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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 25 décembre 2015

Sainte nuit de Noël - 24 décembre 2015

Il est là, celui que les prophètes ont annoncé !




Après avoir écouté les prophètes Jérémie, Baruc, Sophonie et Michée, voici que retentit en cette nuit sainte un oracle du prophète Isaïe : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière : et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Rassemblés au cœur de la nuit, nous pouvons comprendre la puissance de cette annonce. A qui ne connaît que les ténèbres, l’annonce du retour de la lumière est une grande joie. 
 
Cette lumière dont parle Isaïe, c’est d’abord la paix retrouvée pour un peuple qui a connu trop longtemps la guerre. Cette lumière qui se lève est pour nous aussi. Depuis quelques mois, le mot de guerre a repris sa place dans notre vocabulaire ; le déploiement des forces de l’ordre et les consignes de sécurité sans cesse répétées nous rappellent cet état d’urgence que nous vivons parce que des fous veulent mener une guerre au nom d’un Dieu dont ils ignorent la tendresse, la bonté et la miséricorde. A l’échelle de nos familles, de nos paroisses, de nos engagements sociaux divers, nous pouvons vivre des petits conflits. Cette lumière qui se lève éclaire la nuit de nos conflits et nous permet de dépasser les oppositions, de faire la paix à une petite échelle afin que puisse naître la paix à une échelle plus grande. L’enfant qui naît en cette nuit est pour nous aussi le Prince de la Paix. 
 
Cette lumière dont parle Isaïe, c’est aussi la joie d’une naissance. C’est à cette naissance que nous devons la paix ; c’est à cette naissance que nous devons l’espérance d’un monde meilleur. Les noms donnés à l’enfant (Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix) sont un programme de vie. Ils identifient l’avenir de cet enfant et le nôtre. Gouvernés par un tel chef, comment ne pas se réjouir ? Comment n’être pas pleins d’espérance lorsqu’un avenir commun semble à nouveau possible ? 
 
Cette lumière dont parle Isaïe, c’est la manifestation de Dieu au cœur de la vie du monde. Ce Dieu qui avait été mis de côté, rangé aux oubliettes de l’Histoire, le voici qui se manifeste. Et il le fait dans ce que le monde compte de plus beau : la naissance d’un enfant. Et il le fait dans ce que le monde compte de plus fragile : un nouveau-né ! Nul besoin d’avoir été soi-même parent pour sentir la joie monter en nous devant un nouveau-né porteur de promesse de vie, de paix et d’espérance. Cet enfant nouveau-né n’est pas comme les autres enfants qui ont pu naître au même moment que lui. Cet enfant est Dieu, il est la présence et la réalité de l’amour de Dieu à l’œuvre. Comprenant cela, nous comprenons aussi que plus rien, ni personne ne pourra nous enlever cette joie ; plus rien, ni personne ne pourra détruire cette paix obtenue parce que c’est Dieu lui-même qui nous la garantit ; c’est Dieu lui-même qui nous l’offre. 
 
Un enfant nouvellement né, et c’est toute notre vie qui change. Le ciel lui-même se réjouit en cette nuit. Celui que les prophètes de l’alliance première ont annoncé, le voici, couché dans une étable. Une nouvelle ère s’ouvre avec lui ; une nouvelle alliance est proclamée. Nous avons bien raison, en cette nuit, de veiller et de joindre nos voix à celles des anges pour chanter la gloire du Très-Haut. Nous avons bien raison, en cette nuit, de veiller et de nous émerveiller devant cet enfant nouveau-né. Nous avons bien raison, en cette nuit, de nous être déplacé pour venir là et trouver, comme les bergers jadis, celui que Dieu lui-même nous envoie. La première des choses à faire quand Dieu vient à notre rencontre, c’est bien de nous laisser déranger, fût-ce pendant la nuit, pour aller à sa rencontre. Alors oui, regardez et contemplez : Dieu s’est fait homme pour que nous puissions devenir comme Dieu ! Dieu s’est enfermé dans les limites de notre humanité pour que notre humanité puisse se dilater à la mesure de sa divinité. Dieu se fait petit pour que nous puissions grandir ! 
 
Si Dieu se fait homme pour que nous puissions devenir Dieu, alors nos rapports humains changent, parce que désormais nous découvrons Dieu en chaque humain croisant notre route. Comment pourrions-nous vivre en paix avec Dieu alors que nous sommes en guerre avec tel frère qu’il nous donne à aimer ? Le mystère de cette naissance que nous célébrons, c’est le mystère de l’amour à l’œuvre. Dieu se fait enfant parce qu’il nous aime ; Dieu se fait enfant pour que nous comprenions que nous devons aimer à notre tour du même amour. Dieu se fait enfant, et ce n’est plus seulement une lumière qui se lève ; Dieu se fait enfant, et ce n’est plus seulement la paix se fait ; die use fait enfant, et ce n’est plus seulement la vie qui triomphe ; Dieu se fait enfant, et c’est l’amour qui désormais veut régner entre tous. 
 
Devant tant de promesses désormais réalisées, devant tant de promesses encore à venir, réjouissons-nous et remercions Dieu de nous aimer autant. Cette nuit, il frappe à notre porte. Ouvrons-lui, car il est enfin là, celui que les prophètes ont annoncé ; ouvrons-lui et accueillons-le pour notre plus grande joie et le salut du monde. Amen.

(Dessin extrait de la revue L'image de notre paroisse, n° 204, décembre 2003, éd. Marguerite)

samedi 19 décembre 2015

04ème dimanche de l'Avent C - 20 décembre 2015

Avec Michée, annonçons : elle enfantera, celle qui doit enfanter.





Nous y sommes presque. Le chemin est bientôt terminé. Il suffit de relire les textes de la liturgie de ce 4ème dimanche pour s’en rendre compte. Plus nous approchons du but, plus les détails sont précisés. Le doute n’est plus permis : l’heure et le jour sont proches. 
 
Remarquez : après la joie annoncée par Sophonie dimanche dernier, nous nous en doutions un peu. L’oracle de Michée en ce dimanche vient achever de nous rassurer : voici qu’elle enfantera, celle qui doit enfanter. Au cœur du message de Michée, il y a cette certitude de la fidélité de Dieu à son Alliance. Cette certitude nous entraîne à l’espérance. Les promesses faites par Dieu vont se réaliser. Ce n’est plus une vue de l’esprit. Michée précise même l’endroit où cela va se passer : à Bethléem ! J’en entends déjà ricaner : que peut-il sortir de bon de là ? Bethléem n’est rien : le plus petit des clans de Judas, une bourgade sans importance. Dieu peut-il se révéler ici ? Ne choisirait-il pas plutôt Jérusalem dont nous parlait Jérémie, Baruc & Sophonie les dimanches précédents ? N’est-ce pas dans la grande ville que se déroulent les choses importantes ? 
 
Dieu vient surprendre son peuple : il le fait toujours, entre nous. Il est toujours là où nous ne l’attendons pas. A Bethléem plutôt qu’à Jérusalem ; dans un petit enfant, né d’une famille modeste plutôt que dans un palais, dans une famille de roi. Avec Dieu, tout est simple. Il vient, chez nous : c’est bien d’une incarnation qu’il s’agit. Il suit le chemin de tout le monde, passant par Marie comme nous sommes passés par notre mère. Nous pouvons en être déçus ; mais nous pouvons aussi nous réjouir : Dieu va se faire l’un de nous, vivre nos vies, connaître la simplicité, pour ne pas dire la banalité, d’une vie d’homme. Peut-il nous sauver ? Certainement puisqu’il saura ce qu’il faut sauver en nous. Vivant notre vie d’homme tout en venant de Dieu, il pourra mieux que nous affronter nos démons intérieurs, vaincre en nous les ténèbres du péché et de la mort, supprimer tout ce qui  nous retient loin de Dieu. Il pourra nous sauver parce qu’il vient faire la volonté de Dieu. Entre Jésus et Dieu, il n’y a pas l’ombre d’une opposition. 
 
En ce dimanche, ne soyons pas surpris si Dieu vient simplement chez nous, comme tout un chacun. Ne soyons pas déçu qu’il vienne dans un humble hameau à la rencontre de toute l’humanité. Imitons la Vierge Marie, sa Mère et notre Mère : elle a cru, simplement, ce que l’ange lui annonçait de la part de Dieu. Elle a cru et elle a consenti en un OUI qui nous vaut à tous le salut. Pendant ces quelques jours qui nous séparent encore de la joie pleine et entière de Noël, remercions Dieu de venir simplement chez nous ; remercions Marie de l’accueillir simplement au cœur de sa vie ; remercions Jésus d’accomplir la volonté de son Père. Et réjouissons-nous : toutes les promesses faites par les prophètes vont bientôt se réaliser. Jérémie, Baruc, Sophonie et Michée ne nous ont pas trompés. En relisant leurs oracles, nous avons mieux compris ce Dieu qui vient et nous sommes mieux préparés à l’accueillir. Vivons ces derniers jours d’attente dans la patience et la sérénité. Comme Michée nous y invite, n’hésitons pas à proclamer qu’elle enfantera, celle qui doit enfanter. C’est plus qu’une promesse, c’est désormais une certitude. Amen.
 
(Dessin de Mr. Leiterer)

samedi 12 décembre 2015

03ème dimanche de l'Avent C - 13 décembre 2015

Avec Sophonie, réjouissons-nous : le Seigneur est au milieu de son peuple !





Pousse des cris de joie, éclate en ovations, réjouis-toi, bondis de joie ! S’il est une chose sûre lorsqu’on termine la lecture du livre du prophète Sophonie, c’est que la joie ne saurait être une option. Après avoir annoncé tant et tant de malheur pendant une période sombre de l’histoire d’Israël, voilà que le livre de Sophonie s’achève sur cette invitation pressante à la joie. Et Dieu sait pourtant que cela n’était pas gagné ! 
 
Quand vous commencerez la lecture des oracles de Sophonie, vous serez frappés par la violence de l’oracle qui ouvre le livre : Je vais tout extirper de la surface de la terre. J’extirperai hommes et bêtes, oiseaux du ciel et poissons de la mer et ce qui fait trébucher les méchants. Je supprimerai les hommes de la surface de la terre – oracle du Seigneur. Cela s’explique par le contexte politique et social de son époque. Contemporain de Jérémie, Sophonie ne peut que regretter la déliquescence de la société et l’instabilité politique de toute la région. Des peuples nombreux se font la guerre, assoiffés de pouvoir et de vengeance. Israël se trouve balloté entre les camps, bien obligé de participer aux manœuvres politiques et aux jeux des alliances hasardeuses. Les crises politiques se succèdent dans la région et avec elles, la horde des peuples cherchant à envahir les voisins. Ce qui explique que la grande annonce de Sophonie, c’est l’annonce du jour de la colère de Dieu, le Dies irae. Sur les 53 versets que comptent le livre, seul les 7 derniers que nous avons entendus ouvrent une espérance. 45 autres versets ne sont que menaces de destruction, expression de la colère de Dieu. Reste un verset qui peut expliquer cette invitation finale à la joie : Recherchez le Seigneur, vous tous les humbles de la terre, qui mettez en pratique le droit qu’il a établi ; recherchez la justice, recherchez l’humilité, peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du Seigneur. Il est possible de faire fléchir le cœur de Dieu ; il est possible d’adoucir sa colère en revenant vers lui, en pratiquant sa justice. Dieu reconnaîtra toujours les siens dans les plus humbles. 
 
Au milieu des crises les plus terribles, il y a toujours des hommes et des femmes qui se révèlent, des témoins lumineux de la bonté de Dieu, des témoins courageux de la justice de Dieu. Ils ne sont pas légions, mais ils permettent aux hommes de conserver la beauté de leur humanité. Ils ne cherchent ni à briller, ni à plaire, mais seulement à conserver cette part d’humanité en nous qui est la ressemblance et l’image de Dieu. Les humbles de la terre la sauveront toujours, car Dieu les reconnaîtra et les sauvera au-delà de toute espérance. Les 2 derniers versets du livre qui concluent le passage que nous avons entendu disent bien l’étendue du salut que Dieu offre : Je rassemble ceux qui étaient privés de fêtes… Je vous mettrai à l’honneur et votre renom s’étendra dans tous les pays où vous avez connu la honte. En ce temps-là je vous ramènerai, ce sera au temps où je vous rassemblerai ; votre renom s’étendra et je vous mettrai à l’honneur parmi tous les peuples de la terre quand, sous vos yeux, je changerai votre destinée, dit le Seigneur. Oui, Dieu ne saurait durablement abandonner son peuple ; il aura toujours un cœur attentif à la vie des humbles. Mieux encore, Dieu est présent à son peuple : le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. 
 
C’est cette présence de Dieu au milieu de nous qui est la source de notre joie. C’est cette présence de Dieu au milieu de nous qui est notre assurance au milieu des épreuves. Comme au temps de Sophonie, Dieu fait miséricorde aux humbles de la terre. En cette année jubilaire, la porte sainte qui sera ouverte en cette basilique sera un signe de cette présence de Dieu au milieu de nous et de la joie qu’il nous apporte. Dieu vient faire miséricorde aux miséricordieux. Il se souvient de ceux qui sont fidèles à sa Parole et qui reviennent vers lui, dans l’humilité et la douceur. Nous trouverons notre joie en lui comme lui trouvera sa joie en nous et dans nos œuvres de miséricorde. Avec Sophonie, avec toute l’Eglise, réjouissons-nous : déjà et pour toujours, le Seigneur est au milieu de son peuple. Déjà et pour toujours, il nous offre sa miséricorde et son salut. Allons à sa rencontre ; vivons de sa joie, de son amour et de son pardon. Amen.  

(Dessin de Mr. Leiterer)

samedi 5 décembre 2015

02ème dimanche de l'1vent C - 06 décembre 2015

Avec Baruc, marchons vers la cité de Dieu.




Très certainement, des hommes ont regretté de n’avoir pas écouté le prophète Jérémie quand il annonçait la guerre si le peuple ne revenait pas vers Dieu. Le pire est arrivé : une puissance étrangère a ravagé le pays et déporté la population. Toutes les promesses de Dieu semblent réduites à néant : il n’y a plus de terre promise, plus de roi, plus de loi. Y a-t-il seulement encore un Dieu pour Israël ? Le péché d’Israël est-il tellement grand que Dieu se soit retiré définitivement ? Le peuple est-il abandonné, coincé dans cet exil qui n’en finit pas ?  Telle est la situation lorsque se lève un croyant, Baruc, pour redonner le moral à ce peuple égaré loin de chez lui. 
 
Ce qu’il annonce, c’est d’abord un changement d’attitude : Quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours. Nous sentons de suite qu’il va y avoir du neuf. Dieu n’a donc pas oublié son peuple, il va même déployer ta splendeur partout sous le ciel. Oui, c’est à une espérance qu’il nous invite, espérance fondée sur le retour en grâce devant Dieu et une conversion profonde. Des mots qui étaient devenus étrangers retrouvent leur splendeur : Justice, Paix, Gloire de la piété envers Dieu. C’en est fini d’être réduit à néant chez un peuple étranger ; c’en est fini de vivre sous la domination de dieux étrangers. 
 
Ce qu’il annonce encore, c’est le retour imminent à Jérusalem. Non seulement Dieu va permettre que le peuple soit sauvé, mais il va le restaurer dans ses droits. C’en est bien fini de l’exil. Baruc invite à se mettre en route, à marcher vers la cité de Dieu. Rien ne s’opposera à ce retour triomphal, bien au contraire : Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. 
 
Bien des siècles plus tard, Jean le Baptiste invite, comme Baruc, à un retour en grâce. Il reprend au prophète Isaïe des mots presque identiques à ceux de Baruc pour annoncer, non pas une nouvelle marche du peuple, mais la venue de Dieu lui-même : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Nous comprenons que ce peuple, dont Baruc annonçait le retour à Jérusalem, s’est certainement à nouveau détourné de Dieu pour que non seulement Jean le Baptiste proclame un baptême de conversion, mais encore annonce la venue du Seigneur lui-même. Sans doute faut-il que Dieu se dérange en personne pour que l’homme comprenne, pour que l’homme se convertisse enfin et suive le chemin du Seigneur. 
 
Des siècles après Baruc et Jean le Baptiste, nous sommes toujours encore invités à marcher vers la cité de Dieu, à préparer le chemin du Seigneur. Nous sommes invités, non pas à vivre le souvenir de la venue première de Jésus dans l’histoire des hommes, mais à vivre et reconnaître sa venue dans notre histoire, aujourd’hui. Nous sommes concernés, personnellement, par ces appels de Baruc et Jean le Baptiste. La Babylone de notre exil loin de Dieu, ce peuvent être nos soucis quotidiens, la peur du présent en cette période troublée, l’incertitude devant l’avenir, en un mot tout ce qui nous retient loin de Dieu ou nous le fait juste oublier. Ce n’est pas que nous serions incroyants, juste trop préoccupés pour penser encore à lui. Baruc et Jean le Baptiste viennent nous le remettre devant les yeux, en tête de listes de nos priorités. Marchons à sa rencontre, et avec lui, montons à la cité de Dieu. Amen.
 
(Dessin de Mr Leiterer)

samedi 28 novembre 2015

01er dimanche de l'Avent C - 29 novembre 2015

Avec Jérémie, nous accueillons un Messie, Germe de Justice.


 



Une nouvelle année liturgique, un nouveau temps liturgique ; mais c’est toujours la même foi qui nous réunit et qui nous met en route à la rencontre du Dieu vivant et vrai. Pourtant, cet avent a quelque chose de particulier que les avents des deux dernières années n’avaient pas. L’avez-vous remarqué ? En ce temps de l’Avent du cycle C, ce n’est pas l’unique prophète Isaïe qui nous accompagne, mais quatre prophètes : un pour chaque dimanche ! Quatre prophètes de la première alliance vont nous apprendre à accueillir celui qui, dans la nouvelle alliance, sera bien plus qu’un prophète : le Christ Sauveur. En ce premier dimanche, c’est le prophète Jérémie qui nous livre une parole. 

Connaissez-vous Jérémie ? Il est encore très jeune lorsque le Seigneur l’appelle à quitter son village d’Anatot pour se rendre à Jérusalem. Il est appelé pour porter aux hommes la Parole de Dieu, comme tous les prophètes. Et pourtant, il a une place particulière, selon moi, dans le concert des prophètes du Premier Testament. Au début de son ministère, son pays est en paix, mais ses habitants ont oublié la loi de Dieu. Chacun ne pense qu’à lui ; le mal semble triompher dans certains milieux, et plus personne ne cherche vraiment Dieu. Mais bon, tout va bien ! Jérémie est envoyé dire aux hommes qu’il faut revenir à la loi de Dieu, qu’il serait bon de penser aux autres. Et si rien ne devait changer, alors ce sera la guerre, la destruction et la ruine de Jérusalem. Personne ne le croit ; tous rient de lui. Mais lui, fidèlement, porte la Parole de Dieu, à temps et à contre temps, au risque de sa liberté, voire de sa vie ! Beaucoup, en effet, voudraient se débarrasser de ce gêneur, de cet empêcheur de faire le mal, de ce dévot de Dieu d’un autre âge. Souvent gagné par le découragement, Jérémie poursuit cependant avec une fidélité exemplaire sa mission. L’Histoire lui donnera raison. L’armée de Nabuchodonosor assiège Jérusalem : c’est la guerre ! Et ceux qui riaient de Jérémie comprennent trop tard. Jérémie, lui, ne se réjouit pas d’avoir eu raison contre tous. Il reste fidèle à son Dieu et à sa Parole. Lorsque le pays était en paix, il prêchait la guerre ; maintenant que le pays est en guerre et qu’une partie de la population est déportée, lui achète un champ, annonçant par-là que Dieu fera grâce et miséricorde et que viendra le temps où cette terre reviendra au peuple de Dieu. De prophète de malheur, il devient prophète d’espérance, car Dieu ne saurait laisser son peuple aller vers sa perte.

Comme les autres prophètes, Jérémie comprend vite que Dieu va envoyer son Messie. Nous avons entendu, dans la première lecture, en quels termes il en parle : ce Messie est Germe de Justice, il exercera le droit et la justice. Cette insistance sur la justice ne doit pas nous tromper. Le Messie qui vient n’est pas un juge à notre mesure ; il ne vient pas venger Dieu de celles et ceux qui se sont détournés de lui. La justice qu’exercera le Messie annoncé par Jérémie est d’abord source de salut. Nous pouvons dire que, dans le langage de Jérémie, Germe de Justice équivaut à Germe de Salut. Le Messie qu’il annonce est un Messie Sauveur ;sa justice est celle qui place les humbles au premier plan. Dieu n’a que faire de vengeance. Ce que Dieu veut, c’est un peuple qui lui soit acquis, un peuple fidèle à son Alliance, un peuple qui respecte la loi de Dieu, la seule qui procure vie et bonheur. Il existe un très beau passage dans le livre de Jérémie, au chapitre 31, 31-34 : Voici venir des jours, oracle du Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle. Non pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Egypte – mon alliance qu’eux-mêmes ont rompue bien que je fusse leur Maître ! Mais voici l’Alliance que je conclurai avec eux après ces jours-là. Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Une loi qui ne sera plus extérieure à l’homme, mais inscrite au plus profond de son être. Lorsque l’on sait que l’homme de la Bible prend ses décisions avec son cœur, on comprend la puissance de cette nouvelle alliance : la loi de Dieu étant inscrite dans le cœur de chacun, chaque décision de l’homme sera marquée de cette empreinte divine. Et le salut promis devient réalité : Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. N’est-ce pas cela « être sauvé » ? N’est-ce pas là la source de l’unique et vrai bonheur ? 

Malgré les événements difficiles de sa vie, malgré des emprisonnements injustes et injustifiés, Jérémie est resté fidèle au Dieu qui sauve, au Dieu de l’Alliance. Il est celui envers qui Dieu a exercé sa justice au vu et au su de tous. Quand il nous dit que le Messie promis est Germe de Justice, source du salut, nous pouvons lui faire confiance et, avec lui, entrer dans cette fidélité nécessaire au seul et vrai Dieu. Avec lui, attendons ce Messie, Germe de Justice et source du salut. Amen.

(Dessin de Mr Leiterer)

dimanche 22 novembre 2015

Christ, Roi de l'univers (34ème dimanche ordinaire) - 22 novembre 2015

Qu'est-ce que la vérité ?
(Avec mes excuses pour la publication tardives ; je rentre d'une semaine de formation et de conférence)


La liturgie de ce dimanche interrompt le dialogue entre Pilate et Jésus au sujet de la vérité un verset trop tôt. A l’affirmation de Jésus : Je suis venu rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix, Pilate répond par cette question essentielle : Qu’est-ce que la vérité ? En ces temps troublés qui sont les nôtres, cette question est, me semble-t-il, tout à fait essentiel.

Qu’est-ce que la vérité ? Il faudrait à Pilate un peu plus de temps que celui d’un procès bâclé pour trouver réponse à sa question. Il faudrait qu’il se renseigne effectivement sur Jésus, sur sa mission, sa prédication. Il faudrait qu’il se défasse des opinions toutes faites fournies par des adversaires en colère. Il faudrait qu’il ait le courage de sortir des manipulations politiques auxquelles il est confronté pour comprendre que la vérité est en Jésus. Toute sa vie, toute sa mission, toute sa prédication consistaient justement à nous révéler la vérité sur Dieu, sur les hommes, sur les rapports entre eux. Ecouter la voix du Christ est le signe même que nous appartenons à la vérité. Mais, en relisant toute la passion de Jésus, nous ne pouvons que constater que Pilate n’a pas le temps de s’ouvrir à cette vérité sur laquelle il s’interroge.

Qu’est-ce que la vérité ? Les grands philosophes ont voulu faire croire qu’il n’y avait pas une vérité unique, mais que cette notion pouvait changer selon les hommes et selon les temps. Aujourd’hui encore, certains essaient de faire croire que la vérité se trouve dans ces actes terroristes. Ils seraient dans le vrai, au nom de leur Dieu, en commettant des actes criminels. Heureusement qu’il s’est trouvé des musulmans, dans le monde entier, pour redire que là n’était pas la vérité de l’Islam, que ces actes étaient des crimes contre l’humanité toute entière. Ils ont redit la vérité sur Dieu en rappelant que la solidarité, la fraternité, l’amour et le respect sont seuls du côté de Dieu et manifestation d’une vraie foi, d’un véritable attachement à la parole de Dieu.

Qu’est-ce que la vérité ? Voilà une question que nous ne pouvons éluder ? Si notre foi était instrumentalisée, saurions-nous, chrétiens, rétablir la vérité ? Saurions-nous défendre notre propre foi et la présenter de manière véritable ? Il est intéressant de constater que cette question de Jésus se situe justement durant son procès et devant celui seul qui a le pouvoir d’ordonner sa condamnation à mort. Et la réponse à cette question de Pilate résonnera fort, et sur la croix d’abord, dans le silence qui se fait à la mort de Jésus, et plus encore au matin de Pâque, lorsque les hommes entendront ce cri de joyeuse espérance : Christ es ressuscité ! Les hommes pourront enfin comprendre que la vérité est bien à chercher du côté de Jésus puisque Dieu lui-même vient contredire le jugement des puissants en redonnant la vie à celui qui s’était livré sur la croix. La vérité est du côté de la vie ; la vérité est du côté de la solidarité entre les hommes ; la vérité est du côté de la justice ; la vérité est du côté de la paix ; la vérité est du côté du pardon ; la vérité est du côté de la réconciliation.

Quelle que soit notre foi, ne laissons jamais des hommes nous détourner de la vérité révélée par Jésus sur la croix. Quelle que soit notre foi, ne laissons jamais des hommes nous faire croire qu’il y a une autre vérité, et qu’au nom de celle-ci, ils ont le droit de massacrer, de détruire, de condamner. Le Dieu qui a fait les hommes et voulu vivre en communion avec eux est et reste un Dieu de pardon, de miséricorde et de paix. Utiliser son nom pour faire le Mal, c’est bien se moquer de Dieu et travestir la vérité de son alliance avec les hommes, avec tous les hommes. La force de Dieu ne se trouve pas dans nos armes mais dans notre désir de vivre en paix avec tous, dans le respect de chacun. Quand cela sera vérité, Christ sera véritablement reconnu par tous pour ce qu’il est : le Roi de l’Univers. Amen.

samedi 14 novembre 2015

33ème dimanche ordinaire B - 15 novembre 2015

Notre histoire a un sens !





Les événements dramatiques qui se sont déroulés à Paris en cette fin de semaine nous interrogent, et interrogent notre foi. Quand autant de vies peuvent être balayées d’un seul coup, quand la folie meurtrière frappe, nous sommes désemparés. Nous sommes brutalement mis en face de notre finitude et de notre fragilité. Que reste-t-il de nos idéaux après ces actes inqualifiables ? Que reste-t-il de notre désir de vivre en paix avec tous quand la guerre est là, dans nos rues ? Que reste-t-il de notre volonté de respecter et d’aimer tout homme quand quelques hommes, soit disant au nom de leur foi, nous méprisent autant et méprisent notre vie ? Quel sens cela a-t-il ? 
 
Puisque le monde ne semble plus faire sens, écoutons ce que l’Eglise nous dit aujourd’hui à travers les textes bibliques proposés pour ce dimanche. Que ce soit par le prophète Daniel ou l’évangéliste Marc, l’Eglise vient nous redire que notre histoire a un sens, une direction. Le monde ne court pas à sa perte. Il y a un horizon indiqué par le projet de Dieu pour tous les hommes : cet horizon, c’est le retour du Christ, dans sa gloire. Ce n’est pas une utopie, ce n’est pas une belle histoire : c’est notre réalité. Croyants, nous sommes tout entier tendus vers ce terme de l’histoire. Et ce retour du Christ marquera l’avènement d’un monde nouveau débarrassé de toute trace du Mal. En ces temps troublés qui sont les nôtres, cela me redonne un peu de foi en l’homme, un peu d’espoir en un avenir toujours possible. Je ne sais pas quand ce retour aura lieu, mais je l’attends, je l’espère ; il me donne le courage d’affronter les jours difficiles ; il me donne le courage de dépasser nos limites et nos faiblesses. Il est un motif pour refuser toute forme de violence et croire toujours et encore en l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, même et surtout quand cela est difficile à discerner. 
 
L’homme que je suis a peur de ce que l’avenir nous réserve quand je revoie les images de cette violence inouïe qui a frappé notre pays. Le prêtre que je suis espère malgré tout encore, car je sais que le Mal ne peut pas avoir le dernier mot. Je sais que notre histoire est une histoire sainte, avec un sens (même si celui-ci m’échappe !). Je sais que la violence ne peut et ne doit pas être le dernier mot de l’histoire des hommes. C’est pour cela que je m’efforce de la faire sortir de ma propre vie ; c’est pour cela que je ne crierai pas vengeance, mais justice. 
 
Le Christ a donné sa vie pour chacun de nous. Il a subi la violence inouïe de la mort injuste pour faire de nous des justes et nous offrir ainsi le salut. Dieu n’a pas proposé la violence comme solution à nos problèmes, mais il a subi la violence en solution de toutes nos turpitudes. Il a pris sur lui notre violence et nous a offert son amour en retour. Que cet amour chasse de nos cœurs la peur et la violence et nous retrouverons la paix. Amen.

samedi 7 novembre 2015

32ème dimanche ordinaire B - 08 novembre 2015

Quand les pauvres nous évangélisent !



Il est gonflé, Elie, le prophète du Seigneur, quand, s’invitant chez une pauvre veuve, il insiste pour qu’elle lui fasse d’abord cuire une petite galette alors même qu’elle vient de lui signaler qu’il ne lui reste qu’un peu de farine et un peu d’huile pour elle et son fils. Après, ce sera la fin, comme dans tout le pays frappé par un temps de famine. 
 
Elle est obéissante et sans doute aussi un peu confiante, la veuve de Sarepta lorsqu’elle fait comme le prophète lui a dit. C’est vrai, Elie avait prophétisé que jarre de farine point ne s’épuisera et que vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. Mais avouez qu’il y a tant de faux prophètes ; à l’époque d’Elie, ils ne manquent pas. Pourquoi la parole de celui-ci serait-elle plus vraie ? Oui, il faut une bonne dose de confiance pour risquer le peu qu’il reste et croire que l’impossible est possible. Ce qu’Elie a annoncé se réalise, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. 
 
Elle doit être terriblement gênée, la pauvre veuve qui vient faire son offrande au Temple après que tant de riches aient donné de leur superflu. Elle n’a que deux piécettes, mais elle les offre. Nous ne savons pas ce qu’elle compte faire pour vivre encore, après ce don. Sans doute aurions-nous réagi, un peu gênés à notre tour, en disant : qu’elle les garde, ses deux petites pièces de monnaie. Tant pis pour son offrande ! Mais voilà, personne n’intervient pour lui dire de garder sa monnaie. Et certainement l’aurait-elle mal pris si on lui avait demandé de ne rien donner. C’est qu’elle a confiance en Dieu, cette veuve. Et Jésus ne s’y trompe pas quand il relève qu’avec ces deux pièces, elle a mis plus dans le trésor que tous les autres. Elle donne ce qui fait sa vie pour que d’autres puissent vivre, comme Jésus un jour donnera sa vie pour que nous puissions vivre. 
 
Avec ces deux veuves, pauvres toutes deux, nous comprenons que les pauvres nous évangélisent. Ils nous apprennent l’essentiel de la vie : la confiance, le partage, là où nous ne parlons que de crise, d’avenir à préserver, de placements à prévoir, au cas où ! Si nous attendons d’être riches pour être charitables, attentifs aux besoins des autres, nous risquons fort de ne jamais l’être ; nous ne nous considérerons jamais assez riches pour nous payer le luxe d’aider les autres. Il nous faudra toujours plus avant de nous décider de donner un peu de notre superflu. Aujourd’hui, des hommes et des femmes frappent à la porte de nos pays riches, chassés de chez eux par la guerre, la violence et la terreur. Et que voyons-nous ? Des murs qui se lèvent, des hommes et des femmes qui disent : trop, c’est trop ! Et ces pauvres exilés qui sont parqués dans des camps en attendant que nous sachions quoi en faire. Nous avons contribué à importer la guerre chez eux par des décisions politiques manquant de courage ; nous avons évité de nous mouiller de trop quand il était encore possible d’intervenir ; et aujourd’hui, nous faisons la sourde oreille et nous fermons les yeux. 
 
Certes, ce n’est pas nous qui prenons les grandes orientations politiques de notre pays ; nous pourrions nous dédouaner en disant que nous n’y pouvons pas grand-chose ! Mais est-ce si sûr ? N’avons-nous pas la possibilité d’influencer les politiques que nous élisons et qui nous représentent ? Les valeurs dont on nous rabat les oreilles depuis les attentats de Paris ne sont-elles qu’à usage interne ? Des valeurs françaises pour des gens bien français ? Et l’élémentaire charité chrétienne : ne s’applique-t-elle qu’aux chrétiens bien baptisés ? 
 
La veuve de Sarepta et la veuve de l’Evangile, qui ont donné ce qu’elles avaient pour survivre, doivent être bien tristes quand elles contemplent notre monde. Nous approchons de la fin de l’année, et déjà commencent à fleurir dans nos boites à lettre des demandes d’associations qui viennent en aide qui aux enfants, qui aux personnes âgées, qui a tels souffrants de telle catastrophe : les occasions ne manqueront pas de donner un peu de ce que nous avons pour contribuer à la vie de quelques-uns. Que ces deux veuves rencontrées aujourd’hui nous apprennent à ouvrir notre cœur et nos mains. Amen.

(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses d'Ile de France)

samedi 31 octobre 2015

Toussaint - 01er novembre 2015

Heureux !




Heureux ! C’est le premier mot de Jésus à la foule venue se rassembler autour de lui, le premier mot de son ministère. Il précise ainsi, dès son premier discours, pourquoi il est venu, quelle est sa mission : rappeler aux hommes qu’ils sont faits pour vivre, heureux et libres, avec Dieu et tous les hommes, leurs frères. Et l’on comprend alors aisément pourquoi il est écouté. Qui n’a pas envie d’être heureux ? Qui ne cherche pas le bonheur ici bas ? 
 
Heureux ! Ce premier mot de Jésus est une invitation faite à tout homme. Il n’est pas une loi morale, il n’est pas un commandement ; il est une invitation ! Tu peux être heureux, vraiment, si tu écoutes ce que je te dis et si tu essaies d’en vivre. Nous ne le savons que trop bien : le bonheur ne se commande pas, le bonheur ne se programme pas. Mais, semble nous dire Jésus, il est des chemins qui y mènent, assurément !  Celui qui accepte de suivre l’un de ces chemins parvient au bonheur véritable. Quels sont ces chemins ? Les béatitudes les égrainent l’un après l’autre, par 9 fois. Heureux les pauvres de cœurs ! Heureux les doux ! Heureux ceux qui pleurent ! Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ! Heureux les miséricordieux ! Heureux les cœurs purs ! Heureux les artisans de paix ! Heureux les persécutés pour la justice ! Heureux ceux qui sont persécutés à cause de Jésus ! Voilà les chemins de bonheur que Jésus propose ! Reconnaissons qu’ils ont l’air bien raide ! Ils sont, en tous les cas, à l’opposé des bonheurs proposés par la publicité aujourd’hui : pour elle, vous ne pouvez être heureux que si vous êtes jeune, beau, riche, et en bonne santé. Et si vous n’appartenez pas à l’une de ces catégories, rassurez-vous, il existe un produit qui peut supprimer ce manque : celui que nous ne possédez pas encore et que la publicité vous propose justement d’acquérir ! Les chemins de bonheur de Jésus ne sont pas des argumentaires publicitaires. Ils ne proposent pas d’acquérir quelque chose d’extérieur pour devenir  heureux. Ils proposent, au contraire, de changer notre intérieur, pour nous faire comprendre où est le vrai bonheur. Il n’est pas dans ce que l’homme possède, mais dans ce qu’il est. Les chemins vers le bonheur que Jésus propose ne s’achètent pas ; ils supposent désir de conversion, ouverture aux autres, attention à ce qui fait la vie des hommes. 
 
Heureux ! Il y a une béatitude qui permet de comprendre que ces chemins vers le bonheur que Jésus propose ne sont pas aussi difficiles ou inatteignables qu’ils le paraissent. C’est curieusement la dernière. Et celle-ci ne s’adresse plus à tous les hommes (heureux ceux qui …), mais elle ne s’adresse qu’aux disciples de Jésus : Heureux serez vous lorsque … à cause de moi ! C’est dans la relation personnelle à Jésus que se révèle le vrai bonheur. C’est dans la relation à Jésus que l’ouverture aux autres et à Dieu prend tout son sens. C’est dans la relation à Jésus que l’homme trouve la force de suivre ces chemins, parce que le Christ, le premier, les a empruntés et vécus pleinement. Il est venu proposer le vrai bonheur aux hommes ; et pour que les hommes puissent s’y convertir, il s’est offert sur la croix, afin de nous recentrer sur Dieu et sur son œuvre de salut pour tous. En mourant sur la croix, il nous ouvre définitivement la possibilité d’être heureux, puisque le dernier obstacle au bonheur, à savoir la mort, est vaincu alors même que nous croyions que tout était fini et que Jésus s’était trompé. Sur la croix, Jésus ne nous trompe pas : il nous sauve ! Sur la croix, il révèle sa toute puissance et nous ouvre au vrai bonheur. Parce qu’il y a de la joie à être sauvé du mal et de la mort par le Christ ! Parce qu’il y a de la joie à connaître enfin un règne de justice et de paix ! Parce qu’il y a de la joie à se savoir aimé ainsi, jusqu’au bout, jusqu’au plus profond de la mort. 
 
Heureux ! Ce bonheur que Jésus nous propose n’est pas pour plus tard. C’est un vrai bonheur pour aujourd’hui. Et tous ceux qui marchent déjà, fidèlement, à la suite de Jésus, connaissent un bout de ce vrai bonheur dont ils attendent la réalisation totale lorsqu’ils seront appelés à voir Dieu. La fête de la Toussaint vient heureusement nous redire que ce bonheur promis se réalise, dès ici-bas et pour l’éternité : à preuve, la foule immense de celles et de ceux qui, au long de notre histoire, ont accordé foi et confiance au Sauveur, ont reconnu en lui celui qui est venu sauver les hommes de la désespérance et de la mort ; avec lui, ils ont trouvé le chemin du bonheur, dès ici-bas. Avec lui, ils sont parvenus au vrai bonheur, celui que même la mort ne saurait nous enlever. Près de lui, ils nous attendent, pour qu’avec eux, nous formions cette foule immense qui chante la gloire de Dieu ! Que la célébration de leur fête nous stimule et oriente notre vie vers le Christ. Que cette Toussaint nous permette de redécouvrir à quel bonheur nous sommes appelés. Aujourd’hui et toujours. Amen.
 
(Dessin extrait de L'image de notre paroisse, n° 203, éd. Marguerite, nov. 2003)

samedi 24 octobre 2015

30ème dimanche ordinaire B - 25 octobre 2015

Jésus, prends pitié de moi !




Le pauvre Bartimée doit se retourner dans sa tombe lorsqu’il entend une réflexion assez récurrente dans certains milieux, et qui consiste à dire qu’il y a trop de « prends pitié de nous » dans notre célébration eucharistique. En fait, il y a trois moments de la messe qui nous font prononcer ses paroles : le rite pénitentiel, le chant du Gloire à Dieu et celui de l’Agneau de Dieu. Ce qui est plus surprenant, c’est que les mêmes qui trouvent que cela fait vraiment trop vont s’extasier devant Bartimée qui crie à qui-mieux-mieux : Fils de David, prends pitié de moi !  
Il a dû le répéter, son cri, pour être entendu de Jésus au milieu de cette foule nombreuse qui l’accompagnait. Il a bien senti que c’était là sa chance. Il avait entendu parler de Jésus, de ce qu’il a fait pour d’autres. Pourquoi son tour ne viendrait-il pas ? Pourquoi ce jour précis ne serait-il pas son jour ? Il a crié à l’envi vers Jésus, alors même que beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire. Apparemment, à l’époque déjà, ce cri lancé vers Jésus dérangeait. A moins que des bien-pensants pensaient justement que Jésus avait mieux à faire que de s’occuper d’un mendiant, aveugle de surcroît. Il aurait pu crier autre chose vers Jésus ; il aurait aussi bien pu se taire. Mais voilà, Jésus passe par là ; il est hors de question pour Bartimée qu’il ne passe pas dans sa vie. Fils de David, prends pitié de moi. 
A force de crier, il est entendu. Imaginez sa joie lorsqu’on lui dit : Confiance, lève-toi ; Il t’appelle. Les gestes qu’il pose à ce moment-là disent mieux que des mots tout ce qu’il attend de cette rencontre : il jette son manteau (le seul bien qu’il a), bondit et court vers Jésus. Pour un aveugle, il fait fort ! Comme s’il savait instinctivement où il devait aller. Quand Jésus appelle, rien ne peut vous retenir loin de lui longtemps. Même la cécité ne peut empêcher la rencontre. Jésus l’interroge : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Et la réponse jaillit, comme l’éclair dans la nuit : Rabbouni, que je retrouve la vue ! Cela semblait évident, mais le désir de l’aveugle crié si fort vers Jésus quand il était encore au bord de la route se devait d’être précisé. Le Prends pitié de moi devient une demande claire : Que je vois ! Et ce désir est exaucé ! Bartimée voit désormais. Tout cela parce qu’il a osé crier vers Jésus quand bien même les autres voulaient le faire taire. Voyez la puissance de ces simples mots : Fils de David, prends pitié de moi ! 
Je crois qu’on ne les dira jamais assez, qu’on ne les criera jamais assez vers Jésus, ces quatre mots : prends pitié de moi ! Ils sont notre cri de confiance vers Jésus dont nous savons qu’il peut quelque chose pour nous. Quand l’homme ne peut plus rien pour l’homme, quand tout va mal, il reste cette espérance : Jésus peut quelque chose pour moi. C’est tellement vrai qu’il a donné sa vie pour moi sur la croix. Il est allé jusqu’à la mort, et Dieu l’a ressuscité. Dans le parcours vers la Première communion que notre diocèse avait choisi de mettre en œuvre (Secrets de vie), c’est là le premier secret que découvrent les enfants. Parce que c’est ce secret qui nous met en route, chaque dimanche pour aller à la messe. Nous allons rencontrer quelqu’un qui peut quelque chose pour nous. Nous avons tous besoin de crier vers Jésus : Prends pitié de moi ! Non pas parce que nous serions de plus grand pécheur que d’autres, mais parce que nous faisons immensément confiance à Jésus, qui jamais ne nous abandonne. Quelle que soit notre vie, quelles que soient les épreuves que nous traversons, nous savons qu’en Jésus, nous avons un soutien, un guide, qui nous permettra d’arriver sur l’autre rive. Mais comment Jésus peut-il nous aider si nous ne lui demandons rien ? Comment Jésus peut-il nous aider si nous ne reconnaissons pas, avec ces simples mots (prends pitié de moi) que nous avons besoin de lui ? Jésus nous aime tellement qu’il respecte notre liberté ; il n’est pas un magicien qui viendrait, d’un coup de baguette, changer notre vie, simplement parce qu’elle lui semble de travers. Il a besoin que nous prenions conscience de notre manque, que nous prenions conscience qu’il peut quelque chose pour nous, pour qu’il puisse agir dans notre vie. Si Bartimée n’avait pas crié vers Jésus, ou s’il avait cédé à la foule qui lui enjoignait de se taire, comment aurait-il été guéri ? Comment la rencontre aurait-elle pu se faire ? 
Plutôt que de nous interroger sur le nombre de Prends pitié de nous que compte notre célébration, interrogeons-nous sur la qualité de notre cri vers Jésus. Que lui disons-nous, au fond de nous-mêmes, lorsque la liturgie nous fait dire ou chanter : Prends pitié de nous ? En faisons-nous un cri rituel, que nous disons parce qu’il faut le dire à ce moment précis ou en faisons-nous l’expression de notre désir profond et de notre confiance en Jésus qui peut tout pour nous ? Merci à toi, Bartimée de nous apprendre la persévérance quand nous crions vers Jésus ; merci à toi, Bartimée, de nous apprendre la confiance la plus absolue en celui vers qui nous crions. Puissions-nous, comme toi, découvrir la joie qu’il y a de bondir vers Jésus, à son appel, signe qu’il se préoccupe de nous, signe qu’il veut faire quelque chose pour nous. N’est-il pas venu à notre rencontre dans ce but ? N’est-il pas venu nous offrir la joie de Dieu et le salut de Dieu ? Avec toi, nous crierons désormais pleins de confiance : Jésus, prends pitié de moi ! Amen.

(Dessin extrait de L'image de notre paroisse, n° 274, octobre 2009, éd. Marguerite)

dimanche 18 octobre 2015

29ème dimanche ordinaire B - 18 octobre 2015

À la suite de Jésus, devenir serviteur.




Ne nous laissons pas distraire par la demande de Jacques et de Jean ; elle pourrait nous éloigner du cœur du message de ce dimanche. La proposition faite par l’Eglise elle-même d’une lecture brève de l’Evangile de ce dimanche vient confirmer cette intuition, puisqu’elle passe sous silence les sept premiers versets de cette page de saint Marc pour ne garder que les quatre derniers, qui forment donc ce qu’il ne faudrait pas ignorer aujourd’hui du message du Christ. Quel est ce message ? 

Nous pourrions le résumer ainsi : ne vivez pas comme les autres, comme le monde, chez qui ne compte que la force, le pouvoir bien assis, le fait d’être le premier, celui qui est servi. Chez vous, disciples de Jésus Christ, c’est le serviteur qui sera le plus grand. Car le serviteur ne peut faire autre chose que son maître : et nous le savons, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Voilà donné l’horizon de toute action pastorale ; voilà donné le sens de notre appartenance au Christ. Nous ne sommes pas au Christ pour être meilleur ou plus fort que les autres. Nous  sommes au Christ, appelés à être meilleurs serviteurs, plus forts dans la lutte contre toutes formes d’injustice et contre toutes formes de structures de péché. Personne, de tous ceux qui se disent chrétiens, ne peut affirmer que le service, c’est pour les autres, pour telle ou telle catégorie de croyants, pour tel ou tel ministère dans l’Eglise. Non, le service est pour tous, c’est une obligation pour tous ; le service est génétiquement chrétien ! 

Nous pouvons relire ainsi toutes nos actions pastorales, tous nos engagements dans l’Eglise et dans le monde à l’aune de cette exigence demandée par le Christ lui-même. Suis-je le serviteur de mes frères quand j’accomplis le service qui est le mien ? Suis-je toujours en état de service quand je n’agis pas dans l’Eglise, mais dans la société, à mon travail, en famille, avec mes amis … ? Ai-je écarté tout sentiment de pouvoir, tout désir de domination culturelle, intellectuelle, sociale, économique, politique… ? Nous voyons bien que, même dans le groupe des Douze, existe cette tentation. Vouloir être le premier, vouloir être proche du pouvoir, c’est très humain. Si quelqu’un doit être devant les autres et profiter un peu du système, autant que ce soit moi : après tout, je ne suis pas pire que les autres ! Pourquoi seraient-ce toujours les autres qui profitent ? 

Appelés par Jésus à être ses disciples par notre baptême, nous sommes appelés à nous conformer à lui, à sa manière d’être, à sa manière de faire, à tout son enseignement. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas à s’engager dans les lieux de pouvoir ou de décision ; mais cela nous engage à ne pas exercer le pouvoir de manière autoritariste, à ne pas décider en fonction de nos seuls intérêts, mais à avoir toujours au cœur et à l’esprit le bien de tous. Le serviteur est celui qui a assez de courage pour mettre en second ses propres envies pour ne voir d’abord que le bien de ceux qu’il sert, et surtout le bien de tous. Nous ne pouvons pas nous contenter de mener notre vie en pensant qu’elle n’a d’impact ni sur les autres, ni sur le monde dans lequel nous vivons. Etre serviteur, c’est mettre le respect de tous et de chacun en premier lieu et cultiver une saine humilité qui n’est ni humiliation personnelle, ni fausse modestie. 

A bien y regarder, la liturgie nous permet de comprendre mieux cet état de serviteur, elle qui nous a fait prier ainsi au début de notre célébration en ce 29ème dimanche ordinaire : Dieu éternel et tout-puissant, fais-nous toujours vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d’un cœur sans partage. Vouloir ce que Dieu veut pour nous, en sachant qu’il ne veut que notre bonheur, notre vie et notre salut ; bref, ce qu’il y a de meilleur pour nous et pour tout homme ! N’hésitons pas à reprendre cette prière au cours de la semaine pour devenir serviteurs à l’image du Christ, serviteur véritable qui a donné sa vie pour la multitude. Puissions-nous apprendre ainsi de lui à faire de même. Amen.

(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)
 

samedi 10 octobre 2015

28ème dimanche ordinaire B - 11 octobre 2015

Comment bien orienter sa vie ?




C’est un lieu commun que de dire que la vie n’est pas simple et que savoir faire les bons choix relève quelquefois de l’exploit. Qui n’a jamais regretté une décision prise ? Qui n’a jamais souhaité revenir en arrière pour faire autrement ? Il est vrai que le discernement n’est jamais simple. Souvent le temps nous manque pour une réflexion approfondie. Le croyant n’est certes pas épargné par cette commune condition, mais il a, à portée de main, ce qui est nécessaire pour limiter les décisions hâtives qui ne mènent qu’à des impasses. C’est ce que semble nous dire les lectures de ce dimanche. 

L’auteur du livre de la Sagesse nous indique une voie pour réussir notre vie : demander la sagesse dans la prière. Elle est préférable aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle la richesse n’est rien, tout l’or du monde auprès d’elle  n’est qu’un peu de sable. La Sagesse peut être reconnue comme la manifestation de l'Esprit Saint. Celui qui vit avec ne peut faire que les bons choix. Ce que l’auteur du Livre de la Sagesse veut nous faire comprendre, c’est qu’il est urgent de revoir nos priorités. L’essentiel n’est pas dans ce que l’on a, mais dans ce que l’on est. En demandant la sagesse, il devient sage et donc capable d’orienter sa vie dans le sens du bien, dans le sens d’un meilleur être. L’échelle des valeurs de l’homme sage n’est pas celle de l’homme du monde. Sa richesse vient de la présence de Dieu dans sa vie et non des richesses qui semblent bien ternes : un peu de sable, un peu de boue ! 

Etre mieux, vivre mieux, c’est aussi ce que Jésus propose à ce jeune homme, riche, qui vient vers lui. On est facilement pris de sympathie pour cet homme qui mène une vie droite puisqu’il ne commet ni meurtre ni adultère, ni vol ; il ne porte pas de faux témoignage, ne fait de tort à personne et honore ses parents. Pourtant, quelque chose le tracasse ; il veut plus, il veut mieux. Sa recherche est sincère, son désir de progresser réel. Il ne vient pas à Jésus pour l’éprouver, mais pour trouver une réponse à sa question : que faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? Nous sentons bien que ce n’est pas là une question rhétorique, mais bien un mouvement profond de son âme. Il veut progresser sur le chemin vers Dieu. Ce que Jésus lui demande n’est pas autre chose que ce que proclame l’auteur du Livre de la Sagesse : tenir pour rien ses richesses, les considérer comme sable et boue, et donc s’en débarrasser au profit de plus pauvres. Ceci fait, il pourra trouver sa richesse dans la suite du Christ. Le résultat, nous l’avons entendu, n’est pas brillant : il s’en va tout triste car il avait de grands biens. Ce plus qu’il recherche, il ne s’en sent pas capable… pour l’instant ! Peut-être un jour comprendra-t-il l’auteur du Livre de la Sagesse ! Peut-être un jour suivra-t-il Jésus ! Ne le jugeons pas, ne le condamnons pas, Jésus lui-même ne l’ayant pas fait ! 

Avec l’auteur de la lettre aux Hébreux, interrogeons-nous plutôt sur l’importance de cette parole de Jésus que nous entendons, dimanche après dimanche. Elle peut changer notre vie ; c’est sa raison d’être. Elle nous appelle, comme la Sagesse, à un mieux-être. Elle est donnée, parole vivante, pour trancher, pour pénétrer au plus profond de nous (jusqu’à la jointure de l’âme et de l’esprit). Elle va jusqu’au cœur, ce lieu où nous prenons nos décisions les plus intimes, les plus fortes, les plus radicales, celles qui orienteront notre vie. Comment recevons-nous cette parole, abondante, chaque dimanche ? Est-elle comme un vieux texte que l’on prend plaisir à réentendre, mais que l’on oublie sitôt rentrés chez nous ? Vit-elle en nous, à travers nous, de telle manière que d’autres peuvent comme la lire à travers notre vie ? 

La Parole de Dieu, offerte semaine après semaine est le signe que Dieu s’intéresse à nous et tient à nous. Il nous donne sa Parole pour qu’elle change notre vie, qu’elle nous permette de discerner ce qui est bien de ce qui ne l’est pas. Elle nous permet de faire chaque jour le choix de Dieu, présent au cœur de notre vie. Elle nous permet d’être mieux, de vivre mieux. Mais, avertit l’auteur de la Lettre aux Hébreux : nous aurons à lui rendre des comptes. Nous ne pouvons pas l’écouter innocemment, indifféremment, sans accepter qu’elle change quelque chose en nous. Elle n’est pas un beau texte parmi d’autres ; elle est la Parole de Dieu qui attend notre réponse. Et la plus belle réponse à apporter, c’est notre conversion, c’est-à-dire la prise au sérieux de cette parole. Dès lors, elle deviendra le moteur de notre vie, de nos actions, de nos paroles. 

Bien orienter sa vie revient finalement à la placer sous le regard de Dieu et sous la conduite de sa Parole. Certes, cette Parole est exigeante, mais elle promet la vie éternelle et offre dès ici-bas, une vie meilleure, mieux orientée, plus pleine et plus féconde. Cela vaut la peine de laisser cette Parole pénétrer en nous ; cela vaut la peine de laisser à Dieu la place qui lui revient au cœur même de notre vie. Ainsi nous ne craindrons pas au jour du jugement ; la Parole de Dieu elle-même parlera pour nous. Amen.

(Dessin publié dans L'image de notre paroisse, n° 238, octobre 2006, éditions Marguerite)

samedi 3 octobre 2015

27ème dimanche ordinaire B - 04 octobre 2015

De Jésus au synode sur la famille, même question, même réponse ?





Au moment où l’Eglise romaine ouvre la deuxième partie du synode sur la famille, ne sommes-nous pas, face à elle, comme les pharisiens face à Jésus dans l’Evangile, interrogeant sur la fin du mariage, et attendant une parole que nous n’accepterons que si elle correspond à notre propre pensée ? Ce synode est un pari risqué pour le pape François et pour l’Eglise en général ; saura-t-elle rester à l’écoute de son Seigneur et Maître et accepter d’être renvoyé aux origines, au projet initial de Dieu pour l’homme ? 
 
Ce projet initial de Dieu pour l’homme est un projet de bonheur, un projet de vie. Il s’exprime déjà dans la réflexion que Dieu fait lui-même : il n’est pas bon que l’homme soit seul ! Il y a déjà là l’énoncé de ce projet de Dieu pour l’humanité ; Dieu veut quelque chose de bon, quelque chose de meilleur pour l’homme que la solitude. Il aura donc une compagne, issue de lui, partageant sa dignité tout en étant autre. Le bonheur ne peut être ni dans la solitude non choisie, ni dans la similitude. Mais que faire quand il semble que cet autre ne correspond plus ? C’est la question des pharisiens ; c’est la question de quantité d’hommes et de femmes aujourd’hui, confrontés à l’échec de leur amour. Le projet initial de Dieu, qui était un projet de bonheur, quand les hommes échouent à le réaliser, faut-il accepter qu’il devienne un enfer ? S’il n’est pas bon que l’homme soit seul, il n’est pas davantage bon que l’homme souffre ou fasse souffrir ! 
 
Nous comprenons bien aujourd’hui la ressemblance des situations : que ce soit pour Jésus jadis ou que ce soit pour l’Eglise aujourd’hui, il y a là une mise à l’épreuve. Le pape François est plus que populaire ; son exigence d’une Eglise pauvre, ses remises en question de nombreuses manières de vivre, plaisent. Mais si ses réponses à toutes les questions concernant la famille ne sont pas dans l’air du temps, comment réagirons-nous ? Comment réagiront tous ceux qui le suivent aujourd’hui, chrétiens ou non ? 
 
Il est bon pour cela, de commencer ce synode, ce cheminement ensemble, en réentendant ce qui était le projet initial de Dieu pour l’homme, en réentendant que Dieu veut le meilleur pour l’homme. Il est important aussi d’entendre l’enseignement de Jésus donné aux pharisiens sur le mariage. Il ne se situe pas dans l’air du temps ; il ne répond pas aux envies de ceux qui font autorité. Il répond à ce que Dieu veut, a toujours voulu et voudra toujours. Mais reste quand même  la question de l’échec. Si l’Eglise ne peut pas revenir sur le projet initial de Dieu, elle ne peut pas davantage enfermer l’homme dans des situations impossibles, surtout à deux mois d’un jubilée de la miséricorde. Comment manifester cette miséricorde quand l’amour échoue ? Comment permettre à l’homme (ou la femme) blessé dans son amour, de vivre encore, de vivre malgré tout et de reconnaître encore que Dieu veut le meilleur pour lui ? 
 
Sans doute la miséricorde est-elle la clé de ces questions. Elle fait partie de ce meilleur que Dieu veut pour l’homme. Elle n’est ni faiblesse, ni renoncement aux exigences, ni enfermement dans des situations impossibles à vivre. Elle est au contraire ouverture et libération, dans la vérité. Le Dieu qui veut le meilleur pour l’homme est aussi le Dieu miséricordieux qui va à la recherche de l’homme. Puissions-nous accueillir les réponses du synode comme nous devrions accueillir ceux et celles qui échouent à vivre le meilleur que Dieu veut pour eux : avec miséricorde et humilité. Amen.

(Image extraite de la Revue L'image de notre paroisse, n° 202, octobre 2003)
 

samedi 26 septembre 2015

26ème dimanche ordinaire B - 27 septembre 2015

Disciples du Christ, pouvons-nous revendiquer une exclusivité ?





Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. Incorrigibles disciples, terriblement humains ! Voilà qu’ils mettraient un copyright sur le nom de Jésus, se réservant le droit de son usage. Si quelqu’un doit se servir du nom de Jésus, il ne peut qu’être lui-même un disciple de Jésus. Tout imposteur sera sévèrement réprimé. Pouvons-nous revendiquer une exclusivité quelconque quant à l’usage du nom de Jésus ?

La réponse de Jésus est claire : Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Zut pour l’exclusivité ! Le nom de Jésus est à tous ; il est du domaine public ! Tous peuvent s’en servir pour faire le bien, qu’ils soient disciples ou non. Ce qui compte, c’est que le nom de Jésus soit répandu, prononcé, invoqué. Ce qui compte, c’est le bien qu’il permet de réaliser en faveur des hommes qui en ont besoin.

Jésus va même plus loin en abordant la question du scandale. Si le disciple n’a pas d’exclusivité sur le nom de Jésus, il a une responsabilité particulière dans le bon usage de celui-ci. S’il scandalise un seul petit qui croit en Jésus, il vaudrait mieux qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Non seulement les disciples du Christ n’ont pas d’exclusivité sur la parole de Jésus ou l’utilisation de son nom, mais en plus ils ont une clause de moralité particulière. On ne peut pas être disciple du Christ et scandaliser les petits. Le disciple du Christ ne peut pas faire n’importe quoi ! Porteur du nom du Christ, il se doit d’être exemplaire ! Porteur du nom du Christ, il se doit de ne rien faire qui puisse salir ce nom. Saint Jacques est particulièrement virulent avec ceux qui, appartenant au Christ, vivent comme si la venue du Christ n’avait rien changé. Ils abusent de leur position pour s’enrichir au mépris des petits qu’ils exploitent.

Mais alors, est-ce que cela vaut la peine d’être disciple du Christ ? Je crois que oui. Le disciple, s’il ne bénéficie pas de droits supérieurs aux autres, possède pour lui cette proximité du Christ et cette intimité avec sa Parole qui font qu’il est sûr de la parole qu’il entend et qu’il transmet. Le disciple ne se trompe pas en suivant le Christ ; il sait qu’il ne trompe personne en utilisant la parole du Christ pour le bien qu’elle procure aux autres, pour la douceur qu’elle engendre.  Le disciple est celui qui connaît intimement le Christ et qui a choisi de construire sa vie sur son nom. Il sait le prix de l’amour de Dieu pour tous les hommes, et il espère le jour où le Christ sera tout en tous.

Si nous ne pouvons revendiquer aucune exclusivité sur l’usage du nom de Jésus, nous avons pour nous la certitude de ce que ce nom peut engendrer en l’homme. Disciples, nous sommes les témoins privilégiés de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Disciples du Christ, nous sommes les témoins privilégiés de la miséricorde qu’il accorde à tous ceux qui écoutent sa parole et choisissent d’en vivre. Disciples du Christ, nous sommes les premiers bénéficiaires des dons de Dieu et les héritiers de cette Parole, chargés de la faire vivre encore en la transmettant largement pour qu’elle transforme notre monde et le cœur des hommes. Ne nous plaignons pas si d’autres, qui ne font pas partie de notre groupe et qui ont pu goûter à cette parole, la font vivre autour d’eux ; mais réjouissons-nous plutôt du bien qu’elle produit ainsi, sans que nous ayons eu à nous fatiguer. C’est bien le signe que le Christ continue d’agir en faveur des hommes et que notre foi et notre espérance ne sont pas vaines. Plutôt que de nous rendre jaloux, cela devrait nous réjouir. Amen.  

samedi 19 septembre 2015

25ème dimanche ordinaire B - 20 septembre 2015

Deuxième annonce de la Passion.





Après Pierre la semaine passée, il semblerait que la consigne d’apprendre à se taire quand Jésus parle soit à étendre à tous les disciples.  Voilà que nous les croisons quand Jésus, pour la deuxième fois, leur annonce sa Passion et eux discutent en chemin pour savoir qui est le plus grand. De deux choses l’une : ou ce que dit Jésus ne les intéresse pas et donc ils ne l’écoutent pas ; ou ils ont bien écouté et considèrent plus important d’établir une hiérarchie entre eux, comme cela, le jour où Jésus ne sera plus là, ils sauront à qui obéir. 
 
Revenons sur ce que dit Jésus. Ce n’est guère différent de ce que nous avons entendu dimanche dernier. Jésus annonce sa mort violente et sa résurrection. Ce doit donc être vrai puisqu’il insiste tant. Préparer ses disciples à cette échéance serait donc l’objectif de Jésus. Nous qui connaissons la fin de l’histoire, nous pouvons nous dire qu’il aurait fallu mieux faire puisque nous savons que l’un trahit, un autre renie et presque tous s’enfuient ! A moins que leurs attitudes au moment de la Passion soient la preuve qu’ils n’ont vraiment rien écouté quand Jésus leur a parlé ! Cette insistance de Jésus nous indique aussi le caractère irrévocable de ces événements ; il en sera ainsi. Il faut qu’il en soit ainsi. La Passion devient clairement, dès cet instant, l’événement majeur de la vie terrestre de Jésus. Sa Passion et sa Résurrection seront la signature de son œuvre de salut accomplie pour tous les hommes. Personne ne pourra nier l’amour que Dieu nous porte ; personne ne pourra nier l’importance de cette vie donnée pour le salut des hommes. Il y aura bien un avant et un après Jésus Christ. 
 
L’importance de cet événement est encore soulignée par l’enseignement que Jésus donne à ses disciples après cette annonce. La semaine passée, il nous disait que le disciple authentique devrait lui-aussi renoncer à lui-même, prendre sa croix et suivre Jésus. Le don de la vie devient la marque de fabrique des disciples du Christ. Ce don de la vie ira, pour certains, jusqu’à la mort. Mais Jésus précise aujourd’hui une autre manière de donner sa vie : se faire le serviteur de tous. Il n’y a d’autre grandeur chez les amis de Jésus que la grandeur du service de tous et de chacun. Il n’y a pas de domination à établir au nom du Christ ; il n’y a qu’un service à accomplir. Jésus indique ainsi le sens aussi de sa propre mort. Elle est service de l’humanité, service de la vie et du bonheur de tous les hommes. En affrontant la mort, Jésus sert notre vie puisque sur la croix, il met la mort à mort. Et par sa résurrection, il nous ouvre le chemin de la vie véritable. Puisque Jésus sert ainsi éminemment l’humanité, ceux et celles qui se réclament de lui ne peuvent que servir l’humanité à leur tour. Puisque Jésus sert éminemment la vie de tous les hommes et de tout homme, ceux et celle qui se réclament de lui ne peuvent que servir la vie de tous les hommes et de tout homme. Nous n’échapperons pas au service parce que Jésus en fait la marque de l’amour. Saint Jean rapportera cette parole de Jésus dans son évangile : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. En nous invitant au service, Jésus nous invite bien à aimer chacun de ceux qu’il met sur notre route. Nous pouvons alors dire que celui qui aime donne sa vie ; celui qui aime, sert ! Le service que Jésus recommande n’est pas une corvée, mais bien un acte d’amour. Tout se tient : donner sa vie, servir : deux déclinaisons de l’unique commandement de l’amour que le Christ a laissé à ses amis. 
 
Puisque nous voulons être disciples du Christ, écoutons son enseignement. Acceptons d’offrir notre vie ; acceptons de nous mettre au service des hommes pour faire grandir la vie. Comme le disait si bien saint Augustin : Aime, et fais ce que tu veux ! Amen.
 
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'évangile, éd. Les Presses d'Ile de France)