Après avoir écouté les prophètes Jérémie,
Baruc, Sophonie et Michée, voici que retentit en cette nuit sainte un oracle du
prophète Isaïe : Le peuple qui
marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière : et sur les
habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Rassemblés au cœur
de la nuit, nous pouvons comprendre la puissance de cette annonce. A qui ne
connaît que les ténèbres, l’annonce du retour de la lumière est une grande
joie.
Cette lumière dont parle Isaïe, c’est
d’abord la paix retrouvée pour un peuple qui a connu trop longtemps la guerre.
Cette lumière qui se lève est pour nous aussi. Depuis quelques mois, le mot de
guerre a repris sa place dans notre vocabulaire ; le déploiement des
forces de l’ordre et les consignes de sécurité sans cesse répétées nous
rappellent cet état d’urgence que nous vivons parce que des fous veulent mener
une guerre au nom d’un Dieu dont ils ignorent la tendresse, la bonté et la
miséricorde. A l’échelle de nos familles, de nos paroisses, de nos engagements
sociaux divers, nous pouvons vivre des petits conflits. Cette lumière qui se
lève éclaire la nuit de nos conflits et nous permet de dépasser les
oppositions, de faire la paix à une petite échelle afin que puisse naître la
paix à une échelle plus grande. L’enfant qui naît en cette nuit est pour nous
aussi le Prince de la Paix.
Cette lumière dont parle Isaïe, c’est
aussi la joie d’une naissance. C’est à cette naissance que nous devons la
paix ; c’est à cette naissance que nous devons l’espérance d’un monde
meilleur. Les noms donnés à l’enfant (Conseiller
merveilleux, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix) sont un programme
de vie. Ils identifient l’avenir de cet enfant et le nôtre. Gouvernés par un
tel chef, comment ne pas se réjouir ? Comment n’être pas pleins
d’espérance lorsqu’un avenir commun semble à nouveau possible ?
Cette lumière dont parle Isaïe, c’est la
manifestation de Dieu au cœur de la vie du monde. Ce Dieu qui avait été mis de
côté, rangé aux oubliettes de l’Histoire, le voici qui se manifeste. Et il le
fait dans ce que le monde compte de plus beau : la naissance d’un enfant.
Et il le fait dans ce que le monde compte de plus fragile : un
nouveau-né ! Nul besoin d’avoir été soi-même parent pour sentir la joie
monter en nous devant un nouveau-né porteur de promesse de vie, de paix et
d’espérance. Cet enfant nouveau-né n’est pas comme les autres enfants qui ont
pu naître au même moment que lui. Cet enfant est Dieu, il est la présence et la
réalité de l’amour de Dieu à l’œuvre. Comprenant cela, nous comprenons aussi
que plus rien, ni personne ne pourra nous enlever cette joie ; plus rien,
ni personne ne pourra détruire cette paix obtenue parce que c’est Dieu lui-même
qui nous la garantit ; c’est Dieu lui-même qui nous l’offre.
Un enfant nouvellement né, et c’est toute
notre vie qui change. Le ciel lui-même se réjouit en cette nuit. Celui que les
prophètes de l’alliance première ont annoncé, le voici, couché dans une étable.
Une nouvelle ère s’ouvre avec lui ; une nouvelle alliance est proclamée.
Nous avons bien raison, en cette nuit, de veiller et de joindre nos voix à
celles des anges pour chanter la gloire du Très-Haut. Nous avons bien raison,
en cette nuit, de veiller et de nous émerveiller devant cet enfant nouveau-né.
Nous avons bien raison, en cette nuit, de nous être déplacé pour venir là et
trouver, comme les bergers jadis, celui que Dieu lui-même nous envoie. La
première des choses à faire quand Dieu vient à notre rencontre, c’est bien de
nous laisser déranger, fût-ce pendant la nuit, pour aller à sa rencontre. Alors
oui, regardez et contemplez : Dieu s’est fait homme pour que nous
puissions devenir comme Dieu ! Dieu s’est enfermé dans les limites de
notre humanité pour que notre humanité puisse se dilater à la mesure de sa
divinité. Dieu se fait petit pour que nous puissions grandir !
Si Dieu se fait homme pour que nous
puissions devenir Dieu, alors nos rapports humains changent, parce que
désormais nous découvrons Dieu en chaque humain croisant notre route. Comment
pourrions-nous vivre en paix avec Dieu alors que nous sommes en guerre avec tel
frère qu’il nous donne à aimer ? Le mystère de cette naissance que nous
célébrons, c’est le mystère de l’amour à l’œuvre. Dieu se fait enfant parce
qu’il nous aime ; Dieu se fait enfant pour que nous comprenions que nous
devons aimer à notre tour du même amour. Dieu se fait enfant, et ce n’est plus
seulement une lumière qui se lève ; Dieu se fait enfant, et ce n’est plus
seulement la paix se fait ; die use fait enfant, et ce n’est plus
seulement la vie qui triomphe ; Dieu se fait enfant, et c’est l’amour qui
désormais veut régner entre tous.
Devant tant de promesses désormais
réalisées, devant tant de promesses encore à venir, réjouissons-nous et
remercions Dieu de nous aimer autant. Cette nuit, il frappe à notre porte.
Ouvrons-lui, car il est enfin là, celui que les prophètes ont annoncé ;
ouvrons-lui et accueillons-le pour notre plus grande joie et le salut du monde.
Amen.
(Dessin extrait de la revue L'image de notre paroisse, n° 204, décembre 2003, éd. Marguerite)
(Dessin extrait de la revue L'image de notre paroisse, n° 204, décembre 2003, éd. Marguerite)