De curiosité en curiosité, une approche de la Bonne Nouvelle.
C’est un évangile curieux à plus d’un titre qui nous est proposé en ce dimanche. Curieux, le fait que Jésus s’interroge sur ce que les gens disent, donc pensent, de lui ; jusqu’à présent, il s’est peu soucié de ce détail. Curieuse la réponse faite par Pierre. Curieux le fait que ce soit lui qui soit choisi pour être le « primus inter pares » (le premier parmi ses pairs). Curieuse encore la mission que lui confie Jésus. Toutes ses curiosités sont aujourd’hui, pour nous, Bonne Nouvelle.
Jésus interroge donc ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? La formulation est curieuse puisqu’il parle de lui : il aurait pu demander simplement ce que les gens disent de lui ; après tout, il sera beaucoup plus direct quand il posera la question directement à ses disciples : Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? A la première question de Jésus, les disciples répondent en fonction de ce qu’ils entendent ; et ce qu’ils entendent, ce sont les rapprochements faits par les gens entre cette figure du Fils de l’homme que le Premier Testament connaît déjà et quelques-uns de ses grands personnages. Un peu comme on fait à la naissance d’un nouvel enfant : on cherche à qui il ressemble, de qui il a les yeux, la bouche, le nez… Le Fils de l’homme, au dire des gens, peut être Jean le Baptiste dont il prolonge le ministère ; il peut être Elie, le prophète qui n’est pas mort et dont on attendait le retour ; il peut être Jérémie, le prophète qui a toujours dû annoncer aux gens le contraire de ce qu’ils voulaient entendre. Il peut être aussi n’importe lequel des autres prophètes, tant sa parole est à la fois unique et bien marquée du sceau de Dieu. Nous comprenons bien que les gens ont du Fils de l’homme une représentation qui le situe clairement du côté de Dieu et de ses grands envoyés. Aujourd’hui, beaucoup de gens voient en Jésus un grand personnage, un grand sage, qui invite les hommes à une vie autre, plus élevée que celle que propose le monde.
Je ne sais pas si c’est parce que ces représentations des gens ne conviennent pas à Jésus qu’il poursuit son investigation auprès de ses disciples : Pour vous, qui suis-je ? Mais la question est intéressante : vous qui me suivez de près, voyez-vous la même chose que les gens ? Dites-vous pareil ? La réponse de Pierre jaillit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! Je donnerais cher pour voir la tête des autres disciples ; et peut-être aussi la sienne lorsqu’il réalise ce qu’il vient de dire ! Jésus ne s’y trompe pas, lui qui reprend tout de suite : Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Autrement dit, pour passer du Jésus de l’histoire que Pierre et les autres côtoient au Christ de la foi, il n’y a pas la réflexion humaine, mais une révélation de Dieu lui-même. Nul ne passe de Jésus, grand sage de l’histoire des hommes à Jésus le Christ, sans que Dieu le Père ne permette ce rapprochement. La foi n’est pas une déduction humaine ; elle est une expérience spirituelle, le résultat de la rencontre entre l’homme et Dieu. Et c’est toute la beauté de la foi : il n’y a pas besoin d’être un génie intellectuel pour reconnaître le Christ ; il suffit d’être ouvert à la grâce de Dieu qui veut se révéler à tout homme. Pas besoin d’avoir fait de grandes écoles pour rencontrer Dieu ; la simplicité d’un cœur d’enfant y suffit.
Nous pouvons alors interroger la fin de l’évangile de ce dimanche. Si ce n’est pas son intelligence qui lui a soufflé de dire cela, pourquoi est-ce Pierre que Jésus choisit ? Car enfin, Pierre est quand même un peu du genre « grande gueule », rapide à parler, lent à réfléchir, et vite rattraper par la peur ; il suffit de se souvenir de l’attitude de Pierre quand Jésus les rejoint dans la barque en marchant sur l’eau : nous l’avons entendu dire que si Jésus le fait, il peut le faire aussi avant de manquer de se noyer quand la peur des eaux tumultueuses l’a repris et de crier vers Jésus : sauve-moi ! Et bien, c’est peut-être justement pour cela que Jésus l’a choisi : parce que quoi qu’il fasse, et surtout après ses moments de faiblesses, il sait revenir vers Jésus. Avec Pierre, nous avons la certitude qu’il ne construira pas son Eglise, mais bien l’Eglise du Christ. C’est d’ailleurs ce que dit Jésus très clairement : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Tu es Pierre, c'est-à-dire tu es qui tu es, comme tu es, comme je t’ai appelé ; et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, sur toi sur qui les autres peuvent s’appuyer, je vais m’appuyer aussi pour faire mon Eglise. Il est choisi parce qu’il connaît ses faiblesses et que Jésus reste celui dont il sait qu’il est son Sauveur vers qui il revient toujours. Et c’est bien parce qu’il sait crier vers Jésus quand tout va mal pour lui, qu’il reçoit le pouvoir de lier et délier, c'est-à-dire de lier en nous ce qui nous éloigne de Dieu pour nous en débarrasser, nous en délier, puisque c’est ce pour quoi Jésus a donné sa vie. Le premier des Apôtres est associé à la mission de salut de Jésus : aider les hommes à identifier le mal qui les ronge pour les en défaire et leur indiquer la voie du Salut. C’est une Bonne Nouvelle pour nous tous, parce que nous est dit clairement que l’Eglise n’est pas là pour nous condamner, mais pour nous aider à identifier le mal, et à suivre le Christ qui nous libère de tout mal. L’Eglise nous aide à identifier le mal non pour nous enfermer dedans mais pour nous en délier, nous en libérer par la puissance du Christ vivant.
De
curiosité en curiosité, nous sommes arrivés à cette Bonne Nouvelle du Salut à
dire et à redire aux gens de notre temps. Nous laisserons la dernière curiosité
– le silence imposé à ses disciples sur son identité réelle – pour dimanche
prochain ; nous pourrons la comprendre mieux en entendant la suite de l’évangile
de Matthieu. A chaque dimanche sa Bonne Nouvelle ; c’est plus facile à
assimiler ainsi, petit à petit, pour permettre à notre intelligence de
comprendre ce que notre cœur a saisi : Dieu nous aime et nous sauve en Jésus.
Amen.