Pas ici, mais là-bas ! Pas moi, mais eux !
Pas ici, mais là-bas ! C’est en résumé, ce que dit Amazias, prêtre de Béthel, à Amos, le prophète envoyé par Dieu. Pas ici, parce que tu nous casses les oreilles, mais là-bas, parce qu’il n’y a pas de raison que les oreilles des autres soient épargnées. C’est une question d’égalité ! En ce jour de fête nationale, comment ne pas y être sensible ?
Pas ici, mais là-bas ! Amos a bien compris le message, mais il n’en fera rien. Il rappelle au prêtre Amazias qu’il n’a ni choisi, ni voulu ce poste. En fait, il n’a rien demandé, il a été appelé. Je n’étais pas prophète, ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël. Amos, à la différence d’Amazias, du roi et du peuple, écoute quand Dieu parle. Prophète, ce n’est pas son métier ; il n’a pas fait d’école pour cela ; il se contente d’écouter Dieu et de rapporter ce qu’il lui demande de dire. En lisant le prophète Amos, nous comprenons pourquoi ses auditeurs sont plutôt mécontents. Son message n’est pas tendre ; c’est une vraie diatribe contre l’injustice sociale, le vol en bande organisée, la traite d’êtres humains et les petits arrangements entre amis riches pour devenir encore plus riches en spoliant les pauvres. Qui a envie d’entendre cela, à Béthel ? Personne ! D’où le pas ici, mais là-bas.
Dans l’évangile, les disciples auraient pu dire à Jésus : pas nous, mais eux, une autre version du pas ici, mais là-bas. Pas nous, mais eux, parce que lorsque l’on voit le cadre posé par Jésus quand il envoie ses disciples en mission pour la première fois, on se dit que c’est plutôt rude. Ils ont droits à un bâton, une paire de sandales et… c’est tout ! Pas de pique-nique pour la route, pas d’argent pour faire les courses, pas de sac, pas de linge de rechange. Si la mission ne dure qu’un jour, ça peut aller ; mais si elle doit s’étendre dans le temps, c’est un peu crado, dans un pays chaud ! Malgré tout cela, ils sont tous partis, par deux, accomplir la mission que Jésus leur a confiée. Ils ont compris, comme Amos des générations avant eux, que lorsque Dieu appelle et envoie en mission, on ne discute pas. Il veillera sur eux, il leur donnera ce dont ils auront besoin. Pour eux, seule doit compter la mission confiée. On ne s’encombre pas d’autre chose ; on ne sort pas un truc de son sac pour faire plaisir ou pour impressionner. Seule compte la parole qu’ils ont à dire, et le combat contre le mal qu’ils ont à mener : ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient. Pour savoir si leur mission a réussi, il vous faudra revenir dimanche prochain. Je ne « spoilerai » pas la suite de l’Evangile. Aujourd’hui, il nous suffit de savoir que Dieu appelle et envoie en mission. Ce qui valait pour Amos, vaut pour les disciples, et vaut encore pour nous aujourd’hui.
Nous aussi, nous sommes appelés. Nous avons d’abord été appelés à devenir fils adoptifs, par Jésus le Christ, comme le rappelle si bien Paul aux chrétiens d’Ephèse. Mais bien plus que cela, ou en conséquence de cela, il nous appelle à vivre saints, dans l’amour, dans la louange de la gloire Dieu, et à vivre dans l’Esprit Saint. C’est notre vocation première, et nous ne pouvons pas dire à Dieu : pas nous, mais eux, ni même pas ici, mais là-bas, sous-entendant que d’autres, ailleurs auraient plus besoin de conversion que nous. C’est l’appel premier, parce que à celui-ci peuvent se rattacher une multitude de petits appels ponctuels. Ils peuvent vous être adressés par un proche ou un voisin, un étranger ou un petit, voire par l’Eglise quand il s’agit d’une fonction permettant à la communauté de vivre mieux sa mission d’évangélisation. Tout le monde est concerné, et nous ne pouvons pas sans cesse nous dérober et dire : pas moi, mais eux !
Quand Dieu appelle, c’est qu’il veut avoir besoin de nous. Si les hommes peuvent bien estimer qu’ils n’ont pas besoin de Dieu, Dieu cependant estime qu’il a besoin de chacun de nous pour poursuivre aujourd’hui la mission du Christ. Et si pendant un temps, nous avons collectivement estimé que cet appel était pour les prêtres, mes religieux et les religieuses, nous découvrons de plus en plus que chaque croyant a une place à tenir, une mission à remplir. Parce que ce qui nous « oblige » à la mission, ce n’est pas une ordination ou un engagement dans une communauté ; non, ce qui nous « oblige », c’est notre commun baptême, qui fait de nous tous des prêtres, des prophètes et des rois. Il est le sacrement fondamental qui nous place dans les pas du Christ. Tout le reste s’ajoute ou découle de celui-là. Quand Dieu nous appelle à le suivre par le baptême, il nous assure de la présence de son Esprit (la confirmation), il nous nourrit pour que notre foi ne défaille pas (l’eucharistie) et il construit son Eglise en veillant à une juste répartition des charismes (mariage, ordre). Enfin, il nous donne des moyens supplémentaires pour parvenir au salut : le sacrement de la pénitence et la réconciliation et le sacrement des malades. Tout cela ne peut se faire que parce que nous sommes d’abord baptisés. C’est ce premier appel qu’il nous faut prendre au sérieux pour vivre dans la fidélité au Christ et parvenir au salut. Amen.
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