Comment ne pas être touché par cette
rencontre entre Jésus et ce lépreux, bien décidé à obtenir sa guérison de celui
dont il sait la puissance. Depuis que Jésus a chassé un esprit impur dans la
synagogue de Capharnaüm, sa renommée ne
cesse de grandir et de se répandre dans
toute la Galilée (Evangile du 4ème dimanche). Sa capacité à
guérir s’est largement vérifiée hors de la synagogue, lorsqu’il a passé toute
une nuit à guérir beaucoup de gens
atteints de toutes sortes de maladies et à expulser beaucoup de démon (Evangile
du 5ème dimanche). Sûrement
notre lépreux en aura entendu parler ; sûrement cela l’aura décidé à
se mettre en route pour aller vers Jésus.
Voici donc nos deux protagonistes face-à-face.
Le lépreux n’hésite pas : tombant à ses
genoux, il dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier ». Si
tu le veux… Ecoutez bien cet homme : il n’exige rien, il ne demande
pas ce qu’il a fait au bon Dieu pour mériter cette maladie qui l’exclut de la
vie des hommes. Il dit à Jésus : Si
tu le veux… autrement dit : s’il te plaît ; et ‘tu peux’ et non pas ‘tu dois’. Quelle belle
attitude spirituelle : si c’est dans ton projet de salut de me purifier,
tu peux me purifier. Je l’entends non pas comme une demande, mais comme une
permission : si tu veux me purifier,
je me laisserai purifier par toi. Je ne m’opposerai pas à ton projet de salut. Si tu veux manifester la puissance de Dieu
à travers moi, je te laisserai faire. Pour moi, avant de demander sa guérison,
il demande à Jésus de se servir de lui pour manifester encore la grandeur de l’œuvre
de Dieu, pour manifester encore que Dieu travaille par Jésus, que Dieu va à la
rencontre des hommes en Jésus. Il me semble même que Jésus ne s’y trompe pas. Aussitôt
la purification effectuée, il renvoie l’homme vers les prêtres pour qu’il fasse les offrandes prescrites par la Loi. Il renvoie l’homme vers Dieu, avec l’interdiction
de fanfaronner en cours de route. Dieu seul a guéri ; Dieu seul mérite
reconnaissance.
Lorsque nous affrontons l’épreuve, nous
devrions nous souvenir de ce lépreux. Et comme lui, oser demander à Dieu d’accomplir
son projet d’amour pour les hommes, de manifester sa grandeur à tous les hommes :
Si tu le veux… Comment Dieu pourrait-il
rester sourd à notre demande ? Comment pourrait-il décider de ne plus
manifester sa gloire ? Comment Dieu pourrait-il ne plus être attaché à son
projet de salut pour tous les hommes ? Et nous devrions, comme le lépreux,
permettre à Dieu d’agir à travers nous : Si tu le veux, tu peux me guérir, tu peux te servir de moi. Sans aucun
doute possible, la limite de la puissance de Dieu réside en nous. Nous attendons
que Dieu agisse, mais surtout qu’il le fasse tout seul ; surtout qu’il ne
compte pas sur nous ; surtout qu’il nous laisse tranquille. Ce lépreux
dont nous pensons qu’il dérange Jésus, se laisse déranger par lui pour que Jésus
puisse faire ce qu’il est venu faire : manifester la gloire de Dieu à tous
les hommes… qui le veulent bien.
Ne soyons pas surpris si Dieu ne répond
pas aux demandes que nous lui adressons avec cette prière silencieuse gravée en
nous : surtout laisse-moi tranquille ! Nous demandons des vocations,
mais sans l’envisager pour nous ou pour un fils. Nous demandons à être guéris
pour nous-mêmes, mais sans que cela soit une occasion de manifester la gloire
de Dieu. Nous demandons à Dieu d’agir à notre place, mais non à travers nous. Là
est notre drame. Nous voulons bien Dieu, mais pas trop dans notre vie. Nous voulons
bien que Dieu change les choses, mais pas trop notre vie. Nous préférons garder
quelques pustules de nos lèpres modernes plutôt que de nous reconnaître
redevables envers Dieu. Nous préférons tenir Dieu à une saine distance de notre
vie et nous croire libres, plutôt que de reconnaître que notre liberté se
trouve dans notre adéquation à la volonté de Dieu. Si nous ne laissons pas Dieu
agir selon ce qui lui plaît, ne nous étonnons pas que rien ne change. Si nous
ne laissons pas Dieu agir selon son projet de salut pour tous les hommes, ne
nous étonnons pas que la paix, la joie et la fraternité soient sans cesse menacées.
Le lépreux avait compris que sa guérison
ne viendrait pas du fait qu’il se précipite vers Jésus, mais qu’elle viendrait
du désir de salut de Jésus pour tout homme et de sa capacité à laisser Jésus agir
en sa faveur, quoi qu’il ait pu demander en retour. A la suite du lépreux, apprenons
à autoriser Jésus à agir en nous et à travers nous pour que la gloire de Dieu soit
manifestée et que le monde soit sauvé. Amen.
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