Poursuivant notre route vers Pâques, nous
découvrons un autre aspect fondamental de notre foi dans la question que pose
Paul dans la lettre aux Romains : Comment
(Dieu) pourrait-il, avec lui (avec Jésus), ne pas nous donner tout ? Paul
ne fait que reprendre une intuition qui traverse toute l’Ecriture : Dieu,
en faisant alliance avec l’homme, s’engage totalement et donne à l’homme tout
ce qui lui est nécessaire pour vivre. Dieu donne tout à l’homme. Il ne retient
rien, il ne refuse pas son aide à l’homme. En Dieu, tout est grâce, don gratuit
pour celui qu’il a créé à son image et à sa ressemblance.
Abraham, le Père des croyants, va faire
l’expérience de ce don absolu à travers son fils Isaac. C’est le fils de la
vieillesse, le fils qui n’était plus espéré et que Dieu a donné au temps fixé
par lui. Elle avait bien ri, la vieille Sara, quand elle avait surpris les
visiteurs près du chêne de Mambré annoncer à son époux que dans un an, ils
auraient un fils. Sans doute ignorait-elle encore que Dieu serait fidèle à sa
promesse, et qu’il ne refuserait rien à ceux qui croiraient en lui. Pour que la
promesse faite à Abraham de devenir père d’une multitude se réalise, il lui
faut un descendant : Dieu le donnera. Aussi pouvons-nous être surpris
d’entendre, quelques années après, ce même Dieu réclamer à nouveau ce fils
promis, tant attendu. Prends ton fils,
ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu
l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai. Nous ne
savons rien des sentiments qui traversent l’esprit d’Abraham à ce moment
précis. Le texte entendu ce matin laisse seulement entrevoir l’obéissance
d’Abraham et sa promptitude à accomplir ce que Dieu demande. Et au moment où il
va frapper son fils, voilà que Dieu intervient à nouveau pour rendre ce fils
aimé à son père obéissant. Abraham avait-il compris qu’en donnant tout à ce
Dieu qui lui avait tout donné, il ne perdrait rien et obtiendrait plus
encore ? Parce que tu ne m’as pas
refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta
descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de
la mer.
Dieu donne tout ! N’est-ce pas aussi
l’expérience que font Pierre, Jacques et Jean sur la montagne de la transfiguration,
quand Dieu leur révèle en avant-première, la gloire qui est celle de
Jésus ? Avant les événements tragiques de la Passion, au cours desquels
Dieu donnera tout en livrant Jésus, il donne à ces trois disciples de son Fils,
son unique, celui qu’il aime, la vision de sa gloire à venir et la certitude
qu’en Jésus, c’est bien Dieu qui parle et agit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! Dieu leur
donne ainsi la clé de compréhension des événements à venir. Elle se trouve dans
l’écoute de Jésus. Quand bien même Jésus ne sera plus là avec eux, ils auront
toujours les paroles qu’il aura prononcé durant sa vie terrestre et le souvenir
de ce moment sur la montagne pour retrouver confiance et espérance au
moment-même où leur monde se sera écroulé.
Dieu donne tout, y compris sa vie en
Jésus, pour que les hommes puissent vivre libres, véritablement libérés du Mal
et de la Mort. Dieu donne tout, et l’homme gagne la vie éternelle. Dieu donne
tout, et l’homme peut retrouver l’image de Dieu dans sa propre vie. Dieu donne
tout, et l’homme est appelé à l’imiter. Comment ne pourrions-nous pas à notre
tour donner tout à celui qui ne nous a rien refusé ? Tout donner à Dieu
consiste peut-être juste à ne donner qu’à lui notre foi, à ne placer qu’en lui
notre espérance, à ne vivre qu’une charité à la hauteur de l’amour de Dieu pour
nous. Dieu donne tout ; sommes-nous prêts à accueillir tout ce qui vient
de lui ? Sommes-nous prêts à vivre de ses dons ?
(Dessin de M. LEITERER)