Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu.
Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu. J’ai bien conscience, en ces temps qui suivent la publication du rapport Sauvé, qu’il peut-être ecclésialement et politiquement incorrect de relever cette affirmation de Paul pour la proposer à votre méditation. Pour certains, elle ferait partie de ces phrases qui ont permis la mise en place du cléricalisme, source de tous les abus. Ce serait pourtant gravement trahir la pensée de Paul que d’utiliser ce verset pour justifier une position de domination.
Paul ne tire aucune gloire de sa mission d’apôtre. Il se défendra toujours d’avoir été à la charge de quiconque. Jamais il ne s’est fait entretenir ; jamais il n’a usé de sa place dans la communauté pour exiger privilège ou attention particulière. Bien au contraire ; il l’exprime très bien quand il écrit aux Corinthiens : Moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Eglise de Dieu. Il a conscience que son histoire avec Jésus avait plutôt mal commencé. L’attitude de domination, c’était avant, quand il ne connaissait pas encore le Christ, et qu’il avait exigé les pouvoirs nécessaires pour poursuivre et traquer les adeptes de cette nouvelle voie. Sa qualité d’Apôtre ne sera décidément jamais une occasion d’imposer un pouvoir, d’imposer une opinion. Saint Paul n’est pas un ‘self made man’, mais quelqu’un qui a été fait par Dieu à l’image d’un Isaïe dans la première lecture entendue, quelqu’un qui a été saisi par le Christ, à l’image de Pierre dont nous avons entendu l’appel dans l’Evangile. Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu. Il a conscience aussi qu’il a été saisi par le Christ pour une seule et unique chose : l’annonce de la Bonne Nouvelle. Je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Evangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants. Ce n’est pas là la parole d’un homme de pouvoir, mais la parole de quelqu’un qui s’est mis au service d’un Autre pour les autres. Cette Bonne Nouvelle, il y avait urgence à l’annoncer, puisque sa réception conditionne le salut de ceux qui l’entendent. Paul a travaillé pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
On pourrait objecter, à la vue de l’œuvre de Paul et de son influence dans la jeune communauté, qu’il a quand même pesé lourd. Il est le premier qui a explicité la foi chrétienne, précisé ce que cela voulait dire, dans le quotidien, d’être chrétien. Il l’a fait de manière systématique, répondant avec assurance aux questions que les jeunes communautés qu’il avait fondées lui adressaient. Certes, mais il ne l’a pas fait pour faire valoir une primauté quelconque, mais bien parce que Dieu l’avait saisi et travaillait avec lui, à travers lui. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. Ce n’est pas là une belle phrase, mais bien l’expression de sa conscience d’être au service de Dieu. Il a conscience d’agir, selon la belle expression du Concile Vatican II in persona Christi capitis (en la personne du Christ Tête). Le mot important dans cette phrase, c’est celui ajouté justement par le dernier Concile à une expression plus ancienne : le mot ‘Tête’. Ce mot rappelle qu’il n’est pas le Christ ; il est un instrument qui permet à la Tête du Corps qu’est l’Eglise d’agir dans son Eglise. Et cette tête, ce n’est jamais Pierre, Paul, François, ou qui sais-je encore ; cette tête, c’est toujours et exclusivement le Christ que les hommes comme Paul servent.
Ceux qui servent ne peuvent jamais être celui qu’ils servent. L’œuvre de Paul, l’œuvre des Apôtres, l’œuvre des prêtres, c’est de permettre au Christ, et à lui seul, de guider, enseigner, nourrir, présider son peuple. Le prophète, l’apôtre, l’évêque, le prêtre, le diacre, mais aussi le catéchiste et toute personne investie dans l’Eglise, n’existent que par appel du Christ, appel adressé à eux par l’Eglise. Sans le Christ, sans l’Eglise, ils ne sont rien. Sans le Christ, ils n’ont personne à annoncer ; sans l’Eglise, ils n’ont personne à servir. Paul ne s’annonce pas lui-même, même quand il aura l’audace de dire : prenez-moi pour modèle ! Car aussitôt, il ajoute : mon modèle à moi, c’est le Christ ! In fine, le Christ doit être notre modèle à tous. Qu’il le soit à la manière d’un Paul ou d’un Pierre, importe peu. Il est et reste le modèle unique qu’un Paul ou un Pierre présentent avec ce qu’ils sont. Paul est plus que clair à ce sujet : Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Ecritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Ecritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze… et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis. Si même Paul a finalement été saisi par le Christ, combien plus chacun de nous peut être saisi par le Christ. Ce n’est pas Paul qui compte, c’est le Christ et son œuvre : Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez.
Rien,
dans ces grandes figures appelées par Dieu, ne justifie une prise de pouvoir ou
un abus de quelque sorte que ce soit. Tout, dans leur vie, souligne la primauté
du message sur le messager. Tout contribue à tourner notre cœur vers le Dieu unique
et vrai, et pour les chrétiens que nous sommes, à mettre le Christ, et lui seul,
au cœur de notre vie. Qu’il en soit donc ainsi ; il n’aurait jamais dû en
être autrement. Amen.
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