Vous savez ce qui s'est passé...
Vous savez ce qui s’est passé… C’est ainsi que Pierre commence son discours dans la maison du centurion romain à Césarée. Il faut dire qu’à ce moment-là, beaucoup d’événements ont eu lieu, et Pierre lui-même a pu faire l’expérience de Jésus ressuscité, de son retour vers le Père à l’Ascension et du don de l’Esprit Saint à la Pentecôte, cette force de Dieu qui a jeté les Apôtres sur les routes de Judée, Samarie, Galilée et au-delà pour annoncer à tous la joyeuse nouvelle qui a retenti au cœur de notre nuit : Jésus est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Avec Pâques, l’Alliance nouvelle et éternelle devient réalité puisque nous découvrons que l’histoire de Jésus n’est pas terminée.
Vous savez ce qui s’est passé… c'est-à-dire cette expérience radicalement nouvelle qui fait proclamer par les Apôtres au monde entier que celui qui était mort en croix, Dieu l’a ressuscité. La croix n’est pas le dernier mot de l’histoire de Jésus ; la croix est même le premier mot de l’histoire de celui que nous nous appelons Jésus et que nous confessons comme Christ et Seigneur. Et ce alors même que personne ne l’a vu entrain de ressuscité. Ce qui s’est passé, c’est que ses disciples ont fait l’expérience de la présence de Jésus au milieu d’eux alors même qu’ils étaient encore aveuglés par le chagrin immense qu’ils ont ressenti après la mort de Jésus en croix. Les récits sont nombreux, dans les évangiles, qui nous montrent ce fameux matin de Pâques que nous commémorons en chacune de nos eucharisties. Nous avons suivi ce matin Marie-Madeleine qui se rend au tombeau de grand matin. Elle ne peut se résoudre à la mort de cet ami qui lui a rendu sa dignité de femme, pardonnant sa vie compliquée et l’orientation mauvaise qu’elle avait suivi. Quelle ne fut pas sa surprise en approchant du tombeau : la pierre a été enlevée du tombeau. Une lecture attentive me fait dire qu’elle n’est même pas allée plus loin. Pour elle, pierre roulée, tombeau ouvert, cela ne peut signifier qu’une chose : quelqu’un a eu l’audace de voler le corps de Jésus. En toute hâte, elle va annoncer aux disciples la catastrophe.
Vous savez ce qui s’est passé… Quand Pierre s’adresse ainsi à Corneille et à sa famille, se souvient-il qu’il savait tout, lui, ce fameux matin de Pâques, mais qu’il n’a pas su mettre les pièces du puzzle ensemble ? Jésus avait annoncé sa mort et sa résurrection par trois fois, pour préparer ses disciples à la folie de la croix. Leur tristesse légitime à la mort de leur Maître aura sans doute effacé l’espérance que Jésus leur avait annoncé : certes, il devait mourir, mais il ressusciterait ! Nous comprenons bien qu’il ne suffit pas de l’annoncer pour que les auditeurs comprennent. Jésus lui-même n’avait pas, de son vivant, réussi à faire comprendre cela aux siens, qui pourtant étaient avec lui chaque jour. Au-delà d’une annonce, la résurrection de Jésus est une expérience à vivre. Regardez les deux disciples, Pierre et Jean, qui courent au tombeau après l’annonce de Marie-Madeleine. Pierre aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire roulé à part à sa place. Mais rien ne se passe encore pour lui. Jean lui, entre dans le tombeau, et, nous dit l’évangile, il vit et il crut. En entrant dans le tombeau, il entre dans ce mystère de la Rédemption. Il voit la même chose que Pierre, mais il va au-delà des signes ; l’Alliance nouvelle et éternelle dont Jésus parlait lors du dernier repas devient pour lui réalité, là, dans ce tombeau vide, soigneusement rangé. Il fallait ce signe du tombeau vide pour déclencher la foi. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Et d’ailleurs comment auraient-ils pu le comprendre sans en faire l’expérience. Jean sera le premier d’une longue liste d’hommes et de femmes convaincus que Jésus, celui qui était mort, est bien vivant, ressuscité, vainqueur de la mort.
Vous savez ce qui s’est passé… Cette
parole est pour nous aussi. Nous avons tous appris au catéchisme que Jésus est
mort et ressuscité. Nous l’affirmons chaque fois que nous proclamons notre foi.
Mais sommes-nous, comme Jean, entrés dans la profondeur de ce mystère ? Le
croyons-nous par la grâce de la méthode Coué : à force de le dire, on
finit par y croire ? Ou le croyons-nous par la grâce d’une expérience,
d’une rencontre personnelle avec Celui dont nous disons qu’il est le Christ, le
Sauveur ? Oui, nous savons ce qui s’est passé, mais la connaissance des
faits ne fait pas encore la foi. La foi naît de cette conscience de la présence
réelle de Jésus en notre vie. La foi naît du témoignage, en mot et en geste, de
ceux qui ont fait cette expérience avant nous et qui ont engagé leur vie pour
que notre monde se transforme radicalement, et devienne, dès ici-bas, un
avant-goût de ce monde nouveau que le Christ ressuscité veut construire pour
nous, avec nous. Nous manifestons la puissance du Ressuscité quand nous vivons
l’Evangile avec tous ceux que Dieu met sur notre route. Nous témoignons du
Ressuscité quand nous faisons de nos communautés de vraies fraternités où il
fait bon être ensemble. Nous témoignons du Ressuscité lorsque nous savons
mettre les autres avant nous. Nous témoignons du Ressuscité quand nous
répandons l’amour dont il nous aime largement autour de nous. Nous savons ce
qui s’est passé… Maintenant, il nous faut en vivre. Chaque jour. Vraiment.
Amen.