A quoi cela sert-il de
prier ? A quoi bon prier, puisque de toute manière, Dieu ne répond
jamais ? Voilà quelques objections courantes à la pratique quotidienne de
la prière, pratique pourtant nécessaire à celui ou celle qui veut marcher à la
suite du Christ. Les textes de la liturgie de ce jour donnent quelques éléments
de réponses à ceux qui doutent de l’efficacité de la prière.
A ceux qui doutent de
l’efficacité de la prière, le sage Ben Sirac rappelle que la prière du petit
est toujours écoutée. Toute la Bible nous montre l’intérêt particulier de Dieu
pour ceux qui sont touchés par la maladie, la souffrance, la pauvreté. Jésus
ira jusqu’à affirmer que les petits, les pauvres, sont pour nous le signe du
passage de Dieu dans nos vies ; servir un pauvre équivaut dès lors à
servir Dieu.
Comment croire alors que la
prière du pauvre n’est pas entendue ? La réponse à celui qui souffre, la
réponse à celui qui n’a rien, la réponse à celui qui est seul, n’est peut-être
pas la fin de leurs détresses, mais l’ouverture du cœur de ceux qui sont autour
d’eux. Certains voient ainsi leur prière exaucée directement (voyez à Lourdes,
les guérisons inexpliquées) ; d’autres ne constateront peut-être pas de
changements immédiats, mais de nouvelles solidarités se créer autour d’eux.
Nous avons là le rappel qu’il n’y a pas de magie dans la prière : il ne
suffit pas de demander pour obtenir ; il faut que la demande soit purifiée
quelquefois ; il faut que l’homme découvre d’abord ce que Dieu attend de
lui, qu’il entre dans ce projet d’amour, qu’il y adhère. Alors Dieu peut
donner, au-delà de toute espérance.
A ceux qui doutent de
l’efficacité de la prière, Paul rappelle que le Seigneur lui-même assiste ceux
qui lui sont fidèles. Lui qui a donné sa vie pour l’annonce de l’Evangile, lui
qui connaît la prison et qui bientôt connaîtra la mort, sait en qui il a mis
son espérance. Il sait que le Dieu de Jésus Christ ne l’abandonnera pas, même
si les apparences semblent dire le contraire. Au plus profond de sa misère,
l’homme sait que sa fidélité à Dieu lui assurera la présence du Christ à ses
côtés.
Il peut ainsi affronter les
épreuves sereinement. La prière ne délivre pas forcément au sens humain de
l’épreuve. Lorsque nous prions : « délivre-nous
du mal », nous ne demandons pas uniquement que les épreuves nous
soient évitées ; nous demandons aussi de savoir les affronter en véritable
fils ou fille de Dieu, confiants, sûrs que la victoire est en nous, malgré les
apparences. L’assistance de l’Esprit Saint est la réponse de Dieu à ceux qui
crient vers lui du plus profond de leur détresse. Savons-nous nous en
satisfaire et y trouver la force de nous relever ?
A ceux qui doutent de
l’efficacité de la prière, l’évangile rappelle la manière efficace de prier. De
ces deux qui prient au Temple, un seul est justifié. Pourquoi ? Parce
qu’un seul l’a demandé ! La prière du publicain est
entièrement tournée vers Dieu : « Mon
Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! » Sa prière peut être
entendue parce qu’elle correspond à ce que vit cet homme et à ce qu’il peut
espérer de Dieu. Dans sa prière, il ne parle pas tant de lui que de Dieu. Il
reconnaît l’amour de Dieu, il affirme que Dieu seul peut quelque chose pour
lui. Sa prière est entendue parce qu’elle reconnaît ce qui est vrai. La prière du pharisien ne peut
pas être exaucée parce qu’en fait, il ne demande rien. Tout ce qu’il fait,
c’est étaler ses mérites, sans doute réels ; il n’y a pas à en douter. Mais que demande-t-il à
Dieu ? Comment Dieu pourrait-il répondre à cette non-demande ?
Faut-il dès lors être surpris qu’il ne soit pas justifié ? Jésus lui-même
disait, au début de sa mission :
« Je suis venu pour les malades ; les bien portants n’ont pas besoin
de médecin ! » Dans tout ce qu’il dit, le pharisien parle de lui
au lieu de parler de ce que Dieu a fait ou peut faire pour lui.
Il nous est ainsi rappelé,
discrètement, que la prière nous tourne vers Dieu, nous décentre de nous-même
et oriente tous nos désirs vers les désirs de Dieu. Il faut oser reconnaître
nos manques pour que Dieu puisse nous combler. Il nous faut reconnaître nos
faiblesses pour que Dieu puisse nous remplir de sa force.
Rassemblés pour célébrer
l’Eucharistie, nous avons commencé par reprendre l’attitude du publicain, en
tournant notre cœur et notre être vers le Crucifié, source du pardon que Dieu
offre à chacun. Nous venons d’écouter la Parole de Dieu qui nous permet de
comprendre mieux ce que Dieu attend de nous. En communiant tout à l’heure, nous
recevrons le Pain des forts, qui nous assurera la proximité du Christ lui-même,
puisque c’est bien lui qui s’offre ainsi à nous. Avec Paul, nous saurons que le
Christ est toujours avec nous. Lorsque, à la fin de la messe, nous serons
renvoyés dans nos foyers, nous serons aussi renvoyés vers nos frères et sœurs
en humanité, vers ceux qui ne croient pas ou ne croient plus, vers ceux qui
souffrent, vers ceux qui sont dans le besoin, pour témoigner de ce que Dieu
réalise dans la vie de celles et ceux qui se tournent vers lui. Avec Ben Sirac,
nous serons témoins de l’efficacité de la prière auprès de celles et ceux qui
n’y croient plus. Ainsi, notre eucharistie se révèle source et sommet de toute
vraie prière. Puisse notre prière personnelle toujours nous y mener ;
puisse l’eucharistie toujours creuser en nous le désir de prier mieux. Amen.
(Gustave DORE, Le pharisien et le publicain)
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