Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté.
Que
la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Il n’y a pas à
dire, Paul a le sens de la formule. C’est une manière surprenante de faire
comprendre aux Galates que rien d’autre n’a d’importance dans sa vie, rien ne
lui est plus précieux que le mystère de la croix. Quand il écrit ces mots, la
communauté qu’il a fondée dans cette ville traverse une crise profonde qui
pourrait affecter toutes les autres communautés et remettre en cause l’Evangile
du Christ. Si Paul n'arrive pas à les convaincre, la communauté chrétienne des
Galates sera perdue et reviendra au temps d’avant.
Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ
reste ma seule fierté. Cette affirmation de Paul laisse entendre que les
Galates se sont détournés de l’Evangile proclamé par Paul. Cet Evangile, c’est
que le Christ seul nous sauve et nous rend libre. C’est cela la fierté de
Paul : être sauvé par grâce, être sauvé sans qu’il ait fait quelque chose
pour, juste parce qu’il a accueilli le Ressuscité dans sa vie et que désormais
il en vit chaque jour. Les Galates se sont détournés de cet Evangile en
acceptant de passer à nouveau par la case circoncision, signe de l’Alliance
mosaïque. Pour Paul, si la circoncision (c'est-à-dire un acte posé par l’homme)
devient obligatoire pour être sauvé, alors la croix de Jésus ne sert à rien,
l’Evangile proclamé devient inutile. Paul ne mettra pas sa fierté dans les
actes qu’il peut poser, mais dans la croix de Jésus. Par elle, le monde est
crucifié pour moi, et moi pour le monde, s’empresse-t-il de rajouter. Il
affirme ainsi que les séductions du monde n’ont pas de prise sur lui ; il
n’est attiré que par le Christ. Paul dénonce déjà la fameuse mondanité que le
Pape François n’aura eu de cesse de fustiger durant son pontificat. Un chrétien
ne peut pas se compromettre avec le monde pour être confortable ou accepté.
Que la croix de
notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Il faut comprendre
le monde à l’époque de Paul. Il est bien placé pour savoir que les chrétiens ne
sont pas les bienvenus. Il a fait l’expérience, durant ses voyages, de la
persécution par ceux qui considèrent que cette voie nouvelle est un
danger : un danger pour les Juifs dont les premiers Apôtres et Paul sont
issus. S’ils ont du succès, les synagogues vont se vider ; ce n’est pas
bien, ça ! Ils sont un danger pour l’empire romain dont ils ne
reconnaissent pas l’empereur comme un Dieu. Les motifs de les poursuivre sont
nombreux et les chrétiens savent qu’ils peuvent risquer gros. Pour Paul
d’ailleurs, si certains prônent le retour à la circoncision, ce n’est pas tant
par amour de la Loi de Moïse que pour éviter justement la persécution. Un petit
arrangement entre amis ; en cas de soupçon, je peux montrer dans ma chair
que je ne suis pas chrétien.
Que la croix de
notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Vous comprenez
alors que cette dissimulation est insupportable à Paul. Sur la croix, Jésus
nous a tout donné, et nous, par accommodement avec le monde, nous cacherions
notre appartenance au Christ ? Sur la croix, Jésus nous a tout donné, et
nous, par confort personnel, nous ferions comme si de rien n’était. Quand la
situation devient difficile pour l’Eglise, nous oserions dire : le
Christ ? non, désolé, je ne connais pas ! Sur la croix, Jésus nous a tout donné, et
nous, par crainte d’être stigmatisés ou moqués, nous cacherions nos
croix et notre appartenance au Christ ? Pour Paul, cela reviendrait à
redevenir esclave du monde alors que le Christ nous en a libéré justement. Si
tu veux vivre libre, il ne faut pas cacher le Christ, il faut affirmer qu’il
est ta fierté.
Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Et nous nous rendons compte alors que cette vieille lettre aux Galates a un discours très moderne, et que ce discours nous concerne et concerne l’Eglise de notre temps. Il est évident que l’Eglise traverse un moment de tempête. La préconisation récente dans un rapport parlementaire de la suppression du secret de confession, l’affirmation d’un homme politique français accusant les chrétiens de jeter de l’huile sur le feu en faisant (au 21ème siècle encore) la promotion du Christ, comme s’il était désormais incongru voire interdit d’en parler pour préserver la paix sociale, les attaques répétées contre l’Enseignement catholique et son Secrétariat général, tout cela participe d’une déstabilisation de l’Eglise. Et de nombreux chrétiens se font dès lors discrets, quand ils ne se mettent pas à crier encore plus forts, pour qu’on les exonère de leur caractère chrétien et qu’on leur fiche la paix. La croix du Christ fait leur fierté dans l’intimité de leur chambre peut-être, mais dans la rue, dans le monde, il ne faut surtout pas le faire remarquer. Et tant pis si leur liberté d’expression en prend un coup ; et tant pis si leur liberté de s’associer en est diminuée ; et tant pis si on fait disparaître l’Eglise confessante. Je me débrouille avec Jésus comme je me débrouille avec le monde ; ni vu, ni connu, ni embêté. La paix, quoi ! Paul nous redit aujourd’hui, comme il l’a dit aux Galates : Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. L’est-elle pour nous, aujourd’hui, ici rassemblés ?
Monseigneur Elchinger, qui avait aussi le sens de la formule, avait dit que l’Evangile n’est pas une tisane pieuse à boire le soir au coin du feu, mais c’est de la dynamite ! Il fait exploser les cadres étroits de notre existence pour mettre le Christ au cœur de notre agir, au cœur de notre pensée. En ces temps de crise, puissions-nous garder la croix de notre Seigneur Jésus Christ comme seule fierté. Si nous l’avions fait dans le passé, l’Eglise ne serait pas en crise aujourd’hui et serait resté pour tous le phare qui illumine le monde et lui rend sa liberté en toute chose. En remettant le Christ au cœur de notre vie publique, nous pourrons voir à nouveau Satan tomber du ciel comme l’éclair ; nous pourrons voir à nouveau nos noms inscrits dans les cieux. Amen.