Ça
valait bien la peine que Simon soit pharisien, c’est-à-dire parfaitement versé
dans l’étude et l’interprétation des Ecritures, si c’était pour se planter
aussi lamentablement le jour-même où il recevait Jésus ! A quoi lui ont
servi ses heures passées à scruter l’Ecriture ? Il invite Jésus, une femme s’introduit dans
la salle et de ce qu’il voit, Simon ne tire que des erreurs : cette
créature est à rejeter, Jésus ne peut vraiment pas être un prophète. Il a bien
collé ses étiquettes : pécheresse sur la femme, faux prophète sur Jésus. Rien
ne semble l’ébranler ; il est sûr de lui, sûr de ce qu’il croit, sûr de ce
qu’il voit. Mais voilà, les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent.
Jésus
devine ce qui agite Simon. Bien élevé, ce dernier n’a rien dit à voix haute :
il s’est tout dit en lui-même. Le scandale
est assez grand pour qu’il n’y rajoute pas un éclat de voix. Jésus aussi est
bien élevé ; il ne fait pas une leçon de morale à Simon, devant tous ses
invités. Il lui dit juste ce qui est : cette femme a fait ce que Simon
aurait dû faire : laver les pieds de son invité, l’embrasser et le
parfumer. Il n’y a pas matière à s’offusquer. Et surtout, il fait comprendre à
Simon ce que les prophètes du Seigneur n’ont cessé de dire au cours des siècles :
Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion, sa vie. Par ces gestes
envers Jésus qu’elle tient pour un homme de Dieu, sans même le dire, la femme a
marqué son désir de changer de vie. Elle est venue vers Jésus comme le peuple
devrait venir vers Dieu : humblement, avec des larmes et l’espérance d’être
bien reçu. Comment l’amour de Dieu pourrait-il être insensible à tant de marques
d’amour de la part de cette femme ? La conclusion de Jésus est sans appel :
Tes péchés sont pardonnés, dit-il à
la femme.
De
tous temps, dans l’Eglise, il y a eu des Simon le Pharisien. Des gens qui s’estimaient
purs et qui jugeaient durement celles et ceux qui ne vivaient pas comme eux. Notre
époque n’échappe pas à la règle. Il y en a toujours pour s’estimer plus
chrétien que les autres. Il y en a toujours pour croire que certains ne devraient
pas être admis dans l’Eglise, ou alors en catimini. Combien de fois, comme curé
de paroisse, ai-je eu à supporter les réflexions de bons paroissiens qui
estimaient que le baptême pendant la messe, c’était à réserver aux meilleurs, à
ceux qui allaient à la messe tous les dimanches alors que justement je le
proposais aux familles qui étaient loin de tout, qui n’avaient aucun sens de la
communauté. Au moins, pensais-je, pourraient-ils redécouvrir ce que l’Eglise
pouvait leur apporter en faisant baptiser le petit dernier au cours de l’Eucharistie
dominicale ! Et ce n’est là qu’un exemple !
Cette
rencontre de Jésus chez Simon le Pharisien m’interroge : peut-on
comprendre quelque chose à Dieu si l’on oublie la miséricorde ? Pourquoi
faudrait-il que Dieu soit un juge pour les autres et un ami pour moi, seulement ?
Y a-t-il seulement des purs d’un côté et des mécréants de l’autre ? Ne
sommes-nous pas tous débiteurs de Dieu, de son amour immense pour tous les
hommes ? Il faut se réjouir de ce que Dieu fasse miséricorde à tous. L’amour
que Dieu manifeste à quelqu’un ne me manque pas ; l’amour qu’il manifeste
à d’autres ne diminue en rien l’amour qu’il me porte. Le cœur de Dieu est
débordant d’amour. De même devrions-nous être débordant d’amour et
reconnaissant de ces débordements amoureux de Dieu envers chacun. L’amour de Dieu
déversé sur un seul rejaillit sur tous. C’est l’humanité tout entière qui gagne
chaque fois qu’un humain renonce au Mal et choisit de vivre selon la Parole de Dieu.
C’est l’humanité tout entière qui gagne quand un cœur dur se convertit, quand
un cœur de pierre devient cœur de chair. Simon aurait dû le savoir, c’est dans
les Ecritures !
Réjouissons-nous
donc de cette miséricorde débordante de Dieu. Réjouissons-nous de ce que le
pape François invite les prêtres à déborder de la même miséricorde lorsqu’ils
entendent les confessions. Réjouissons-nous de n’être pas jugés par nos
semblables, mais par le cœur amoureux de Dieu qui n’attend que notre retour. L’amour du Seigneur entourera toujours ceux qui comptent sur lui. Le psalmiste
nous l’a fait chanter ; c’est donc dans les Ecritures, c’est donc vrai. Amen.
(Jésus chez Simon le Pharisien, Détail de l'autel de la Chapelle Sainte Catherine, Cathédrale de Strasbourg)
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