Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 30 septembre 2018

26ème dimanche ordinaire B - 30 septembre 2018

Ah, si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux !

(Désolé pour l'homélie de la semaine dernière, mais j'étais à Rome pour le congrès international des catéchistes).






Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux ! Ainsi retentit la prière de Moïse lorsqu’il apprend que deux anciens, restés au camp alors que les autres étaient allés à la rencontre de YHWH, avaient reçu eux-aussi l’esprit du Seigneur et prophétisaient en son nom. Il avait bien perçu qu’il n’est pas de limite au pouvoir de Dieu et que celui-ci choisissait qui il voulait pour parler en son nom. Il y a, dans cette prière de Moïse, l’espérance que tous les hommes un jour, connaîtront Dieu, et vivront selon sa Parole. Il faudra attendre encore quelques siècles pour qu’un autre prophète proclame au nom de Dieu que ce jour approche. Nous retrouvons en effet chez Jérémie une prophétie qui aurait comblée l’espérance de Moïse. Des jours viennent, oracle du Seigneur, où je conclurai avec la communauté d’Israël et la communauté de Juda, une nouvelle alliance. Elle sera différente de l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Egypte. Eux, ils ont rompu mon alliance ; mais moi, je reste le maître chez eux – oracle du Seigneur. Voici donc l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël : je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. Ils ne s’instruiront plus entre compagnons, entre frères, répétant : « Apprenez à connaître le Seigneur », car ils me connaîtront tous, petits et grands – oracle du Seigneur. Le rêve de Moïse annoncé comme devenant réalité : le peuple connaîtra intimement son Dieu. Il n’y aura plus de hiatus entre la volonté de Dieu et l’art de vivre de son peuple. Ils ne feront plus qu’un ! 

Pour nous, chrétiens, cet espace entre la volonté de Dieu et le comportement des hommes a été comblé par la venue du Fils unique, Jésus Christ. Il est cette alliance nouvelle entre Dieu et l’humanité qui nous fait tous entrer en intimité avec Dieu même. Par Jésus, par son enseignement, par ses actes, nous pouvons découvrir Dieu, comprendre sa parole et trouver la force d’en vivre. Par les sacrements qu’il a offerts à son Eglise, nous recevons de Dieu lui-même ce qui nous est nécessaire pour nourrir notre foi, la faire grandir et la traduire en réalité de vie. Quiconque a découvert Jésus, quiconque a entendu sa Parole et l’a accueillie en son cœur, ne peut que se tourner vers Dieu par le service des frères. Si nous croyons que la Parole de Dieu a quelque efficacité, si nous croyons qu’elle peut changer une vie, alors nécessairement notre vie sera tournée vers Dieu et le prochain ; alors nécessairement, par notre art de vivre, nous rendrons le monde meilleur. 

Cette certitude ne doit toutefois pas nous faire croire que nous sommes les seuls à pouvoir changer le monde, ni que, hors de l’Eglise, il n’y a rien de bon. La prière de Moïse, reprise en quelque sorte par Jésus lui-même, lorsque ses disciples veulent empêcher d’autres – qui ne sont pas de leur groupe de faire du bien au nom de Jésus – vient attester que l’action de Dieu dans le cœur des hommes ne se limite pas au seul groupe de pratiquants ou de proches de Moïse ou de Jésus. Dieu intervient dans le monde de multiples manières, et il y a lieu de se réjouir de ce que d’autres hommes et femmes, ne participants pas à nos assemblées, peuvent témoigner et agir selon ce que Dieu attend de nous. Si, par notre baptême, nous sommes particulièrement concernés par la Parole de Dieu, particulièrement invités à un art de vivre conforme à notre foi, nous n’avons pas pour autant de contrat d’exclusivité. Nous ne sommes pas maîtres de Dieu, nous sommes ses disciples. 

Cela dit, le fait que Dieu intervienne dans le monde par d’autres que nous, qui ne sont peut-être pas de chez nous, ne doit pas non plus nous encourager à rester chez nous et à ne plus faire vivre nos communautés. Si nous avons été appelés par Dieu à entrer dans son Eglise par le baptême, ce n’est pas pour rester au coin du feu alors qu’il y a tant à faire pour témoigner de Dieu et pour rendre vivante l’Eglise de Jésus Christ. Ce n’est pas parce que des non chrétiens vivent selon les principes chrétiens sans participer à la vie de l’Eglise, que les chrétiens peuvent vivre l’Evangile sans vivre en Eglise. Le témoignage de notre vie fraternelle est un signe puissant pour les nations, et nous nous devons de répondre joyeusement à l’appel de Dieu lorsque sonnent les cloches du rassemblement dominical, ou lorsqu’un appel à nous engager davantage dans la vie de la communauté nous est adressé.

Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux ! Ce cri de Moïse, je le fais mien ce matin. L’œuvre que Dieu attend de nous par son Eglise est loin d’être achevée et nous aurons bien besoin de la part d’Esprit Saint qui est en chacun pour discerner ce qui est nécessaire pour progresser et témoigner toujours plus de ce Dieu proche de tout homme. Puisse notre eucharistie de ce jour nous ouvrir à cette présence de Dieu et nous rendre participants de son œuvre d’amour. Amen.

(Dessin de M. Leiterer)
 

 


dimanche 16 septembre 2018

24ème dimanche ordinaire B - 16 septembre 2018

N'allons pas trop vite en besogne !






Il faut avoir une vue d’ensemble sur l’Evangile de Marc pour comprendre à quel point le passage d’évangile que nous venons d’entendre est singulier et important. En fait, il est le moment clé de l’œuvre de Marc, celui vers qui tend toute la première partie et qui déclenche la seconde. Et nous sommes mis en demeure, tout comme les disciples aujourd’hui, de dire ce que nous avons compris de Jésus, à ce moment précis de l’histoire, et invités à entendre ce que Jésus dit de lui et de son avenir. 

Si, en rentrant chez vous, vous prenez votre bible et parcourez l’évangile de Marc en entier, vous verrez que tous les signes que Jésus a posés jusque là devaient permettre à Pierre de faire sa profession de foi : Tu es le Christ. Et si vous vous souvenez du début de l’Evangile de Marc, vous comprendrez que cette affirmation de Pierre reprend l’affirmation de l’évangéliste faite dans le titre même de son œuvre : Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. En fait, comme dans l’excellente série Columbo, nous savons tout dès le début. Marc dit clairement qui est ce Jésus dont va parler son œuvre, comme un épisode de Columbo commence toujours par nous montrer le meurtrier. Le but des épisodes de la série policière est le même que le but de Marc dans son évangile : faire comprendre à celui qui regarde ou qui lit, comment on arrive à découvrir par l’expérience, par la déduction, ce qui est évident dès le départ. Dans la série policière, nous relevons avec l’inspecteur à l’imperméable tous les indices qui vont finir par pointer du doigt le coupable, comme dans l’Evangile, nous découvrons avec les Apôtres tous les indices qui vont mener Pierre à affirmer : Tu es le Christ dans un premier temps, avant de nous le faire comprendre totalement au pied de la croix et de pouvoir l’affirmer avec le centurion romain : Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu !  

Les mots de Pierre ne lui viennent pas à la bouche par hasard. Ils s’imposent à lui, après tout ce qu’il a vu et entendu. Et c’est normal, parce que tout l’évangile de Marc tourne autour de cette question : Qui est Jésus ? En lisant cet évangile, le lecteur est provoqué par cette question à chaque page. Et chaque fois que quelqu’un (même les démons) éclaire la réponse à la question, Jésus ordonne le silence. Et nous comprenons aujourd’hui pourquoi ce silence est imposé : parce qu’il n’est pas encore temps de révéler qui est Jésus. La réponse véritable ne peut pas jaillir après un enseignement, ni même après un miracle de Jésus. La réponse véritable ne peut jaillir qu’à la fin de sa vie, au pied de la croix. Observez ce qui se passe dans l’épisode de ce dimanche : Pierre proclame que Jésus est le Christ ; et il a raison. Mais quand Jésus annonce pour la première fois sa Passion, Pierre se mit à lui faire de vifs reproches. Il n’est pas possible pour lui que le Christ, l’Envoyé de Dieu, souffrît la Passion ! C’est totalement hors de propos ! Sa réaction est naturelle. Il n’a pas compris l’ordre de se taire que Jésus a donné sitôt sa profession de foi posée. Ce que Pierre a affirmé, personne ne peut le comprendre de manière juste à ce moment précis de l’histoire. Et nous ne devons pas, dans un premier temps, lire cette page autrement que comme un premier lecteur qui ne connaît rien à Jésus, ni comprendre plus que ce qu’à compris Pierre à l’époque. Pour bien méditer cette page, il nous faut oublier, durant le temps de compréhension du texte, que nous connaissons la fin de l’histoire de Jésus. Marc nous invite à avancer avec les Douze dans la découverte de Jésus.  

Si nous allons trop vite, nous ne pourrons pas saisir vraiment ce que Jésus dit quand il commence à enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que trois jours après, il ressuscite. Nous le savons parce que nous vivons après Pâques. Mais pour quelqu’un qui commence à découvrir qui est Jésus, pour quelqu’un pour qui Pâques ne représente encore rien, les affirmations de Jésus, à ce moment précis de l’histoire, sont d’une violence et d’une nouveauté inouïe ! Qui peut sincèrement imaginer à ce moment-là que celui qui a fait tant de bien, posé tant de miracles et parle aussi bien de Dieu, qui peut raisonnablement penser qu’il sera mis à mort à cause de cela par ses adversaires ? Qu’il ait des adversaires, c’est une chose : tout homme qui a quelques idées a forcément contre lui ceux qui ont les mêmes mais n’ont pas osé les exprimer, plus ceux qui ont les idées contraires et se sentent mis en danger, sans compter l’immense majorité de ceux qui sont sans opinion et se laissent retourner par celui qui crie le plus fort. Mais de là à se faire tuer, quand même ! Nous vivons dans un monde civilisé, c’est bien connu. En annonçant pour la première fois sa Passion, Jésus vient nous dire qu’il y a un horizon plus grand que les miracles qu’il pose et l’enseignement qu’il donne. Tout cela doit nous mener à accompagner Jésus jusqu’au bout, jusqu’à la croix, parce que c’est là, et seulement là, que tout prendra sens. Il nous faut accepter la violence des mots de Jésus et accepter humblement de le suivre pour ne pas faire de lui le gourou d’un groupe religieux de plus. Si nous voulons vraiment reconnaître en lui le Sauveur du monde, il nous faudra, comme Pierre et ses compagnons, entrer dans les pensées de Dieu, et non rester dans celles des hommes. 

La moitié du chemin est faite puisque nous sommes au point de bascule : nous avons les premiers éléments pour comprendre que Jésus est du côté de Dieu, entièrement, définitivement. Avec Pierre, nous pouvons affirmer au sujet de Jésus qu’il est le Christ. Il nous faut maintenant entrer dans la compréhension de notre affirmation, et nous ne pourrons pas le faire si nous refusons que Dieu ouvre nos oreilles ; nous ne pourrons pas le faire si nous gardons Jésus à hauteur d’homme. Il nous faut accepter toutes les conséquences de notre affirmation et suivre Jésus là où Dieu lui-même le conduit, même si nous ne comprenons pas tout. Ce n’est pas le moment de philosopher sur Jésus ; c’est le moment de le suivre encore, dans la confiance et l’humilité, sûrs que nous n’avons pas encore tout compris et que Dieu lui-même a encore beaucoup de choses à nous apprendre sur son dessein de salut. Amen.

(Dessin de M. Leiterer)

 

 

dimanche 9 septembre 2018

23ème dimanche ordinaire B - 09 septembre 2018

A l'école de la Bienheureuse Mère Alphonse-Marie







          L’Eglise d’Alsace connaît aujourd’hui un jour de grande joie. Cet après-midi, en la cathédrale de Strasbourg, Elisabeth Eppinger, en religion Mère Alphonse-Marie, sera déclarée bienheureuse. Elle est la fondatrice de l’ordre des Sœurs du Très Saint Sauveur, congrégation locale dont le rayonnement est aujourd’hui mondial. Toute sa vie et son œuvre réalisent parfaitement la parole de l’Apôtre Jacques que nous avons entendu ce matin : n’ayez aucune partialité envers les personnes, et rendent contemporaine l’attitude de Jésus envers le sourd de l’évangile. 

          Pour ceux qui ne la connaissent pas, rappelons qu’Elisabeth Eppinger est née au 19ème siècle, dans une famille simple. Elle est de santé fragile et a une authentique vie spirituelle dès son plus jeune âge. Sa fondation sera tournée vers les plus pauvres, les malades, les enfants abandonnés, les vieillards. Aujourd’hui encore, le médical, l’éducation et le social font partie du charisme de la communauté, en Inde par exemple. La spiritualité de la congrégation peut se résumer ainsi : une vie simple tournée vers les autres. Aucun effort, aucune peine, aucun sacrifice ne doit être de trop quand l’amour du prochain l’exige (Mère Alphonse-Marie). A la source de la pensée de Mère Alphonse-Marie, le Christ, et la méditation de sa Passion. 

          N’avoir aucune partialité envers les personnes. Cet appel de l’Apôtre Jacques, l’Eglise se doit de le vivre toujours et encore. Marqué personnellement par la figure de Mère Alphonse-Marie, à travers une grande tante et une tante engagées dans cette congrégation, j’ai essayé (et j’essaie toujours) de vivre cet appel. Il est dans l’ADN de l’Eglise, même si nous l’oublions parfois. Je peux témoigner qu’en vingt-sept ans de sacerdoce, ils furent nombreux ceux qui essayèrent de m’en détourner. C’est telle chorale liturgique qui ne chante qu’aux enterrements des membres de leurs familles ; c’est telle personne qui trouve incongrue qu’un baptême soit célébré pendant l’eucharistie si la famille est éloignée de l’Eglise, ce type de proposition devant être réservé aux meilleurs d’entre nous (celles et ceux que l’on peut montrer) ; c’est telle personne qui voulait me décourager de fréquenter une famille au prétexte que le père pourrait finir en prison… La liste est longue des chrétiens qui pensent aujourd’hui que l’Eglise doit se recentrer sur les meilleurs et laisser les autres de côté. 

          Or que nous montre la liturgie de ce jour ? Elle nous donne à voir un Dieu qui intervient en faveur de son peuple et qui donnera le salut à son peuple. Elle nous donne à méditer l’invitation à ne pas faire de différence entre les gens parce que tous ont besoin de la grâce de Dieu. Dieu ne détourne son regard d’aucune vie. Elle nous donne à contempler Jésus qui rend, au-delà de la parole et de l’ouïe, sa dignité à un homme frappé d’infirmité. Voilà la place de l’Eglise ; voilà ce que vivent aujourd’hui encore les sœurs du Très Saint Sauveur. Voilà ce que rappellera l’Eglise à travers la béatification de Mère Alphonse-Marie. Elle disait : J’aime les pécheurs comme les enfants de Dieu, comme mes frères. Je donnerai de bon cœur mon sang et ma vie pour leur salut. Elle ne fait que reprendre ce qu’elle a compris de la méditation de la Passion de son divin Maître. 

C’est en retournant nous aussi à la source du Sauveur (De fontibus Salvatoris, devise de la Congrégation) que nous puiserons l’eau d’une charité qui ne s’épuisera jamais. C’est en nous abreuvant à cette source que nous pourrons nous faire proche de tous et rendre à chacun sa dignité. C’est en revenant toujours à cette source que nous comprendrons mieux quelle est la volonté de Dieu pour nous ; nous pourrons puiser là, à la source du Sauveur, la force d’accomplir ce que Dieu nous demande, dans la joie et l’action de grâce. Amen.

 (Portrait de Mère Alphonse-Marie)

 

 

dimanche 2 septembre 2018

22ème dimanche ordinaire B - 02 septembre 2018

Une parole à vivre !







Nous avons assisté en ce dimanche, au cours de cette liturgie de la Parole, à quelque chose d’extraordinaire ! Et je ne suis pas sûr que cela se reproduise une autre fois. Il me semble donc important de le souligner. Cela c’est passé ici à N. comme dans toutes les églises francophones du monde. Il y avait un bout de phrase identique à la première et à la seconde lecture. Il arrive qu’on trouve des redites entre l’Ancien Testament et l’Evangile, mais entre deux lectures, je pense, jamais. Je n’ai pas vérifié tout le lectionnaire dominical, mais, de mémoire, je dirais que cela est unique. Cela ne peut donc pas juste être un hasard. Sans doute Dieu veut-il nous dire quelque chose à travers cette répétition. D’autant plus que cette répétition à quelque chose à voir avec la thématique de la Parole Dieu qui traverse toutes les lectures.

Même si vous avez écouté d’une oreille distraite, vous aurez compris que le sujet de toutes les lectures, c’est la Parole de Dieu, ou, ce qui revient au même, les commandements de Dieu, pour reprendre Moïse et Jésus. Après avoir médité pendant cinq dimanches le discours de Jésus sur le Pain de vie, il semblait normal, à la reprise de la lecture continue de l’Evangile de Marc, de nous intéresser à la Parole de Dieu. Pas seulement pour que le prédicateur vous dise que cette Parole est importante, pas seulement pour qu’il insiste sur l’attention qu’il faut accorder à ce temps pendant la messe. Non, l’Eglise nous parle aujourd’hui de la Parole de Dieu pour nous rappeler, et c’est là justement la répétition qui a lieu, pour nous rappeler donc que cette Parole est une parole à vivre. Moïse disait : Ecoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Et Jacques, dans l’extrait de sa lettre, nous disait : Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter. L’avertissement est clair : écouter la Parole, c’est bien ; c’est un bon début. Mais cette Parole n’est pas donnée seulement pour être écoutée ; elle est donnée pour être vécue, pratiquée. Que voulez-vous, quand Dieu parle, c’est pour mettre l’homme en mouvement. Quand Dieu parle, c’est pour faire vivre l’homme. Nous le voyons dès le premier livre de la Bible : Dieu parle, et l’homme existe, et l’homme vit ! En théologie, on dit que la Parole de Dieu est performative : elle fait ce qu’elle dit. Pour que le croyant soit performatif, il doit faire ce qu’il entend de la part de Dieu. C’est particulièrement vrai des ministres ordonnés puisque le jour du diaconat, lorsqu’il remet au nouveau diacre le Livre des Evangiles, l’évêque accompagne le geste de cette parole : Recevez l’Evangile du Christ que vous avez mission d’annoncer. Soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez, à enseigner ce que vous avez cru et à vivre ce que vous avez enseigné. Mais cela est vrai aussi de tout croyant. La Parole de Dieu ne nous est pas donnée pour faire jolie. C’est une parole à vivre, définitivement et totalement. Moïse avertit : Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Personne ne saurait être plus clair ! 

Il nous faut alors nous interroger sur ce que signifie : vivre la Parole de Dieu. En écoutant la controverse entre Jésus et quelques scribes et des pharisiens dans l’Evangile de ce dimanche, nous constatons que ce qui importe, c’est que notre cœur batte au rythme du cœur de Dieu. Et nous le savons, le cœur de la Loi de Dieu, c’est l’amour. L’amour pour Dieu, l’amour pour soi et l’amour pour le prochain. Jacques le soulignait à sa manière en affirmant : Un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde. Et le psalmiste, entre les deux lectures, dressait un portrait sans ambiguïté du croyant véritable : Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice… qui ne fait pas de tort à son frère et n’outrage pas son prochain… qui ne reprend pas sa parole, qui prête son argent sans intérêt et qui n’accepte rien qui nuise à l’innocent. Quand Dieu nous parle, il veut développer en nous les sentiments qui sont les siens ; quand Dieu nous parle, il creuse en nous le désir de vivre la charité ; quand Dieu nous parle, il tourne notre regard vers le frère qu’il nous invite à aimer. Vivre la Parole, ce n’est donc pas d’abord respecter des règles de manière pointilleuse, mais bien laisser traverser par l’amour de Dieu lui-même pour que sa Parole de salut et de vie, passant à travers nous, parviennent à tous les hommes. Pour enseigner Dieu, il faut redire la Parole de Dieu en la traduisant en acte d’amour. Ainsi elle pourra toucher même les cœurs les plus fermés. L’amour est la clé pour une vie meilleure ; l’amour est la clé pour faire comprendre Dieu aux hommes de notre temps. L’amour ne saurait être une corvée ; l’amour doit devenir notre joie, comme nous y invite le Pape François dans Amoris laetitia. 

La Parole de Dieu est donc une parole à vivre, à traduire en acte d’amour. Elle nous est donnée pour que nous la transmettions par une vie amoureuse au service de nos frères. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle est véritablement parole vivante, parole qui fait vivre, parole qui donne sens. Mardi, nous avons célébré saint Augustin, évêque et docteur de l’Eglise. Ayant écouté et médité la Parole de Dieu, il a posé cette affirmation que je vous laisse en conclusion ; personne n’a dit mieux que lui la liberté qui est la nôtre quand nous vivons la Parole de Dieu. Emportons cette parole pour la semaine qui vient ; elle nous évitera le rabâchage ; elle nous évitera les attitudes trop scrupuleuses. Saint Augustin nous invite à la juste attitude face à la Parole entendue, en nous disant simplement : Aime, et fais ce que tu veux. Amen.

(Dessin de M. Leiterer)