L’Evangile
de ce dimanche est bien connu et ne pose à priori pas de problème particulier. Pourtant,
nous aurions tort de passer sur le texte trop rapidement et de ne l’écouter que
d’une oreille. Ce qui est affirmé par Jésus est plus que fondamental pour
quiconque veut suivre Jésus.
Nous
ne le savons que trop bien ; c’est la figure du Christ qui est la pierre
d’achoppement pour beaucoup d’hommes. C’était vrai hier, c’est vrai encore
aujourd’hui. Qui est-il vraiment ? Quand Jésus interroge ses disciples sur
la perception que la foule a de lui, ceux-ci reprennent ce qu’ils
entendent : Jésus serait Jean le
Baptiste pour les uns, Elie pour
d’autres, voire un prophète
d’autrefois qui serait ressuscité. Ces affirmations et certitudes de la
foule proviennent de ce qu’ils ont vu et entendu. L’enseignement de Jésus, les
gestes qu’il pose et les guérisons qu’il a effectuées, attestent assurément
qu’il est un homme qui marche en présence de Dieu, qui agit au nom de Dieu. La
qualité de prophète n’est pas usurpée. Mais est-elle suffisante pour qualifier
Jésus ? N’est-il qu’un prophète parmi d’autres ? Que disent ce qui le
côtoient quotidiennement ? Ses disciples ont-ils une perception
autre de Jésus ? Car tout est bien là : ceux qui s’attachent à
Jésus au point de tout laisser pour lui voient-ils en lui un simple prophète
(fût-il le plus grand) ? Le fait qu’ils vivent avec Jésus au jour
le jour change-t-il leur manière de percevoir Jésus ? D’où la question de
Jésus : Et vous, que
dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? Pour vous : Jésus
attend bien une réponse personnelle, une réponse à la mesure de ce qu’il leur a
permis de vivre à son contact.
Si
nous prenons le temps d’un arrêt sur image pour feuilleter l’évangile de Luc à
rebours, nous croisons Jésus et ses disciples nourrissant une foule immense
avec cinq pains et deux poissons ; nous voyons aussi Jésus qui a envoyé
ses disciples en mission, faire exactement ce qu’il a fait jusqu’à présent :
annoncer le Royaume et guérir les malades. Ayant donc vu et entendu Jésus,
ayant participé même à sa mission, les disciples en disent-ils plus sur Jésus
que la foule ? C’est Pierre qui répond au nom de tous, d’une formule dont
on ne sait s’il en mesure bien toute la portée : pour lui, Jésus est le Christ, le Messie de Dieu. Nous
n’avons pas le temps de nous réjouir de la sagacité de Pierre ; déjà
Jésus, avec autorité, leur défendit
vivement de le dire à personne. Pierre a donc visé juste, mais trop tôt.
L’affirmation posée aussi crûment pourrait prêter à confusion. Jésus est bien
le Messie, mais personne ne peut le dire pour l’instant. Ce n’est qu’à la fin
de la mission de Jésus que cela sera révélé à tous. Pour que même les disciples
ne se méprennent pas sur la qualité de Messie de Jésus, celui-ci précise
aussitôt en quel sens il sera Messie. Il
faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les
anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le
troisième jour, il ressuscite. Voilà qui rend le Messie bien moins sexy,
n’est-ce pas ! Comment le reconnaître encore après un tel
traitement ? Le Messie de Dieu peut-il seulement mourir ?
Jésus
va encore plus loin. Non seulement le Messie doit souffrir et mourir, mais en
plus ceux qui veulent le suivre doivent renoncer
à [eux-mêmes], et prendre leur croix
chaque jour. Pas glamour du tout ! Pas une once de romantisme dans la
démarche ! Suivre le Christ est exigeant au point d’y engager toute sa
vie. Ce n’est pas un acte passager, ce n’est pas pour un temps ! Le Christ
livre sa vie pour toi ; engage donc la tienne en retour, totalement. Tu
dois être prêt à perdre ta vie à cause de
[lui]. Le disciple ne sera pas au-dessus de son Maître ; le disciple
ne sera pas plus épargné que le Maître. Et nous mesurons soudain le courage et
la confiance qu’il faut pour suivre Jésus lorsque nous nous rappelons qu’au
pied de la croix, il n’y avait que Jean et Marie, les autres disciples ayant
disparu, se tenant au loin pour regarder ! Si quelqu’un voulait dégouter
les disciples et les décourager, il ne s’y prendrait pas autrement. Mais ce
rappel est nécessaire, vital même. Comment engager toute sa vie pour quelqu’un
qui ne ferait que semblant ? Comment croire que Jésus pourrait nous sauver
s’il n’allait pas au bout de l’expérience humaine, s’il n’affrontait pas la
mort sur son propre terrain ? Le baptême dans lequel nous sommes plongés
n’est pas un long fleuve tranquille ; c’est une plongée dans la mort et la
résurrection de Jésus pour que nous puissions vivre ! C’est une plongée
dans le feu de l’Esprit pour que soit brûlé en nous tout ce qui est contraire à
l’esprit de Dieu.
Au
moment où la foule pourrait être tenté par un Messie romantique ou
révolutionnaire, qui bouterait hors de Palestine l’occupant romain, Jésus vient
réaffirmer que sa mission est plus profonde, que la libération qu’il propose
est plus qu’un acte simplement politique, que sa vision du monde est plus
complexe qu’un monde sans romains. Paul l’a bien compris lorsqu’il explique aux
Galates qu’il n’y a plus ni juif ni
grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la
femme, car tous vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Le Messie
de Dieu est venu pour une humanité réconciliée, une humanité qui ne fait plus
de différence, une humanité vraiment libre ! Si c’est bien là ce que tu
attends du Messie de Dieu, alors viens, prends ta croix, prends ta part avec
lui, et participe à ce Royaume à venir, aujourd’hui, demain et chaque jour de
ta vie. Amen.
(Illustration extraite de l'Image de notre paroisse, n° 210, Juin 2004)
(Illustration extraite de l'Image de notre paroisse, n° 210, Juin 2004)
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