Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 septembre 2021

26ème dimanche ordinaire B - 26 septembre 2021

 Tous disciples, tous missionnaires.



(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, Presses d'Ile de France)





            Dans une semaine exactement se tiendra, en divers diocèses dont celui de Strasbourg, le congrès mission. Trois jours nous sont offerts pour reprendre goût à la mission, pour nous encourager, nous écouter et peut-être aussi écouter le Seigneur qui nous parle et nous envoie. Il est heureux alors que, pour nous y préparer, la liturgie de ce dimanche nous oriente déjà vers ce congrès de manière peut-être malicieuse, nous rappelant qu’il n’y a pas d’exclusivité en la matière.

            Que ce soit à l’époque de Moise ou à l’époque de Jésus, l’Esprit Saint se manifeste où il veut, quand il veut, pour une mission dont lui seul précise les contours. En voici deux qui prophétisent, hors de tout cadre : faut-il les arrêter ? En voici un autre qui chasse des démons au nom de Jésus, tout aussi hors cadre, n’appartenant pas au groupe de ceux qui nous suivent. Faut-il l’en empêcher ? Dans les deux cas, la réponse jaillit identique dans l’esprit : laissez faire ! Vous ne pouvez pas contraindre l’Esprit Saint à n’agir que dans les cadres imaginés par l’esprit humain. Vous ne pouvez enfermer l’Esprit Saint ni dans la Synagogue, ni dans l’Eglise. L’esprit est libre, il agit quand il veut ; il agit où il veut ; il agit par qui il veut. C’est une manière intéressante de nous dire que tout un chacun est concerné, que tout un chacun doit être attentif aux appels de l’Esprit Saint. Apprenons à nous laisser surprendre par l’Esprit Saint. Et pour éviter tout et n’importe quoi, un critère important est donné par Jésus : quand c’est bien l’Esprit qui agit à travers quelqu’un, même hors cadre, cela produit du bien, cela construit l’humanité, cela fait grandir la fraternité. Pour être plus clair, si ce que tu fais en affirmant que tu le fais au nom de Dieu, produit du mal ou du bruit, ce n’est pas de l’Esprit Saint ; tu trompes ton monde, tu es une occasion de chute pour les autres. Le bien ne fait pas de bruit ; le bruit ne fait pas de bien.

            Depuis le début de son pontificat, le pape François nous invite tous à devenir disciples missionnaires. Je comprends bien ce qu’il veut faire passer comme message, mais je trouve que la manière de le dire est maladroite. Quelqu’un peut-il être disciple du Christ sans être missionnaire, sans témoigner de lui, sans l’annoncer aux autres ? Je ne crois pas, à moins de considérer que Jésus, il est pour moi tout seul. Quelqu’un peut-il alors être missionnaire sans être disciple ? Je ne crois pas davantage, car comment quelqu’un pourrait-il inviter à suivre le Christ si lui-même ne le suit pas ? La rencontre avec le Christ nécessairement met en mouvement. La rencontre avec le Christ nécessairement fait parler de lui. Ou alors le Christ n’est pas vraiment devenu essentiel pour nous ; il ne serait qu’un truc en plus pour moment difficile ou dépressif. Or, j’ai bien relu les évangiles. Jamais le Christ n’a dit : je suis ton médicament. Mais il a bien dit : Je suis le chemin, la vérité et la vie. S’il est chemin, il nous faut le suivre ; s’il est vérité, il nous faut le proclamer ; s’il est vie, il nous faut le partager. Nous sommes tous disciples ; nous sommes tous missionnaires.

            Un dernier point à éclaircir : vivre une dynamique missionnaire, cela ne demande pas de longues études, ni un engagement à temps plein et exclusif. C’est quelque chose à vivre dans son quotidien, par des petites attentions, des gestes simples : un verre d’eau offert, un sourire partagé, un pardon accordé. Des parents seront disciples (ou missionnaires) du Christ, en élevant leurs enfants dans la foi et en étant pour eux des exemples vivants de ce que le Christ nous permet de vivre. Quelqu’un en situation de responsabilité sera disciple du Christ en dirigeant ses équipes avec prudence et charité, respectant les personnes qui lui sont confiées. Un enfant sera disciple du Christ en écoutant ses parents, en se forgeant aussi des amitiés solides et saines. Chaque baptisé aura à cœur d’être un disciple du Christ en développant un art de vivre découlant de l’enseignement du Christ qui nous invite à l’amour de tous, dans une attention permanente des petits et des pauvres. 

            Préparons-nous et préparons notre Eglise diocésaine à vivre cet événement, en priant pour sa réussite, en priant les uns pour les autres. Que tous, nous ayons à cœur de vivre la triple dimension de notre vocation baptismale : nous sommes tous prêtres, chargés de célébrer la louange de Dieu ; nous sommes tous prophètes, chargés d’annoncer Celui qui nous fait vivre ; nous sommes tous roi, chargés de gouverner notre vie selon les principes de l’Evangile. En étant conscients de ce que le Christ a fait de nous, nous serons vraiment ses disciples, nous serons vraiment missionnaires. Amen.  

samedi 18 septembre 2021

25ème dimanche ordinaire B - 19 septembre 2021

 Les disciples ne comprenaient pas ces paroles.





                Est-ce que la remarque cinglante faite à Pierre par Jésus dimanche dernier est restée dans les esprits des Apôtres ? Nous n’en savons rien. Toujours est-il que, lorsque nous croisons à nouveau Jésus et son groupe de disciples, et que celui-ci continue à les enseigner au sujet de sa Passion, Marc écrit sobrement : Les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Comprenez : personne n’a envie de se prendre un nouveau Passe derrière moi Satan dans les oreilles, même en privé. Alors on fait quoi ? 

            D’abord, nous éviterons de juger les Apôtres. Il n’est pas sûr que nous aurions compris davantage les paroles de Jésus si nous avions fait partie du groupe. Nous ne pouvons pas, à partir de nos connaissances, dire que les Apôtres sont nuls, qu’ils auraient dû faire le lien avec le chant du Serviteur souffrant, ou qu’ils devraient faire plus confiance à Jésus, parce qu’il sait ce qu’il dit, et que nous savons, avec deux milles ans de recul, que c’est vrai : Jésus ne sauvera les hommes que par sa mort et sa résurrection ! Eux ne le savent pas ; ils n’ont pas encore vécu Pâques et l’annonce de la résurrection de Jésus. Eux ont juste accompagné Jésus ; ils le suivent quotidiennement ; ils le voient faire des miracles ; ils l’entendent enseigner ; ils constatent comment la foule l’accueille et le suit. Ils sont à mille lieux de pouvoir simplement concevoir que cette histoire puisse mal se finir. Et ce, quand bien même Jésus le leur dirait plus d’une fois. Il nous faut reconnaître que ce n’est pas évident d’entendre quelqu’un que l’on aime nous dire qu’il va devoir mourir, assassiné qui plus est, pour que nous puissions vivre. Comment croire l’incroyable lorsque celui-ci n’a encore jamais eu lieu ? 

            Ensuite nous pourrions leur suggérer de l’interroger quand même. Ils n’ont pas à avoir peur de Jésus. S’ils ne comprennent pas, qu’ils fassent comme les enfants à l’école : qu’ils interrogent leur Maître. Pierre ne s’est pas pris une volée de bois vert pour avoir interrogé Jésus ; il s’est fait remettre à sa place parce qu’il a contredit Jésus sur ce que Jésus venait de présenter comme le dénouement de sa mission. Il a refusé que l’enseignement de Jésus, pour surprenant et dérangeant qu’il puisse être, soit le destin de Jésus. Il a pensé qu’une autre porte de sortie était possible. Il a refusé d’entrer dans le projet de Dieu. Demander à Jésus de mieux s’expliquer, c’est une chose ; demander à Jésus d’envisager autrement sa mission et sa fidélité à Dieu, son Père, en est une autre. Nul ne peut refuser Jésus tel que Jésus se présente. Vous avez le droit d’imaginer votre Jésus, un Jésus à votre mesure, un Jésus qui corresponde bien à vos envies, à vos désirs ; mais vous ne pouvez pas demander à Jésus, le Christ, d’être à l’image de ce que vous avez rêvé. Jésus, on le suit comme il est ou on le laisse ! 

            Enfin, vous pourrez dire aux Apôtres que pour mieux comprendre, il faut peut-être tout simplement mieux écouter, et ne parler d’autre chose pour éviter de trop bien comprendre ce que dit Jésus. Sans doute est-ce plus passionnant de savoir qui était le plus grand ; mais cela n’apporte pas grand-chose. Surtout, cela détourne de l’enseignement de Jésus, de sa portée globale. Jésus n’a pas appelé de futurs petits chefs autour de lui ; il a appelé des disciples. Il ne donne pas un cours de management ou de bonne conduite des hommes ; il invite à le suivre, en prenant sa croix, en perdant sa vie à cause de Lui et de l’Evangile. Ce n’est pas une histoire de hiérarchie ; c’est une histoire de service, et de service du plus petit, du plus fragile. D’où ce geste avec un enfant. Quoi de plus fragile qu’un enfant qui n’a pas voix au chapitre ? Quoi de plus petit qu’un enfant qui n’a d’autre droit que de se taire et d’obéir. Pour être le premier, il faut suivre Jésus ; et suivre Jésus, c’est prendre l’avant dernière place, la dernière étant pour toujours à Jésus, sur la croix. Il n’y a pas plus bas, il n’y a pas plus humilié que Lui. Nous pouvons donc nous faire serviteur de tous. Ce n’est pas une humiliation ; c’est un honneur puisque c’est là que Jésus nous veut, Lui qui s’est fait l’esclave de tous. 

            Comme les disciples, il nous arrive de ne pas toujours comprendre ce que Jésus attend de nous. Comme les disciples, il nous arrive de vouloir entendre autre chose de la part de Jésus que ce qu’il a véritablement à nous dire. Patiemment et avec confiance, osons l’interroger. N’ayons pas peur de Lui. Il est celui qui veut notre vie et notre bonheur. A son école, nous apprenons que le service est la voie royale vers le Royaume. A sa suite, nous découvrons que la croix est passage vers la Vie véritable. Il ne tient qu’à nous de le croire. Il ne tient qu’à nous de le suivre. Personne ne peut nous y obliger, pas même Jésus. Le salut est offert par Jésus. Le chemin qui y mène est enseigné par Jésus. Il dépend de nous de le suivre ; il dépend de nous de l’accueillir. Amen.

samedi 11 septembre 2021

24ème dimanche ordinaire B - 12 septembre 2021

 Quand le Christ que nous attendons ne correspond pas au Christ que Jésus veut être !



(Museo San Francesco, Montefalco, Italie)


            Nous attendions ce moment depuis le début de l’été. Et si nous ne l’attendions pas, nous savions à tout le moins qu’il allait arriver. Eh bien, le voici, ce moment où il nous faut nous décider, ce moment où il nous faut nous prononcer : Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? Nous ne pouvons pas contourner la difficulté ; nous ne pouvons pas différer la réponse. C’est Jésus lui-même qui nous interroge et qui attend une parole. Nous l’avons suivi jusque-là, dans l’évangile de Marc. Si nous voulons continuer à le suivre, il nous faut confronter notre attente à la réalité que Jésus est venue vivre. Et que se passe-t-il lorsque le Christ que nous avons imaginé ne correspond pas au Christ que Jésus veut être ? C’est tout l’enjeu de l’Evangile de ce dimanche. 

            La figure d’un Messie (d’un Christ) n’est pas nouvelle. Ce n’est pas Jésus qui l’a inventée. Elle existe depuis longtemps dans les textes de la Première Alliance. Elle a au moins deux représentations différentes. Il y a la figure d’un Messie royal, descendant de David ; et vous avez la figure du Messie prophétique. Cette dernière figure semble plus présente dans l’esprit des gens à l’époque de Jésus. Pour preuve, les réponses données par les Apôtres à la première question de Jésus : Au dire des gens, qui suis-je ? Les réponses données sont bien des figures prophétiques : Jean le Baptiste, Elie (celui qui avait été enlevé au ciel sur un char de feu laissant entendre qu’il reviendrait) ou un des prophètes. Et on peut comprendre cette insistance sur la figure prophétique. Le prophète n’est-il pas celui qui parle devant le peuple au nom de Dieu, celui qui transmet fidèlement sa Parole ? N’est-il pas aussi celui qui pose des gestes prophétiques, qui disent quelque chose de l’Alliance de Dieu avec les hommes ? A relire tout ce que nous avons vu et entendu de Jésus jusqu’à ce moment de l’évangile, cela correspond bien à la figure du prophète, et plus encore à la figure du Messie attendu. Nous avons vu Jésus faire entendre les sourds, faire marcher des boiteux et des paralysés, faire voir des aveugles et parler des muets. Nous l’avons entendu interpréter la Loi de Dieu, parler en paraboles. Et nous l’avons même vu redonner vie à la fille de Jaïre, morte trop tôt. Ce n’est pas étonnant que la foule se soit fait une image de Jésus, de qui il était, de qui il devait être. Pour la foule, c’est clair, Jésus est un prophète, voire le grand prophète. 

            Ayant reçu l’opinion du commun, Jésus interroge encore ses disciples : Et vous, que dites- vous ? Pour vous, qui suis-je ? Autrement dit, est-ce que le fait de fréquenter Jésus dans une proximité plus grande change quelque chose sur l’opinion qu’ils ont de lui ? Est-ce que quelqu’un qui vit avec Jésus H24 connaît pareil ou connaît mieux Jésus que la foule qui le suit ? Redoutable question dont la réponse dira quelque chose de leur relation vraie au Maître qui les a appelés à le suivre. Peuvent-ils voir plus loin que la foule, juste parce qu’ils passent plus de temps avec lui ? Je reformule la question pour nous : croyants pratiquants réguliers, savons-nous dire plus sur Jésus que ceux qui se disent juste croyants par habitude ou tradition familiale et qui ne viennent qu’occasionnellement au milieu de nous ? Si nous faisons abstraction de notre catéchisme et abstraction du fait que nous connaissons toute l’histoire de Jésus, si nous avions été du groupe des Douze, qu’aurions-nous répondu à ce moment précis de l’histoire ? Pierre, sans que nous sachions trop comment la réponse lui est venue, affirme avec une certitude étonnante : Tu es le Christ. Pas seulement un prophète, mais quelqu’un dans la lignée du Messie attendu, et pour être clair, le Messie attendu, le Christ, celui qui a été oint par Dieu lui-même. On ne saurait être plus précis ! 

            Alors qu’il avait tout bon jusqu’ici, Pierre va se rendre compte qu’il n’a pas encore tout compris. La figure du Christ qu’il a en tête ne correspond pas à la figure du Christ que Jésus veut être. Sans doute n’a-t-il pas bien lu le prophète Isaïe, ou l’a-t-il mal compris ! Car le style de Christ que Jésus veut être est plus proche du serviteur de Dieu décrit par Isaïe dans ses prophéties que du Christ ou Messie royal, qui a l’exemple de David, le roi par excellence, va bouter les ennemis d’Israël hors du pays. Il faut entendre Jésus dire à Pierre : Passe derrière moi, Satan ! Jésus renvoie clairement aux tentations qu’il avait vaincues au début de son ministère lorsque Satan lui-même lui faisait miroiter le pouvoir qu’il pourrait lui donner. Ce n’est pas la voie choisie par Jésus ; ce n’est pas le projet de Dieu que Jésus est venu accomplir. Le projet de salut de Dieu pour l’humanité ne peut passer que par une voie : le sacrifice du Christ sur la croix. Ce n’est qu’en combattant la Mort que Jésus pourra faire tomber la Mort. Ce n’est qu’en combattant le Mal que Jésus pourra défaire le Mal. Sur la croix, il va mourir, certes ; mais sur la croix, il fera aussi mourir la Mort et le Mal et ainsi seulement pourrons-nous être libérés du Péché. Ainsi seulement Satan pourra-t-il être défait. Il nous faut entendre Jésus enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué et que, trois jours après, il ressuscite. Sans mort, pas de résurrection. Sans mort, pas de victoire de la Vie. Sans Passion, pas de Pâques. 

            Il nous faut enfin aussi entendre Jésus nous dire que ce chemin sera également et nécessairement le nôtre. Nous ne sommes pas au-dessus de notre Maître. Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Il n’y a pas d’autre voie possible que celle de la configuration totale et parfaite au Christ que Jésus veut être. Il nous faut abandonner nos rêves de gloire d’un Messie à la manière du roi David. Il nous faut abandonner nos rêves de grandeur, y compris pour l’Eglise. La communauté des croyants que Jésus réunit autour de lui est la communauté de celles et de ceux qui iront jusqu’à la croix, jusqu’à l’abandon total, jusqu’au sacrifice de leur vie pour la vie des autres. La charité ne s’exerce pas à coup de sabre à la manière d’un roi conquérant ; la charité s’exerce dans l’humble abandon à la volonté de Dieu et dans l’humble service des frères, particulièrement des plus petits. La charité s’exerce dans un combat constant contre toute forme de Mal autour de nous et d’abord en nous. 

            Se prononcer en faveur de quelqu’un, c’est toujours renoncer à un autre. En choisissant Jésus, nous avons renoncé au Mal. C’est tout le sens de la profession de foi qui est faite au baptême et que nous renouvelons solennellement chaque année en la nuit de Pâques. En choisissant Jésus, nous devons aussi renoncer à l’image que nous pouvons nous faire de lui pour le découvrir tel qu’il se révèle en vérité, tel qu’il veut être, et le suivre malgré tout. La croix n’est pas d’abord un bijou de valeur ; la croix est le signe de notre foi, le signe que Jésus a donné sa vie pour nous, par amour des pécheurs que nous sommes. Là est la vraie valeur de la croix ; là est le signe de notre salut. Avec Pierre, reconnaissons que Jésus est le Christ, mais reconnaissons-le à la manière que Jésus lui-même veut être, un Messie livré et crucifié, et suivons-le, toujours. Amen.

samedi 4 septembre 2021

23ème dimanche ordinaire B - 05 septembre 2021

 La foule demande, Jésus soupire.




(Icône trouvée sur le web)

            
Avez-vous remarqué ? Il y a un monde entre l’attente de la foule (elle amène un sourd et supplie Jésus de poser la main sur lui, comprenons bien publiquement, là, devant tous) et l’attitude de Jésus qui l’emmène à l’écart, loin de la foule… et qui soupire la parole de guérison. D’un côté, ceux qui veulent voir, être témoins de grandes choses ; de l’autre Jésus, qui veut garder secrète pour l’instant son identité véritable. Et plus Jésus s’obstine à cacher la chose, plus d’autres parlent pour lui. 

            Elle a quelque chose d’attachant, cette foule, et en même temps quelque chose d’énervant. Attachante, elle l’est quand elle amène les malades vers Jésus et manifeste ainsi sa sollicitude pour ceux qui ont eu moins de chance dans la vie. Enervante elle l’est, quand elle ne sait pas se taire, quand elle n’obéit pas à l’injonction au silence de Jésus. S’ils avaient connu les réseaux sociaux à l’époque, nul doute que Jésus, grâce à la foule et bien malgré lui, aurait fait le buzz. Pour quelqu’un qui veut juste remplir sa mission sans que la foule ne se méprenne sur lui, sans qu’elle ne soit induite en erreur, c’est raté. On peut la comprendre aussi. Elle a de la religion, cette foule ; elle connaît ses prophètes. Elle connaît les signes annonciateurs de la venue de Dieu au milieu de son peuple. La première lecture, tirée du prophète Isaïe, nous les rappelait fort à propos : Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Comment, voyant un sourd-muet partir avec Jésus et revenir un homme bien entendant et bien parlant, comment ne pourrait-elle pas être bluffée ? Comment pourrait-elle ne pas laisser exploser sa joie ? Ce que Jésus demande dans l’évangile de Marc, c'est-à-dire ne pas révéler ce qu’il fait, est juste impossible ! C’est tellement hors du commun ! Ce n’est tellement pas croyable que, forcément, on en parle ! 

            Si je me place dans cette foule, je vous dirai que Jésus aussi a quelque chose d’énervant. Enfin quoi, on lui amène un cas d’école, une mission quasi impossible. On veut voir, on veut savoir : comment il fait ? Quel est son vrai pouvoir ? D’où ça lui vient ?  Et tout ce que l’on obtient, c’est le résultat. Jésus part avec un sourd presque muet et on voit revenir un homme qui entend et qui parle correctement. Et bien croyez-moi, en matière d’entendre et de parler, il va vite rattraper le temps perdu, celui-là. Puisque Jésus ne montre rien, puisque Jésus ne dit rien, cet homme va le faire. Il l’a si bien fait que tous les détails nous sont parvenus : les doigts dans les oreilles, la salive sur la langue, le soupir de Jésus et la parole de guérison, la parole d’ouverture : Effata ! Ouvre-toi ! Ce « il soupira » m’intéresse. En consultant mon dictionnaire hier soir, j’ai pu lire deux sens qui peuvent nous éclairer. Soit il a respiré profondément, et donc nous pouvons comprendre qu’il a libéré le souffle de Dieu, l’Esprit Saint qui fait toute chose nouvelle. Soit il manifeste ainsi qu’il désire vivement cette guérison pour l’homme qu’il a en face de lui ; c’est l’un des sens de soupirer. Il se rangerait ainsi du côté de la foule qui lui a amené cet homme en désirant vivement, en attendant avec impatience que Jésus fasse quelque chose pour lui. Les deux me vont. La première explication nous rappelle que Jésus est Fils de Dieu et qu’il agit dans la puissance de Dieu. La seconde nous signale que Dieu lui-même, en Jésus, en a assez du Mal qui envahit l’homme et qu’il désire vivement sa libération. Ce pourquoi Jésus est venu justement au milieu de nous. Même un soupir en dit long sur Dieu, sur son amour pour nous, sur son désir de salut pour nous. 

            Alors je me mets à rêver : si tous les baptisés (ceux qui ont reçu l’Esprit de Dieu) soupiraient ensemble, quel vent de l’Esprit nous pourrions libérer ! Si tous les baptisés (ceux qui ont reçu la certitude que Dieu les aime et aime tous les hommes, que Dieu les sauve et veut sauver tous les hommes) désiraient vivement le salut, avec impatience, quelle espérance nous pourrions faire fondre sur le monde de notre temps ! Si un soupir de Jésus a suffit pour guérir cet homme, je n’ose imagine ce qu’un soupir de tous les chrétiens pourraient faire, eux qui, par leur baptême, sont des autres Christ, participent à la vie du Christ. Libérons l’Esprit Saint reçu à notre baptême, et nous ferons des merveilles. Désirons vivement le salut, et il se réalisera. Dieu ne reste pas sourd à nos appels ; il entend et exauce même nos soupirs. Amen.