Sur
notre route vers Pâques, comment ne pas prendre le temps de nous interroger, à
frais nouveau, sur Dieu, sur son projet d’amour pour nous ? La question de
Dieu habite l’homme et se pose à lui, sans cesse. La liturgie de ce troisième
dimanche de Carême nous montre des hommes et des femmes qui ont affronté cette
question. Leur expérience peut nous aider à nous y frotter à notre tour.
Regardez
le peuple que Moïse a sorti d’Egypte sous la conduite de Dieu lui-même. Au
moment de sa libération, tout est bien : finies les corvées, fini le
fouet, finie la misère. Voici le peuple libre, enfin, après des années
d’esclavage. Le désert à affronter semble un mal nécessaire du moment qu’il met
de la distance entre ce passé douloureux et l’avenir de ce peuple libéré. Mais
quand le désert se révèle pour ce qu’il est, un lieu aride, sans eau, voilà que
le souvenir de l’Egypte se fait délicieux. Pourquoi nous as-tu fait monter
d’Egypte ? Le peuple a déjà oublié les coups, les corvées,
l’esclavage. Il a déjà oublié que Dieu lui a rendu sa liberté ! Les
récriminations qui montent contre Moïse, et donc contre Dieu qu’il sert,
semblent dire que le peuple regrette l’Egypte et la vie qu’il y menait !
Heureusement que Dieu, lui, n’oublie pas son amour ; heureusement que Dieu
n’oublie pas son serviteur Moïse qu’il a appelé pour conduire ce peuple vers la
terre promise. Aux récriminations, il répond par un don : le don de l’eau,
pour que le peuple tourne la page de l’Egypte ; le don de l’eau, pour que
le peuple taise ses récriminations et se souvienne toujours que le Seigneur
est au milieu de lui. Ah, s’il savait le don de Dieu…
Des
siècles plus tard, alors que le peuple est établi sur cette terre promise,
voici qu’un homme, Jésus, croise une femme, la Samaritaine, au bord d’un puits.
Il a soif ; elle vient puiser de l’eau ; cela tombe bien. La demande
d’eau exprimée par Jésus devient le prétexte à un dialogue beaucoup plus
profond. C’est comme si, ensemble, l’homme et la femme creusaient un nouveau
puits qui permettra une rencontre plus vraie : la rencontre entre cette
femme et le Sauveur que Dieu envoie. Comme jadis au désert, cette histoire
d’eau est l’occasion de mieux connaître Dieu et son projet. Si tu savais le
don de Dieu, dit Jésus à cette femme… Et tout s’enchaîne. Voilà que ce Juif
semble connaître cette Samaritaine en vérité ; il l’ouvre à une nouvelle
connaissance de sa vie ; nous la sentons bien vite chamboulée, transformée,
au point qu’elle en devient missionnaire. Oubliant sa cruche et la raison de sa
sortie à l’heure de midi, la voilà qui va chercher les habitants de son village
pour les mener à Jésus. Elle croit avoir reconnu le Christ : Venez voir
un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ?
Pour résoudre la question de Dieu dans notre vie, il faut une rencontre, une
oreille attentive et le désir de comprendre. La femme n’a rien fait d’autre.
Elle aurait pu se contenter de servir à Jésus le verre d’eau demandé, sans
entrer en dialogue avec lui ; mais la rencontre, la vraie, n’aurait pas eu
lieu. Elle a choisi de s’attarder au puits ; elle a choisi de parler à cet
inconnu, Juif de surcroît, avec qui elle n’avait, à priori, rien en commun.
L’eau du puits de Jacob qui étanchait la soif a servi de prétexte à Jésus pour
révéler l’eau de la vie éternelle qui donne sens à une vie. Comme jadis au
désert Dieu a servi à son peuple de l’eau pour que cesse les récriminations,
Jésus sert à cette femme, et à tout le village, l’eau de la connaissance de
Dieu pour que les hommes croient en lui et reconnaissent en lui le Sauveur
du monde. Ils savent maintenant le don de Dieu…
Pour
Paul, Dieu n’est plus une question depuis qu’il a croisé le Christ. Dieu, il a
appris à le connaître vraiment sur le chemin de Damas quand le Christ
ressuscité lui est apparu. Et depuis, il ne cesse de répandre la Bonne Nouvelle
de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Il sait le don gratuit de Dieu
qui a livré son Fils pour le salut des hommes, bien qu’ils fussent tous
pécheurs. Et pour Paul, c’est là la preuve de l’amour de Dieu pour nous : le
Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs ! La
question de Dieu se résout dans ce geste d’amour de sa part. Le projet de Dieu
est donc un projet d’amour envers l’homme. Comment l’homme peut-il ne pas s’en
rendre compte ? Comment l’homme peut-il vouloir se débarrasser de Dieu
après un tel don ? L’homme refuserait-il d’être aimé de Dieu ?
L’homme préfèrerait-il ne pas être aimé du tout plutôt que de reconnaître ce
que Dieu fait pour lui ? Paul n’arrêtera jamais de dire aux hommes le
don de Dieu pour qu’ils puissent en vivre tous et accueillir le salut réalisé
en Christ. Grâce à Paul, les hommes savent mieux le don de Dieu.
Si
tu savais le don de Dieu… Voilà une affirmation qui devrait
nous titiller durant tout ce Carême, temps favorable pour entrer dans une
meilleure connaissance de Dieu et de son projet d’amour pour nous aujourd’hui.
A la suite du peuple égaré dans le désert, à la suite de la Samaritaine au bord
du puits, à la suite de Paul et des communautés qu’il encourage dans leur foi,
nous devons nous ouvrir à l’intelligence de ce don que Dieu nous fait. Pour
cela, il nous faut faire taire les récriminations comme le peuple au désert ;
il nous faut l’oreille attentive et le désir de la Samaritaine ; il nous
faut le souci d’approfondir la foi qui habite Paul. Laissons le Christ nous
abreuver à sa source et nous saurons le don de Dieu. Laissons le Christ
nous abreuver à sa source et nous vivrons de sa vie. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, Mille images d'Evangile, éd. Les presses d'Ile de France)
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