Qui ne s’est jamais senti comme le
prophète Habacuc, à crier vers Dieu avec ce sentiment étrange de n’être pas
entendu ? Qui n’a jamais désespéré devant le Mal et la violence qui
semblent s’aggraver chaque jour ? Où est Dieu ? Que fait-il ?
Pourquoi permet-il ? Il suffit d’ouvrir un journal pour constater les
multiples occasions que nous avons ainsi de crier vers Dieu… y compris au sein
de l’Eglise ! Combien de temps aurons-nous à supporter ce triomphe
insupportable du Mal ?
Pour trouver une issue, il nous faut déjà
entendre la réponse de Dieu lui-même à son prophète. Face au Mal qui règne, il
faut rester fidèle au Dieu de l’Alliance : le juste vivra par sa fidélité, affirme le prophète. Dieu n’oublie donc pas son peuple ;
Dieu n’oublie pas le droit et la justice. Il interviendra, certainement et sans retard, assure encore le prohpète. Celui qui est révolté par le Mal doit
entrer en résistance et espérer contre toute espérance. Le Mal ne peut avoir le
dernier mot que si les hommes lui laissent le dernier mot. Avec son Alliance, Dieu
a donné aux hommes la capacité à lutter contre le Mal. Les commandements du Seigneur
sont autant de voies pour résister au Mal, pour l'empêcher de gouverner le
monde. Mais peut-être faut-il d’abord à l’homme écarter le Mal de sa propre
vie. Il n’y a pas de grand Mal et de petit Mal ; il n’y a que le Mal,
quelle que soit son intensité. Ce qui fait que nos petites mesquineries, nos petites querelles,
nos petits mensonges sont tous aussi néfastes que les attentats, la guerre, les
violences institutionnelles. La fidélité du croyant à Dieu va lui permettre de
lutter contre le Mal, d’abord dans sa propre vie. Tout commence là, chez nous,
dans notre propre existence, dans nos propres relations, dans nos propres manières d’être.
Il ne sert à rien d’être impatient face au Mal qui ronge le monde si je ne suis
pas prêt à chasser le Mal de ma propre vie. Il ne sert à rien d’attendre que Dieu
intervienne si je ne veux rien changer dans ma propre manière de faire. Tout commence par moi, ou pas !
Cette analyse est renforcée par le
psalmiste. La clé de la fidélité, c’est l’écoute du Seigneur : Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur,
mais écoutez la voix du Seigneur ! Ce psaume 94 qui a servi de réponse
à la première lecture nous invite à la joie, à l’action de grâce car Dieu est notre Rocher, notre salut. Il n’y a pas
à en douter ! Il est celui qui nous
a faits… nous sommes le peuple qu’il conduit. La part de Dieu dans l’Alliance
est donc pleinement respectée. Il veille sur nous. Jamais le Mal ne pourra avoir de
prise sur nous. Nous ne pourrons peut-être pas toujours éviter le Mal que l’on
nous fait, mais nous pouvons toujours éviter que le Mal se fasse par nous !
A condition d’être attentifs à sa parole : Aujourd’hui écouterez-vous sa Parole ? Ne fermez pas votre cœur comme
au désert ! L’homme sait, par son expérience, par l’histoire du peuple
auquel il appartient, ce qu’il peut vivre selon qu’il soit attentif à Dieu et
fidèle à sa parole ou pas. Ce qui arrive au temps d’Habacuc n’est pas nouveau ;
ce n’est pas la première fois que le Mal semble triompher. Ceux qui suivent Dieu
savent comment, par le passé, leur peuple s’en est sorti. Pourquoi aujourd’hui
cela serait-il différent ? L’homme ne peut pas à la fois se détourner de Dieu
et attendre de lui qu’il règle tous ses problèmes ! La seule réponse à la
permanence du Mal, c’est la permanence de la foi.
D’ailleurs, dans l’Evangile, Jésus ne
rappelle-t-il pas à ses disciples que la foi vient de Dieu et qu’à témoigner de
lui, on ne fait que notre « travail de disciple ». Dieu donne la foi
à qui la demande ; il la donne entièrement, pas par petit bout. De même qu'il n'y a pas de grand Mal et de petit Mal, il n'y a pas de grande foi ou de petite foi, il n'y a que la foi. Il n’est
donc pas besoin de la faire grandir. Il faut juste oser la demander, oser l'accueillir, oser ce
saut dans la foi qui change une vie, ce saut dans la foi qui permet de croire
que l’impossible est possible : si
vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre
que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait
obéi, nous assure Jésus. Cette foi que nous avons reçue, cette foi qui nous a été transmise,
peut-être l’avons-nous oubliée, perdue dans les sables mouvants de notre
histoire, de nos faiblesses, de nos manquements. Mais nous pouvons toujours la
demander, nous pouvons l’accueillir à nouveau et renouveler sa puissance dans
le sacrement du pardon et de la réconciliation. Nous pouvons toujours refaire
le choix de Dieu, refaire le choix de la foi accueillie, vécue et partagée.
Alors, certainement,
le Mal sera battu en brèche. Alors, certainement,
Dieu répondra à notre appel. Il ne fera rien sans nous ; il ne fera rien
contre nous. A nous de savoir ce que nous voulons. A nous de lutter contre le
Mal, et Dieu nous aidera, Dieu nous favorisera, Dieu nous sauvera. Arrêtons donc de
rêver un monde d’où le Mal serait absent et commençons à le construire, ici et
maintenant, dans la force de l’Esprit Saint. Amen.
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