En ce dernier dimanche de l’année
liturgique, l’Eglise récapitule toute l’histoire de Jésus dans cette belle solennité
du Christ Roi de l’univers. Elle nous permet de reprendre tout ce que nous
avons vécu durant cette année de compagnonnage avec Jésus. Des quatre textes
entendus, deux sont particulièrement significatifs de cette récapitulation de l’histoire :
la deuxième lecture et l’Evangile. En cette année, nous clôturons ainsi les
dimanches avec la relecture d’un extrait de la Passion selon Luc (Jésus en
croix entouré des deux larrons) et ce bel hymne de l’épître aux Colossiens.
Il peut sembler surprenant de finir l’année
liturgique par un épisode de la Passion. Certains peuvent penser que, célébrant
le Christ Roi, la puissance de la résurrection eut mieux convenu. Un roi ne se
doit-il pas d’être puissant, majestueux, imposant respect et crainte à ses
sujets ? Jésus en croix n’est ni majestueux, ni puissant (il va mourir),
ni sujet d’un grand respect de la part de ceux qui sont au Calvaire, à regarder
l’événement. Cloué en croix, Jésus ne fait plus peur à personne ; il
suffit d’observer les réactions de tous ceux qui ont contribué à ce moment de l’histoire
de Jésus : Les chefs tournaient Jésus en dérision… les soldats aussi se
moquaient de lui… un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait. Le
moins qu’on puisse dire, c’est que le respect dû à un roi en prend un coup !
Et j’ose à peine mentionner le fait que Jésus est suspendu en croix, nu comme
un ver ! Le déshonneur est total, l’abaissement à son comble ! En
matière d’irrespect, l’homme ne peut tomber plus bas. Pourtant, nous dit la
liturgie, c’est là sur la croix, que Jésus se révèle le mieux le roi de l’univers.
Si pour ces adversaires, sur la croix, Jésus meurt, pour nous qui avons une vue
plus globale de l’histoire, sur la croix, Jésus combat le Mal ; sur la
croix, Jésus se bat pour les hommes ; sur la croix, se dessine déjà le
royaume à venir. Le second larron semble l’avoir saisi mystérieusement, lui qui
reprend son complice dans le crime : Tu ne crains donc pas Dieu !
Tu es pourtant un condamné toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste ;
après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a
rien fait de mal. Et s’adressant à Jésus, il ajoute : Jésus,
souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Ça ne s’invente pas !
Soit vous avez la révélation de Dieu du mystère qui se joue, et avec celui que
la tradition appelle désormais le bon larron, vous reconnaissez sur la croix
déjà la gloire à venir de Jésus ; soit vous n’avez pas de révélation, et
avec les chefs, les soldats et l’autre larron, vous vous moquez de Jésus. Il n’y
a pas d’autre voie possible.
Si vous appartenez à ceux qui
reconnaissent déjà la gloire du Christ lorsqu’il est en croix, alors vous
rejoignez tous ceux qui, depuis Paul, chantent l’hymne de l’épître aux
Colossiens. Elle récapitule la foi chrétienne qui est louange au Père et au Fils
sous la conduite de l’Esprit Saint qui a fait comprendre à Paul le mystère de
la rédemption. Paul reconnaît l’œuvre du Père, qui par son Fils, offre le salut
à tous les hommes. Notre rédemption renvoie à la coutume du rachat qui, dans la
tradition juive, oblige un homme, au nom des liens du sang, à se porter garant
de la liberté d’un membre de sa famille, qui se trouve dans une situation d’endettement
ou d’esclavage. C’est bien la situation des hommes lorsqu’ils vivent sans Dieu.
Ils sont endettés par le péché, réduit par lui en un esclavage dont ils ne
peuvent se sortir eux-mêmes. Jésus, par sa croix, nous rachète à grand prix. Il
se porte garant de nous, affirmant ainsi que nous sommes de son sang, de sa
famille. Il se fait notre frère en humanité, lui qui est l’image du Dieu invisible.
L’hymne s’achève par le rappel de la grandeur de Jésus, sa royauté, puisque
toute la création trouve en lui son origine : en lui, tout fut créé,
dans le ciel et sur la terre… en lui tout est réconcilié… en lui, par le sang
de sa croix, la paix est faite, sur la terre et dans le ciel. N’est-ce
pas là ce que devrait être l’œuvre d’un roi : assurer la vie et la paix de
ses sujets ? Tout cela Jésus le fait par l’offrande de sa vie. La préface
de ce jour le chante admirablement : Tu as consacré Prêtre éternel et
Roi de l’univers ton Fils unique, Jésus Christ, notre Seigneur, afin qu’il s’offre
lui-même sur l’autel de la croix en victime pure et pacifique pour accomplir
les mystères de notre rédemption. Il n’y a pas, pour Jésus, d’autre manière
d’être roi que de se faire le serviteur du salut de tous par la croix. Celui qui,
avant sa mort, invitait ses disciples au service par le signe du lavement des pieds,
leur donne, sur la croix, l’exemple du service parfait, le service qui sauve le
monde, l’amour donné jusqu’au bout. Il n’y a pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ceux qu’on aime. Là est la vraie royauté, la vraie
dignité d’un homme.
Toute notre année liturgique nous aura
conduit là, à la découverte que Jésus veut régner sur nos vies, non à la
manière d’un tyran, mais à la manière d’un serviteur qui veut le meilleur pour
nous : il devient ainsi notre vie, notre sainteté, notre paix, et nous
pouvons vivre dans sa grâce, dans sa vérité, dans sa justice et dans son amour
largement répandu. Après tant d’amour manifesté pour nous, nous aurions
mauvaise grâce à ne pas le célébrer aujourd’hui comme Roi de l’univers. Réjouissons-nous
d’être de la famille d’un tel roi et proclamons au monde les merveilles qu’il a
faites pour le salut de tous les hommes. Amen.
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