Est-il possible que nos rêves deviennent
un jour réalité ? Lorsque nous annonçons un monde plus beau, plus juste,
plus fraternel, est-ce seulement de l’utopie ? Sont-ce là des paroles
bienfaisantes pour mieux supporter un monde qui semble de plus en plus difficile
et dur ? Un monde selon le cœur de Dieu, est-ce vraiment possible ?
En écoutant les visions que Saint Jean nous livre tout au long de ce temps de
Pâques à travers le livre de l’Apocalypse, ce sont ces questions qui me
viennent à l’esprit et que je voudrais méditer avec vous aujourd’hui.
Relisons ensemble l’extrait du livre de
l’Apocalypse qui constituait notre deuxième lecture. J’ai vu un ciel nouveau
et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient
allés, et, de mer, il n’y en avait plus. C’est le rêve que je fais souvent
en lisant le journal ou en entendant à la radio la liste trop longue des
massacres, des morts, des catastrophes en tous genres. Un nouveau monde enfin débarrassé
du Mal, des hommes nouveaux définitivement débarrassés de la capacité à faire
le mal, parce que la source du mal aurait disparu. A travers le temps et
l’histoire, les hommes ont sans cesse cherché ce nouveau monde. N’est-ce d’ailleurs
pas le nom qui a été donné jadis à l’Amérique par ceux qui fuyaient l’Europe et
les persécutions religieuses après la Réforme ? Lorsque Jean voit le monde
à venir, c’est bien ainsi qu’il le voit d’abord : refait à neuf, comme au
premier jour de la Création, tel que Dieu l’a voulu, sans aucune trace de mal. De
mer, il n’y en a plus, nous dit Jean, annonçant par-là l’éradication du
mal. La mer, rappelons-le, était pour les anciens, le lieu où résidaient les
forces indomptables, non maîtrisables du mal.
Jean a bien conscience qu’un tel monde ne
peut pas être l’œuvre des seuls hommes. Ce monde est offert, il vient d’auprès
de Dieu. Voilà bien une conviction forte que je partage avec lui : le
renouvellement de notre monde ne se fera pas sans Dieu ; il ne se fera pas
non plus sans des hommes selon le cœur de Dieu. Jean l’affirme très clairement :
il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec
eux, sera leur Dieu. Il reprend ce qu’annonçait jadis le prophète Jérémie.
Lorsque Dieu reviendra, il redonnera sa loi aux hommes, mais il ne l’écrira
plus sur des tables de pierre ; elle sera gravée au fond du cœur de chaque
homme. Pour Jérémie, c’est ainsi que le mal disparaîtra parce que les hommes
connaîtront Dieu et son projet d’amour, intimement. Pour Jean, Dieu consolera
l’humanité : Il essuiera toute larme
de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri,
ni douleur. Ce n’est qu’en acceptant Dieu dans leur vie, que les hommes se
débarrasseront définitivement du Mal. N’oublions pas que pour l’Apôtre, Dieu
est amour. Là où est Dieu, il ne peut donc plus y avoir de mal. Ce
renouvellement, nous le voyons à l’œuvre dans les premières communautés
chrétiennes à travers le récit que nous en proposent les Actes des Apôtres.
L’annonce de la Bonne Nouvelle, l’amour de Dieu prêché à toutes les nations,
entraînent la conversion du cœur de ceux qui reçoivent la parole des Apôtres.
Des Eglises naissent ; l’Evangile se répand dans le monde païen. Le rêve
devient peu à peu réalité : un monde plus fraternel prend vie !
Le secret de ce renouvellement, c’est d’abord
la mort et la résurrection du Christ. Sans l’événement de la Pâque, sans la
victoire du Christ sur la mort, le mal et le péché, rien n’aurait été possible.
Mais ce n’est pas la seule force de conversion. En fait, l’évangile nous livre
le grand secret, celui qui a permis à Jésus lui-même de vaincre tout ce qui
s’oppose à Dieu. Ce secret, c’est l’amour ! L’amour de Dieu pour chaque
homme qui a permis ce geste de salut ! L’amour des hommes pour Dieu aussi.
Mais le secret profond, c’est l’amour des hommes pour leur semblable. Ce secret,
c’est le Christ lui-même qui l’a confié à ses amis au soir de sa mort. Donné à
ce moment précis, le commandement de l’amour prend toute sa force car il est la
parole ultime d’un homme qui sait qu’il va mourir, et qui ne laisse à ses
proches que ce qui est vraiment important. L’amour qu’il nous demande de vivre
n’est pas un simple amour humain. Il nous demande d’aimer comme lui
aime, comme lui va aimer lorsqu’il sera en croix ! Comme je vous
ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Et voilà qu’au
commandement de l’amour est joint le mode d’emploi : tu aimes vraiment
lorsque ton amour s’appuie sur l’amour de Dieu. Tu aimes vraiment, lorsque ton
amour imite l’amour de Dieu. L’amour de Dieu est patience, bonté, pardon,
ouverture aux autres, acceptation de l’autre tel qu’il est. L’amour de Dieu est
don total.
Il faut sans doute toute une vie humaine pour bien
comprendre ce que le Christ nous demande dans ce commandement de l’amour. Il
faut sans doute toute une vie humaine pour aimer comme le Christ aime. Mais
cela ne signifie pas que c’est chose impossible. Dieu ne nous demande jamais rien
qui ne soit possible. La preuve, des saints ont vécu un tel amour ; et ils
sont nombreux. Ils ont réussi parce qu’ils ont véritablement accueilli dans
leur vie la puissance de vie et d’amour du Ressuscité. Que cette Eucharistie
ouvre nos cœurs au Ressuscité et nous donne de vivre son Amour pour tous les
hommes. Ainsi le monde saura que nous sommes véritablement ses disciples. Ainsi
nous pourrons commencer la construction de ce monde plus juste que nous
attendons et espérons. Finissons de rêver, commençons (enfin) par aimer comme
le Christ nous a aimés ! Amen.
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