Nous avons assisté en ce dimanche, au
cours de cette liturgie de la Parole, à quelque chose d’extraordinaire !
Et je ne suis pas sûr que cela se reproduise une autre fois. Il me semble donc
important de le souligner. Cela c’est passé ici à N. comme dans toutes les
églises francophones du monde. Il y avait un bout de phrase identique à la
première et à la seconde lecture. Il arrive qu’on trouve des redites entre l’Ancien
Testament et l’Evangile, mais entre deux lectures, je pense, jamais. Je n’ai
pas vérifié tout le lectionnaire dominical, mais, de mémoire, je dirais que
cela est unique. Cela ne peut donc pas juste être un hasard. Sans doute Dieu veut-il
nous dire quelque chose à travers cette répétition. D’autant plus que cette
répétition à quelque chose à voir avec la thématique de la Parole Dieu qui
traverse toutes les lectures.
Même si vous avez écouté d’une oreille
distraite, vous aurez compris que le sujet de toutes les lectures, c’est la
Parole de Dieu, ou, ce qui revient au même, les commandements de Dieu, pour
reprendre Moïse et Jésus. Après avoir médité pendant cinq dimanches le discours
de Jésus sur le Pain de vie, il semblait normal, à la reprise de la lecture
continue de l’Evangile de Marc, de nous intéresser à la Parole de Dieu. Pas
seulement pour que le prédicateur vous dise que cette Parole est importante,
pas seulement pour qu’il insiste sur l’attention qu’il faut accorder à ce temps
pendant la messe. Non, l’Eglise nous parle aujourd’hui de la Parole de Dieu pour
nous rappeler, et c’est là justement la répétition qui a lieu, pour nous
rappeler donc que cette Parole est une parole à vivre. Moïse disait : Ecoute les décrets et les ordonnances que je
vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Et Jacques, dans l’extrait
de sa lettre, nous disait : Mettez
la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter. L’avertissement
est clair : écouter la Parole, c’est bien ; c’est un bon début. Mais cette
Parole n’est pas donnée seulement pour être écoutée ; elle est donnée pour
être vécue, pratiquée. Que voulez-vous, quand Dieu parle, c’est pour mettre l’homme
en mouvement. Quand Dieu parle, c’est pour faire vivre l’homme. Nous le voyons
dès le premier livre de la Bible : Dieu parle, et l’homme existe, et l’homme
vit ! En théologie, on dit que la Parole de Dieu est performative :
elle fait ce qu’elle dit. Pour que le croyant soit performatif, il doit faire
ce qu’il entend de la part de Dieu. C’est particulièrement vrai des ministres
ordonnés puisque le jour du diaconat, lorsqu’il remet au nouveau diacre le
Livre des Evangiles, l’évêque accompagne le geste de cette parole : Recevez l’Evangile du Christ que vous avez
mission d’annoncer. Soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez, à
enseigner ce que vous avez cru et à vivre ce que vous avez enseigné. Mais
cela est vrai aussi de tout croyant. La Parole de Dieu ne nous est pas donnée
pour faire jolie. C’est une parole à vivre, définitivement et totalement. Moïse
avertit : Vous n’ajouterez rien à ce
que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les
commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Personne
ne saurait être plus clair !
Il nous faut alors nous interroger sur ce
que signifie : vivre la Parole de Dieu. En écoutant la controverse entre Jésus
et quelques scribes et des pharisiens dans l’Evangile de ce dimanche, nous
constatons que ce qui importe, c’est que notre cœur batte au rythme du cœur de Dieu.
Et nous le savons, le cœur de la Loi de Dieu, c’est l’amour. L’amour pour Dieu,
l’amour pour soi et l’amour pour le prochain. Jacques le soulignait à sa
manière en affirmant : Un
comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et
les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde. Et
le psalmiste, entre les deux lectures, dressait un portrait sans ambiguïté du
croyant véritable : Celui qui se
conduit parfaitement, qui agit avec justice… qui ne fait pas de tort à son
frère et n’outrage pas son prochain… qui ne reprend pas sa parole, qui prête
son argent sans intérêt et qui n’accepte rien qui nuise à l’innocent. Quand
Dieu nous parle, il veut développer en nous les sentiments qui sont les siens ;
quand Dieu nous parle, il creuse en nous le désir de vivre la charité ; quand
Dieu nous parle, il tourne notre regard vers le frère qu’il nous invite à
aimer. Vivre la Parole, ce n’est donc pas d’abord respecter des règles de
manière pointilleuse, mais bien laisser traverser par l’amour de Dieu lui-même
pour que sa Parole de salut et de vie, passant à travers nous, parviennent à
tous les hommes. Pour enseigner Dieu, il faut redire la Parole de Dieu en la
traduisant en acte d’amour. Ainsi elle pourra toucher même les cœurs les plus
fermés. L’amour est la clé pour une vie meilleure ; l’amour est la clé
pour faire comprendre Dieu aux hommes de notre temps. L’amour ne saurait être
une corvée ; l’amour doit devenir notre joie, comme nous y invite le Pape
François dans Amoris laetitia.
La Parole de Dieu est donc une parole à
vivre, à traduire en acte d’amour. Elle nous est donnée pour que nous la transmettions
par une vie amoureuse au service de nos frères. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle
est véritablement parole vivante, parole qui fait vivre, parole qui donne sens.
Mardi, nous avons célébré saint Augustin, évêque et docteur de l’Eglise. Ayant
écouté et médité la Parole de Dieu, il a posé cette affirmation que je vous
laisse en conclusion ; personne n’a dit mieux que lui la liberté qui est
la nôtre quand nous vivons la Parole de Dieu. Emportons cette parole pour la
semaine qui vient ; elle nous évitera le rabâchage ; elle nous
évitera les attitudes trop scrupuleuses. Saint Augustin nous invite à la juste
attitude face à la Parole entendue, en nous disant simplement : Aime, et fais ce que tu veux. Amen.
(Dessin de M. Leiterer)
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