Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !
Je ne cesse d’être surpris par la Parole de Dieu et par la manière dont elle m’accompagne et se révèle à moi. Ce qui hier était une phrase sans importance peut soudain travailler ma mémoire au point que je me demande pourquoi jamais auparavant tel verset ne m’avait interrogé. C’est comme si un verset semblait avoir été ajouté à un texte que je croyais connaître. En plus de trente années de sacerdoce, j’ai pourtant lu dix fois au moins chaque évangile de chaque dimanche. Et pourtant, je m’aperçois encore que des mots de Dieu m’étaient jusqu’à ce jour inconnus. Ainsi en est-il de ce verset de l’évangile de ce dimanche que je voudrais commenter : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !
C’est la dernière parole de Jésus aux envoyés de Jean le Baptiste qui, du fond de sa prison, s’interroge : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Jean le Baptiste devient ainsi un modèle pour tout croyant qui s’interroge aujourd’hui, alors que l’Eglise ne parvient pas à sortir de la crise qui l’ébranle profondément : ai-je misé sur le bon cheval ? N’ai-je pas tort de croire alors qu’il y a un tel fossé entre ce que je vois et ce que je crois ? Il faut se souvenir de la manière dont Jean le Baptiste parlait de la venue du Messie. Nous l’avons entendu dimanche dernier : Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. Reconnaissons qu’il est, dans son annonce, plus proche du grand nettoyeur que du grand guérisseur. Quand vous parcourez l’évangile de Matthieu pour contempler les débuts de la mission de Jésus, une fois passée la prédication de Jésus des chapitres cinq à sept, vous voyez Jésus guérir un lépreux, le serviteur d’un centurion romain, la belle-mère de Pierre, de nombreux malades et possédés qui viennent à lui, deux démoniaques au pays des Gadaréniens, un paralysé, une femme ayant des pertes de sang, deux aveugles, un possédé muet et je n’oublie pas qu’il a redonné vie à la fille d’un notable. Nous sommes quand même plus proche d’un hôpital de campagne que d’une société de nettoyage ! Jean le Baptiste se serait-il trompé ?
Dans sa réponse, Jésus, plutôt que de rappeler par le menu détail la longue liste que je viens de dresser, renvoie au prophète Isaïe qui donnait les signes concrets du salut réalisé par Dieu : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, ls lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Jean le Baptiste ne s’est pas trompé sur la personne de Jésus : il est celui qui apporte le salut puisqu’il réalise tous les signes de la prophétie du prophète Isaïe. Jean s’est juste trompé sur la méthode. Là où il attendait un grand chambardement avec des colères et des jugements secs, il y a le chemin du salut proposé par Dieu qui consiste à accueillir sa grâce, à se laisser guérir par Dieu de ce qui fait obstacle à la vie, à reconnaître que la mort n’est pas le dernier mot de l’histoire des hommes. A la place d’un feu qui détruit, il y a une parole qui sauve, qui redonne confiance, qui oriente la vie et le regard des hommes vers Dieu. Jésus lui-même confirme aux foules que Jean le Baptiste est bien son précurseur quand il affirme : c’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Et Jean le Baptiste a fait le job : il a des disciples qui le suivent, il y a des gens qui se sont convertis à son appel. Reste à Jean le Baptiste à se convertir lui-aussi à la méthode de Dieu, au projet de Dieu pour les hommes : il n’est pas celui qui détruit, il est celui qui sauve ! C’est ainsi que je comprends cette béatitude que je n’avais jamais remarqué auparavant : Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !
Jésus
affirme que c’est bien autour de sa personne que s’opèrera le jugement. Jean le
Baptiste, comme tout un chacun, doit se décider pour ou contre Jésus. Je n’ai pas
de doute que la réponse qu’il aura reçue de ses envoyés l’aura réconforté et qu’il
aura gardé son espérance dans la venue du jour du Dieu. Ce passage nous montre
que chacun peut, à un moment donné de son histoire, se trouver confronté au
doute. Plutôt que d’abandonner, cherchons comme Jean une réponse à nos doutes,
en nous faisant aider par d’autres quand notre doute nous retient prisonnier ;
avec eux, relisons l’œuvre de Jésus et confrontons-la, non pas à nos attentes,
mais aux promesses que Dieu a faites à nos Pères dans la foi. Nous trouverons en
Jésus, dans son enseignement et dans ses œuvres, la lumière nouvelle qui
redonnera à notre foi sa force et à notre espérance son horizon : le Seigneur
vient nous sauver, il n’abandonne personne. Il n’y a pas de prison assez sombre
qui ne puisse être traversée par sa lumière. Avec Jean le Baptiste,
réjouissons-nous de ce Dieu qui vient prendre soin de nous ;
réjouissons-nous de ce Dieu qui vient nous offrir son salut. Amen.
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