Plus que jamais, il nous faut des cœurs bons en abondance.
Est-ce de l’humour ? Est-ce du cynisme ? Je ne sais pas, je ne crois pas. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que la prière d’ouverture de la liturgie de ce huitième dimanche du temps ordinaire ne manque pas de piquant. Je vous la relis, au cas où vous l’auriez oubliée. Nous t’en prions, Seigneur, accorde-nous de vivre dans un monde où les événements se déroulent selon ton dessein de paix, et où ton Eglise connaisse la joie de te servir dans la sérénité. Dans le contexte mondial actuel, avec le bruit des chars et des bombes en Ukraine, dans le contexte ecclésial français toujours alourdi par le rapport Sauvé, je reconnais qu’il faut oser une telle prière. Jamais le dessein de paix n’a été autant battu en brèche en Europe depuis la fin des conflits qui ont ravagé notre vieux continent ; jamais la sérénité n’a autant fait défaut à l’Eglise. Peut-être est-elle vraiment de circonstance alors, cette prière, mais que notre cœur n’y est pas vraiment !
A quoi cela sert-il de prier pour la paix quand des hommes se battent pour assouvir je ne sais quel besoin de celui qui a lancé la guerre, alors qu’il jurait encore il y a quelques jours, grand Dieu, que ce n’était pas là son intention ? Des paroles de miel contredites par des actes menaçants la paix mondiale. Que nous dit l’évangile de ce dimanche ? Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre se reconnaît à son fruit. Je ne porte pas de jugement, mais il ne me semble pas que la guerre soit un bon fruit. Oh je sais bien que, même en France, certains pensent qu’il faudrait à nouveau une bonne guerre pour régler quelques problèmes. Peut-on honnêtement être dépourvu d’intelligence à ce point pour penser qu’une guerre peut être bonne ? Peut-on à ce point manquer de discernement pour croire qu’en opposant des peuples, on règle leurs problèmes ? Depuis quand la destruction, et la pauvreté qu’elle entraîne toujours dans son sillage, sont-elles considérées comme des choses bonnes et désirables pour que cela aille mieux ? L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Il n’y a pas besoin d’être philosophe ou théologien pour comprendre ce que nous dit Jésus. Si tu formules des paroles qui conduisent au mal, tu es un homme mauvais, le mal a envahi ton cœur. Pour être totalement clair, un cœur bon ne peut pas concevoir le mal ; un cœur bon ne peut pas laisser sa bouche dire du mal.
Au moment où nous commençons à réfléchir à celui ou celle qui nous gouvernera demain, voilà un bon critère de choix : est-ce une personne bonne ou une personne mauvaise ? Et la position que celles et ceux qui se présentent pour nous gouverner prennent par rapport à ce conflit en Ukraine, nous indique de quel côté penche leur cœur. Seul un cœur bon dénoncera le mal fait et les mensonges servis sans scrupule depuis quelques jours. Il nous faudra à tous un cœur bon pour ne pas mettre une personne mauvaise à la tête de notre pays. Il nous faudra un cœur bon pour résister aux appels à la haine qui se multiplient dans la plus grande indifférence. Il nous faudra un cœur bon pour reconnaître que chaque être humain a de la valeur, qu’il vienne de chez nous ou pas. Il nous faudra un cœur bon pour construire dès aujourd’hui un monde meilleur pour demain, où chacun a sa place, où chacun peut être libre, où chacun peut avoir une chance de réussir sa vie pour le bien de tous. Le temps du Carême qui s’ouvre cette semaine nous permettra de purifier notre cœur, de le rendre bon s’il ne l’était plus, meilleur encore s’il l’est déjà pour que nous puissions préparer un avenir bon pour nous et pour tous ceux qui viennent vivre chez nous.
Plus
que jamais, il nous faut un cœur bon pour oser une prière pour la paix, pour
oser demander à Dieu de remettre de la paix dans le cœur des hommes. Il nous faut
des cœurs bons en abondance pour lutter contre les cœurs mauvais qui poussent
au Mal. Il nous faut des cœurs bons, assoiffés de justice, de paix et de vérité,
pour garantir justice et paix à tous les peuples. Nous recevrons dans un
instant le Corps du Christ, Corps livré pour le salut du monde. Accueillons-le
au plus profond de notre cœur ; qu’il s’y établisse, et avec lui qu’il y
établisse le désir de paix, le désir de justice, le désir de vérité, le désir
de la fraternité entre tous les peuples. Demandons cela pour nous, demandons
cela pour tous les hommes. Lorsque tous les cœurs déborderont de Dieu, et de Dieu
seul, le Mal aura définitivement perdu, la paix aura définitivement gagné. Prions
pour cela sans jamais nous lasser : notre monde en a besoin, notre avenir
en dépend. Amen.