Parce que Dieu est un être de relation...
Nous sommes à peine revenus dans le temps ordinaire près le long temps pascal, et voici que nous devons déjà affronter ce mystère de la Trinité qui défie toute logique ordinaire ; au point où nous pouvons légitimement nous interroger : n’y a-t-il pas une opposition entre la simplicité de l’ordinaire et la complexité de ce mystère ? Pour nous éviter des maux de tête sans fin ainsi qu’une cure inutile d’anti-douleurs, accordons-nous sur ceci : nous ne chercherons pas ce matin à comprendre ce mystère sur la base d’une équation mathématique, et un plus un plus un feront toujours encore trois.
Puisque nous laissons tomber les mathématiques, essayons d’entrer dans ce mystère par l’expérience humaine la plus basique. Elle peut se résumer dans cette affirmation de Dieu lui-même concernant l’homme au livre de la Genèse : Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Cette affirmation de Dieu conduira, en Genèse chapitre deux, à la création de tous les animaux dans un premier temps ; mais l’homme ne trouvant personne qui lui ressemble, Dieu finira par créer la femme, au sujet de laquelle l’homme dira en la voyant : Voici l’os des os, la chair de ma chair, comprenons celle qui est comme moi. Que cette histoire ne nous égare pas cependant ! Elle veut illustrer, à partir de l’homme, une vérité sur Dieu. Si Dieu reconnaît qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul, c’est peut-être tout simplement parce que Dieu n’est pas seul en lui-même. D’ailleurs, en Genèse chapitre un, Dieu crée l’homme, homme et femme, en un même mouvement. Dès le départ, il en fait un être de relation : et la bible dit dans ce même chapitre premier que Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. Si donc l’homme, image et ressemblance de Dieu, est fait comme un être de relation, Dieu, son Créateur ne l’est-il pas le premier ? L’affirmation de Dieu pourrait donc s’entendre ainsi : Il n’est pas bon que l’homme soit seul puisque je ne suis pas seul ! Ceci nous éviterait aussi de croire que Dieu aurait créé l’homme parce qu’il était seul dans l’univers et qu’il s’y ennuyait. Car si tel était le cas, il n’aurait pas dit qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul ; l’homme aurait eu Dieu, comme Dieu aurait eu l’homme ! Je crois que Dieu a fait l’homme à son image et à sa ressemblance, c'est-à-dire qu’il en a fait un être de relation, parce que c’est ce qu’il est profondément en lui-même. Et nous savons qu’au commencement, avant la création, Dieu n’est pas seul : l’Esprit de Dieu plane sur les eaux et Dieu va faire sa création par son Verbe, sa Parole, dont Jean nous dira, dans le prologue de son Evangile que c’est Jésus.
Que Dieu soit un être de relation, trois personnes en une seule substance divine, comme le rappellera la préface de notre solennité, est intéressant pour l’homme. Cela lui donne trois voies pour accéder à la connaissance de Dieu. C’est toujours l’expérience humaine qui peut nous servir ici. Il suffit de réfléchir un instant comment vous êtes entrés en relation avec les personnes que vous connaissez, ou bien, puisque nous sommes dans la chapelle du Carmel, comment vous en êtes venus à connaître ce lieu. Certains l’auront connu par une sœur en particulier, peut-être quelqu’un de la famille qui est entré dans cet Ordre. D’autres l’auront découvert en passant devant le bâtiment ; d’autres peut-être par les écrits soit de Sainte Thérèse (la grande ou la petite) ou ceux de St Jean de la Croix… Des chemins différents vous ont menés vers la spiritualité du Carmel. De même, tous ne découvrent pas Dieu de la même manière. Certains commencent par lire un évangile et découvre Jésus qui les mènera à la connaissance de son Père. D’autres font des expériences charismatiques très fortes ; c’est l’Esprit Saint qui les conduira à la connaissance de Dieu. D’autres ont fait l’expérience de la paternité de Dieu qui les conduira vers le Christ par la puissance de l’Esprit Saint. Parce qu’il est être de relation en lui-même et non pas un monolithe, nous pouvons chacun parvenir à sa connaissance par des voies qui nous sont propres, et c’est heureux. C’est reconnaître l’importance de notre expérience personnelle dans notre vie spirituelle. Parce que Dieu n’est pas un discours, parce que Dieu n’est pas une belle idée, nous pouvons faire l’expérience de sa rencontre à partir de chacune des personnes de la Trinité. Aucun chemin n’est meilleur qu’un autre, chacun conduisant à la révélation de l’unique Dieu, Père, Fils et Esprit.
Ceci nous amène alors à notre
conclusion. Puisque Dieu est un être de relation comme nous, il nous faut donc
quitter le registre des idées pour entrer pleinement en relation d’alliance
avec lui. Tout le but de la catéchèse aujourd’hui n’est pas de procurer une
connaissance scientifique ou livresque sur Dieu : le but de la catéchèse,
c’est d’amener le cœur d’un homme vers le cœur de Dieu, en lui permettant de
faire l’expérience de la présence de Dieu dans sa vie. Ce que la Sagesse de
Dieu déclarait à son propre sujet, nous devons le faire nôtre et en faire
l’expérience : Le Seigneur m’a fait pour lui. Être de
relation comme Dieu lui-même, nous sommes faits pour lui, nous sommes faits
pour le rencontrer et pour vivre dans son Alliance. L’eucharistie que nous
célébrons nous offre de vivre cette expérience en nous faisant chanter les
merveilles que Dieu le Père réalise pour nous, par son Fils Jésus, dans la
puissance de son Esprit. Il n’y pas d’expérience trinitaire plus forte que
celle-ci. J’en veux pour preuve la doxologie qui conclut la grande prière eucharistique :
Par le Christ, avec le Christ et en Christ, à toi, Dieu le Père tout-puissant,
dans l’unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des
siècles. Amen.
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