Guerres, attentats, troubles politiques en de nombreux points sensibles du globe ; crise économique, meurtres en grand nombre, enlèvements, accidents divers, perte des repères moraux, changement de société imposé à la hussarde : la liste est longue, à la lecture de nos journaux, des événements malheureux, douloureux et difficiles à admettre. Au milieu de ces bruits et de ces agitations, un appel adressé par Dieu à celles et ceux qui croient en lui : Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Eclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem. Et Paul de renchérir : Soyez dans la joie. Peut-on ainsi concilier l’inconciliable ?
La joie à laquelle nous sommes appelés en ce troisième dimanche de l’Avent, n’est pas une attitude naïve. Nous n’avons pas à avoir l’air béat devant tout ce qui se passe. Mieux : la joie que nous devons vivre ne nous empêche ni de nous révolter devant les injustices de ce monde, ni de connaître nous-mêmes épreuves et malheurs. Les croyants ne sont pas à l’abri du Mal ; les croyants ne sont pas davantage miraculeusement préservés de toute détresse ou catastrophe. Ce serait quand même trop beau, voire trop facile. Mais la joie à laquelle nous sommes appelés nous permet d’affronter les épreuves de la vie avec la certitude qu’au bout, il y a toujours la vie. La joie à laquelle nous sommes appelés nous permet de vivre nos épreuves avec cette certitude que nous ne sommes pas seuls et que nous pouvons vaincre, puisque nous croyons en un Dieu qui a vaincu toutes les épreuves, y compris la grande épreuve de la Mort. La joie à laquelle nous sommes appelés est un art de vivre. Rien ne peut ni ne doit nous effrayer parce que le Christ est avec nous pour nous sauver. N’est-ce pas le sens des noms qu’il reçoit : Emmanuel, Dieu-avec-nous ; Jésus, le Seigneur sauve ? Nous avons eu et nous aurons encore des épreuves à affronter dans notre vie, mais nous pouvons le faire avec cette joie que procure la certitude de n’être pas seul, d’être accompagné dans chacune d’elles par celui à qui tout est possible. Même devant les épreuves, notre cœur peut être en paix.
Cette joie qui doit être nôtre se fonde, en ce temps de l’Avent, sur l’attente d’un événement heureux : Dieu va venir visiter son peuple. Il vient à notre rencontre. Si nous sommes entrés en état de veille, si nous préparons à Dieu le chemin qui mène à notre cœur, comme nous le demande la liturgie depuis deux semaines, ce n’est pas en vain. Nous savons que les promesses de Dieu seront honorées ; nous savons que nous pouvons compter sur lui et que nous comptons pour lui. Dieu ne nous trompe pas lorsqu’il annonce sa venue au milieu de nous. D’où la joie qui doit être nôtre, quelle que soit la vie que nous menons en ce moment. Qu’elle nous soit belle ou difficile, le Seigneur vient visiter notre vie ; le Seigneur vient nous sauver. Nous comprenons alors mieux ces appels à la joie lancés par le prophète et par l’Apôtre. Le prophète invite à la joie parce que Dieu est intervenu en faveur de son peuple, il a écarté le danger de l’adversaire. L’Apôtre invite à être toujours dans la joie du Seigneur parce qu’il est proche, il n’abandonne pas ceux qu’il aime, ceux qui comptent sur lui. Ainsi la joie de celui qui vit un moment difficile sera même plus grande que celle de celui qui mène une vie belle et facile, parce que la venue du Christ signifie bien la fin de son épreuve.
Le discours de Jean le Baptiste peut alors nous sembler un peu loin de cette joie, parce que ces invitations à vivre autrement remettent en cause notre art de vivre présent et posent des exigences. Et pour nous exigence équivaut à effort, et nous n’aimons pas les efforts à faire. Il nous invite au partage, à la justice, à la paix. Pourtant, à y regarder de près, nous constatons que ses invitations ne sont guère différentes de celles du prophète et de l’Apôtre. Il donne les clés pour bien comprendre cette joie à laquelle nous sommes invités. La joie parfaite est possible quand tu partages parce que tu soulages la misère de l’autre et tu lui permets de connaître un peu de ta joie. La joie parfaite est possible lorsque tu fais œuvre de justice, n’exigeant rien de plus de la part des autres. La joie parfaite est possible lorsque règne la paix entre tous et que la violence disparaît. En attendant cette joie parfaite, vivez avec la certitude que par votre comportement, vous pouvez changer le monde et le rendre meilleur pour tous.
Que dire de plus, sinon que Dieu seul peut donner cette joie parfaite et qu’il faut oser la lui demander dans la prière. Faisons preuve d’audace et prions-le en ce sens : Allez, sois heureux ! Comme si le bonheur se commandait, Seigneur ! Comme tant d’autres, je traverse quelquefois des jours sombres. Comme tant d’autres, il me semble que le bonheur n’est pas vraiment pour moi. Pourtant, ta Parole m’invite à la joie, cette joie que toi seul peut donner quand tu dis combien je compte pour toi, et combien tu m’aimes. Viens me donner ta joie, Seigneur, et je chanterai les merveilles que tu fais pour moi, toi, le Dieu de toute joie. Amen.
(Dessin : Détail d'un retable de Noël, Site Prions en Eglise)
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