Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu !
(Jésus guérit un possédé, Source internet)
Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu ! Ce qui surprend dans ce cri, ce n’est pas tant l’affirmation qu’il pose : Jésus est le Saint de Dieu ! Non, ce qui surprend, c’est que ce cri vient d’un esprit impur, autrement dit de l’adversaire de Jésus. Alors que les hommes découvrent à peine ce Rabbi qui parcourt le pays, voici que les démons révèlent déjà qui il est. Vous vous doutez bien qu’en procédant ainsi, ils ne posent pas un acte de foi.
Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu ! Dans ce passage d’Evangile, cette belle affirmation au sujet de Jésus résonne plutôt comme une dénonciation, une tentative de faire échouer le projet de Dieu. Jésus vient à peine de commencer sa mission en appelant ses premiers disciples ; il n’a encore rien fait à ce moment de l’évangile de Marc, si ce n’est enseigner de manière remarquable à la synagogue de Capharnaüm. C’est là qu’il est interpelé par un homme tourmenté par un esprit impur. Et c’est sous la poussée de l’esprit impur que cet homme se met à crier : Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? La question en elle-même est pertinente. Voilà un homme qui enseigne en homme qui a autorité. Que veut-il dire par son enseignement ? Qu’attend-t-il de la part de ceux qui l’écoutent ? Cette première question est aussitôt suivie par cette autre question : Es-tu venu pour nous perdre ? Là, déjà, nous pouvons nous interroger : un homme qui parle avec autorité des choses de Dieu (il fait un prêche dans une synagogue ; il ne parle pas de n’importe quoi, ni de n’importe qui), un tel homme peut-il vouloir du mal à quelqu’un ? Dieu peut-il vouloir perdre les hommes ? Celui qui réfléchit bien, comprend vite que ce n’est pas l’homme qui interroge ainsi, mais bien l’esprit impur qui l’habite. Nous pourrions dire qu’il divague, et donc nous ne l’écouterions plus. Et c’est là qu’il lance ce qui, dans la bouche de n’importe quel homme censé et croyant, eut été une profession de foi magnifique : Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. C’est bien une parole de démon, prononcée pour dérouter, pour troubler ceux qui l’entendent. Jésus ne s’y trompe pas, lui qui impose aussitôt le silence : Tais-toi ! Sors de cet homme. Ce que fait cet esprit impur ; l’homme possédé est libéré. Ceux autour n’ont rien compris, ils s’interrogent encore : Qu’est-ce que cela veut dire ? La tentative de l’esprit impur, de révéler qui est Jésus alors que les hommes ne sont pas prêts, a échoué.
Dans l’évangile de Marc, il est important que les hommes fréquentent Jésus avant de poser une affirmation sur lui. Il faut ce compagnonnage avec lui pour pouvoir poser une affirmation de foi. Ce n’est qu’après avoir entendu son enseignement, ce n’est qu’après avoir vu les signes qu’il pose, ce n’est qu’au pied de la croix que les hommes pourront dire : Celui-ci est fils de Dieu ! Ce n’est pas une affirmation d’intellectuel, c’est le résultat d’une longue route avec celui qui est venu sauver les hommes. Jésus, il nous faut le suivre, il nous faut l’écouter, il nous faut le regarder pour comprendre ce que nous disons de lui dans la foi. En imposant le silence, Jésus ne refuse pas le témoignage qui lui est rendu ; il refuse qu’il soit donné comme une parole en l’air, une parole coupée de toute expérience. La rencontre avec le Christ, c’est d’abord quelque chose qui se vit ; la réflexion est seconde. Avec Jésus, je fais l’expérience de Dieu et parce que j’ai fait l’expérience de Dieu, je peux dire Dieu. Dieu n’est pas un concept, c’est quelqu’un qui m’invite à vivre. Et c’est parce que je vis, que je peux dire : Dieu est là ; c’est lui qui me fait vivre !
Tout l’évangile de Marc est construit sur ce secret à découvrir. Le lecteur doit accompagner Jésus comme les premiers disciples, écouter son enseignement, lire les signes pour pouvoir dire en vérité : c’est lui, le Fils de Dieu. Et pour Marc, cette révélation ne peut se faire qu’au dernier moment, au pied de la croix. Car là, devant le sacrifice de Jésus, il devient évident que seul Dieu nous aime jusque-là ; là, devant le sacrifice de Jésus, il devient éblouissant que seul Dieu nous donne la vie en livrant la sienne. A nous qui croyons sans avoir vu Jésus, il nous revient de sans cesse nous interroger : notre foi est-elle le résultat d’une réflexion seulement ou d’une véritable expérience de vie ? Quand nous sommes appelés à témoigner, il ne s’agit pas seulement de dire ce que nous savons de Jésus parce que nous l’avons appris, il s’agit de dire Jésus avec qui nous vivons, il s’agit de dire comment Jésus change notre vie pour que nos auditeurs puissent désirer voir leur vie changer en mieux aussi. Car Jésus n’est pas venu pour nous perdre, il est venu nous sauver. Avec lui, la vie change en mieux, avec lui la vie grandit. Tous ceux qui l’ont suivi jusqu’à la croix en témoignent.
Nous
commençons à peine la lecture de ce bel évangile de Marc. Prenons le temps de
le lire, sans trop nous presser. Prenons le temps de suivre Jésus. Et si nous
pensons l’avoir déjà fait depuis longtemps, refaisons le chemin avec lui, comme
si c’était la première fois. Il y a toujours quelque chose à découvrir de cet
homme. Il y a toujours un enseignement à approfondir. Il y a toujours à l’accueillir
dans l’aujourd’hui de notre vie. Il se révèle à nous dans notre histoire, il se
révèle à nous dans tous les événements heureux ou malheureux que nous vivons. Prenons
la route avec lui, tendons l’oreille, ouvrons nos yeux, et laissons-nous encore
guider par lui. Amen.