Dans un monde en perte de sens et de
repères, dans lequel même l’action politique semble vaine tant le discours est
bas, il est des gestes qui redonnent un peu d’espoir et de hauteur de vue. Tel a
été le cas, le 08 octobre dernier, dans notre diocèse. Ce jour-là, en la
cathédrale, l’Enseignement catholique a reçu des mains de Mgr Grallet, un nouveau
projet diocésain. Non pas un truc en plus, avec des choses à faire, mais d’abord
un texte qui rappelle le sens profond de notre agir et les moyens que nous
voulons mettre en œuvre pour réaliser la mission que l’Eglise confie à son
école : annoncer le Christ à tous
les hommes.
Dans ce texte, qui est ainsi devenu
fondamental pour tous nos établissements scolaires catholiques en Alsace, trois
axes sont déployés. Ils annoncent l’œuvre immense à accomplir pour réenchanter l’école (premier axe), pour accompagner la personne (deuxième
axe), pour s’ouvrir au monde (troisième
axe). Ils sont l’ADN de l’Enseignement catholique parce qu’ils reprennent
l’ADN de l’Evangile. Peut-on annoncer le Christ sans redonner du sens ?
Peut-on annoncer le Christ sans mettre la personne humaine au cœur de
notre agir ? Peut-on annoncer le Christ sans être ouvert à tous ? Non,
non, et non. Notre horizon, c’est le Christ ; ce avec quoi nous
travaillons, c’est l’humanité dans laquelle le Christ s’est incarné ; ce
pour quoi nous travaillons, c’est faire connaître le Christ dans le respect de
tous. Et comment faire connaître le Christ et son œuvre de salut sans d’abord
former des garçons et des filles à appréhender intellectuellement le monde dans
lequel ils vivent, avec le regard de notre foi ? La foi chrétienne n’est
pas imposée dans nos écoles, elle est proposée comme un chemin de compréhension,
éclairant notre raison. Il arrive que la raison, éclairée par la foi, laisse un
peu de place à un cheminement spirituel et à un désir de marcher avec Dieu. J’en
veux pour preuve qu’au lendemain de cette proclamation du projet diocésain, j’ai
ainsi eu la joie de baptiser trois adolescents dans un de nos établissements
scolaires, comme pour marquer que l’œuvre que nous accomplissons, si elle
semble souvent obscure et cachée, aboutit quand même à des conversions et à un
désir sincère de marcher avec le Christ.
Je comprends d’autant mieux alors l’insistance
de Paul à annoncer le Christ, à proclamer
la Parole, à intervenir à temps et à contretemps. C’est un devoir
inlassable pour chaque croyant, pour l’école catholique en particulier. Cette Parole
donne du sens à une existence, nous le savons. Paul insiste et précise que
cette Parole est utile pour enseigner,
dénoncer le Mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme
de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien. Ce n’est donc
pas une parole à réserver au dimanche matin, lorsque les croyants se
rencontrent. C’est une parole à adresser à tous, croyants ou non, pour qu’elle
puisse faire son chemin dans le cœur des hommes. Ne nous étonnons pas devant la
baisse de la foi si la Parole n’est plus annoncée à tous, si elle ne mène plus
nos existences ! Comment un homme pourrait-il se convertir si la Parole ne
lui était jamais adressée, annoncée dans toute sa grandeur et toute son
exigence ? Comment le croyant pourrait-il rester un homme de bien si la Parole
de Dieu n’éclairait pas son quotidien, ne nourrissait pas ses actes et ses
propres paroles ? Nous n’avons, et nous n’aurons que cette seule Parole pour
convaincre les hommes, les inviter à changer de vie et à suivre le Christ ;
nous n’avons, et nous n’aurons que cette seule Parole et ce qu’elle produit
dans notre propre vie pour attirer les hommes au Christ. Proclamer la Parole revient à la dire et à la vivre. Parce que
cette Parole ne peut rester de simples mots ; elle est Parole vivante, Parole
qui engage, Parole qui transforme.
Nous pouvons être surpris par le fait que
Paul ne précise pas que cette Parole, qui vient de Dieu, conduit à Dieu ! Fallait-il
le préciser ? Depuis que Dieu s’est fait homme en Jésus Christ, nous savons
que l’homme est chemin vers Dieu et que notre manière d’agir avec les hommes
reflète notre manière d’agir avec Dieu. Ce
que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que
vous l’avez fait ; cette parole de Jésus doit plus que jamais nous
habiter et nous pousser à mettre l’homme au cœur de nos préoccupations, car
seulement ainsi Dieu sera lui-même au cœur de nos préoccupations. Je me demande
même si, en nous tournant vers les hommes pour leur parler de Dieu, nous ne
nous tournons pas en même temps vers Dieu pour lui parler des hommes dont nous
avons le souci. L’œuvre d’évangélisation devient ainsi œuvre de prière, seule
manière pour l’homme de s’ouvrir à Dieu, moyen par excellence pour Dieu d’ouvrir
le cœur des hommes à sa Parole. Nous rejoignons ainsi la pensée de Paul qui dit
bien que c’est la Parole de Dieu et non notre parole qui a le pouvoir de transmettre la sagesse. En mettant Dieu en
présence des hommes par sa Parole, nous mettons bien les hommes en présence de Dieu ;
nous aurons ainsi fait notre part du travail. Le reste relève de ce qui se
jouera, ou pas, entre Dieu et ceux à qui nous avons parlé de lui. Le résultat
ne dépend pas de nous !
Ne nous lassons pas de nous mettre
personnellement à l’écoute de la Parole de Dieu. Ne nous lassons pas de
proposer cette Parole à nos contemporains en manque de repères. Nous ne la
gâchons pas à la proposer largement ; c’est même le seul moyen de la faire
vivre vraiment. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
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