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samedi 18 mai 2019

05ème dimanche de Pâques C - 19 mai 2019

Finissons de rêver, commençons par aimer !



         Est-il possible que nos rêves deviennent un jour réalité ? Lorsque nous annonçons un monde plus beau, plus juste, plus fraternel, est-ce seulement de l’utopie ? Sont-ce là des paroles bienfaisantes pour mieux supporter un monde qui semble de plus en plus difficile et dur ? Un monde selon le cœur de Dieu, est-ce vraiment possible ? En écoutant les visions que Saint Jean nous livre tout au long de ce temps de Pâques à travers le livre de l’Apocalypse, ce sont ces questions qui me viennent à l’esprit et que je voudrais méditer avec vous aujourd’hui.


Relisons ensemble l’extrait du livre de l’Apocalypse qui constituait notre deuxième lecture. J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés, et, de mer, il n’y en avait plus. C’est le rêve que je fais souvent en lisant le journal ou en entendant à la radio la liste trop longue des massacres, des morts, des catastrophes en tous genres. Un nouveau monde enfin débarrassé du Mal, des hommes nouveaux définitivement débarrassés de la capacité à faire le mal, parce que la source du mal aurait disparu. A travers le temps et l’histoire, les hommes ont sans cesse cherché ce nouveau monde. N’est-ce d’ailleurs pas le nom qui a été donné jadis à l’Amérique par ceux qui fuyaient l’Europe et les persécutions religieuses après la Réforme ? Lorsque Jean voit le monde à venir, c’est bien ainsi qu’il le voit d’abord : refait à neuf, comme au premier jour de la Création, tel que Dieu l’a voulu, sans aucune trace de mal. De mer, il n’y en a plus, nous dit Jean, annonçant par-là l’éradication du mal. La mer, rappelons-le, était pour les anciens, le lieu où résidaient les forces indomptables, non maîtrisables du mal. 


Jean a bien conscience qu’un tel monde ne peut pas être l’œuvre des seuls hommes. Ce monde est offert, il vient d’auprès de Dieu. Voilà bien une conviction forte que je partage avec lui : le renouvellement de notre monde ne se fera pas sans Dieu ; il ne se fera pas non plus sans des hommes selon le cœur de Dieu. Jean l’affirme très clairement : il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il reprend ce qu’annonçait jadis le prophète Jérémie. Lorsque Dieu reviendra, il redonnera sa loi aux hommes, mais il ne l’écrira plus sur des tables de pierre ; elle sera gravée au fond du cœur de chaque homme. Pour Jérémie, c’est ainsi que le mal disparaîtra parce que les hommes connaîtront Dieu et son projet d’amour, intimement. Pour Jean, Dieu consolera l’humanité : Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. Ce n’est qu’en acceptant Dieu dans leur vie, que les hommes se débarrasseront définitivement du Mal. N’oublions pas que pour l’Apôtre, Dieu est amour. Là où est Dieu, il ne peut donc plus y avoir de mal. Ce renouvellement, nous le voyons à l’œuvre dans les premières communautés chrétiennes à travers le récit que nous en proposent les Actes des Apôtres. L’annonce de la Bonne Nouvelle, l’amour de Dieu prêché à toutes les nations, entraînent la conversion du cœur de ceux qui reçoivent la parole des Apôtres. Des Eglises naissent ; l’Evangile se répand dans le monde païen. Le rêve devient peu à peu réalité : un monde plus fraternel prend vie ! 


Le secret de ce renouvellement, c’est d’abord la mort et la résurrection du Christ. Sans l’événement de la Pâque, sans la victoire du Christ sur la mort, le mal et le péché, rien n’aurait été possible. Mais ce n’est pas la seule force de conversion. En fait, l’évangile nous livre le grand secret, celui qui a permis à Jésus lui-même de vaincre tout ce qui s’oppose à Dieu. Ce secret, c’est l’amour ! L’amour de Dieu pour chaque homme qui a permis ce geste de salut ! L’amour des hommes pour Dieu aussi. Mais le secret profond, c’est l’amour des hommes pour leur semblable. Ce secret, c’est le Christ lui-même qui l’a confié à ses amis au soir de sa mort. Donné à ce moment précis, le commandement de l’amour prend toute sa force car il est la parole ultime d’un homme qui sait qu’il va mourir, et qui ne laisse à ses proches que ce qui est vraiment important. L’amour qu’il nous demande de vivre n’est pas un simple amour humain. Il nous demande d’aimer comme lui aime, comme lui va aimer lorsqu’il sera en croix ! Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Et voilà qu’au commandement de l’amour est joint le mode d’emploi : tu aimes vraiment lorsque ton amour s’appuie sur l’amour de Dieu. Tu aimes vraiment, lorsque ton amour imite l’amour de Dieu. L’amour de Dieu est patience, bonté, pardon, ouverture aux autres, acceptation de l’autre tel qu’il est. L’amour de Dieu est don total.


Il faut sans doute toute une vie humaine pour bien comprendre ce que le Christ nous demande dans ce commandement de l’amour. Il faut sans doute toute une vie humaine pour aimer comme le Christ aime. Mais cela ne signifie pas que c’est chose impossible. Dieu ne nous demande jamais rien qui ne soit possible. La preuve, des saints ont vécu un tel amour ; et ils sont nombreux. Ils ont réussi parce qu’ils ont véritablement accueilli dans leur vie la puissance de vie et d’amour du Ressuscité. Que cette Eucharistie ouvre nos cœurs au Ressuscité et nous donne de vivre son Amour pour tous les hommes. Ainsi le monde saura que nous sommes véritablement ses disciples. Ainsi nous pourrons commencer la construction de ce monde plus juste que nous attendons et espérons. Finissons de rêver, commençons (enfin) par aimer comme le Christ nous a aimés ! Amen.


(Tableau de Sieger KÖDER, La nouvelle Jérusalem)

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