Il a un côté attachant, Zachée, à vouloir
faire à tout prix ce que les autres lui refusent, voir Jésus. On ne sait rien
de sa motivation profonde ; est-ce juste un peu de curiosité ?
L’envie de ne pas être, encore une fois, à l’écart des autres au moment où est
annoncée la venue de Jésus ? La réputation de ce prédicateur de Galilée le
précède, si bien que, ne pas être sur le bord du chemin qu’il doit emprunter,
ce serait être has been ! C’est l’événement mondain qu’on ne
saurait manquer, Zachée encore moins que les autres. Après tout, il n’est pas
n’importe qui ; il est le chef des collecteurs d’impôts, pas très
aimé, pas fréquentable mais important !
S’il lui faut faire l’enfant et grimper dans un arbre, qu’à cela ne
tienne. Il verra Jésus, et mieux que les autres !
Il a un côté surprenant Jésus, à être
toujours là où on ne l’attend pas, à faire ce que les autres jugent scandaleux
et à enrober le tout d’une leçon théologique pour débutants. Il est celui que
Zachée voulait voir ; il est celui qui voit Zachée. Personne ne lui
demandait rien, à Jésus ; il devait juste passer là, et voilà qu’il
s’arrête et parle à un arbre ! Zachée, descends vite : aujourd’hui
il faut que j’aille demeurer dans ta maison. On dirait qu’il s’adresse à un
vieux copain qu’il n’a pas vu depuis longtemps et avec qui il a hâte de prendre
un repas. Comme des retrouvailles après une trop longue absence. On dirait que
Jésus avait prévu tout cela : aujourd’hui il faut que… Rien d’autre
à l’agenda que cette rencontre. C’est dire l’urgence et l’importance de la
rencontre ; si Zachée, perché dans son sycomore, n’était pas invité à en
descendre, on aurait pu parler de rencontre au sommet. Descends vite marque
bien l’urgence qui est celle de Jésus. C’est l’urgence du salut de Zachée qui
est ainsi exprimée par Jésus. Un peu comme s’il disait : c’est aujourd’hui
ou jamais ! Quand Dieu passe dans ta vie, tu ne peux pas toujours te
cacher comme jadis Adam et Eve au Paradis, après avoir transgressé l’ordre de
Dieu ! Ce qui se joue ici avec Zachée, c’est le grand drame de Dieu qui
passe dans la vie des hommes, et qui quelquefois échoue à les rencontrer, à les
approcher, parce qu’ils sont trop bien cachés, parce qu’ils sont trop sourds à
ses appels. Notre salut passera par nos oreilles et notre capacité à entendre
la voix du Seigneur. Zachée en est la preuve !
Ils ont un côté énervant, ces éternels
râleurs, jamais satisfaits de ce que fait Jésus. Voyant ce qui se joue sous
leurs yeux ébahis, tous récriminaient. Pas quelques-uns, pas uniquement des
scribes et des pharisiens, ses éternels contradicteurs ; non, souligne
Luc : tous. Tout une ville contre un seul homme ! Et
on mesure soudain la solitude qui doit être celle de Zachée à Jéricho. Pas un
pour se réjouir de ce qui se passe pour lui ! Pas un pour se réjouir de
voir Zachée appelé à faire partie à nouveau de la communauté humaine, de la
communauté croyante. Pas un pour se dire : il en a de la chance, Zachée.
Non, tous récriminent ! L’homme sait le faire, et bien le faire. C’est
toujours l’autre qui a de la chance ; c’est toujours l’autre qui profite
de tout ; c’est toujours l’autre qui … Ils ne se rendent même plus compte
qu’ils sont avec Jésus, eux-aussi. Ils ne se rendent pas compte de ce que cela
signifie pour eux le fait que Zachée, sans doute le plus grand pécheur reconnu
de Jéricho, s’entende ainsi appelé par Jésus. Si Jésus appelle le plus grand
des pécheurs et se réjouit d’être avec lui, ne se réjouit-il pas aussi de la
présence de tous les autres ? Ils ne veulent voir que le scandale là où il
n’y a que grâce ! Ils ne veulent voir que le scandale là où il n’y a
qu’amour gratuit. C’est sûr, ce n’est pas la charité qui les étouffe !
Elle a un côté
rassurant, cette rencontre entre le pécheur Zachée et le Juste Jésus. Elle nous
redit que nous pouvons compter toujours sur la miséricorde de Dieu. Elle nous
dit que le désir de voir Jésus qui nous anime rencontrera toujours le désir de
nous sauver qui anime Jésus. Là, sur un chemin poussiéreux, sous un arbre, se
joue la rencontre entre l’humanité en manque d’amour et Jésus, signe de
l’immense amour de Dieu pour nous. Cette rencontre a lieu alors que Jésus se
rend à Jérusalem pour y être livré, condamné et crucifié. Jéricho ne serait
donc pas qu’une étape sur la route, mais un signe donné aux hommes qu’ils
peuvent toujours et encore se convertir ; ils peuvent toujours et encore
se réjouir avec Jésus. Le temps approche où il sera enlevé ; le temps
approche où il sera trop tard. Zachée l’a compris ; les autres récriminent
encore ! Pourtant, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce
qui était perdu. Réjouissons-nous pour Zachée, réjouissons-nous pour nous.
Ce qui est advenu pour lui peut devenir notre réalité si nous savons entendre
la voix de Jésus qui nous appelle : eh toi, descends vite ;
aujourd’hui, il me faut demeurer chez toi ! Amen.
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