De quoi nous parle-t-on au juste dans les
lectures de ce dimanche ? L’histoire d’Elie et de la veuve de Sarepta,
doublée de celle de la veuve qui est remarquée par Jésus pour ses deux petites pièces de monnaie déposées
au Trésor du Temple, nous inciterait à répondre que la liturgie nous parle de
partage. Pourtant, il y a un autre texte que nous oublions trop souvent quand,
en certains lieux, il n’est pas remplacé par un chant ; c’est le psaume
qui donne une indication complémentaire sur la teneur des textes. Et le psaume
de ce dimanche, le psaume 145, nous parle de Dieu et de son œuvre de salut.
Car, ne l’oublions jamais, c’est de Dieu que Jésus est d’abord venu parler aux
hommes ; c’est au sujet de Dieu qu’il nous enseigne. Et que nous dit-on
alors de Dieu aujourd’hui ?
Eh bien d’abord que Dieu se soucie de
nous, et en particulier du pauvre et du fidèle. Voyez Elie et la veuve de
Sarepta. Ils sont dans la main de Dieu, même si la veuve semble l’avoir
oubliée. Le prophète Elie, dont la vie est toute tournée vers le service du
Seigneur en une époque difficile, l’expérimente régulièrement. Sa demande à la
veuve, - le faire manger avant qu’elle ne mange elle-même avec son fils - ,
semble déplacée et égoïste. Mais elle manifeste surtout sa confiance en Dieu
qui ne tardera pas à se manifester : Ainsi
parle le Seigneur, Dieu d’Israël : jarre de farine point ne s’épuisera,
vase d’huile point ne se videra jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie
pour arroser la terre. Il annonce ainsi la proximité de Dieu aux hommes
dans leurs épreuves et la récompense qu’il accorde à ceux qui lui sont fidèles.
Le salut n’est pas une idée en l’air ; la providence n’est pas une vue de
l’esprit. La certitude que Dieu nous accompagne doit être une constante de
notre foi, profondément ancrée en nous. Ce qui se passe pour Elie et la veuve
de Sarepta, Dieu le renouvelle pour nous. Relisez le psaume pour vous en
convaincre : Le Seigneur garde à
jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le
pain. Nous pouvons certes considérer que ce ne sont là que des mots pour la
prière ; mais nous pouvons aussi considérer que ce sont là les mots de
l’alliance de Dieu avec les hommes, des mots qui engagent Dieu (nous le voyons
avec Elie), mais des mots qui engagent aussi les hommes.
C’est la veuve de l’Evangile qui nous le
rappelle discrètement. Elle est certes remarquée par Jésus, mais c’est sans
doute le seul qui aura noté son offrande. Qui prête attention à une pauvre
veuve alors que tant d’autres (les scribes dénoncés par Jésus en particulier)
tiennent à se montrer, à se faire saluer, à être honorés publiquement ?
Non, personne n’aura vraiment prêté attention à cette femme, si ce n’est Jésus,
si ce n’est Dieu ! Non seulement, il aura vu, mais il aura estimé à sa
juste valeur cette pauvre offrande. Elle
a mis plus que les autres… Elle a pris sur son indigence, elle a mis tout ce
qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. N’est-ce pas là, la
part d’alliance qui relève des hommes ? Si Dieu est attentif,
miséricordieux, providentiel pour les hommes, les hommes ne doivent-ils pas
être à la hauteur de Dieu ? Quand Dieu s’intéresse à nous, ce n’est pas
pour nous rabaisser ; il n’intervient pas pour nous humilier. Non, quand
Dieu intervient dans la vie des hommes, c’est pour les élever, les faire
grandir, les sauver. L’homme ne saurait alors rester sur la touche ; il ne
saurait sous-estimer l’œuvre de Dieu. Il cherchera à faire pour d’autres, ce
que Dieu a fait pour lui. C’est cela le geste de la veuve. Elle n’a rien fait
pour être remarquée des hommes ; elle fait ce qui lui semble juste :
donner parce qu’elle a tant reçu de l’amour de Dieu ; donner, alors même
qu’elle n’a que très peu. Avec ses deux
petites pièces, c’est toute sa foi qu’elle offre à Dieu, sûre que lui peut
quelque chose avec ce petit rien. Dans sa pauvreté, elle refuse qu’on puisse
dire qu’elle est trop pauvre pour changer les choses ; elle refuse qu’on
lui enlève cette dignité fondamentale de l’être humain qui le rend plein de
compassion pour autrui. Puisque Dieu ne détourne pas son regard des hommes,
comment pourrait-elle détourner le sien ? La pauvreté n’empêche pas de
voir le monde tel qu’il est ; elle rend peut-être le regard de l’homme
encore plus perçant, et le cœur de l’homme plus attentif à autrui. En faisant
remarquer aux autres cette veuve, Jésus nous rappelle que Dieu voit ces petits
gestes et leur donne leur juste grandeur. Aucun acte de charité, si petit et si
discret soit-il, ne sera perdu ou inaperçu aux yeux de Dieu. C’est même l’amour
qui est le critère principal pour Dieu. N’est-ce pas ce que nous rappelait
Jésus dimanche dernier lorsqu’il nous invitait à aimer Dieu et notre prochain comme nous-mêmes ?
Dieu veille sur ceux qui le craignent.
Dieu est bon pour tous les hommes, et veut leur salut. Comment dès lors ne
pourrions-nous pas aider à répandre ce salut, nous à qui il a été révélé en
Jésus ? Comment pourrions-nous vivre comme si de rien n’était, alors que
nous connaissons la bonté de notre Dieu ? Dieu déverse des trésors d’amour
sur nous ; ne les retenons pas, mais déversons-les à notre tour, à l’image
de ces deux veuves, confiants que ces trésors ne s’épuiseront que si nous
refusons de les partager. Amen.
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