Notre année liturgique se termine comme chaque
année par la solennité du Christ, Roi de l’univers. Et nous venons d’entendre,
dans l’évangile, cet échange entre Jésus et Pilate au sujet même de la royauté
de Jésus après que Pilate aie justement questionné Jésus ainsi : Es-tu le roi des Juifs ?
Nous ne savons pas ce qui a poussé Pilate
à interroger Jésus en ce sens. Jésus essaie bien de comprendre, mais Pilate ne
répond vraiment à sa question : Dis-tu
cela de toi-même ou parce que d’autres te l’ont dit ? Pourtant, n’est-ce
pas la vraie question à nous poser aujourd’hui ? N’est-ce pas notre
réponse à cette question qui devrait nous préoccuper ? Pour cela, il nous
faut d’abord définir quelle est cette royauté de Jésus. Car, reconnaissons-le,
au moment où nous assistons à cet échange, la royauté de Jésus n’est pas vraiment
ce qui frappe l’auditeur ou le spectateur de la scène. La rencontre à laquelle
nous assistons n’est pas une rencontre diplomatique entre deux grands de ce monde ;
ce que nous voyons, c’est la rencontre entre un prisonnier et son geôlier, entre
un accusé et son juge qui a pouvoir de vie et de mort. Difficile donc de
confondre Jésus, Christ, Roi de l’univers, avec les rois dont l’histoire de France
nous relate l’existence. Ne cherchez pas de couronne d’or et de joyaux ;
il n’y aura qu’une couronne d’épines. Ne cherchez pas de pourpre ni d’hermine ;
il n’y a que le manteau rouge dont les soldats ont affublé Jésus. Ne cherchez
pas d’escorte militaire, ni de garde prétorienne pour protéger Jésus ;
il n’y a que les soldats romains venus l’arrêter et le ligoter. Aucun des
signes donc dont nos rois aimaient s’entourer ; juste une caricature de
roi, un théâtre de marionnettes dont Jésus sera la victime, mais la victime
consentante. Car ce moment-là, dont la rencontre avec Pilate n’est qu’un
détail, est le moment de Jésus. Et il va culminer dans la croix dressée,
portant le corps souffrant du Christ, révélant dans cette extrême faiblesse, la
vraie royauté Jésus : celle de l’amour offert jusqu’au don de la vie afin
que les hommes puissent vivre. Rien d’autre n’importe à Jésus que d’accomplir
la volonté de salut de Dieu pour les hommes.
Nous pourrons alors interroger longtemps
comme Pilate : Es-tu le roi des
Juifs ? Nous n’aurons, pour seule réponse, que la croix dressée et
cette affirmation de Jésus : Ma
royauté n’est pas de ce monde. Ne cherchons donc pas à comprendre avec nos
réalités terrestres, mais entrons plus avant dans la connaissance de la volonté
de Dieu pour les hommes, et de ce que l’accomplissement de cette volonté
suppose. Nous comprendrons vite que nous n’échapperons pas au passage de Jésus par
la croix. Sa gloire vient de son obéissance au Père. Sa vie de ressuscité, il
la doit à son obéissance au Père. Notre vie, il la doit (et nous la devons) à
son obéissance au Père. Non pas que le Père se délectât de voir son Fils mourir
en croix ; mais il fallait que le Fils s’offrît, il fallait qu’il vive la
vie humaine jusque dans la mort pour que nous en soyons libérés. N’est-ce pas
le premier rôle d’un roi que celui de protéger et de faire vivre son peuple ?
Avec Pilate, nous pouvons interroger : Alors
tu es roi ? Parce que cette découverte ne vient pas tant de l’enseignement
que de l’expérience. Il faut avoir fait l’expérience de ce salut offert, par
grâce, pour désirer que le Christ règne dans nos cœurs et gouverne notre vie. Il
faut avoir fait l’expérience de cet amour sans limite pour confesser le Christ comme
le roi de l’univers, roi non à la manière des hommes, mais à la manière de Dieu.
C’est
toi-même qui dis que je suis roi. Le mot de la fin reviendra à Jésus ;
il reconnaîtra le chemin que nous avons parcouru. Il acceptera de devenir notre
roi pour que vive son amour à travers nous. Car cet événement de Pâques est
pour tous les hommes, à travers tous les temps. Il nous revient d’en témoigner
pour que tous les hommes, habitant le même univers, puissent reconnaître en Jésus
ce roi qui nous offre sa vie, ce roi qui nous libère du péché et de la mort, ce
roi qui nous gouverne pour nous mener à la vie en plénitude, avec lui, auprès
du Père. Amen.