J’ai fait de toi
la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux
extrémités de la terre. Ainsi s’entend la vocation propre du peuple que Dieu s’est
choisi dans la Première Alliance. Israël, devenu le peuple particulier de Dieu,
non par exclusion des autres, mais pour que les autres, grâce à lui, parvienne
à la connaissance du vrai Dieu, à la lumière de la vérité. Un peuple particulier
pour donner envie aux autres de s’approcher à leur tour de Dieu et de désirer
vivre selon sa Loi.
J’ai fait de toi
la lumière des nations. Cette vocation particulière, Paul et Barnabé la
rappellent à leurs frères juifs à Antioche de Pisidie. Certains d’entre eux, sans
doute à cause de la foule que les deux Apôtres rassemblent, s’opposent
violemment aux deux missionnaires de l’Evangile. Que faire quand ceux à qui cette
Bonne Nouvelle est adressée refusent de l’entendre ? Faut-il se taire ?
Faut-il arrêter là la mission confiée par le Christ au soir de Pâques, lorsque,
leur remettant son Esprit, il les envoie à la rencontre du monde ? Que
deviendra cette Bonne Nouvelle si ses destinataires n’en veulent pas ? La
réponse jaillit, lumineuse : confions-là à d’autres : Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne
vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons
vers les nations païennes. Nous n’imaginons pas réellement, je pense, ce qu’il
a fallu de courage et d’audace missionnaire pour poser cette affirmation. Nous
n’imaginons pas entièrement ce que cela a pu représenter pour les personnes
issues de ces nations païennes, de s’entendre dire que le salut, c’était
désormais pour elles aussi. Si le Christ, mort et ressuscité, inaugure bien un
monde nouveau, cette nouveauté se déploie dans cette évidence rappelée par Paul
et Barnabé : le Christ a donné sa vie pour tous les hommes.
J’ai fait de toi
la lumière des nations. N’imaginons pas non plus que cela a été de soi pour
les premiers croyants au Christ. Tous ne se sont pas réjouis de cette
nouveauté. Il a d’ailleurs fallu une assemblée des Apôtres à Jérusalem pour
entériner toutes les conséquences que cette ouverture aurait désormais pour la
jeune communauté qui, à raison, est fière de son origine, fière de son
appartenance au peuple premier choisi par Dieu. Nous savons les tensions qui
ont existé et le risque d’implosion de la communauté que cette position a
suscité. La jeune communauté croyante n’avait pas l’intention de créer un
groupe nouveau ; elle se comprenait bien comme l’aboutissement de toutes
les promesses faites à Israël, puisqu’elle reconnaissait en Jésus, le Messie
tant attendu et annoncé par bien des prophètes. Cette ouverture au monde n’allait
décidément pas de soi parce qu’elle remettait en question, au moins en
apparence, l’élection dont avait bénéficié le peuple juif.
J’ai fait de toi
la lumière des nations. Cette affirmation est toujours vrai aujourd’hui pour
Israël. Il est le peuple premier que Dieu s’est choisi pour amener à la vérité
la multitude des peuples. Mais nous partageons désormais cette mission avec
lui. Disciples du Christ, nous avons à témoigner et à vivre de telle sorte que
ceux qui ne connaissent pas encore Dieu puissent trouver un chemin vers lui. C’est
une chance supplémentaire que Dieu offre aux nations païennes de venir à lui. Et
nous devons veiller à notre tour à ne pas fermer l’accès à Dieu, à n’être pas
des obstacles à la reconnaissance de la vérité qui est en Dieu. Par notre art
de vivre, nous devons être pour les autres les révélateurs de la bonté et de la
miséricorde de Dieu. Nous devons, par notre art de vivre, être des relais de l’amour
de Dieu pour tous les hommes. Il ne s’agit pas de convertir : Dieu seul
peut retourner un cœur vers lui ; il s’agit bien d’être et de vivre selon
ce que nous sommes : des fils pécheurs mais pardonnés en Jésus, mort et
ressuscité pour notre vie, mort et ressuscité pour la vie de tous les hommes. Nous
proposons une voie vers la vérité de Dieu, comme Israël propose une voie vers
cette même vérité. Nous pouvons la formuler ainsi : Dieu veut le bonheur
de tous les hommes, il veut la paix pour tous les hommes, il veut le salut pour
tous les hommes. Pour nous, chrétiens, c’est le mystère de Pâques qui ouvre
ainsi la porte de ce salut proposé à tous. Sur la croix, le Christ s’est livré,
porteur du péché de tous les hommes ; ce péché, il l’a vaincu pour que
tous les hommes soient libres et vivants.
J’ai fait de toi
la lumière des nations. Ne faisons pas comme les adversaires de Paul et
Barnabé : ne refermons pas la porte que le Christ a ouverte ; ne
restreignons pas l’accès à ce salut à ceux et celles que nous estimerions suffisamment
purs, suffisamment croyants ou suffisamment pratiquants pour être comptés des
nôtres. Dieu seul sait ce qu’il y a dans le cœur de l’homme ; c’est à lui
seul de les juger quand viendra son jour. A nous de toujours proposer son amour ;
à nous de toujours vivre cet amour ; à nous de toujours répandre cet
amour. Nul ne peut ni ne doit être exclu sur nos seuls critères humains ;
ce n’est plus possible, ni admissible, depuis que Pâques a ouvert le salut à
tous. Ne nous contentons pas d’être des fidèles du Christ ; soyons fidèles
au Christ qui a livré sa vie pour rassembler une foule immense, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues,
une foule dont il sera pour toujours le seul et unique pasteur. Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)
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