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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 27 juillet 2025

17ème dimanche ordinaire C - 27 juillet 2025

 La prière à l'école d'Abraham.




Giambattista Tiepolo (1696-1770), Abraham et les trois Anges 
(vers 1770, huile sur toile, 196 x 151 cm), 
Musée du Prado, Madrid (Espagne). Domaine public.




 

            La semaine dernière, trois visiteurs arrivaient chez Abraham, avec une promesse : ta femme, Sara, aura un fils. Aujourd’hui, nous les retrouvons, reprenant la route pour aller à Sodome et Gomorrhe, les villes abhorrées, à la réputation plus que sulfureuse. Ils ont un projet : voir si ce qu’on entend à leur sujet est vrai : Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Il n’en faut pas plus à Abraham pour réagir auprès du Seigneur et nous offrir, par la même occasion, un petit enseignement sur la prière, que je trouve assez déroutant.

             Après lecture de ce passage, ce que nous retenons le plus souvent, c’est le marchandage audacieux d’Abraham qui, pour obtenir le salut de ces villes, va partir de très bas (peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville ?) pour arriver à très haut (peut-être s’en trouvera-t-il seulement dix ?). Car paradoxalement, plus il abaisse le nombre de justes présents, plus il pourra sauver de monde. Je ne sais pas si Abraham savait ou pas que Loth et sa famille se trouvait là ; peut-être aurait-il osé descendre encore un peu. Il s’arrêtera donc à dix avec l’assurance de Dieu que pour dix, je ne détruirai pas. Quelques justes dans une ville immense pour que cette ville soit sauvée ! Nous mesurons l’amour de Dieu pour l’humanité à son acceptation de ce marchandage. Il aurait pu dire à Abraham de s’arrêter, que c’était indigne de lui de marchander ainsi comme on le ferait pour le prix d’un tapis. Mais non, Dieu joue le jeu ; il abaisse ses prétentions à mesure qu’Abraham s’enhardit et intercède. Et nous avons là un premier enseignement de la prière d’Abraham : ce n’est pas une prière pour lui, c’est une prière pour les autres, pour l’humanité qui se perd et qui a besoin du salut que Dieu donne. Et peu lui importe qu’une immense majorité de cette humanité ne corresponde pas aux attentes de Dieu. Abraham insiste, baisse le nombre et obtient un engagement ferme de Dieu.

             Est-ce que ma prière est à l’exemple de celle d’Abraham, tournée vers les autres qui ont besoin du salut ? Ou me ramène-t-elle sans cesse à moi, à mes envies, à mes propres désirs ? Certains vous diront qu’en matière de prière, comme en tant d’autres, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Autrement dit, demande ce qu’il te faut et que chacun fasse pareil. Celui qui ne demande rien, n’aura donc rien ! Abraham nous apprend à demander pour les autres, à porter devant Dieu notre souci des autres, et de leur salut. Vous rendez vous compte de la puissance de cette prière d’intercession ? Si je demande seul pour moi, aussi noble que soit ma demande, Dieu l’entendra, il n’y a pas à en douter. Mais si je me confie à la prière des autres, il entendra ma demande venant d’autres qui l’auront jugée légitime au point de la porter devant Dieu dans leur prière. Ce n’est pas une fois qu’il l’entendra, mais autant de fois que de personnes à qui je me suis confié. Et il entendra aussi des prières pour ceux qui ne prient jamais ou qui ne prient plus, simplement parce que j’aurai eu à cœur de les porter devant lui. La prière d’Abraham est une prière d’attention pour ceux qui ne font plus attention à Dieu ! Et ça, c’est puissant !

             Ce marchandage d’Abraham avec Dieu nous apprend une deuxième chose sur la prière du patriarche. Cette chose réside dans le motif même de ce marchandage : protéger la sainteté de Dieu. Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le coupable ? … Loin de toi de faire une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le coupable, traiter le juste de la même manière que le coupable, loin de toi d’agir ainsi ! Celui qui juge toute la terre n’agirait-il pas selon le droit ? Pour Abraham, ce serait l’abomination de la désolation si Dieu cessait de veiller sur le juste ! Ce serait l’abomination de la désolation si Dieu ne pardonnait pas. Pour Abraham, c’est humainement impensable que Dieu agisse comme agissent les hommes ! Dieu ne peut pas renoncer à sa sainteté pour agir comme les hommes. Dans sa justice, il doit se souvenir qu’il est Dieu. Il doit se souvenir des alliances passées avec les hommes. Il doit se souvenir qu’il est Dieu pour la vie. Certains, dans le passé, ont oublié cette leçon d’Abraham, et ont fait de Dieu un épouvantail dont les hommes devaient avoir peur, pensant que plus ils auraient peur de Dieu, plus ils s’attacheraient à lui et à vivre selon ses préceptes. Eh bien, cela n’a pas fonctionné comme prévu. Un Dieu qui fait peur ne mérite ni notre louange, ni notre respect. C’est un tyran dont il faut se détourner. La confiance en Dieu ne se construit pas sur la peur de Dieu. La confiance en Dieu ne peut se construire que sur l’amour qu’il nous porte, sur la miséricorde qu’il nous manifeste. Nous ne respectons pas la sainteté de Dieu en en faisant un épouvantail. Dieu vaut mieux que cela et les hommes méritent mieux qu’un Dieu qui fait peur. La manière dont je parle à Dieu doit refléter la manière dont je parle de Dieu aux hommes et vice-versa. Je ne peux pas parler à Dieu comme à un ami et le présenter aux autres comme celui qui sait tout d’eux, retient tout de ce qu’ils font mal pour le leur rappeler le jour où ils le verront face-à-face.

             A l’image d’Abraham, ai-je le souci de préserver la sainteté de Dieu dans ma prière et dans la manière dont je parle de lui ? Est-ce que Dieu est mon ami à moi tout seul, et le surveillant général de tous les autres ? Protéger la sainteté de Dieu dans la prière, c’est aussi accepter de ne pas l’abreuver de parole, savoir quand s’arrêter pour enfin l’écouter me parler. Protéger la sainteté de Dieu, c’est affiner ma connaissance de lui, le découvrir tel qu’il se révèle à moi et non tel que je me l’imagine. Laissons Dieu être Dieu à la manière de Dieu. Sur la croix, Jésus nous a dit cette manière de Dieu ; il va jusqu’à la mort pour le salut des hommes. La croix est le signe de Dieu tel qu’il se révèle et non tel que les hommes l’ont imaginé. Personne n’aurait imaginer que Dieu puisse s’abaisser jusqu’à la mort.

             Ne jetons pas trop vite Abraham dans les oubliettes de l’histoire sainte. Il a de belles choses à nous apprendre. En entrant dans sa prière, nous rejoindrons le chœur des anges qui chantent en permanence la gloire de Dieu et nous aurons le souci d’une prière ouverte sur les autres, ceux que nous aimons, et ceux que nous n’aimons pas assez. L’essentiel est que Dieu les aime, et qu’il aime qu’on lui parle d’eux, et qu’il aime qu’on leur parle de lui. C’est ainsi que l’Esprit peut faire son chemin dans le cœur des hommes, qu’ils peuvent se convertir et parvenir au salut. Amen.

 

lundi 21 juillet 2025

16ème dimanche ordinaire C - 20 juillet 2025

 Une seule ? La meilleure part ?



 


            Il en avait de la chance Abraham, d’avoir une épouse et un serviteur qui agissent, discrètement, dans l’ombre, pour qu’il puisse se consacrer à ses visiteurs. Marthe n’a pas la même chance, elle qui se met aux fourneaux quand Jésus vient se reposer dans la maison qu’elle partage avec sa sœur et son frère. Si elle avait eu une servante, assurément, elle serait restée avec sa sœur aux pieds de Jésus. Mais si tel avait été le cas, nous n’aurions rien su de cette rencontre entre amis. Et surtout, nous n’aurions pas eu cette répartie de Jésus à l’adresse de Marthe qui vient se plaindre.

             J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de ces deux sœurs. Elles ont la chance d’accueillir Jésus chez elles ; il est là en ami. Elles sont les sœurs de Lazare à qui Jésus rendra la vie avant de marcher sur Jérusalem pour y mourir. Mais c’est là l’histoire d’une autre visite de Jésus. L’histoire de la rencontre qui nous préoccupe aujourd’hui est bien connu. Et peut-être êtes-vous comme moi, un peu plus distrait lors de sa proclamation, parce que justement on connaît trop ; on ne fait donc plus forcément très attention. Et c’est quand on ne fait plus suffisamment attention, que des détails ou des interprétations de ces détails, peuvent nous échapper. Ce qui me préoccupe, à écouter cette histoire, c’est la réponse de Jésus à Marthe quand elle vient se plaindre, et surtout la manière dont nous la recevons et la comprenons.

             La première chose à noter, c’est que Jésus ne rabroue pas Marthe. Il ne sous-estime pas le travail qu’elle fait en cuisine pour le recevoir. Ses amis le reçoivent, il en est certainement heureux. Les deux sœurs se sont réparti le travail : Marie s’occupe de Jésus pendant que Marthe s’occupe en cuisine. D’autres manières de faire auraient pu être imaginées. Par exemple, les deux sœurs proposent à Jésus de se rafraichir un peu et de se reposer de la route pendant qu’elles préparent ensemble quelque chose à manger, soit avant de l’avoir entendu, soit après l’avoir entendu. Ou, si Marie s’avérait moins bonne cuisinière que Marthe, qu’elles commencent comme le rapporte Luc, et qu’à un moment Marie relève Marthe à la cuisine, quand il s’agit juste de surveiller la cuisson, pour que Marthe puisse avoir son tête-à-tête avec Jésus. Cela n’a pas été fait ; pas la peine d’épiloguer. Il nous faut donc prendre la réaction de Marthe et la réponse de Jésus telles qu’elles nous sont données. Si la réaction de Marthe semble légitime à beaucoup de lecteurs, la réponse de Jésus leur semble alors quelquefois difficile à entendre. Que dit-il exactement ? Après lui avoir fait remarquer qu’elle se donne du souci et s’agite pour bien des choses, juste pour un ami de passage, il affirme qu’une seule est nécessaire. Et il parle enfin de la meilleure part. Il nous faut bien comprendre que le une seule ne renvoie pas à l’une des sœurs (une seule sœur serait nécessaire !), mais bien à une attitude, une manière d’être avec Jésus. Il ne dit pas à Marthe qu’elle n’a rien compris, ni qu’elle fait mal. Il lui dit que, quand il vient les rencontrer, il ne se plaindra pas s’il n’y a qu’un casse-croûte pour lui. Ce ne sont pas les choses que les sœurs font pour lui qui lui importent, mais leur manière d’être, l’attitude qu’elles ont vis-à-vis de lui. Et cela doit nous rassurer ; le plus grand bien, quand Jésus vient nous visiter, ce n’est pas de nous mettre en quatre pour l’accueillir, c’est d’accepter de l’écouter. Il vient chez nous parce qu’il a quelque chose à nous dire, à nous partager. Et être pleinement là, présent à lui, est cette seule attitude nécessaire.

             Quand ceci est compris, nous pouvons mieux saisir la suite de la réponse de Jésus, celle sur la meilleure part. En parlant ainsi, Jésus ne renvoie pas Marthe à sa cuisine et ses casseroles ; il ne lui pas qu’elle ne sert à rien. Il lui dit qu’il existe une meilleure part, c'est-à-dire un essentiel. Marie l’a découvert en se mettant aux pieds de Jésus pour l’écouter. Marthe doit encore découvrir cet essentiel. Et cela nourrit notre propre vie spirituelle. Avec Marthe, nous pouvons nous interroger : Qu’est-ce qui est essentiel pour nous dans notre vie avec Jésus ? Où et comment Jésus nous attend-t-il aujourd’hui ? Il n’y a pas de réponse unique ; elle peut changer selon les circonstances de notre vie. Nous savons maintenant que la seule attitude nécessaire, c’est l’écoute. Et quand nous écoutons vraiment Jésus, nous découvrons ce qui est pour nous, personnellement, l’essentiel à ce moment donné de notre vie. Tout est utile dans la vie, même savoir préparer des petits plats. Mais tout n’est pas nécessaire au même moment. Et ce qui est vrai de notre relation avec Jésus, est vrai aussi de nos relations humaines. Si nous écoutions plus les autres, peut-être nous les comprendrions mieux ; les comprenant mieux, nous pourrions mieux les apprécier ; les appréciant mieux, nous pourrions mieux vivre avec eux ; vivant mieux avec eux, nous serions davantage en paix.

             Et voilà comment la colère d’une agitée des casseroles vient remettre un peu de bon sens dans notre vie à tous. Remercions Marthe de permettre à Jésus de nous éclairer tous. Remercions sa sœur Marie de nous rappeler l’importance de l’écoute. Et avec les deux sœurs, prenons la résolution d’une vie plus équilibrée, partagée entre l’écoute et l’action, parce que la Parole de Dieu est toujours dite pour nous mettre en route, en mouvement à la suite de Jésus. C’est ce à quoi nous invite le « Allez dans la paix du Christ » à la fin de chaque messe. Ecoutons tant que nous sommes rassemblés ici ; agissons dès que nous rentrerons chez nous, sans arrêter pour autant d’écouter. Amen.

lundi 14 juillet 2025

15ème dimanche ordinaire C - 13 juillet 2025

 Il pensait réussir ; il sait désormais comment réussir.






 

            Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? C’est avec cette question qu’un homme, un docteur de la Loi, veut mettre Jésus à l’épreuve. Et il pensait réussir. Les Apôtres ont dû bien rire, eux qui cheminent avec Jésus depuis quelque temps déjà et qui ont entendu Pierre déclarer que leur Maître est le Christ, le Messie de Dieu. Comme s’il était possible de le piéger avec une telle question. Autant essayer de piéger le meilleur pâtissier du monde avec une question sur la recette d’un Saint Honoré ! Ridicule.

             Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? Si vous comparez ce récit à celui de Matthieu ou Marc, vous verrez que, chez Luc, Jésus ne répond pas à la question directement. Il va forcer son adversaire du jour à répondre. Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » Une manière très polie de lui dire : mais toi, dis-moi non seulement ce que tu lis dans la Loi, mais comment tu le comprends. Parce que lire la Loi, tout le monde peut le faire ; mais la comprendre correctement, c’est une autre affaire. Le docteur de la Loi se laisse prendre au jeu du : toi d’abord, moi après. Et il y va de sa réponse que nous connaissons tous : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. Luc nous fait comprendre mieux que les autres que ce n’est pas là une invention ou une relecture de Jésus. Il n’est pas le premier à lier l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Un homme vient de le faire devant Jésus, et celui-ci approuve la réponse de l’homme : Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. La réponse est désormais claire pour toutes les générations à venir, que vous soyez juifs ou disciples du Christ : l’assurance de la vie éternelle, c’est l’amour de Dieu et du prochain. C’est un spécialiste de la Loi qui le dit ; c’est Jésus qui le confirme. La question posée a obtenu une réponse qui satisfait les deux parties ! L’histoire aurait pu, aurait dû s’arrêter là. Mais elle rebondit : Lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? ».

             Là on commence à parler sérieusement. Qui est mon prochain ? c'est-à-dire de toutes les personnes que je rencontre, qui dois-je aimer ? Et donc, qui puis-je ne pas aimer, parce qu’il ne serait pas mon prochain ? Encore une fois, Jésus ne répond pas directement. Il raconte une histoire que nous connaissons tous aujourd’hui, celle du bon Samaritain, mais qui est d’abord l’histoire d’un homme agressé, dépouillé, laissé pour mort au bord de la route. Celui qui importe, au début de l’histoire, ce n’est pas le bon Samaritain, mais bien ce mourant laissé là et que d’autres vont croiser. Comment vont-ils interagir avec lui ? Un prêtre, puis un lévite vont passer par ce chemin. Tous deux voient l’homme. Sûrement, ces hommes de Dieu vont faire quelque chose ! Eh bien non, tous deux passèrent de l’autre côté.  Nous comprenons spontanément l’autre côté de la route ; mais l’autre côté, je peux aussi l’entendre comme : ils passèrent au mauvais côté. Ils ont fait ce qu’il ne fallait pas faire : ils ont sciemment ignoré l’homme mourant. Et qu’importe les bonnes raisons qu’ils auraient pu avoir ; en passant de l’autre côté, ils n’ont rien fait, ils ont ignoré leur frère dans le besoin. Ils ont fait de la Loi qu’ils prétendent servir une condamnation pour celui qui est victime, une condamnation pour celui qui n’a rien fait de mal. Au sordide de l’agression gratuite, ils ajoutent l’abject du désintérêt. Il est mourant ; qu’il ait la décence de mourir seul et en silence ; je ne vais pas me mettre en retard, Dieu m’attend ! Arrive le Samaritain, celui dont Jérusalem a mauvaise opinion. Il le vit et fut saisi de compassion. Il fait ce qu’il faut pour soigner cet homme et le mettre à l’abri, à ses propres frais. Et il s’engage même à revenir prendre de ces nouvelles et régler toute dépense supplémentaire ! L’histoire n’a rien de compliqué ; c’est celle d’un homme qui avait besoin d’aide.

         Rappelons-nous maintenant la question qui nous a valu cette histoire : Et qui est mon prochain ? A la fin de l’histoire, sans doute le docteur de la Loi espère-t-il une réponse claire. Il n’aura encore une fois qu’une question de la part de Jésus : Qui a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? Il faudrait être de mauvaise foi ou complètement stupide pour ne pas répondre avec le docteur de la Loi : Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. Ceci nous oblige à bien comprendre le renversement opéré par Jésus. La question n’est plus de savoir qui, de toutes les personnes que je croise, est mon prochain ; mais bien de savoir de qui je dois me faire le prochain. De qui dois-je avoir le souci ? De tous ceux dont tu croises la route. Tu ne peux pas rester indifférent à ceux que Dieu met sur ta route, et surtout pas de celui qui a besoin de toi. Rien ne peut être plus important que le service du petit, pas même Dieu, puisque Dieu lui-même, dans sa Loi, a lié l’amour de Dieu à l’amour du prochain. Aimer le petit, c’est donc aimer Dieu. S’occuper de l’autre, c’est donc s’occuper de Dieu. Je ne peux pas dire au pauvre : je ne peux pas m’occuper de toi, Dieu m’attend ! Je ne peux pas dire à l’étranger : je ne peux pas t’accueillir, Dieu m’attend. Puisque je crois en Jésus, Dieu fait homme, cela signifie qu’en chaque humain que je croise, c’est Dieu lui-même que je croise. A l’homme qui l’interrogeait, Jésus répond une dernière fois : Va, et toi aussi, fais de même. C’est juste limpide ! Il n’y a plus ni de question à poser, ni de question à se poser.

 Tout avait commencé avec le désir d’un homme de réussir à mettre Jésus dans l’embarras. Il pensait mettre Jésus à l’épreuve ; sa question s’est retournée contre lui. Il n’a peut-être pas réussi à mettre Jésus à l’épreuve, mais désormais il sait : il sait que Jésus n’indique pas une nouvelle voie, ni une nouvelle Loi. Désormais il sait que Jésus accomplit la Loi et qu’il lui demande de faire de même. Il pensait réussir à piéger Jésus en l’interrogeant sur la vie éternelle ; il sait désormais comment réussir sa vie et son paradis. En mettant l’autre, le petit, au cœur de sa vie et par là, en mettant vraiment Dieu au cœur de sa vie. Il le sait, et nous le savons. Allons, et nous aussi, faisons de même ; devenons le prochain de ceux qui ont besoin de nous. Amen.

samedi 5 juillet 2025

14ème dimanche ordinaire C - 6 juillet 2025

Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté.







            Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Il n’y a pas à dire, Paul a le sens de la formule. C’est une manière surprenante de faire comprendre aux Galates que rien d’autre n’a d’importance dans sa vie, rien ne lui est plus précieux que le mystère de la croix. Quand il écrit ces mots, la communauté qu’il a fondée dans cette ville traverse une crise profonde qui pourrait affecter toutes les autres communautés et remettre en cause l’Evangile du Christ. Si Paul n'arrive pas à les convaincre, la communauté chrétienne des Galates sera perdue et reviendra au temps d’avant.

 

             Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Cette affirmation de Paul laisse entendre que les Galates se sont détournés de l’Evangile proclamé par Paul. Cet Evangile, c’est que le Christ seul nous sauve et nous rend libre. C’est cela la fierté de Paul : être sauvé par grâce, être sauvé sans qu’il ait fait quelque chose pour, juste parce qu’il a accueilli le Ressuscité dans sa vie et que désormais il en vit chaque jour. Les Galates se sont détournés de cet Evangile en acceptant de passer à nouveau par la case circoncision, signe de l’Alliance mosaïque. Pour Paul, si la circoncision (c'est-à-dire un acte posé par l’homme) devient obligatoire pour être sauvé, alors la croix de Jésus ne sert à rien, l’Evangile proclamé devient inutile. Paul ne mettra pas sa fierté dans les actes qu’il peut poser, mais dans la croix de Jésus. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde, s’empresse-t-il de rajouter. Il affirme ainsi que les séductions du monde n’ont pas de prise sur lui ; il n’est attiré que par le Christ. Paul dénonce déjà la fameuse mondanité que le Pape François n’aura eu de cesse de fustiger durant son pontificat. Un chrétien ne peut pas se compromettre avec le monde pour être confortable ou accepté.

 

Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Il faut comprendre le monde à l’époque de Paul. Il est bien placé pour savoir que les chrétiens ne sont pas les bienvenus. Il a fait l’expérience, durant ses voyages, de la persécution par ceux qui considèrent que cette voie nouvelle est un danger : un danger pour les Juifs dont les premiers Apôtres et Paul sont issus. S’ils ont du succès, les synagogues vont se vider ; ce n’est pas bien, ça ! Ils sont un danger pour l’empire romain dont ils ne reconnaissent pas l’empereur comme un Dieu. Les motifs de les poursuivre sont nombreux et les chrétiens savent qu’ils peuvent risquer gros. Pour Paul d’ailleurs, si certains prônent le retour à la circoncision, ce n’est pas tant par amour de la Loi de Moïse que pour éviter justement la persécution. Un petit arrangement entre amis ; en cas de soupçon, je peux montrer dans ma chair que je ne suis pas chrétien.

 

Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Vous comprenez alors que cette dissimulation est insupportable à Paul. Sur la croix, Jésus nous a tout donné, et nous, par accommodement avec le monde, nous cacherions notre appartenance au Christ ? Sur la croix, Jésus nous a tout donné, et nous, par confort personnel, nous ferions comme si de rien n’était. Quand la situation devient difficile pour l’Eglise, nous oserions dire : le Christ ? non, désolé, je ne connais pas !  Sur la croix, Jésus nous a tout donné, et nous, par crainte d’être stigmatisés ou moqués, nous cacherions nos croix et notre appartenance au Christ ? Pour Paul, cela reviendrait à redevenir esclave du monde alors que le Christ nous en a libéré justement. Si tu veux vivre libre, il ne faut pas cacher le Christ, il faut affirmer qu’il est ta fierté.

 

Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Et nous nous rendons compte alors que cette vieille lettre aux Galates a un discours très moderne, et que ce discours nous concerne et concerne l’Eglise de notre temps. Il est évident que l’Eglise traverse un moment de tempête. La préconisation récente dans un rapport parlementaire de la suppression du secret de confession, l’affirmation d’un homme politique français accusant les chrétiens de jeter de l’huile sur le feu en faisant (au 21ème siècle encore) la promotion du Christ, comme s’il était désormais incongru voire interdit d’en parler pour préserver la paix sociale, les attaques répétées contre l’Enseignement catholique et son Secrétariat général, tout cela participe d’une déstabilisation de l’Eglise. Et de nombreux chrétiens se font dès lors discrets, quand ils ne se mettent pas à crier encore plus forts, pour qu’on les exonère de leur caractère chrétien et qu’on leur fiche la paix. La croix du Christ fait leur fierté dans l’intimité de leur chambre peut-être, mais dans la rue, dans le monde, il ne faut surtout pas le faire remarquer. Et tant pis si leur liberté d’expression en prend un coup ; et tant pis si leur liberté de s’associer en est diminuée ; et tant pis si on fait disparaître l’Eglise confessante. Je me débrouille avec Jésus comme je me débrouille avec le monde ; ni vu, ni connu, ni embêté. La paix, quoi ! Paul nous redit aujourd’hui, comme il l’a dit aux Galates : Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. L’est-elle pour nous, aujourd’hui, ici rassemblés ?             


Monseigneur Elchinger, qui avait aussi le sens de la formule, avait dit que l’Evangile n’est pas une tisane pieuse à boire le soir au coin du feu, mais c’est de la dynamite ! Il fait exploser les cadres étroits de notre existence pour mettre le Christ au cœur de notre agir, au cœur de notre pensée. En ces temps de crise, puissions-nous garder la croix de notre Seigneur Jésus Christ comme seule fierté. Si nous l’avions fait dans le passé, l’Eglise ne serait pas en crise aujourd’hui et serait resté pour tous le phare qui illumine le monde et lui rend sa liberté en toute chose. En remettant le Christ au cœur de notre vie publique, nous pourrons voir à nouveau Satan tomber du ciel comme l’éclair ; nous pourrons voir à nouveau nos noms inscrits dans les cieux. Amen.