Le grand rêve de beaucoup de
croyants aujourd’hui est de retrouver l’Eglise des premiers temps, parce
qu’elle aurait été plus proche du Christ, plus proche de ses aspirations, plus
vraie et plus fraternelle. Comme si, avec le temps, l’Eglise avait été
contaminée, détériorée par les hommes et les femmes qui la composent. Mais n’est-ce
pas oublier un peu vite que rien n’a été simple au commencement ? Croire
n’a jamais été et ne sera jamais simple. Les textes de la liturgie de ce jour
nous rappellent tous que la foi suppose une certaine dose de courage et des
risques à prendre.
Partons de l’exemple de Jean, l’auteur du
Livre de l’Apocalypse. Les visions de l’Eglise, qu’il nous livre tout au long de
ce temps de Pâques, sont le fruit d’une longue réflexion, d’une grande
proximité avec ce Dieu pour qui il a tout risqué, y compris sa vie. Il est
déporté sur l’île de Pathmos à cause de sa foi. Les premiers chrétiens
connaissent donc déjà la persécution ; certains ont déjà donné leur vie à
cause de Jésus Christ. Risquer sa vie, au sens propre du terme, voilà une
situation qui ne rend pas la foi facile ou confortable, vous en conviendrez. Alors
est-ce bien ce passé que nous voulons retrouver ?
Si nous observons la vie des premiers
croyants, nous nous rendons vite compte qu’ils ont risqué eux aussi leur vie
pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. La lecture des Actes des Apôtres peut
donner l’impression que tout est simple. Paul et Barnabé parlent aux gens et
ils se convertissent. Certes, leurs paroles avaient la force et l’assurance que
donne l’Esprit du Ressuscité. Mais quand même ! Une lecture plus attentive
nous fait alors remarquer que, dès que des gens se convertissent au Christ,
d’autres se fâchent et chassent les Apôtres. C’est vrai pour Paul et
Barnabé ; c’est vrai aussi pour d’autres en ces temps de commencement.
Souvenez-vous de Saint Etienne, l’un des premiers diacres, qui sera lapidé pour
avoir annoncé le Règne de Dieu. Lisez attentivement la vie de Paul, et vous
verrez par quelles épreuves il est passé, à cause de sa foi et de son ministère
apostolique. Et pourtant, rien n’a réussi à l’arrêter : ni les expulsions,
ni la prison, ni le fouet, ni même la perspective de devoir mourir. Sa foi en Christ,
et la certitude qu’il fallait partager cette foi au plus grand nombre, ont eu
raison de ses peurs : jamais il ne se taira. Il ira jusqu’à dire :
« Malheur à moi si je n’annonce pas la Bonne Nouvelle ! »
D’où lui vient ce courage ?
Il nous faut nous plonger dans l’évangile
de ce dimanche pour y découvrir un secret qui fait prendre tous ces risques aux
Apôtres. Ce secret, c’est qu’ils ont conscience d’être dans la main du Christ,
le seul et vrai Pasteur de son peuple. Je
leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les
arrachera de ma main. Que peuvent-ils craindre, puisque le Christ, qui
s’est montré plus fort que le mal, plus fort que la souffrance, plus fort que
la mort même, les garde dans sa main ? Au moment de la mort de Jésus, on
aurait pu croire que tout était fini, qu’il ne resterait rien de l’espérance
des hommes. Mais Dieu l’a ressuscité, montrant par là son amour pour tous les
hommes et sa volonté de les voir vivre libres et heureux. Désormais plus rien
n’arrêtera la Parole de Dieu. Plus personne ne fera taire Dieu. Ceux qui
reconnaissent en Jésus la voix même de Dieu, ceux-là seront sauvés, ceux-là
auront la vie éternelle. Le Livre de l’Apocalypse nous montrait justement cette
foule immense de témoins, de croyants, réunis autour du Pasteur unique, après
avoir passé la grande épreuve. Ils ont tenu bons dans les persécutions,
ils ont risqué et donné leur vie pour le Christ, ils ont franchi avec lui la
mort, pour ressusciter avec lui.
Aujourd’hui, en France, les persécutions
mortelles ont cessé, et c’est heureux ! Peut-être est en train de naître
une forme de persécution plus subtile que l’on appelle la moquerie (A quoi
ça sert d’être chrétien ? Pourquoi tu cours encore à l’église ? Tu
crois vraiment encore à ses histoires de bonnes femmes ?), et une autre
plus subtile encore qui consiste à s’attaquer aux bâtiments églises. Il n’y a
plus une semaine qui passe en France sans qu’une église au moins ait été
vandalisée. Tout ceci nous rappelle que nous ne sommes pas dispensés de risquer
quelque chose pour notre Dieu et son Eglise. Si nous ne risquons plus notre vie
à affirmer notre foi, nous risquons quelquefois notre réputation. Quand je
rencontre des jeunes croyants dans nos établissements scolaires, il leur arrive
de dire qu’il ne leur est pas toujours simple de se dire croyant. Et pour combien d’adultes, l’engagement à
participer à la vie de la communauté croyante est compliqué, et pas seulement
parce que leur vie familiale ou professionnelle l’est. Et je ne vous parle même
pas de la vie des prêtres aujourd’hui. Il nous faut oser risquer. Risquer notre
vie à la suite du Christ qui nous emmène et nous appelle là où nous n’irions
pas forcément tout seul. Risquer de nous laisser entraîner par le Christ,
l’unique et vrai Pasteur : il veut notre bonheur, il nous en propose un
chemin. Il faudra aussi, pour que l’Eglise vive encore demain, que des jeunes risquent
de répondre d’une manière particulière aux appels de Dieu en s’engageant dans
la vie sacerdotale ou religieuse. En ce dimanche des vocations, comment ne pas
relayer l’appel de Dieu et de son Eglise pour qu’ils s’engagent comme prêtres,
religieux, religieuses, moines ou moniales ? Pouvons-nous ne plus poser la
question, y compris dans nos familles ? L’Eglise est toujours à
construire ; la Bonne Nouvelle est toujours à annoncer.
Dans un instant, nous allons
proclamer notre foi, en communauté. Nous dirons notre confiance en Dieu qui
nous appelle et nous guide, et notre confiance en cette Eglise à nous tous
confiée. Nous redirons que cette Eglise,
rassemblée par le Christ, est chemin de salut, route de bonheur à la rencontre
de notre Dieu. Nous redirons que nous sommes fiers d’être de cette Eglise-là,
malgré son péché, malgré ses limites, malgré le péché et les limites de tous
ceux qui la composent. Osons croire encore qu’une Eglise plus belle, un monde
plus humain, c’est possible, si chacun de nous s’y risque. Pour la gloire de
Dieu et le salut des hommes. AMEN.
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