Après la Trinité, fête éminemment
chrétienne, voici la fête du Corps et du Sang du Christ, éminemment catholique.
S’il n’y avait pas les restrictions sanitaires, nous aurions tous été à Mommenheim
pour ce qui est pour beaucoup le point d’orgue de cette fête : la
procession du Saint Sacrement dans toute la cité, avec des haltes de prières
réparties judicieusement sur le parcours. Authentiquement catholique, parce qu’elle
met en lumière ce que nous disons de la présence réelle et permanente du Christ
dans l’hostie consacrée. L’eucharistie n’est pas un « prêt à consommer » ;
l’eucharistie est un « prêt à vivre et à adorer ». C’est tout le
sens de ces antiques processions qui retrouvent une nouvelle jeunesse depuis
quelques années. En cette année où nous en sommes privés, nous pouvons nous
interroger sur le sens de cette démarche. Est-elle vraiment l’affirmation de la
présence du Christ au milieu de nos cités et de notre union intime à lui, ou n’est-elle
qu’une forme d’idole, à laquelle nous sacrifions par habitude, plus occupés à
échanger les nouvelles qu’à vraiment adorer le Christ, présent dans l’eucharistie,
quand il passe devant nous ?
L’extrait de la première lettre aux
Corinthiens que nous avons entendu nous permet d’approfondir notre réflexion. Voyez-vous,
ces deux versets sont tirés d’un passage plus grand consacré à l’idolâtrie, et
plus particulièrement aux repas pendant lesquels on consommait les viandes qui
venaient d’être offertes en sacrifice. Dans les versets qui suivent ceux que
nous avons entendu, Paul dit clairement que lorsqu’on mange le sacrifice
offert, on communie à l’autel sur lequel cette viande a été offerte. Il y a un
lien intime entre ce que l’on offre, celui à qui on offre et ce qui est offert.
Offrir un sacrifice à une idole, c’est s’unir à cette idole ; manger de la
viande qui lui est offerte, c’est s’unir à l’idole. C’est le même phénomène qui
joue pour les chrétiens lorsqu’ils communient au pain et au vin consacrés. Les questions
posées par Paul n’appellent qu’une réponse : Si, bien sûr. La coupe de
bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ?
Si, bien sûr ! Le pain que
nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Si, bien sûr !
Nous
ne pouvons donc pas séparer le pain et le vin offerts, du sacrifice que le Christ
a réalisé une fois pour toutes pour notre salut. Refaire les gestes qu’il a
fait et redire les paroles qu’il a dites au soir du Jeudi Saint, parce qu’il
nous a dit de faire ainsi (Faites cela en
mémoire de moi), c’est nous unir
au Christ Sauveur, c’est communier à sa vie. Ayant fait le choix du Christ d’une
manière aussi radicale et intime, nous ne pouvons que rejeter tous les autres
sacrifices, toutes les idoles que notre monde affectionne. Amour, gloire et
beauté ne nous rapprochent pas du Christ et ne nous unissent pas à lui. Le pain
et le vin partagés, eux le font ; ils nous rapprochent du Christ, ils nous
unissent à lui, et ce faisant, nous unissent les uns aux autres : Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que
nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain. Et voilà que l’eucharistie n’est plus le
sacrement où je reçois mon doux Jésus à moi tout seul et pour moi tout seul ;
mais je le reçois avec les autres, pour les autres, pour n’être qu’un avec les
autres, que je les aime ou pas ! Le Christ ne s’étant pas offert pour moi
tout seul en sacrifice, mais pour tous les hommes, partager son pain et son
vin, c’est m’unir à lui et à tous ceux pour qui il s’est donné. Là est la raison
pour laquelle les prêtres, même confinés seul, ont continué fidèlement à
célébrer l’eucharistie : non pas parce qu’ils en ont le pouvoir, mais pour
rester unis et au Christ qu’ils ont choisi de servir, et au peuple vers lequel
ils ont été envoyés. A travers eux, chacun de vous était présenté au Christ,
uni au Christ par le prêtre célébrant.
Alors
certes, et beaucoup de chrétiens l’ont exprimé durant le confinement, nous
pouvons nous unir au Christ autrement. Tous ceux qui ont été au service des
plus fragiles étaient unis au Christ d’une manière particulière. Tous ceux qui
ont renforcé leur vie de prière étaient unis au Christ d’une manière particulière.
C’est vrai. Mais l’eucharistie nous unit à lui d’une manière plus intensive :
elle est la source et le sommet de notre foi. Il n’y a pas de moyen plus fort
pour nous unir à lui, parce que quand il se livre ainsi, c’est lui qui s’unit à
nous totalement. Il nous donne tout de lui, toute sa vie, pour faire grandir la
nôtre. Et cela ne se joue que là, dans ce pain et ce vin partagés. Un dimanche
pour louer le Christ qui se livre ainsi à nous n’est pas de trop ; en
fait, c’est toute notre vie qui doit devenir, à la suite du Christ, eucharistie,
c’est-à-dire vie donnée, vie offerte pour la gloire de Dieu et le salut du
monde. Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire