager dans ce monde, y compris en politique pour transformer le monde, sans jamais céder à l’esprit du monde. Troisièmement : Ayant appris à être vrais, sachant nous positionner justement dans ce monde qui passe, nous pouvons alors avoir une parole vraie, une parole claire, une parole qui éclaire et libère, une parole qui surprend aussi ceux à qui nous nous adressons. Notre parole doit être comme la parole de Jésus ; c’est sa parole que nous devons faire entendre, c’est de sa parole que nous devons vivre. 
 
Pour finir, laissons le dernier mot à la prière de l’Eglise ; l’oraison, que nous avons adressée à Dieu au début de notre eucharistie, nous introduisait magnifiquement à toutes ces découvertes. N’hésitons pas à la reprendre chaque fois que nous sommes confrontés à l’adversité, aux vents contraires ; elle nous indiquera toujours le chemin de la liberté et de la vérité, qui nous permettra de rendre et à César et à Dieu, ce qui leur revient. Dieu éternel et tout-puissant, fais-nous toujours vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d’un cœur sans partage. Tout est là, tout est dit. Amen.
 
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)

samedi 11 octobre 2014

28ème dimanche ordinaire A - 12 octobre 2014

Avec Paul, donner du sens à nos dons.





Nous terminons aujourd’hui la lecture de la lettre aux Philippiens et, je l’avoue, une lecture trop rapide de ce passage peut surprendre. En effet, qui connaît un peu la pensée et l’agir de Paul, sait qu’il n’a jamais compté sur l’aide d’autrui. Il a toujours mis un point d’honneur à gagner sa nourriture par son travail. Aurait-il eu une attitude différente vis-à-vis des Philippiens ? 
 
Lorsqu’il écrit aux Philippiens, Paul est en prison, à cause de sa foi. Il a connu des moments difficiles, des moments de grand dénuement. Les Philippiens l’ont aidé matériellement, par deux fois. C’est pourquoi, à la fin de sa lettre, il les remercie. Il n’a pas renoncé à ses convictions (travailler pour gagner sa nourriture) ; il se trouvait juste dans une situation qui ne lui permettait pas de vivre comme il le voudrait, comme il l’a toujours enseigné. Ce qui est intéressant, c’est la manière dont Paul les remercie. Il ne refuse pas le don qui lui est fait, mais rappelle qu’il est d’importance toute relative. Je sais vivre de peu, je sais aussi avoir tout ce qu’il me faut. Il n’a pas besoin de grand-chose. En fait, une seule chose lui suffit pour vivre et être heureux : il l’a écrit quelques lignes plus haut : pour moi, vivre, c’est le Christ !  S’il a accepté ce don, c’est pour ce qu’il signifie spirituellement. 
 
Si vous lisez chez vous la totalité de la lettre aux Philippiens, (ce que je vous recommande ; en plus elle est très courte), vous découvrirez que Paul accepte ce don parce qu’il représente la participation active des Philippiens à son ministère d’évangélisation. S’il accepte ces dons, c’est parce qu’il voit d’abord dans ce geste le bénéfice pour les Philippiens. En s’intéressant ainsi à la vie de Paul, ils manifestent qu’ils ne sont pas fermés sur eux-mêmes, mais capables de charité élémentaire. Les dons qu’ils ont faits démontrent à Paul que les Philippiens ont bien accueilli le Christ au cœur de leur vie puisqu’ils sont capables de partage. La vie nouvelle en Christ reçue au moment de leur baptême se déploie ainsi dans leur quotidien. Chez Paul, les œuvres ne précèdent pas la foi, elles en sont l’expression. Paul ne remercie donc pas tant pour les dons, que pour la foi des Philippiens, foi vivante, foi agissante envers ceux qui sont dans le besoin. 
 
Se situant sur le terrain de la foi, Paul remet ainsi le Christ au cœur de son enseignement. Je peux tout en celui qui me donne la force. Il rappelle que l’unique nécessaire, c’est le Christ, qui vient toujours en aide à celui qui se confie à lui, à celui qui croit en lui. Avec l’aide du Christ, aucune épreuve ne saurait être trop difficile. Avec l’aide du Christ, rien ne saurait séparer Paul de l’amour de Dieu. Les Philippiens l’ayant aidé matériellement, il va les remercier en les aidant spirituellement. Il les confie à la grâce de Dieu : mon Dieu subviendra magnifiquement à tous vos besoins selon sa richesse dans le Christ Jésus. Il ne peut rien faire d’autre que cela, mais cela est tout pour Paul. Puisque le Christ est tout pour lui, puisque le Christ est sa vie même, il donne le Christ comme gardien aux Philippiens. Paul nous enseigne ainsi que donner, c’est surtout recevoir. En faisant un don à Paul, ils reçoivent un accroissement de la foi, une proximité plus grande avec l’Apôtre, une proximité plus grande avec le cœur même de Dieu. C’est pour cela que l’Apôtre rend grâce à Dieu. 
 
D’un simple don fait à un prisonnier, Paul tire un enseignement sur la foi. Il n’y a pas à se soucier du lendemain puisque Dieu lui-même veille sur ceux qu’il a éveillés à la foi. Les croyants peuvent donc, même au milieu des difficultés, se consacrer à ce qui doit rester premier : l’annonce du Christ. Paul le fait par sa prédication ; les Philippiens le font en s’unissant à lui, en étant en communion avec lui par les dons qu’ils lui ont adressés. Chacun, selon ses capacités, peut donc favoriser l’annonce de l’Evangile, l’annonce du Christ Sauveur. Puisse notre communion au Christ Eucharistie nous faire comprendre comment nous pouvons à notre tour annoncer son Règne au monde de notre temps. Amen.

samedi 4 octobre 2014

27ème dimanche ordinaire A - 05 octobre 2014

Une parabole pour notre conversion.



A quoi sert la Parole de Dieu ? Sert-elle à exclure ou à inviter ? Sert-elle à mettre à mort comme on a pu le voir récemment sous d’autres cieux ou sert-elle à faire vivre ? En écoutant le prophète et l’évangéliste, la question de l’usage que nous faisons de la Parole mérite d’être posée. 
 
Les auditeurs de Jésus n’ont pas eu besoin de grande explication de cette parabole des ouvriers homicides. Ils connaissent le passage du prophète Isaïe que nous avons entendu en première lecture. Ils savent le sens du chant du bien-aimé à sa vigne ; ils comprennent bien que c’est Dieu qui est le propriétaire de la vigne, que la vigne, c’est Israël dont Dieu a pris soin depuis ce jour où il a fait sortir son peuple d’Egypte. Ils ont en mémoire les reproches des prophètes à ce peuple à la nuque raide. Le sort réservé par leurs pères aux prophètes du Seigneur fait partie de leur histoire. Alors quand Jésus raconte à son tour l’histoire d’un homme qui possédait une vigne qu’il a donné en fermage à des vignerons, les chefs des prêtres et les pharisiens comprennent : ils sont ces ouvriers qui rejettent les serviteurs du maître de la vigne ; ils seront ces ouvriers qui mettront à mort le fils du propriétaire. Ils sont ceux qui veulent accaparer la vigne, c’est-à-dire garder ce peuple qui est à Dieu sous leur propre coupe. 
 
Comment a-t-on pu, au cours des siècles, utiliser alors cette parabole pour montrer du doigt le peuple de la première alliance, en l’assimilant un peu vite aux ouvriers ? Comment a-t-on pu faire à partir de là, une théologie de la substitution, qui nous a fait dire que le peuple juif avait fait son temps ; comme il n’avait pas reconnu en Jésus le Messie, il devait laisser la place au nouveau peuple de Dieu, les gentils chrétiens. Cette théologie est fausse. Il suffit de relire saint Paul qui affirme, dans sa lettre aux Romains, que l’Alliance de Dieu avec Israël demeure, car Dieu est toujours fidèle à ses promesses. La nouvelle Alliance ne supprime pas la première Alliance. Comme l’écrit le Père Philippe GRUSON, l’Eglise ne remplace pas le peuple juif, pas plus qu’un second fils ne remplace le premier. 
 
A ceux qui pensent que, le prophète Isaïe ayant fait des siècles plutôt le même constat que Jésus, on peut légitimer une théologie de la substitution, je voudrais laisser ces paroles d’un rabbin (rabbin Rivon KRYGIER) qui commentait ce même évangile : Je me souviens que de telles accusations existent déjà dans les harangues prophétiques de la Bible rabbinique ! « Ils ont rejeté Ta Loi derrière eux et ont tué les prophètes qui les adjuraient de revenir à Toi » (Ne 9, 26)… Le lecteur est tenté de se dire : si les accusations viennent des juifs eux-mêmes, alors cela ne vaut-il pas pour aveux ? Mais s’accuser soi-même ou son propre peuple, n’est-ce pas une manière de se confesser ou d’appeler les siens au ressaisissement ? 
 
Voilà un point de vue intéressant, qui nous renvoie, non pas au peuple juif de l’époque de Jésus, mais à nous. Quand Matthieu écrit son Evangile, il ne l’écrit pas pour les juifs, mais pour les membres de sa communauté. Son but n’est pas de montrer du doigt le peuple de la première Alliance, mais de mettre en garde les siens contre leur infidélité à l’Alliance. Ce qu’Isaïe dénonçait à son époque pour son peuple, peut-être Matthieu le dénonce-t-il déjà pour le sien quelques années après la mort et la résurrection de Jésus !  Il ne s’agit pas d’un Evangile pousse-au-crime contre les juifs, mais bien d’une mise en garde, adressée à des chrétiens, c’est-à-dire à nous, sur ce qui se passe si nous ne sommes pas fidèles à l’Alliance de Dieu.
 
Nous pouvons donc entendre cette parabole de manière très personnelle. Nous sommes à la fois la vigne de Dieu (nous lui appartenons) et les ouvriers (nous avons à vivre de telle manière que notre vie, animée par la foi au Christ, porte de bons fruits pour Dieu). Vivons-nous notre vie comme si elle venait de nous, sans respect pour personne, ni Dieu qui nous l’a donné, ni les autres qui la rencontrent ? Rejetons-nous, voire tuons-nous, tous ceux qui pourraient nous rappeler que notre vie a un horizon plus large que notre petite personne ? Rendons-nous à Dieu ce qui lui appartient par l’action de grâce, ou sommes-nous autocentrés ? 
 
Plutôt que d’être un moyen de condamner ceux qui sont différents de moi, ceux qui me permettraient de garder Dieu au cœur de ma vie, cette parabole est une invitation à purifier ma vie, mon regard, mes relations avec Dieu, avec les autres, avec moi-même. Je ne peux, ni ne dois m’enfermer dans la vigne carrée de ma vie. Disciple du Christ, je me dois de garder une ouverture sur l’Autre et les autres, comprenant que Dieu m’appelle par eux à grandir en sainteté. 
 
Au niveau ecclésial, cette parabole nous rappelle que les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres, et que le salut qu’ils espèrent n’est ni un droit, ni un acquis social. L’Eglise, et chacun de ses membres, doit toujours se convertir pour correspondre davantage à ce que Dieu en attend. Le salut est dans notre conversion, jamais dans la comparaison, encore moins dans l’exclusion. Puissent tous ceux qui défilent pour des idées catholiques s’en souvenir. Amen.
 
(Photo prise sur les hauteurs de Guebwiller)