Augmente en nous la foi !
Ainsi est formulée la demande des Apôtres, qui sentent bien que leur
confiance risque souvent d’être mise à dure épreuve. Ils ne savent pas encore
qu’ils vont, avec le Christ, vers la croix, mais déjà ils sentent ce besoin
d’être aidé dans leur mission par Dieu. Car ne nous y trompons pas :
derrière cette demande, il y a comme un appel à l’aide, une manière de
dire : sans toi, sans Dieu, nous ne pouvons rien. C’est l’une des
grandes leçons de cette page d’évangile.
Dans un monde où la performance
individuelle est élevée au rang de valeur incontournable, l’évangile de ce
dimanche vient nous rappeler qu’en matière de foi, la performance individuelle
n’est rien que de l’orgueil. C’est Dieu qui offre à l’homme de croire en lui en
établissant avec lui une alliance nouvelle. C’est Dieu qui fait grandir la foi
de celui qui se confie à lui. C’est Dieu qui, le premier, se révèle et va à la
rencontre de l’homme. Augmente en nous la foi peut alors s’entendre
comme fais-nous toujours mieux connaître ton visage, tant il est vrai
que nous ne pouvons qu’approcher le mystère de Dieu et non le posséder. C’est
donc une invitation à la patience et à l’humilité. Patience car Dieu se révèle
en temps et en heure à ceux qui veulent répondre à sa proposition d’alliance.
Humilité, car ce n’est pas nous qui agissons, mais Dieu qui agit en nous et
nous fait progresser.
Ceci dit, la réponse que Jésus
donne à ses Apôtres, nous montre bien que considérer la foi comme un don n’est
en rien une attitude passive, comme s’il n’y avait rien d’autre à faire qu’à
attendre. Au contraire, Jésus nous entraîne sur un terrain exigeant, celui du service désintéressé des frères. Et il va
très loin puisqu’il nous dit que, lorsque nous travaillons pour la communauté,
nous ne le faisons pas pour être devant, mis au premier rang, mais parce qu’il
y a un service à rendre et qu’il faut bien que quelqu’un le fasse. Il ne faut
rien en attendre en retour. Les différentes traductions nous disent : nous sommes des simples serviteurs, des
serviteurs inutiles, quelconques, des bons à rien. Le temps passé à faire
vivre la communauté n’est finalement que chose ordinaire. Il n’y a pas à en
tirer gloire. Il n’y a pas à attendre de reconnaissance quelconque. C’est
peut-être difficile à entendre, mais il en est ainsi. Croire en Dieu, c’est se
mettre à son service et au service des frères en humanité. Tout simplement.
Saint Paul le rappelle à sa
manière à Timothée lorsqu’il l’invite à ne pas laisser dormir le don de la foi
que Dieu lui a fait. Celui qui a reçu l’Esprit Saint, et nous l’avons tous reçu
à notre baptême, doit témoigner de Celui qui s’est révélé à lui, sans honte,
sans peur. Cet appel nous est adressé à tous. Comment se dire chrétien,
c’est-à-dire attaché au Christ, sans jamais parler de lui, sans jamais
témoigner de ce qu’il réalise au cœur de notre vie ? Comment se dire
chrétien sans prendre sa part de service au sein de la communauté à laquelle on
appartient ? Comment se dire chrétien si le confort et la passivité ont
pris le dessus ?
A ceux qui remplissent déjà un
service d’Eglise, les textes de la Parole de Dieu disent : en faisant
ainsi, vous ne faites que ce que vous avez à faire, et rien d’autre ! A
ceux qui ne font rien, et se laissent porter par les autres, la liturgie
rappelle qu’il y a urgence à se réveiller. Il y a toujours à faire au service
de ses frères, ne serait-ce que donner un coup de balai, ou prendre le temps de
la prière pour celles et ceux qui ne savent pas ou plus prier. Chacun a sa
place dans l’Eglise ; chacun a son service à rendre. Une communauté ne
peut vivre que si chacun y met du sien.
Augmente en nous la foi ! De cette demande initiale des
Apôtres, nous avons glissé, grâce à
l’enseignement de Jésus, vers la notion de service. La foi n’est donc
définitivement pas quelque chose qui se vit seul, dans son coin, mais quelque
chose qui se partage, et qui se partage d’abord par des actes. Avant
d’apprendre le catéchisme à quelqu’un, montre-lui par ta vie, par ta manière
d’être ce qu’est être croyant, être chrétien. Donne-lui le goût de vivre comme
un disciple du Christ ! N’est-ce pas ce que le pape François a essayé de
rappeler aux catéchistes du monde entier dimanche dernier ? Croire n’est
rien si cela n’entraîne pas une vie en cohérence avec les appels de Dieu. Croire,
ce n’est pas d’abord connaître par cœur les questions / réponses d’un
catéchisme, mais découvrir et faire découvrir qui est Jésus, ce qu’il fait pour
nous, et ce que nous pouvons faire à notre tour pour les autres. Ainsi la foi
est quelque chose qui met en mouvement plutôt que quelque chose qui enferme
dans des livres et des recettes toutes faites. La foi, tout comme la vie
qu’elle vient enrichir, c’est dehors que ça se vit. La foi, tout comme la vie,
ne s’enrichit que si elle se partage. La foi, tout comme la vie, n’a vraiment
de sens que si elle est tournée vers les autres, au service des autres. Dis-moi
comment tu vis et je te dirai en qui tu crois ; n’est-ce pas là finalement
le vrai défi que nous avons à relever pour donner aux hommes et aux femmes de
notre temps le goût du Christ et de son Eglise ? C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde
saura que vous êtes mes disciples. Tout est dit ; c’est le Christ qui
nous le dit ; il ne reste qu’à le suivre et en vivre. Avec la grâce de
Dieu. Amen.
(Photo prise en la cathédrale de Tours)
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