Il arrive quelquefois que des
croyants se plaignent de ce que notre monde ne soit plus aussi ouvert à la
question de Dieu qu’il a pu l’être par le passé. Nous remarquons tous que tous
les habitants d’un village ne vont plus à la messe le dimanche comme un seul
homme ; nous constatons tous que la pratique des sacrements n’est plus
générale. Il y a beaucoup d’enfants qui ne sont pas baptisés ; d’autres,
bien que baptisés ne poursuivent pas l’initiation chrétienne et ne font ni
première communion, ni confirmation. Et cela se passe même quelquefois dans des
familles dites « pratiquantes ». Le leurre de la liberté individuelle a
pris le dessus. « Vous comprenez, monsieur le curé, il ne veut pas ;
on ne peut quand même pas le forcer ! » Face à cette situation, on
peut se désoler. Mais on peut aussi, avec Paul, lire l’histoire de l’humanité
de manière globale, et non de manière cyclique. En clair, essayer de comprendre
le dessein de Dieu qui est continu au long de notre histoire.
Lorsque Paul écrit sa lettre aux
Romains, il ne vit pas dans un monde chrétien, loin de là. Il y a même des
persécutions à cause de la foi au Christ. Certains meurent pour oser dire que
Jésus est le Seigneur, le seul Seigneur. Et pourtant, Paul est plein
d’espérance. Il comprend que la création est comme prise dans un enfantement.
Chaque femme qui a eu au moins un enfant sait que l’enfantement peut être long
et douloureux. Faire naître à la vie demande quelque effort et un peu de temps.
C’est cette image de l’enfantement que Paul utilise pour parler du passage de
l’humanité à la vie de Dieu. La création
toute entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement
qui dure encore. Cette souffrance, c’est d’être encore soumise au mal, au
péché, en attendant la pleine délivrance de l’esclavage dans lequel elle est
plongée. Il ne suffit pas de claquer des doigts pour se débarrasser du mal et
de la souffrance ; il ne suffit pas d’un peu de bonne volonté pour faire
reculer le mal. Il faut accueillir celui qui a définitivement vaincu la Mort et
le Mal, celui qui, par son sacrifice, nous obtient la vie, par amour, par
grâce. C’est le Christ qui réalise pour nous cette libération : c’est ce
que nous célébrons à Pâques.
Ceux qui sont devenus croyants,
Paul affirme qu’ils ont déjà leur part à cette victoire. Ils sont déjà sauvés.
Il suffit de relire les 8 premiers chapitres de la lettre aux Romains pour le
comprendre. Je vous laisse cet exercice à faire dans la semaine qui vient. Vous découvrirez que,
parce qu’ils sont encore de ce monde, les croyants au Christ attendent eux-aussi la délivrance de
leur corps et leur adoption. La foi qui est nôtre (être sauvés par Jésus,
devenir par le baptême fils et fille de Dieu) nous ouvre à l’espérance d’être
cela un jour pleinement. Nous le savons bien : bien que baptisés, il nous
arrive encore de faire le Mal et d’être soumis à lui. Mais nous ne désespérons
plus. Nous savons qu’en Jésus, mort et ressuscité, nous sommes déjà sauvés.
Nous savons que si nous laissons le Christ vivre en nous, il pourra réaliser
cette pleine libération. Il nous donne son Esprit Saint pour que nous puissions
vivre selon notre baptême. Le croyant vit en permanence cette tension entre le
fait d’être déjà sauvé par la grâce du sacrifice du Fils unique, et le fait de
l’être totalement un jour, lorsque le Christ reviendra dans sa gloire. Bien que
notre enfantement dure encore (parce que ça prend du temps de laisser Dieu être
Dieu), nous savons que cela finira bien, que le salut en plénitude est au bout.
C’est l’Esprit Saint reçu à notre baptême qui nous permet cette certitude,
parce que dès maintenant, il nous permet de faire l’expérience de la vie avec
Dieu, de la liberté que le Christ nous procure lorsque nous choisissons avec
lui de refuser le Mal. Baptisés, nous savons que le Christ est vivant, présent
en nous, qu’il veille sur nous et nous protège.
Le projet permanent de Dieu,
c’est bien le salut de toute l’humanité. La révélation de sa gloire, lui seul
en connaît le moment. Sans doute marquera-t-elle le temps où tous, nous ne
ferons plus qu’un en Christ, le moment où toute l’humanité sera parvenue à la
pleine connaissance de Dieu. Si nous, baptisés, avons quelquefois encore du
mal à connaître et reconnaître Dieu tel qu’il est, nous pouvons comprendre les
douleurs de l’humanité en enfantement à la vie de Dieu. Ne nous lamentons donc
pas mais poursuivons avec confiance la route tracée par le Christ. Amen.
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Eglise, éd. Les Presses d'Ile de France)
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