Mine
de rien, il s’en passe des choses durant ce temps de Noël. Et des choses plus
extraordinaires les unes que les autres. Ne revenons pas sur la plus
extraordinaire de toutes : la naissance d’un enfant, vrai Dieu et vrai
homme, qui va pouvoir réconcilier le monde avec Dieu. Attardons-nous plutôt sur cette fête de l’Epiphanie que nous
célébrons aujourd’hui en nous concentrant sur les personnages qui se bousculent
encore autour de cette naissance. Nous
parlerons ainsi de Dieu, d’un roi, d’un enfant, et de mages. Allons, sans plus
tarder, à leur rencontre.
Commençons
par Dieu et l'enfant, Dieu, c’est-à-dire Celui qui porte un désir et l’Enfant, celui
qui le réalise. Deux personnages sur la même longueur d'onde. Deux personnages
qui ont une même volonté : sauver l'homme. C’est tout le sens de cette
Nativité, de cette incarnation. La fête de Noël nous a permis de méditer ce
mystère. Nous n'y reviendrons pas.
Mais voilà que s’ajoute un autre personnage : le
roi Hérode. Il n’était pas vraiment prévu ; il n’était pas
particulièrement invité ; mais le hasard a fait qu’il est consulté. Et
voilà que les choses se compliquent, car le désir de Dieu et le désir du roi ne
coïncident pas. Le premier veut sauver
les hommes, le second préfère tuer les hommes pour se sauver lui-même. Une
lutte va commencer. Et même si, pour l'heure, elle semble évitée, cette lutte
ne s'arrêtera qu'avec la mort de l'enfant.
Parce que cet enfant doit mourir. Ainsi en a décidé le roi. Trop dangereux
pour qu’il reste en vie ! Trop encombrant, même si, pour l’heure, il est encore
tout petit ! Un seul roi suffit et Hérode
ne voit pas pourquoi il céderait sa place. Il préfère étouffer la nouvelle
vie plutôt que d'imaginer ce que serait sa vie s'il laissait cet enfant
grandir, s'il laissait Dieu conduire sa vie. Comme il nous ressemble, ce roi
jaloux de ses privilèges, incapable de s'ouvrir à la nouveauté, à l’inattendu. C'est tellement plus simple de
supprimer ce qui dérange, de faire ce que l'on a toujours fait. Pourquoi Dieu
vient-il tout changer ? Pourquoi lui ferais-je une place dans ma vie ? Et
pourquoi lui laisserais-je la première place ? Furieux d’avoir été dérangé par
des visiteurs inconnus au sujet de la naissance d’un roi tout aussi inconnu,
Hérode ne change rien à sa routine ; il ne se joint pas à eux pour aller
rencontrer celui qu’il ne connaît pas. Il les renvoie et leur laisse le soin de
le renseigner quand ils auront vu et qu’ils sauront.
Enfin,
il y a Dieu, l'enfant et les mages. Il
ne manquait plus que ceux-là. Après les pauvres et les rejetés du soir de Noël, voilà les étrangers.
Remarquez : ils manquaient dans le tableau. Comme si on avait besoin d'eux. Et
en plus, ils nous font la leçon ! Faut-il donc être étranger pour s'ouvrir
au désir de Dieu ? A relire la Bible, on pourrait presque le croire. C'est
quand le peuple juif est esclave en Égypte, qu'il répond le mieux à ce que Dieu
attend de lui ; c'est quand il déporté à Babylone, qu'il comprend le mieux que
Dieu veut sa fidélité en contrepartie de sa liberté et de son bonheur. Les
mages ne sont pas juifs. Ils ne sont pas de ce peuple choisi pour réaliser le
projet de Dieu. Et pourtant, ils comprennent mieux le désir de Dieu qu’Hérode
et tous ses savants. Loin de tout ce qui
leur est familier, ils se laissent remplir par Dieu de ce qu’il veut leur
donner ! Ils ont laissé leur vie
tranquille, leur savoir et leur pouvoir pour approcher de l'enfant, Verbe de
Dieu fait chair. À travers eux, c'est toute l'humanité, dans sa diversité de
cultures et dans sa richesse, qui est appelée à se prosterner devant Dieu, à entendre
son désir de la sauver, de la voir heureuse. La prophétie d'Isaïe se réalise : Lève les yeux, regarde autour de toi : tous,
ils se rassemblent, ils arrivent. Paul le proclame à sa manière : Grâce à l'Evangile, les païens sont associés
au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ
Jésus. L'humanité tout entière est appelée à s'unir autour de son Christ.
Le monde nouveau, le monde de paix et de fraternité qu'Isaïe annonçait peut
devenir réalité. Dieu le réalise déjà en Christ.
Aujourd’hui,
l’unique désir de Dieu est toujours et encore annoncé ; l’unique désir de
Dieu est toujours de nous sauver. Avec les mages, nous pouvons aller à sa
rencontre ; avec Hérode, nous pouvons le rejeter ; avec l’Enfant,
nous pouvons le vivre. Un seul désir provoquant des réactions
différentes ; un même désir mais des conséquences différentes dans nos
vies selon que nous suivions l’un ou les autres. Dieu a clairement exprimé son
désir ; il lui a donné chair. Mais nous, que désirons-nous ? Que
voulons-nous pour nous, pour les autres, pour le monde ? A nous maintenant
de préciser notre désir. Nous pouvons repartir dans l’ordinaire de nos vies
comme nous sommes venus ; nous pouvons choisir, avec les mages, un autre
chemin, tout rempli du désir de Dieu, joyeux de la vie nouvelle qu’il nous
offre en Jésus. Nous seul pouvons décider de la route à suivre ; nous
seuls pouvons faire du désir de Dieu notre propre désir. Amen.
(Photo de l'auteur, crèche à Evora, Portugal)
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