Faites donc de nouveaux progrès !
Avec l’hiver qui se fait sentir à notre porte, revient aussi le temps de l’Avent, ce temps qui nous prépare aux fêtes de Noël, à la venue du Messie Rédempteur, le Christ notre Seigneur. C’est le temps de l’attente qui nous rappelle que nous vivons dans l’espérance du retour dans la gloire du Christ Sauveur.
L’attente, nous mesurons tous depuis presque deux ans ce qu’elle peut avoir d’énervant. Depuis le début de la pandémie, on nous promet un monde d’après, sans cesse repoussé. Nous sommes pris, en ce moment-même, dans une cinquième vague épidémique, incapables de nous défaire de ce virus qui plombe nos vies et nos relations, qui entraine angoisse et violence à force d’attendre quelque chose qui ne semble pas vouloir venir. Ce n'est pas une attente de la sorte qui doit nous animer. L’attente du retour du Christ dans la gloire devrait être une attente joyeuse. Certes, pas plus que pour la fin de la pandémie, nous ne savons quand ce retour aura lieu. Mais ce retour marquera l’avènement d’un monde nouveau, d’où le Mal aura disparu. Et nous pouvons nous préparer à ce retour en commençant dès maintenant à lutter contre le Mal, d’abord dans notre vie, puis autour de nous. Il nous faut entendre le prophète Jérémie parler de ce jour comme de celui de l’accomplissement de la parole de bonheur que [le Seigneur a] adressée à la maison d’Israël. Il nous faut entendre Jésus nous dire comment nous préparer à ce jour : en restant éveillés et en priant en tout temps. A celui qui est un intime du Christ par la prière constante, rien ne peut faire peur. De celui qui est un intime du Christ, la joie sera à son comble quand ce jour viendra.
De
mon enfance, je retiens alors un double sentiment face à ce temps de l’Avent. D’abord
un réel sentiment de joie, non pas enseigné par l’Eglise, mais davantage par la
famille. Ce temps de l’Avent était marqué par les soirées à faire ensemble les
Bredele que nous partagerions durant le temps de Noël. Cette joie est toujours
mienne quand je sens l’odeur des épices de Noël dans ma cuisine en pensant déjà
à ceux et celles à qui je partagerai dans quelques semaines ma production.
Au-delà de la tradition locale et familiale, je ne peux concevoir vivre ce
temps de l’Avent sans la joie d’avoir mis la main dans la pâte pour préparer
quelques délices. Et je vis déjà dans l’anticipation de la joie du partage, de
la joie que procure le visage heureux d’un ami qui goûte avec plaisir ces
petits gâteaux.
Mais je retiens aussi de ce temps de l’Avent une crainte certaine enseignée par l’Eglise, crainte qui se traduisait par la peur de n’avoir pas fait assez d’efforts pour mériter de partager la joie du retour du Christ. L’Avent, comme le Carême, devenait un temps ingrat d’efforts toujours insuffisants à faire. De quoi gâcher par avance la joie de Noël ! A tous les traumatisés de ces discours sur les efforts à faire, je voudrais relire ce que Paul a dit aux chrétiens de Thessalonique dans sa première lettre. Il ne parle pas d’effort à faire, mais de progrès à réaliser. Et cela change tout ! Ecoutons-le une nouvelle fois : après avoir formulé le vœu que le Christ lui-même affermisse [leurs] cœurs, les rendant irréprochables en sainteté, il rappelle à ses lecteurs qu’ils savent déjà comment [ils doivent] se conduire pour plaire à Dieu ; et puisque c’est ainsi [qu’ils se] conduisent déjà, il les invite à [faire] de nouveaux progrès. Il leur dit qu’ils font bien déjà, mais ils peuvent progresser encore. Il ne faut pas se relâcher. Une fois qu’on a compris que le Mal existe et qu’il faut le combattre ; une fois qu’on a commencé, par notre baptême, à prendre notre part dans cette lutte, il nous faut rester forts, vigilants. La lutte contre le Mal ne sera terminée que lorsque le Christ reviendra dans sa gloire. Poursuivre la lutte n’est pas un effort à faire qui conditionnerait le retour du Christ, ce que semblait être les efforts demandés dans mon enfance ; poursuivre la lutte contre le Mal est un art dans lequel il nous faut progresser, parce que les grands maîtres spirituels nous l’ont appris : plus nous luttons contre le Mal, plus le Mal se fait insidieux, cherchant toujours plus comment détruire notre œuvre. Ce n’est pas une question d’effort, donc de sueur ; c’est une question de persévérance et de confiance. De confiance en nous, de confiance en Christ qui se bat avec nous pour nous aider à vaincre le Mal dans notre vie.
Alors qu’avec les efforts demandés
dans mon enfance, il me semblait qu’il fallait chaque nouvelle année liturgique
tout recommencer à zéro, voici que la parole de Paul sur les progrès à faire
encore, nous permet de mesurer le chemin parcouru, de constater combien le Christ,
année après année, nous a aidé à vaincre nos démons et à grandir dans l’amour
de Dieu. Ces progrès alimentent notre joie de préparer encore le retour du Christ
et de célébrer dans la joie la mémoire de sa venue première pour notre salut.
Que ce temps de l’Avent nous ouvre à cette joie ; que nous progressions
dans la foi et dans l’amour, avec l’aide du Christ dont nous attendons le
retour dernier. Amen.