Jésus a-t-il besoin du
baptême ? Question curieuse sans nulle doute, mais question qui mérite d’être posée puisque Jean
le Baptiste lui-même réagit négativement lorsque Jésus s’approche pour être
baptisé. Comment celui
qui est plus grand que Jean peut-il s'abaisser à recevoir le baptême ? Comment celui
qui est sans péché peut-il s'abaisser à recevoir un baptême de conversion ?
Jésus
a-t-il besoin du baptême ? Il est clair, me semble-t-il, que Jésus, Fils
de Dieu, venu dans le monde pour sauver l’homme de la mort et du péché, n’a pas
« besoin » du baptême comme ont pu en avoir besoin ses contemporains.
La réaction de Jean, pour humaine qu’elle soit, n’en est pas moins
légitime : c’est moi qui ai besoin
de me faire baptiser par toi ! C’est bien Jésus qui vient apporter
quelque chose aux hommes ; c’est bien Jésus qui est l’espérance de tout un
peuple ; c’est bien Jésus qui peut quelque chose pour cette humanité
désemparée, en panne de repères, en attente de Sauveur !
Alors,
Jésus a-t-il besoin du baptême ? Pour marquer sa volonté de vivre selon le
dessein de Dieu, non ! Il est le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu, celui sans qui rien de ce qui existe ne s’est fait.
Il n’a pas besoin de montrer à Dieu qu’il veut vivre avec lui, puisqu’il lui
est intimement uni, puisqu'il est Dieu.
Mais
insistons encore : Jésus a-t-il besoin du baptême ? Pour lui,
non ; mais pour les hommes, oui. Car depuis que Dieu a exprimé son désir de
vivre avec l’homme, depuis qu’il s’est fait l’un de nous en Jésus, le temps a
passé. Ce ne sont pas quelques semaines qui se sont écoulées, comme dans notre temps liturgique, mais dans la vie réelle de Jésus, ce sont presque trente
ans. Trente années pendant lesquelles le désir de l’homme de vivre selon le
dessein de Dieu a pu s’émousser, comme a dû s’émousser le souvenir de cette
naissance merveilleuse, de cette rencontre avec les faibles et les exclus du
pays, de cette visite des mages étrangers. Le temps est l’ennemi de l’homme
quand il est synonyme d’oubli. Il fallait que Dieu ravive ce désir lorsque son
Fils était en âge de mener à bien sa mission de salut. Et c’est pour cela que
Jésus a besoin du baptême : pas d’abord pour lui, mais pour les hommes.
Pour qu’ils se souviennent, pour qu’ils croient que ce Jésus, qui désormais va
parcourir le pays, est bien envoyé de Dieu, est bien Dieu : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en
lui, j’ai mis tout mon amour, proclame la voix du Père quand Jésus sort de
l’eau.
C’est
une nouvelle épiphanie au moment où le Christ va inaugurer sa mission ;
une épiphanie pour faire comprendre aux hommes l’immense amour de Dieu qui va
jusqu’à prendre figure humaine pour sortir enfin les hommes de leurs
étroitesses, de leurs manques, de leur péché. Une épiphanie à l’âge adulte pour
marquer la réconciliation entre Dieu et son peuple. Désormais, l’homme de bonne
volonté peut découvrir un chemin vers Dieu, dans la mesure où Dieu ne se cache
plus, mais se montre et vagabonde sur les chemins de l’humanité. Le désir de
Dieu est exprimé clairement par le signe de la colombe : lorsque Jésus sort de
l’eau après que la colombe ait plané au-dessus de lui, comme jadis au temps de
Noé elle planait au-dessus de la terre renouvelée, lorsque Jésus sort de l’eau
donc, c’est toute l’humanité qui revit, qui est régénérée.
Alors,
Jésus a-t-il besoin du baptême ? Pour lui-même non, mais pour les hommes.
Et les hommes ont toujours besoin de ce baptême, ce baptême donné non plus par
Jean, mais donné au nom de Jésus Christ. C’est toujours par le signe de l’eau
que l’humanité est régénérée, délivrée de la puissance de mort qui la tient
captive. C’est toujours par le baptême que l’homme redit son désir de vivre
pour Dieu, de vivre avec Dieu. C’est toujours par le baptême que Dieu réalise
son désir de vivre au cœur de la vie des hommes puisqu’il reconnaît celui qui
est baptisé comme étant l’un des siens, Fils de Dieu, Frère de Jésus Christ,
animé du souffle de son Esprit.
En
méditant la question de savoir si Jésus avait besoin du baptême, nous voici
renvoyés à notre propre baptême, à notre volonté d’être avec ce Dieu qui nous
donne sa vie. Que faisons-nous du baptême reçu ? Comment l’actualisons-nous
dans notre quotidien ? Avons-nous bien compris que c’est à nous qu’est
redit aujourd’hui : tu es mon fils,
mon bien-aimé ; en toi, j’ai mis tout mon amour ? Sûrs de cet
amour, avançons dans la vie avec la certitude que Dieu est avec nous, toujours,
comme il a été avec Jésus depuis le commencement et jusqu’à la fin des temps. Amen.
(Photo de l'auteur, Baptistère d'une église de Vila Viçosa, Portugal)
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