Le Magnificat : hymne de la confiance que Marie met en Dieu.
Puisque nous ne sommes qu’au
deuxième jour après dimanche, faisons le pari que nous avons encore en tête l’apostrophe
de Jésus à ses disciples lorsque, le voyant marcher sur l’eau, ils eurent peur.
Il leur disait alors (laisser aux gens le temps de répondre…) : Confiance !
C’est moi ; n’ayez plus peur ! Confiance : c’est bien à cela
que Jésus nous invite tous ; et la fête de l’Assomption vient justement mettre
sous nos yeux le résultat de cette confiance : une vie pour toute éternité
avec Dieu. Marie est bien celle qui a fait confiance, de manière absolue, et
qui est appelée aujourd’hui à partager la gloire de son Fils, mort et
ressuscité.
La plus belle expression de cette confiance réside, me semble-t-il, dans le Magnificat, le chant de Marie, lors de sa visite à sa cousine Elisabeth, que l’évangile de cette solennité nous a donnés de réentendre. Après avoir exprimée toute sa joie profonde (Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !), elle égrène les motifs de sa confiance : Il s’est penché sur son humble servante, le Puissant fit pour moi des merveilles ; sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Les premiers motifs de la confiance que nous devons avoir vis-à-vis de Dieu, c’est cette certitude qu’il intervient pour nous, qu’il ne nous laisse jamais seul. Son amour pour nous est si grand qu’il s’exprime en miséricorde, en capacité infinie à nous pardonner. Ceux qui ont confiance en Dieu savent que leur péché n’est que peu de chose face à l’immensité de l’amour miséricordieux du Père.
Mais Marie ne s’arrête pas là : dans l’expression de sa confiance en Dieu, elle invite ceux qui jouent aux puissants à la conversion en les avertissant (il disperse les superbes, il renverse les puissants de leurs trônes, renvoie les riches les mains vides). Il nous faut entendre ces paroles comme un avertissement et non comme un jugement déjà prononcé, parce que la miséricorde s’étendra à eux aussi s’ils reviennent de cette conduite ; sa miséricorde est pour nous lorsque nous abandonnons des manières de vivre qui blessent la fraternité universelle que Dieu veut nous voir vivre. En même temps, Marie chante comment Dieu intervient pour les petits : il élève les humbles, il comble de biens les affamés, il relève Israël son serviteur. Ceux dont l’art de vivre correspond au projet de Dieu, mais aussi ceux qui n’ont rien, Dieu ne les oublie pas ; il sait les récompenser, pas plus tard, mais dès maintenant. Tout le chant de Marie est au présent ! Dès le moment où, par Marie, il choisit d’entrer dans le monde, ce renversement s’effectue. L’homme blessé est sauvé, l’homme tombé est relevé ; l’homme suffisant, autocentré, est averti : s’il ne change pas, il sera défait.
Si l’Eglise a choisi de reprendre cette page d’Evangile au moment même où elle célèbre l’entrée dans la gloire de Marie, c’est peut-être bien pour nous redire le sens ultime de notre vie. Nous sommes faits pour la vie avec Dieu dès ici-bas et pour la vie en Dieu par-delà notre mort. Mais ce destin ne s’accomplit qu’au prix d’une conversion et d’une fraternité véritable. Marie entre dans la gloire de Dieu parce qu’elle a fait confiance, en toute chose, au projet inimaginable de Dieu pour tous les hommes ; en Jésus, il n’offrirait pas seulement son salut à son peuple, mais à tous les hommes. Marie entre dans la gloire de Dieu parce que, la première, elle a été véritablement disciple de celui qu’elle allait offrir au monde. Sans l’avoir encore vu, sans l’avoir encore entendu, elle a cru que l’enfant qui grandissait en son sein serait le Sauveur du monde, et dans le Magnificat, elle exprime déjà ce que sera le message de ce Fils à naître. Sa disponibilité à Dieu lui a fait entrevoir toute la richesse de la Bonne Nouvelle que son Fils annoncera. Elle ne l’a pas rêvée ; elle y a cru et elle nous l’a dit. Dans sa prière, Marie nous donne toutes les raisons qu’elle a de croire en Dieu et de se mettre à son service. Tout ce qu’elle exprime, elle le tire de l’expérience de foi du peuple auquel elle appartient.
Alors
puisque chaque fête liturgique n’est pas seulement le souvenir d’un événement
fondateur, mais une invitation à approfondir notre foi et à la vivre toujours mieux,
il nous revient aujourd’hui de croire Marie quand elle exprime sa foi dans
cette belle prière. A nous de suivre, comme Marie, ce chemin de confiance ;
à nous maintenant de dire aux autres, au nom du Christ venu parmi nous, sa
Bonne Nouvelle du Salut. A nous de vivre cette Bonne Nouvelle avec celles et
ceux que Dieu met sur notre route. A nous maintenant, en prenant exemple sur Marie,
de faire de notre vie, un chant de louange à la gloire de Dieu qui nous a donné
Jésus. Aujourd’hui nous chantons avec Marie son cantique de louange, son
cantique de confiance. Mais quelle parole contiendrait notre propre Magnificat ?
Que dirions-nous aux autres de ce que Dieu fait pour nous ? N’ayons pas
peur de composer notre propre Magnificat, forts de notre expérience de foi. Je
n’ai nul doute que Marie chantera avec nous l’hymne de notre vie, l’hymne de
notre confiance en Dieu lorsqu’il nous fera partager la gloire de son Royaume. Amen.
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